Oui, cet argument est connu, on l'entend depuis longtemps : ne peuvent réfléchir à l'élaboration politique que ceux qui ont l'intégralité des retours venant des activités dites de boite.
Et voilà écartés de la réflexion tous les autres. Ils ont l'obligation de faire confiance à l'analyse produite par ces privilégiés.
Privilégiés qui n'ont pas produit le début d'une analyse du turnover militant post-Laguiller/Besancenot. "C'est la période". "C'est la pression petite-bourgeoise". C'est au mieux une photographie, mais certainement pas une compréhension historique.
Zelda a raison : Nous avons aujourd'hui accès à des quantités d'information phénoménales. Dans "Que Faire", Lénine disait que le journal permettait aux militants de s'emparer de ce travail d'élaboration politique, avec la connaissance des événements propres à la lutte de classe. N'importe qui avec internet a aujourd'hui une vision autrement plus globale, et immédiate.
Et par ailleurs, tant pis si la production de l'analyse par l'intermédiaire des retours des sections écarte de fait une immense part des milieux populaires et des classes moyennes. Le biais sauterait aux yeux de n'importe quel apprenti sociologue : le milieu se construit un entourage qui valide ce biais, et écarte toute indication contraire. C'est une mécanique connue de conservation de toute organisation. Pas de chômeur. Pas d'employé mcdo. Pas de chauffeur Uber. Pas de mère au foyer. Je force à peine le trait.
Ca me rappelle une anecdote assez vieille, mais qui me revient parfois. Je me souviens que lors d'une vente de LO, un copain m'avait dit que je devais être le seul du milieu LO à écouter du hip-hop. C'était largement vrai (moins vrai ailleurs). Quel genre de parti ouvrier peut-on construire quand on est à tel point, culturellement et sociologiquement, étranger à ce qui est si important pour les jeunes prolos ?
Quand je vois la sociologie des manifestations, je ne décolère pas. C'est vieux, c'est blanc, c'est entre potes. Un entre-soi amical qui reproduit de vieilles oppressions. Ca ne ressemble pas du tout à ceux qui peuvent changer le monde.
A la fin, cela produit une analyse atemporelle en réalité, toujours identique : le parti ouvrier se construira sur les succès d'estime accumulés lors d'échéances électorales, et que le résultat desdites élections varie du simple au sextuple, cela ne change pas les analyses. Pression du vote utile. Importance des revendications "transitoires". Pour Convergences, l'importance de l'unité de révolutionnaires qui ne se parlent pas. Toute revendication hors de la lutte de classe, à l'exception du féminisme, sont des diversions bourgeoises. J'en passe.
Alors sur ce texte de Convergences, non, le problème n'est pas que le NPA n'a pas la politique de LO, ou alors LO aurait aussi des résultats tout autres, et poser la question de comment capitaliser sur un "succès" fantasmé est très éloigné de la réalité. Ce texte dit qu'une "campagne réussie" a eu lieu et que ça avancerait si le NPA était LO. Ca me flingue. Une bonne appréciation commencerait par comparer 2002 et 2017 : la taille des manifestations, les résultats du FN, le poids et le discours de la gauche, le discours de la droite (qui faisait encore semblant de parler de social), la taille des organisations, et j'en passe.
Manitas, je réagis à un texte intitulé "Le succès tuerait-il le succès ?".
Tu m'expliqueras en quoi ce titre n'est déjà pas une erreur d'appréciation du moment présent. Parce que pour les travailleurs de France, la mesure du succès politique, ce n'est pas quelques poignées de contacts pris par des organisations marginalisées et de moins en moins connues.