Dans LDC de décembre 2017. Discussion au congrès de LO :
Voz obrera (Espagne) a écrit :On ne peut pas séparer la crise catalane de la situation générale de toute l’Espagne, de l’aggravation de la situation de crise économique à l’échelle de tout le pays. Celle-ci a des conséquences pour les classes populaires dans toutes les autonomies, les grandes régions du pays. [...]
La crise catalane
La crise politique en Catalogne est devenue nationale et déchaîne les passions. Le gouvernement de Catalogne était composé de membres de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), le parti de centre-gauche traditionnellement indépendantiste, et le Parti démocrate européen catalan (PDeCAT), parti de droite, nationaliste et maintenant indépendantiste. Ce gouvernement était appuyé par la Candidature d’unité populaire (CUP), gauche anticapitaliste. Il a décidé de suivre sa feuille de route vers l’indépendance, premièrement en organisant un référendum que l’État central avait interdit, et ensuite, au vu des résultats, en proclamant la République catalane. Le gouvernement catalan s’affrontait directement de ce fait au gouvernement central de Rajoy.
Ce dernier a envoyé en Catalogne des bateaux remplis de policiers et de gardes anti-émeutes, réussissant ainsi à étouffer le désir de larges secteurs de la population de choisir son avenir politique.
Le mécontentement populaire qui existe en Catalogne, du fait de la crise et de l’austérité, existe dans toute l’Espagne. En Catalogne il a été conduit vers le souverainisme par les manœuvres des uns et des autres, aussi bien les politiciens catalanistes que les politiciens dits espagnolistes ou unionistes. Un match entre voleurs, c’est ainsi que nous le résumons.
La conséquence, c’est la polarisation de la société catalane en deux moitiés et un appui généralisé au gouvernement de Rajoy dans le reste du pays. Cela a permis de faire passer au second plan la réalité sociale, la corruption et la politique antiouvrière des uns et des autres. Voilà pour résumer une situation qui a été très mouvante au jour le jour, avec une véritable hystérie d’accusations et de contre-accusations. Le discrédit de Rajoy a disparu ; il sort de cette crise renforcé, appuyé en plus par les socialistes et le parti de centre droit Ciudadanos.
Le pire est que l’indépendantisme a renforcé l’extrême droite qui, en raison de notre passé récent, des quarante ans de dictature, n’apparaissait pas ouvertement jusqu’à aujourd’hui, ce qui peut donner une idée de la droitisation qui s’est produite en Espagne. Pour la première fois depuis la mort de Franco on a vu des drapeaux monarchistes en quantité significative aux balcons des quartiers populaires. Y compris en Catalogne le conflit a permis à la droite espagnoliste et à certaines personnalités socialistes, d’organiser des mobilisations massives pour l’unité de l’Espagne et de créer un état d’esprit d’hostilité active à l’indépendance parmi la population catalane non souverainiste.
Il est certain qu’en dehors des manœuvres politiciennes des uns et des autres pour le pouvoir et le contrôle des institutions, il existe également une mobilisation populaire en faveur de l’indépendance qui répond et s’affronte à la politique antisociale qu’a menée le PP contre la population. Cependant le nationalisme est un piège qui ne peut mener qu’à une impasse les travailleurs et les classes populaires en Catalogne et dans le reste du pays. Les bénéficiaires de cette situation sont la bourgeoisie et ses partis politiques, qui s’affrontent pour le contrôle de secteurs de l’appareil d’État et des bénéfices qu’ils peuvent en retirer au travers des différents budgets. Le problème est que l’indépendantisme est appuyé en Catalogne par une fraction importante de la population.
Cette situation génère une tension, un antagonisme parmi les classes populaires. À la montée du catalanisme répond celle de l’espagnolisme. On disait souvent que Franco, par sa répression, avait fait plus que n’importe qui pour la montée du catalanisme ; c’est vrai aujourd’hui pour Rajoy.
Le capitalisme en Espagne comme en Catalogne a parié sur les sentiments patriotards pour imposer la même politique, la même exploitation au profit de la bourgeoisie. Son outil le plus efficace : dresser les travailleurs et les classes populaires les uns contre les autres et dévier la crise économique et sociale sur son terrain.
C’est précisément cette crise économique et sociale qui a déterminé, en dernière analyse, le virage de la droite catalaniste et de sa base petite-bourgeoise vers l’indépendantisme. Cette fuite en avant leur a permis de se mettre à la tête de la mobilisation et de se poser en victimes du vieil autoritarisme issu du franquisme de l’État espagnol et du gouvernement de Rajoy. Avec Puigdemont en Belgique, dans son exil d’opérette, et une partie de ses ministres en prison ou devant les tribunaux, le climat s’est dégradé. Ils sont déjà tous en campagne électorale, puisque Rajoy a convoqué des élections régionales en Catalogne pour le 21 décembre.
Le processus catalan n’aurait pas eu d’autre répercussion que les manœuvres politiciennes des partis s’il n’y avait pas eu une mobilisation réelle et massive, depuis plusieurs années, en faveur de l’indépendantisme. Cette orientation s’est concrétisée par une lutte pour le droit d’organiser un référendum dont le résultat aurait force de loi, puis par l’organisation du référendum du 1er octobre de cette année, la résistance aux tentatives de Rajoy d’empêcher ce référendum par la force, et l’opposition à l’article 155 de la Constitution, qui a permis de dissoudre le Parlement catalan, de convoquer de nouvelles élections et de mettre en prison une partie du gouvernement catalan.
Une mobilisation sur le terrain de la bourgeoisie
Cette mobilisation populaire pour l’organisation d’un référendum s’est faite au travers de Comités de défense du référendum, les CDR, transformés ensuite en Comités de défense de la République. Dans beaucoup de quartiers populaires, de petites villes et de villages, ces comités ont organisé le référendum, résisté à la police et participé aux grandes manifestations. Cela a donné un caractère populaire à l’organisation du référendum. Au cours de la dernière grève, mercredi 8 novembre, ils ont coupé des routes et des voies ferrées. Mais ces comités citoyens, qui regroupent des gens de sensibilités politiques diverses, ne sont pas allés au-delà des simples revendications démocratiques et indépendantistes, avec une absence totale de perspective de classe.
Le monde du travail est resté à la marge, dans sa grande majorité, en tant que classe. Cela ne signifie pas qu’il n’a pas participé, individuellement, aux mobilisations. Mais ses intérêts, ses nécessités et ses revendications propres ne sont pas apparus. On peut même dire qu’ils ont été masqués par toute la crise politique et la répression du gouvernement central... et catalan. Pour donner un exemple, dans quelques jours, six participants à un piquet de grève en 2012 seront jugés sur la demande de l’entreprise Starbook et des institutions catalanes, qui demandent six ans de prison. Pendant ce temps, tout ce qui apparaît dans les médias ce sont les prisonniers politiques catalanistes.
Le nationalisme n’est pas seulement une impasse pour le monde du travail, c’est décidément un poison très dangereux, qui n’hésite pas à recourir au mépris envers les autres et qui comprend y compris parfois un certain racisme dans bon nombre de ses arguments.
En tant que groupe politique nous sommes restés pratiquement seuls à défendre les idées communistes et internationalistes. La majorité des groupes d’extrême gauche se sont mis à la remorque des mobilisations indépendantistes en prétendant que la Catalogne est opprimée et que cette mobilisation populaire va affaiblir la droite espagnole, voire la monarchie. Des courants parlent même d’une révolution catalane. […]
Nous sommes certains que tôt ou tard le monde du travail se manifestera par ses luttes et mettra en échec les stratégies de la bourgeoisie avec ses nationalismes, ouvrant ainsi des perspectives de lutte pour le communisme. Bon courage dans votre travail militant, camarades, l’avenir appartient à notre classe, la classe ouvrière.