Trotsky 1930 a écrit :La question nationale
L'avant-garde prolétarienne fait-elle sien le mot d'ordre de la partition de la Catalogne ? S'il est l'expression de la majorité de la population, oui. Mais comment cette volonté peut-elle s'exprimer ? Par un plébiscite libre, ou, par une assemblée de représentants de la Catalogne, ou par la voix des principaux partis que suivent les masses, ou enfin par un soulèvement national de la Catalogne. Cela nous démontre de nouveau, notons-le en passant, quelle erreur réactionnaire ce serait de la part du prolétariat que de renoncer aux mots d'ordre démocratiques. Jusqu'au moment où la volonté de la minorité nationale ne s'est pas exprimée, le prolétariat ne fera pas sien le mot d'ordre de partition, mais il garantit d'avance, ouvertement, son appui intégral et sincère à ce mot d'ordre dans la mesure où il exprimerait la volonté avérée de la Catalogne.
Il est évident que les ouvriers catalans auront leur mot à dire sur cette question. S'ils arrivaient à la conclusion qu'il serait inopportun de disperser leurs forces, dans les conditions de la crise actuelle qui ouvre au prolétariat espagnol les voies les plus larges et les plus prometteuses, les ouvriers catalans devraient mener une propagande en faveur du maintien de la Catalogne, sur des bases à déterminer, au sein de l'Espagne; quant à moi, je pense que le sens politique suggère une telle solution. Elle serait provisoirement acceptable, même pour les séparatistes les plus acharnés, puisqu'il est clair qu'en cas de victoire de la révolution, il serait infiniment plus facile qu'aujourd'hui de parvenir à l'autodétermination de la Catalogne, ainsi d'ailleurs que des autres régions.
En appuyant tout mouvement réellement démocratique et révolutionnaire des masses populaires, l'avant-garde communiste mène une lutte sans compromis contre la bourgeoisie soi-disant républicaine, démasquant sa perfidie, son double jeu et son caractère réactionnaire, et résistant à ses efforts pour soumettre à son influence les classes laborieuses.
Quelles que soient les conditions extérieures, les communistes ne renoncent jamais à leur liberté de mouvement. Pendant une révolution, ne l'oublions pas, de telles tentations ne manquent pas : l'histoire tragique de la révolution chinoise en est une preuve accablante. Mais, tout en sauvegardant la pleine indépendance de leur organisation et de leur propagande, les communistes appliquent sans réserve la politique de front unique, à quoi la révolution ouvre un large champ.
https://www.marxists.org/francais/trots ... 00525b.htmTrotsky 13 juillet 1931 a écrit :La question nationale en Catalogne
Encore au sujet des questions actuelles de la révolution espagnole
Ainsi Maurin, le "chef" du Bloc ouvrier et paysan, partage le point de vue du séparatisme. Après quelques hésitations, il s'est détermine en tant qu'aile gauche du nationalisme petit-bourgeois. J'ai déjà écrit que le nationalisme petit-bourgeois catalan est, au stade actuel, progressif. Mais à une condition : qu'il développe son activité hors des rangs du communisme, et qu'il se trouve toujours ainsi sous les coups de la critique des communistes. Au contraire, permettre au nationalisme petit-bourgeois de se manifester sous le masque communiste signifie en même temps porter un coup perfide à l'avant-garde prolétarienne et tuer la signification progressive du nationalisme petit-bourgeois.
Que signifie le programme du séparatisme ? Le démembrement économique et politique de l'Espagne ou, en d'autres termes, la transformation de la péninsule ibérique en une sorte de péninsule balkanique, avec des Etats indépendants, divisés par des barrières douanières, ayant des armées indépendantes et menant des guerres hispaniques "indépendantes". Bien entendu, le sage Maurin dira que ce n'est pas cela qu'il veut. Mais les programmes ont leur logique, ce dont manque Maurin...
Les ouvriers et les paysans des différentes parties de l'Espagne sont-ils intéressés au démembrement économique du pays ? En aucun cas. C'est pourquoi identifier la lutte décisive pour le droit à l'autodétermination avec la propagande pour le séparatisme constitue un travail néfaste. Notre programme est la Fédération hispanique avec le maintien indispensable de l'unité économique. Nous n'avons pas l'intention d'imposer ce programme aux nationalités opprimées de la péninsule à l'aide des armes de la bourgeoisie. En ce sens, nous sommes sincèrement pour le droit à l'autodétermination. Si la Catalogne se séparait du reste de l'Espagne, la minorité communiste de Catalogne, comme celle d'Espagne, devrait combattre pour une Fédération.
Dans les Balkans, c'est encore la vieille social-démocratie d'avant guerre qui a mis en avant le mot d'ordre de Fédération balkanique démocratique, comme issue à la situation de fous créée par le morcellement des Etats. Aujourd'hui, le mot d'ordre communiste dans les Balkans est celui de la Fédération balkanique des soviets (à propos, l'I.C. a adopté le mot d'ordre de la Fédération soviétique balkanique, mais a rejeté en même temps ce mot d'ordre pour l'Europe !). Pouvons-nous, dans ces conditions, faire nôtre le mot d'ordre de la balkanisation de la péninsule ibérique ? N'est-ce pas monstrueux ?
Les syndicalistes - tout au moins certains de leurs chefs - ont déclaré qu'ils lutteront contre le séparatisme, au besoin les armes à la main. Dans ce cas, communistes et syndicalistes se trouveraient chacun d'un côté de la barricade, parce que, sans partager les illusions séparatistes et tout en les critiquant au contraire, les communistes doivent s'opposer impitoyablement aux bourreaux de l'impérialisme et à ses laquais syndicalistes.
Si la petite bourgeoisie en arrivait - contre les conseils et la critique des communistes - à démembrer l'Espagne, les résultats négatifs d'un tel régime ne tarderaient pas à se manifester. Les ouvriers et les paysans des différentes parties de la péninsule arriveraient vite à cette conclusion : oui, les communistes avaient raison. Mais cela signifie précisément que nous ne devons pas assumer la moindre parcelle de responsabilité dans le programme de Maurin...
https://www.marxists.org/francais/trots ... 10713a.htm