par Plestin » 13 Juil 2018, 08:03
Des gens pour rappeler que "l'humanité" peut faire ça, il y en a à la pelle. C'est même la façon habituelle dont les politiciens de gauche et de droite brouillent les pistes. Cela alimente leur prétendu "devoir de mémoire" qui ne se conçoit qu'à condition de construire un faux souvenir, tronqué et expurgé de toute explication claire, et replacé sur le strict terrain de la morale et/ou de l'humanisme. Avec en prime une espèce de culpabilité universelle, "nous en sommes tous capables" et donc pour éviter que ça se reproduise "il faut s'en souvenir". Tout ce que ça donne, c'est des gens qui ne comprennent rien à rien et qui ne risquent surtout pas de tirer les bonnes leçons de tels événements (tout ce qu'on leur demande c'est de bien voter).
Le capitalisme a intrinsèquement besoin de créer des divisions qui soient sur d'autres bases que les bases de classe, et subordonner la classe travailleuse à ses propres bourgeois, pour garantir la pérennité du système. C'est pour cela qu'il met en avant les "nations", et c'est aussi pour cela qu'il multiplie les divisions à l'intérieur de la classe ouvrière et plus largement au sein des classes populaires, en fonction de la nationalité, l'origine, la religion, le sexe, l'âge, l'appartenance à tel ou tel groupe, le statut... C'est un instrument efficace de neutralisation de la classe ouvrière. En période de crise économique et politique, cela permet de jeter certaines fractions de la population les unes contre les autres et de détourner la colère des vrais responsables. Cela peut en rester au stade du discours avec des conséquences limitées, comme cela peut conduire au génocide.
Mais pour trouver ce genre d'explication dans le discours des politiciens ou les manuels scolaires, on peut toujours courir... Ce serait le contraire de l'objectif qu'ils se donnent.
Le cas particulier de la politique génocidaire du nazisme envers les Juifs se distingue certes par son ampleur, mais n'est pas totalement à part d'autres génocides quant aux mécanismes de sa mise en place, contrairement à ce que certains adeptes du mot "Shoah" voudraient faire croire. On est parfaitement dans le détournement de la colère d'une population allemande humiliée, exploitée, blessée par la première guerre mondiale et victime d'une violente crise économique, vers un bouc-émissaire. Puis, lors de l'avancée des troupes allemandes vers l'Est, même chose avec une population ayant souffert du stalinisme en Ukraine, dans les pays Baltes etc. et l'ayant vécu comme une oppression nationale et considérant les Juifs comme alliés du pouvoir "soviétique".
Ce qu'il y a de particulier dans l'avènement du nazisme, juste après le début de la crise de 1929, c'est le contexte de peur panique de la bourgeoisie qu'une révolution comme en 1917 en Russie puisse survenir, et sa volonté croissante d'en finir avec le mouvement ouvrier et ses organisations. Aussi pour une raison de coût : en période de crise, la bourgeoisie ne voulait plus assumer les faux frais de l'entretien des multiples structures même les plus réformistes (syndicats et galaxie d'associations et d'organisations gravitant autour de la social-démocratie). Enfin, c'est la paralysie du mouvement ouvrier par la social-démocratie et le stalinisme, bloquant toute issue révolutionnaire à la crise. Issue : l'extermination simultanée du mouvement ouvrier (non inclus dans la "Shoah") et des Juifs, sans parler des Tziganes, des homosexuels, des handicapés etc. (exclus eux aussi de la dénomination "Shoah"). La fin du mouvement ouvrier arrangeait évidemment le patronat, et la disparition de la petite et moyenne bourgeoisie juive permettait à son homologue allemande de prendre sa place et de se partager ses biens.
Le caractère industriel de cette élimination physique est apparu progressivement, face à la quantité croissante de gens exécutés et de cadavres à gérer, par exemple lors de la conquête de l'Ukraine : ranger les morts les uns sur les autres pour qu'ils prennent moins de place (le "Sardinen Packung") puis mettre en place tout un système efficace d'élimination sous forme de camps d'extermination. Un système qui était aussi l'aboutissement d'autres processus démarrés par ailleurs (de 1939 à 1941, 6 centres de gazage avaient été créés pour l'élimination des handicapés dans l'objectif de "renforcer la race allemande"). Face à l'afflux du nombre de morts, de gens à tuer (les personnes trop faibles ne pouvant plus travailler dans les camps de concentration par exemple) et à certaines difficultés matérielles (impossible de creuser des fosses communes l'hiver dans les sols gelés), certains camps de concentration ou de nouveaux camps, se sont orientés vers l'extermination à grande échelle.
Les causes de ces événements - les contradictions internes au capitalisme - existent toujours et sont toujours susceptibles de produire les mêmes effets, même si ça ne sera pas nécessairement sur les Juifs la prochaine fois.
D'ailleurs, depuis, il y a eu d'autres génocides et nos beaux "démocrates" français, notamment du PS, ont une responsabilité écrasante dans le génocide rwandais. Le mécanisme a été différent (pas de mouvement ouvrier à craindre) mais reste parfaitement lié à une question d'intérêt du capital, celle de préserver le pré carré de l'impérialisme français dans la région. Une haine hutus / tutsis avait été créée de toutes pièces par le colonialisme belge pour mieux exploiter la région, puis a été relayée par la France qui avait succédé à la Belgique comme puissance dominante de la région. Pour des raisons de maintien d'un pouvoir en place permettant à la France de contrôler les frontières du Congo, la haine contre les tutsis extérieurs voulant renverser le régime a été attisée et sciemment étendue à celle des tutsis de l'intérieur ce qui a conduit à leur massacre. Moins industriel certes, mais tout aussi efficace.
Quels sont les adeptes du "devoir de mémoire" capables d'expliquer la genèse de tous ces phénomènes ? Aucun. Ils préfèrent se raccrocher à la prétendue nature humaine.