Combat Ouvrier a écrit :Esclavage. Derrière les commémorations
En Martinique, comme en Guadeloupe, et dans l’hexagone, pendant chaque mois de mai une série de manifestations sont organisées pour commémorer la lutte des esclaves pour l’abolition. La tradition a été respectée cette année encore. Pourtant, pendant longtemps, le gouvernement français, les riches familles békées, des notables, ont tout fait pour occulter cette partie de l’histoire antillaise. Ces journées de commémoration ont été arrachées par la lutte des organisations communistes, nationalistes et communistes révolutionnaires comme la nôtre. Elles l’ont été par ceux-là mêmes qui hier étaient désignés comme de dangereux activistes.
Il y a de quoi écarquiller les yeux de voir aujourd’hui un préfet s’incliner devant la stèle de Delgrès au Matouba. On se demande si on ne rêve pas lorsqu’on entend les télés et radios d’État outre-mer rappeler l’histoire des « neg mawon ». Voir Bernard Hayot, descendant d’une famille d’esclavagistes, l’homme le plus riche des Caraïbes, exploiteur de milliers de travailleurs dans ses entreprises de Martinique et de Guadeloupe, participer le 23 mai dernier à la manifestation commémorative de Paris, cela est risible. Toute une série de notables antillais et hexagonaux s’est retrouvée comme lui au ministère des outremers ce jour-là.
Pour nous, révolutionnaires communistes, le sens de ces commémorations, leur symbolique, doit rappeler le combat des exploités du passé pour servir la lutte de ceux d’aujourd’hui. Pour les esclaves modernes que sont les travailleurs, la lutte des esclaves du passé est la preuve que le combat contre la domination et l’exploitation des possédants d’aujourd’hui est non seulement possible, mais qu’il triomphera.
Ce n’est pas le sens que donnent tous ces notables aux commémorations. Pour eux, il s’agit d’un passé révolu. Pour nous, c’est un passé qui rappelle l’exploitation d’aujourd’hui, même si les travailleurs d’aujourd’hui ne sont plus légalement du bétail ou du « bois d’ébène ». Et puis nous ne sommes pas du même monde. Nous ne sommes pas du monde des Hayot, et du ministère de l’outre-mer, mais de celui des travailleurs et des pauvres d’aujourd’hui. Nous ne sommes pas du côté des hypocrites qui en commémorant les dates symboles de la lutte des esclaves veulent faire oublier leur différence de classe d’aujourd’hui, leur domination sur les travailleurs d’aujourd’hui, leur mépris des pauvres.
Quant aux directions des organisations politiques et syndicales nationalistes, elles ne donnent pas non plus le même sens que nous, révolutionnaires communistes, à ces commémorations. Elles utilisent ces événements, certes pour rappeler l’histoire, ce qui est bien, mais elles tentent aussi de forger au sein de la population un sentiment national, qu’elles espèrent être dans l’avenir le levain d’une lutte pour l’autonomie, l’indépendance, la création d’un pouvoir ou d’un État guadeloupéen toutes classes confondues.
Or l’unité de classes ne signifie pas autre chose que domination de la classe la plus puissante sur celle des travailleurs et des pauvres. Les véritables descendants des esclaves du passé, socialement, ce sont les travailleurs et les Noirs pauvres d’aujourd’hui. Ce ne sont pas les médecins, les avocats et autres notables noirs et, puisqu’il faut le rappeler, encore moins les descendants des esclavagistes d’autrefois. Ce sont les esclaves modernes d’aujourd’hui, les travailleurs salariés qui devront s’émanciper eux-mêmes, forger leur propre organisation politique totalement indépendante des autres classes qui les dominent. C’est ainsi qu’ils se libèreront de leurs chaînes modernes, celles qui les obligent à travailler juste pour survivre pendant que les nouveaux maîtres comme Hayot tirent profit de leur travail pour accumuler encore de fabuleuses richesses.