Claude Lanzmann

Re: Claude Lanzmann

Message par com_71 » 12 Juil 2018, 18:52

Zelda_Zbak a écrit :j'ai toujours un respect infini pour ceux qui s'emparent du thème de la Shoah pour rappeler que oui, l'humanité peut aussi faire ça... Et que moins on y pense, plus ça risque de se reproduire. .


Comment peux-tu écrire ça ?
Trotsky décembre 1938 a écrit :Il est possible d'imaginer sans difficulté ce qui attend les Juifs dès le début de la future guerre mondiale. Mais, même sans guerre, le prochain développement de la réaction mondiale signifie presque avec certitude l'extermination physique des Juifs.


... et il n'était quand même pas seul à le penser. Alors ? Les "penseurs" n'étaient pas assez nombreux ? Ils auraient du y penser "plus" ?

Au fait, il écrit (en russe) "extermination". Ce n'est pas par hasard que Lanzmann a pris son titre (Shoah), dans la langue officielle de l'état d'Israël, qui n'était pas la langue maternelle des victimes.
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Re: Claude Lanzmann

Message par Zelda_Zbak » 13 Juil 2018, 07:09

Merci des infos Com. Tu peux me donner le lien vers l'article complet de Trotsky ?
Ou mieux encore, vers une brochure de Trotsky sur la question juive ?

Pour te répondre :
1) Shoah : cela ne me choque pas d'aller chercher un nom hébreu pour le lexique. Les victimes ont bien été assassinées parce qu'elles étaient juives, l'hébreu est la résurrection d'une unité juive, d'une nation juive, et non de juifs éclatés en diaspora. Le yiddish étant un dialecte allemand, je comprends aussi la volonté de ne pas ancrer la culture juive dans la culture allemande... Bref, moi, ça me va, l'appellation "Shoah".

2) Tu as bien compris (et c'est ce qui te choque) que je reprends à mon compte l'idée du "devoir de mémoire".
Alors je te retourne la question : que proposes-tu à la place ? Je ne comprends pas bien.

PS : j'ai lu l'article de Bordiga que tu m'as mis l'autre jour. Je n'y ai rien compris.
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Message par Byrrh » 13 Juil 2018, 07:56

Donner une seconde vie à une langue quasi-morte, une langue de rabbins, c'était une façon de permettre à ces derniers une emprise future sur la nouvelle société. Cela s'est fait contre une autre langue, qui était transnationale, et qui était un peu trop celle des militants ouvriers juifs "sans dieu" et sans patrie d'Europe centrale.
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Re: Claude Lanzmann

Message par Plestin » 13 Juil 2018, 08:03

Des gens pour rappeler que "l'humanité" peut faire ça, il y en a à la pelle. C'est même la façon habituelle dont les politiciens de gauche et de droite brouillent les pistes. Cela alimente leur prétendu "devoir de mémoire" qui ne se conçoit qu'à condition de construire un faux souvenir, tronqué et expurgé de toute explication claire, et replacé sur le strict terrain de la morale et/ou de l'humanisme. Avec en prime une espèce de culpabilité universelle, "nous en sommes tous capables" et donc pour éviter que ça se reproduise "il faut s'en souvenir". Tout ce que ça donne, c'est des gens qui ne comprennent rien à rien et qui ne risquent surtout pas de tirer les bonnes leçons de tels événements (tout ce qu'on leur demande c'est de bien voter).

Le capitalisme a intrinsèquement besoin de créer des divisions qui soient sur d'autres bases que les bases de classe, et subordonner la classe travailleuse à ses propres bourgeois, pour garantir la pérennité du système. C'est pour cela qu'il met en avant les "nations", et c'est aussi pour cela qu'il multiplie les divisions à l'intérieur de la classe ouvrière et plus largement au sein des classes populaires, en fonction de la nationalité, l'origine, la religion, le sexe, l'âge, l'appartenance à tel ou tel groupe, le statut... C'est un instrument efficace de neutralisation de la classe ouvrière. En période de crise économique et politique, cela permet de jeter certaines fractions de la population les unes contre les autres et de détourner la colère des vrais responsables. Cela peut en rester au stade du discours avec des conséquences limitées, comme cela peut conduire au génocide.

Mais pour trouver ce genre d'explication dans le discours des politiciens ou les manuels scolaires, on peut toujours courir... Ce serait le contraire de l'objectif qu'ils se donnent.

Le cas particulier de la politique génocidaire du nazisme envers les Juifs se distingue certes par son ampleur, mais n'est pas totalement à part d'autres génocides quant aux mécanismes de sa mise en place, contrairement à ce que certains adeptes du mot "Shoah" voudraient faire croire. On est parfaitement dans le détournement de la colère d'une population allemande humiliée, exploitée, blessée par la première guerre mondiale et victime d'une violente crise économique, vers un bouc-émissaire. Puis, lors de l'avancée des troupes allemandes vers l'Est, même chose avec une population ayant souffert du stalinisme en Ukraine, dans les pays Baltes etc. et l'ayant vécu comme une oppression nationale et considérant les Juifs comme alliés du pouvoir "soviétique".

Ce qu'il y a de particulier dans l'avènement du nazisme, juste après le début de la crise de 1929, c'est le contexte de peur panique de la bourgeoisie qu'une révolution comme en 1917 en Russie puisse survenir, et sa volonté croissante d'en finir avec le mouvement ouvrier et ses organisations. Aussi pour une raison de coût : en période de crise, la bourgeoisie ne voulait plus assumer les faux frais de l'entretien des multiples structures même les plus réformistes (syndicats et galaxie d'associations et d'organisations gravitant autour de la social-démocratie). Enfin, c'est la paralysie du mouvement ouvrier par la social-démocratie et le stalinisme, bloquant toute issue révolutionnaire à la crise. Issue : l'extermination simultanée du mouvement ouvrier (non inclus dans la "Shoah") et des Juifs, sans parler des Tziganes, des homosexuels, des handicapés etc. (exclus eux aussi de la dénomination "Shoah"). La fin du mouvement ouvrier arrangeait évidemment le patronat, et la disparition de la petite et moyenne bourgeoisie juive permettait à son homologue allemande de prendre sa place et de se partager ses biens.

Le caractère industriel de cette élimination physique est apparu progressivement, face à la quantité croissante de gens exécutés et de cadavres à gérer, par exemple lors de la conquête de l'Ukraine : ranger les morts les uns sur les autres pour qu'ils prennent moins de place (le "Sardinen Packung") puis mettre en place tout un système efficace d'élimination sous forme de camps d'extermination. Un système qui était aussi l'aboutissement d'autres processus démarrés par ailleurs (de 1939 à 1941, 6 centres de gazage avaient été créés pour l'élimination des handicapés dans l'objectif de "renforcer la race allemande"). Face à l'afflux du nombre de morts, de gens à tuer (les personnes trop faibles ne pouvant plus travailler dans les camps de concentration par exemple) et à certaines difficultés matérielles (impossible de creuser des fosses communes l'hiver dans les sols gelés), certains camps de concentration ou de nouveaux camps, se sont orientés vers l'extermination à grande échelle.

Les causes de ces événements - les contradictions internes au capitalisme - existent toujours et sont toujours susceptibles de produire les mêmes effets, même si ça ne sera pas nécessairement sur les Juifs la prochaine fois.

D'ailleurs, depuis, il y a eu d'autres génocides et nos beaux "démocrates" français, notamment du PS, ont une responsabilité écrasante dans le génocide rwandais. Le mécanisme a été différent (pas de mouvement ouvrier à craindre) mais reste parfaitement lié à une question d'intérêt du capital, celle de préserver le pré carré de l'impérialisme français dans la région. Une haine hutus / tutsis avait été créée de toutes pièces par le colonialisme belge pour mieux exploiter la région, puis a été relayée par la France qui avait succédé à la Belgique comme puissance dominante de la région. Pour des raisons de maintien d'un pouvoir en place permettant à la France de contrôler les frontières du Congo, la haine contre les tutsis extérieurs voulant renverser le régime a été attisée et sciemment étendue à celle des tutsis de l'intérieur ce qui a conduit à leur massacre. Moins industriel certes, mais tout aussi efficace.

Quels sont les adeptes du "devoir de mémoire" capables d'expliquer la genèse de tous ces phénomènes ? Aucun. Ils préfèrent se raccrocher à la prétendue nature humaine.
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Message par Byrrh » 13 Juil 2018, 08:10

Merci Plestin.
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Re: Claude Lanzmann

Message par Zelda_Zbak » 13 Juil 2018, 10:02

Oui, merci Plestin.
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Re: Claude Lanzmann

Message par com_71 » 13 Juil 2018, 20:23

Zelda_Zbak a écrit :Merci des infos Com. Tu peux me donner le lien vers l'article complet de Trotsky ?

https://www.marxists.org/francais/trots ... 81222a.htm
et voilà le paragraphe suivant :
...Maintenant plus que jamais le destin du peuple juif — pas seulement leur destin politique, mais leur destin physique — est lié indissolublement à la lutte émancipatrice du prolétariat international. Seule une mobilisation courageuse des ouvriers contre la réaction, la constitution de milices ouvrières, la résistance physique directe aux bandes fascistes, une confiance en soi plus grande, activité et audace de la part de tous les opprimés, peuvent provoquer un changement dans le rapport des forces, arrêter la vague mondiale de fascisme et ouvrir un nouveau chapitre dans l'histoire de l'humanité.


Un texte de 1934 : https://www.marxists.org/francais/trots ... 340200.htm

Sur "Trotsky et la question juive", on peut consulter : http://mondialisme.org/spip.php?article269
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Re: Claude Lanzmann

Message par com_71 » 20 Juil 2018, 17:52

Zelda_Zbak a écrit : j'ai lu l'article de Bordiga que tu m'as mis l'autre jour. Je n'y ai rien compris.

C'est le dernier paragraphe qui est important.
Bordiga est connu pour sa "passion du communisme", qui n'est pas effacée par des prises de position tactiques malheureuses.
Il rappelle que dans le "communisme naturel et primitif", l'individu qui ne connaît pas l'individualisme est "prêt à s'im­moler sans la moindre peur pour la survie de la grande fratrie".
Il réaffirme que "dans le communisme qui ne s'est pas encore réalisé" l'individu sera libéré de toute contrainte autre que celles imposées par la vie rationnelle de l'espèce, et donc de la confrontation de celle-ci avec le reste de la nature. Et que cela implique la fin de toute angoisse d'un destin personnel ; "on reconquiert l'identité de l'individu et de son destin avec celle de l'espèce" et donc disparaît "toute crainte de la mort personnelle".

C'est un pari ? Peut-être, mais on ne peut pas l'opposer à la vision de Marx :
Marx, livre III du Capital a écrit :À la vérité, le règne de la liberté commence seulement à partir du moment où cesse le travail dicté par la nécessité et les fins extérieures ; il se situe donc par sa nature même, au-delà de la sphère de la production matérielle proprement dite.
Tout comme l’homme primitif, l’homme civilisé est forcé de se mesurer avec la nature pour satisfaire ses besoins, conserver et reproduire sa vie ; cette contrainte existe pour l’homme dans toutes les formes de société et sous tous les types de production. Avec son développement, cet empire de la nécessité naturelle s’élargit parce que les besoins se multiplient ; mais en même temps se développe le processus productif pour les satisfaire. Dans ce domaine, la liberté ne peut consister qu’en ceci : les producteurs associés – l’homme socialisé – règlent de manière rationnelle leurs échanges organiques avec la nature et les soumettent à leur contrôle commun au lieu d’être dominés par la puissance aveugle de ces échanges ; et ils les accomplissent en dépensant le moins d’énergie possible dans les conditions les plus dignes, les plus conformes à leur nature humaine. Mais l’empire de la nécessité n’en subsiste pas moins. C’est au-delà que commence l’épanouissement de la puissance humaine qui est sa propre fin, le véritable règne de la liberté qui cependant ne peut fleurir qu’en se fondant sur ce règne de la nécessité...

Ou à celle de Trotsky :
Trotsky 1932 a écrit :Quand il aura terminé avec les forces anarchiques de sa propre société, l’homme travaillera sur lui-même dans les mortiers, dans les cornues du chimiste. Pour la première, fois, l’humanité se considérera elle-même comme une matière première, et dans le meilleur des cas comme un produit semi-achevé physique et psychique. Le socialisme signifiera un saut du règne de la nécessité dans le règne de la liberté, aussi en ce sens que l’homme d’aujourd’hui plein de contradictions et sans harmonie frayera la voie à une nouvelle espèce plus heureuse.
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Re: Claude Lanzmann

Message par com_71 » 04 Sep 2018, 17:00

com_71 a écrit :Sur "Trotsky et la question juive", on peut consulter : http://mondialisme.org/spip.php?article269


Je viens de dénicher ça, mais ne l'ai pas encore lu.
http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php ... om_content
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Re: Claude Lanzmann

Message par yannalan » 04 Sep 2018, 20:04

La Lcr avait publié une petite brochure sur Trotski et la question juive dans les années 70. Sinon, il y a Abraham Léon, trotskyste belge mort en déportation qui avait écrit un ouvrage :
https://www.marxists.org/subject/jewish/leon/index.htm
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