Grève des postiers des Hauts-de-Seine

Grève des postiers des Hauts-de-Seine

Message par Byrrh » 02 Avr 2019, 20:13

Un an de grève des postiers du 92... Article paru hier sur le site Vice.com : https://www.vice.com/amp/fr/article/8xy ... yVHv_Lc93Y

Et une tribune signée par 365 personnes, dont Nathalie Arthaud et Jean-Pierre Mercier, publiée cet après-midi sur le site de Libération : https://www.liberation.fr/debats/2019/0 ... an_1718881

(demain dans l'édition "papier" ?)
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Re: Grève des postiers des Hauts-de-Seine

Message par Byrrh » 19 Juin 2019, 16:54

Article des Inrockuptibles, 18/06/2019 :

Société

Garde à vue, menace d'immolation : sueurs froides à La Poste des Hauts-de-Seine

par Mathieu Dejean

Figure de proue de la grève des postiers des Hauts-de-Seine, qui dure depuis 14 mois, le délégué syndical Gaël Quirante a passé 24 heures en garde à vue suite à l’occupation du siège de La Poste. Au même moment, un gréviste menaçait de s'immoler par le feu.

C’est sous une salve d’applaudissements nourris, et avec un soulagement non dissimulé que Gaël Quirante est sorti de garde à vue, ce 17 juin aux alentours de 14 heures. Ses amis et camarades n’ont pas ménagé leurs efforts pour obtenir son retour parmi eux : plusieurs organisations syndicales et politiques – dont le NPA, la France insoumise ou encore Lutte ouvrière – ainsi que le comité de soutien des postiers du 92 (Hauts-de-Seine), se sont mobilisées devant les locaux de la Sûreté territoriale (XIXe) et le commissariat du XVe arrondissement, où il a été successivement détenu pendant 24 heures.

Brochures politiques, textes de Trotski et badges perquisitionnés

Le dimanche 16 juin, aux alentours de 6 heures du matin, ce gréviste de 44 ans, délégué syndical à SUD PTT et militant politique au NPA, est interpellé à son domicile. “Au moins six policiers menaçaient d’utiliser un bélier si je n’ouvrais pas. Vous imaginez ce que ça fait. Je ne comprenais pas”, explique-t-il par téléphone. Les policiers lui annoncent son placement en garde à vue (GAV) pour “dégradation de biens publics” suite à une action syndicale. Dans la nuit du 14 au 15 juin, une cinquantaine de ses camardes et lui, en conflit avec la direction départementale de La Poste depuis plus d’un an sur la réorganisation des bureaux de poste et les conditions de travail, ont occupé le siège de l’entreprise à Paris.

Contactée par Les Inrocks, la direction nationale de La Poste nous fait savoir que le 14 juin, 66 individus ont “pénétré par effraction dans les locaux du siège de La Poste. Ils ont commis d'importantes dégradations, saccageant des bureaux et des équipements. Ce groupe n’a libéré les lieux que sur intervention des forces de l’ordre. Tous ont été contrôlés par la police et ont été ou vont être entendus dans le cadre de plaintes déposées par La Poste”. Selon la direction, de nombreuses actions sont menées contre La Poste depuis le licenciement de Gaël Quirante, “principal meneur du groupe”, condamné pour “séquestration”. Elle précise que ces actions “s’appuient sur un conflit local qui concerne un nombre limité de facteurs des Hauts-de-Seine, mobilisant moins de 5 % des postiers du département”.

Vers 3 h 45 du matin, la police a fini par expulser les occupants du bâtiment, comme le relate Gaël Quirante : “La police nous a proposé un contrôle d’identité et la possibilité de quitter les lieux librement avec la promesse qu’on serait reconvoqués ultérieurement – et pas cueillis chez nous, en mode perquisition et GAV au petit matin !”.

Au petit matin le 16 juin, son studio est en effet passé au peigne fin par les policiers, qui s’emparent de matériel politique, mais pas seulement : “Ils ont raillé la littérature qui était dans ma bibliothèque, ont pris des brochures politiques, des textes de Trotski, des badges, mon ordinateur, mon portable, ma tablette. Ils ont fait le tour des 19 mètres carrés de mon studio. Ils ont minutieusement pris des choses dont je ne comprends pas l’utilité pour l’enquête, comme des t-shirts de soutien aux postiers ou des tracts”.

“La question de la dégradation était intenable”


Durant sa première audition, le leader syndical, bien identifié comme un agitateur politique par la direction de La Poste (et même par le ministère du Travail, puisque Muriel Pénicaud avait autorisé son licenciement en mars 2018), dit avoir démontré que les dégradations au siège de La Poste ne peuvent pas être imputées aux grévistes. “Dans le cadre de ma première audition, la question de la dégradation était intenable. On s’est protégé. Ceux qui ont explosé une porte et une table à coups de masse et de bélier, c’est la police, qui refusait toute forme de discussion”, dit-il. Selon son récit des faits, étayé par des vidéos postées sur les réseaux sociaux, la police est intervenue en enfonçant une porte alors que les occupants s’étaient réfugiés dans une salle du 7e étage. “On a voulu un interlocuteur. La seule réponse : des policiers qui en mode Shining ont littéralement explosé la porte”, insiste-t-il.

Sa garde à vue est cependant prolongée. Lors d’une deuxième audition, le lendemain, une autre infraction lui est reprochée : celle de “violation de domicile”, là encore pour l’occupation du siège de La Poste. Mais alors que la mobilisation autour de sa GAV prend de l’ampleur, Gaël Quirante est finalement libéré : “J’ai été relâché, pour le moment sans aucune poursuite. On me demande de rester disponible à une convocation soit de la police, soit de la justice. Je suis sorti sans contrôle judiciaire ni date de procès, et sans aucune notification d’infraction”.

Un journaliste également placé en garde à vue

Ce dimanche matin, le syndicaliste n’a pas été le seul à être perquisitionné et placé en garde à vue. Un photographe et vidéaste du collectif OEIL, Leo Ks, a également été interpellé. “Lors de son interrogatoire, la police lui a reproché des faits de ‘dégradations au siège de La Poste’. Il a été libéré le jour même, un peu avant 20h”, décrit le collectif sur Twitter. Alors que des policiers tentaient d’empêcher les journalistes présents sur place de documenter l’occupation du lieu, “une unité d’intervention procédait à l’évacuation des grévistes, en fracassant la porte à coups de bélier et de masse”, relate encore le collectif, confirmant le récit de Gaël Quirante.

“Les policiers sont aussi allés chez un autre postier, et chez une camarade du Comité de soutien. Elle est sortie de GAV après moi le 17 juin. Le choix n’est pas anodin : des postiers meneurs du mouvement, des soutiens, un journaliste. On essaye de faire peur aux trois éléments de la grève”, soutient l’ami d’Olivier Besancenot.

Sous haute tension

D’après lui, il ne manque pourtant plus que “des choses minimales” pour que le protocole de fin de conflit soit enfin signé entre la direction de La Poste et les grévistes. “Ce qui est plus problématique, c’est le refus de la direction d’intégrer dans le protocole le fait qu’il n’y aura pas de nouvelles poursuites disciplinaires pour les 150 grévistes. Ils refusent de l’écrire. On ne fait pas un conflit de 15 mois pour tomber dans une logique revancharde après coup”, soutient le syndicaliste. Contactée, la direction de La Poste défend qu'elle s'inscrit dans une démarche de “dialogue social”, contrairement aux “individus qui se rendent coupables de ces exactions”. Elle en veut pour preuve les “43 séances de négociations dont 31 depuis février 2019” en vue d'un accord.

En plus du conflit social, qui connaît un nouveau pic, La Poste a dû faire face à un acte désespéré d’un facteur gréviste. Ce lundi 17 juin, celui-ci, décrit comme “très affecté” par le long mouvement de grève, s’est retranché dans les bureaux du centre de tri Paul-Vaillant-Couturier de Levallois-Perret. Il s’est alors aspergé d’essence, menaçant de s’immoler par le feu. Il avait demandé sa mutation dans une autre filiale du groupe, en vain. Il a finalement été hospitalisé. C’est dire l’état de tension et de fatigue qui règne dans ce secteur en lutte.

https://www.lesinrocks.com/2019/06/18/a ... -de-seine/
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Re: Grève des postiers des Hauts-de-Seine

Message par titi » 02 Juil 2019, 08:43

salut, j'ai vu passer un post facebook disant que les postiers ont gagné, quelles informations avez-vous ? @+
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Re: Grève des postiers des Hauts-de-Seine

Message par Byrrh » 02 Juil 2019, 13:54

https://www.liberation.fr/france/2019/0 ... l_ypQK8buA

Luttes
Après quinze mois de grève, victoire pour les postiers des Hauts-de-Seine

Par Amandine Cailhol — 2 juillet 2019 à 12:21

Depuis plus d’un an, les postiers en grève réclamaient une évolution des normes et cadences qui déterminent la durée de leurs tournées. Avec la signature, lundi, d'un protocole d’accord de fin de conflit avec la direction, ils ont obtenu de nouvelles embauches en CDI dans le département.

Ils vont reprendre le travail «la tête haute». Lundi, Gaël Quirante, responsable SUD Poste dans le département des Hauts-de-Seine a fait part, sur Twitter, de la «fierté» des grévistes du 92. Après plus de quinze mois de grève, ces derniers viennent de signer, lundi, un protocole d’accord de fin de conflit avec la direction. Il aura fallu «43 audiences de négociations, 15 versions de protocole» et «3 séances de relecture» pour que les deux parties signent ce document, explique la Poste dans un communiqué. Une période aussi ponctuée par des actions syndicales régulières des grévistes. Dernière en date : mi-juin, les postiers des Hauts-de-Seine s’étaient invités au siège de la Poste. Ce qui avait valu au syndicaliste Gaël Quirante un placement en garde à vue.

Depuis plus d’un an, les postiers en grève réclamaient une évolution des normes et cadences qui déterminent la durée de leurs tournées. Plus largement, ils dénonçaient les réorganisations successives basées sur ces mêmes cadences et des algorithmes qui, estiment-ils, alourdissent leurs charges de travail et dégradent leurs conditions d’exercice. Le protocole répond en partie à ces revendications. Il prévoit, précise La Poste, «pour la première fois, la validation d’un calendrier de réorganisations dans les établissements courrier des Hauts-de-Seine», «un calendrier aménagé de ces réorganisations sans remise en cause ni de leur principe ni de la méthode de conduite du changement» et «les modalités de retour au travail pour les agents grévistes».

«Ils voulaient des facteurs à genoux»

Résultat, après des mois de conflit, «les 5% des postiers engagés dans ce mouvement social ont décidé de reprendre le travail», indique donc la direction dans son communiqué. «Jamais nous ne nous sommes résignés», a réagi, de son côté, Gaël Quirante qui explique que les postiers vont retrouver leurs sacoches et leurs tournées en étant «plus forts». Et d’ajouter : «Ils voulaient des facteurs à genoux, ils ont eu des postiers, des postières et des soutiens debout !»

Les grévistes se réjouissent notamment que la question de la charge de travail soit prise en compte, au travers cet accord. Mais aussi des nouvelles embauches en CDI prévues par le protocole. Soit 70 nouveaux facteurs qui seront recrutés dès cette année dans le département. Pour la Poste, cette fin de conflit est une grosse épine en moins. Mais dans de nombreuses villes et villages en France, au rythme des réorganisations organisées localement, les mêmes mots de colère et revendications se font entendre chez les postiers. Certains se mettent en grève, comme à Miélan (Gers), où le conflit pour obtenir des recrutements dure désormais depuis quarante-trois jours. «Les factrices et facteurs de France et leurs soutiens ont maintenant la possibilité de se saisir de ce point d’appui pour remettre en cause les plans de casse des emplois, des métiers et de la qualité de service mis en œuvre par la Poste», affirme SUD Poste 92 dans un communiqué. Gaël Quirante, le leader du mouvement, espère que la «détermination» des postiers du 92 «puisse donner de la force à d’autres».

Amandine Cailhol
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Re: Grève des postiers des Hauts-de-Seine

Message par Byrrh » 02 Juil 2019, 16:24

Communiqué posté tout à l'heure sur la page Facebook de SUD Poste 92 :
COMMUNIQUÉ du 2 juillet 2019

La signature d'un protocole d'accord marque la fin d'une lutte exemplaire de 15 mois pour les postières et postiers du 92

Hier lundi 1er juillet, après 463 jours de grève, la direction de la Poste et notre organisation syndicale ont signé un protocole de fin de conflit. Les 150 grévistes (20% des effectifs des factrices et facteurs du département) reprendront le travail jeudi 4 juillet 2019.

Nous sortons renforcés de ce conflit historique, dans lequel nous n’avons jamais baissé les bras.

La grève révèle un vol du temps de travail à grande échelle

Notre mobilisation est en effet parvenue à mettre en évidence au niveau national le vol de temps de travail perpétré par La Poste : comme l’a montré le dossier de Libération du 25 juin 2019, les algorithmes utilisés pour calculer la charge de travail des 70 000 factrices et facteurs du pays sont en décalage complet avec la réalité du terrain. Les factrices et facteurs de France et leurs soutiens ont maintenant la possibilité de se saisir de ce point d’appui pour remettre en cause les plans de casse des emplois, des métiers et de la qualité de service mis en œuvre par La Poste. Nous en discuterons largement avec notre fédération et avec tous les collectifs militants qui ont à cœur la défense des postiers et du service public.

Des plans de suppressions d’emplois repoussés

Les plans de suppressions d'emplois prévus pour les bureaux de poste en grève ont été reportés jusqu’en janvier 2021. Ainsi des bureaux comme Asnières ou Levallois n'auront pas subi de suppression de tournées depuis 2010, Clichy ou Gennevilliers depuis 2011… Plus de 10 ans sans réorganisation alors que la moyenne entre deux projets ailleurs en France est de 2 ans.

La Poste admet ainsi qu'elle ne pourra pas mettre en place de réorganisations a minima pendant une période qui en fonction des bureaux peut aller jusqu'en 2021. À l'issue de cette période, le litige concernant le bien fondé de ces restructurations subsiste et il n'est pas question pour notre organisation syndicale de valider ni ces projets ni la méthode utilisée pour les construire.

Pas de pause méridienne

Pour la plupart des bureaux en question, nous avons d’ores et déjà obtenu la garantie que la pause méridienne, les îlots et autres dispositifs impliquant le démantèlement du métier de facteur resteront aux oubliettes pendant des années. Notre mouvement a ainsi prouvé qu’il était possible de tenir tête au plus gros employeur du pays après l’Etat. Le bureau de Boulogne dont la réorganisation est reportée a minima à mai 2020 ne sera ainsi pas concerné ni par la pause méridienne ni par la mise en place d'îlots, tout comme Levallois-Perret (pas de réorganisation avant mars 2020) et Asnières (pas de réorganisation avant janvier 2021).

142 embauches en CDI

142 embauches d’intérimaires en CDI ont également été actées suite à la grève dont 70 en 2019 : des embauches en nombre, et un recul de la précarité, voilà une double avancée à mettre sur le compte de la grève. Ces effectifs ont été embauchés au départ pour tenter de contrecarrer les effets de la grève... qui a fini par obtenir la pérennisation de ces emplois !

Une percée en matière de droit syndical

La grève a également arraché une avancée qui va faire date en matière de droit syndical : la possibilité pour un représentant syndical (en l’occurrence notre secrétaire Gaël Quirante) de continuer à intervenir dans l’entreprise dont il a été licencié constitue une percée qui ne demande qu’à être étendue dans d’autres secteurs du monde du travail. Si un tel exemple se systématisait, les patrons réfléchiraient à deux fois avant de licencier un représentant syndical…

Caisse de grève et soutien extérieur ont été décisifs

Les grévistes ont également obtenu des conditions de reprise du travail qui leur garantissent le versement dès la fin juillet d'une somme équivalente à près de 4000 euros nets pour celles et ceux qui auront effectué la totalité des jours de grève.

La caisse de grève des postières et postiers du 92 est la plus importante qui ait jamais été mise en place à l'échelle du pays. Nous reviendrons plus en détails sur cette question, qui a été cruciale pour tenir le bras de fer avec la direction du Groupe La Poste.

Nous remercions chaleureusement l'ensemble des organisations syndicales, politiques et associatives qui nous ont soutenus. Sans ce soutien, nous n'aurions pas été en mesure de tenir. Le comité de soutien aux grévistes a en particulier joué un rôle décisif pour obtenir gain de cause.

Face à la grève, La Poste a dû reculer

Au point de départ du conflit, l’objectif de La Poste était de briser les reins de notre syndicat et de la combativité qu'il incarne à l'échelle des postières et postiers du 92. C’est un échec pour elle : notre organisation syndicale, les grévistes et la stratégie de regroupement des bureaux, des secteurs et des fronts de lutte qu’ils ont mis en œuvre sortent renforcés de ce conflit historique.

Que notre détermination donne de la force à d'autres ! Car face à la barbarie de ce monde, il est temps de regrouper toutes les luttes. Que ce soient nos camarades de Geodis Genneviliers en butte à la répression, les urgentistes qui se battent pour la santé de toutes et tous, les personnels de l'éducation en grève du bac, les Gilets Jaunes dont la détermination est contagieuse, les militantes et militants des quartiers populaires qui ne se résignent pas face aux violences policières ou les capitaines qui ont secouru des migrants au péril de leur propre liberté, fédérons nos résistances, frappons ensemble en vue d'une contre-offensive globale du monde du travail et de la jeunesse !

Lien vers une vidéo filmée après la sortie de la délégation qui a signé le protocole de fin de conflit : https://www.facebook.com/14079409828476 ... 313350555/
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Re: Grève des postiers des Hauts-de-Seine

Message par Byrrh » 03 Juil 2019, 06:49

http://www.leparisien.fr/hauts-de-seine ... 0gXMEcCY20

Roselyne Rouger, 62 ans, factrice à Neuilly, raccroche après 463 jours de grève

Le conflit entre La Poste et une partie des facteurs des Hauts-de-Seine a pris fin ce lundi après quinze mois de désaccords. Roselyne Rouger en était, depuis le premier jour.


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Levallois, 2 juillet 2019. « Je ne verrai plus jamais l’humain de la même manière », confie Roselyne, qui s’est investie à 100% dans ce mouvement social. LP/C.-E.AK

Par Charles-Edouard Ama Koffi
Le 2 juillet 2019 à 19h18, modifié le 2 juillet 2019 à 19h44

Elle n'est pas très grande, même plutôt frêle. Elle a pourtant une combativité à ne surtout pas sous-estimer.

Roselyne Rouger, 62 ans dont 33 à La Poste, a commencé la grève dès le premier jour, le 26 mars 2018, « à cause des conditions de travail qui deviennent de plus en plus dures ». En arrêtant de distribuer le courrier à Neuilly, où elle a toujours officié.

Comme ses collègues, elle reprendra le travail ce jeudi. Non sans une certaine nostalgie, après tant de mois d'assemblées générales et de nouvelles amitiés.

« Je ne suis pas plus contente que ça de reprendre le travail, confirme-t-elle. Ce qui me chagrine, c'est de perdre ce collectif. En grève, on était tous pareils : blancs, noirs, jeunes ou moins jeunes. J'ai d'ailleurs découvert des garçons géniaux, de la génération de mon fils de 27 ans, qui m'ont véritablement émue lorsqu'ils prenaient la parole en assemblée générale, explique-t-elle les yeux brillants. On a tous fait un pas l'un vers l'autre pour mieux se connaître. J'ai vraiment été boostée par cette grève. Je ne verrai plus jamais l'être humain de la même manière. »

«Quand on fait grève, il faut lutter»

Roselyne était de toutes les assemblées générales, de toutes les manifs, de toutes les négociations, de tous les coups d'éclat. « Un jour à 6 heures du matin à Boulogne, un autre à 7 heures dans à Châtenay-Malabry… On allait dans les bureaux de poste pour informer les autres de l'avancée des négociations », raconte la sexagénaire, qui a mené une « grève active ». « Quand on fait grève, pour moi, ça ne sert à rien de rester chez soi. Il faut lutter », appuie-t-elle.

1500 euros de salaire en moins

Depuis mars 2018, Roselyne, qui vit seule à Levallois, a donc dû se passer de son salaire de 1 500 € mensuels.

Et faire des choix : « Je suis allée rendre visite une seule fois à mon fils qui habite dans la région de Lyon, alors que j'y allais un week-end sur deux, raconte-t-elle. On ne va pas se voiler la face, passer de 1 500 € par mois à zéro, pour moi comme pour les autres, ça a été difficile. Cependant, j'ai le privilège de ne pas avoir 20 ans et un peu d'argent de côté. Disons que je n'étais à moins 1 000 sur mon compte qu'à partir du 15 du mois. »

Les facteurs ont aussi pu compter sur la caisse de solidarité, financée par des anonymes. « Plein de gens nous ont aidés. Le plus jeune donneur avait 17 ans et la plus âgée 84 ans, c'est incroyable, raconte Roselyne. On s'est aussi beaucoup entraidés ».

«Il va falloir un certain temps pour évacuer»


Le syndicat SUD PTT 92 est parvenu à négocier 54 jours de salaire payés à la fin du mois de juillet pour tous ceux qui ont fait grève depuis le début du conflit. Roselyne concède : « Après quinze mois, c'est une belle victoire ».

Mais malgré le protocole de signature et la reprise du travail annoncée, elle ne décolère pas contre sa direction.

« Je n'ai plus envie d'être gentille et de faire tout ce qu'on me demande en plus de mon travail, lâche-t-elle. Les petits services, les heures en plus non payées, c'est terminé pour moi. Même si je dois me faire violence car j'aime mon métier, je ne le ferai plus ». Roselyne s'est sentie « méprisée » pendant ce conflit : « Il va falloir un certain temps pour l'évacuer. »
Byrrh
 
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Re: Grève des postiers des Hauts-de-Seine

Message par Byrrh » 04 Juil 2019, 17:04

https://m.la1ere.francetvinfo.fr/fabien ... 3xopb9zq0c

Fabienne, postière antillaise à Asnières-sur-Seine, reprend le travail après 15 mois de grève

Image
© H.Click | Le 16 juin 2019, Fabienne et d'autres adhérents Sud attendent la sortie du commissariat du syndicaliste Gaël Quirante. Il avait été placé en garde à vue suite à l'occupation du siège de La Poste dans la nuit du 14 au 15 juin.

Les 150 postiers des Hauts-de-Seine (92) en grève depuis mars 2018 ont accepté le protocole de fin de conflit finalisé lundi. Inquiets de l’évolution de leurs conditions de travail, c’est le licenciement d’un représentant syndical Sud qui avait déclenché ce mouvement.

Julie Straboni
Publié le 04/07/2019 à 10:17, mis à jour le 04/07/2019 à 17:03

Fabienne Zafra est née à Pointe-à-Pitre, d'une mère guadeloupéenne et d'un père martiniquais. Factrice depuis huit ans à Asnières-sur-Seine, elle avait déjà fait grève deux mois en 2016. Adhérente à Sud Poste, elle a immédiatement rejoint le mouvement... sans penser qu'il durerait 463 jours.

"Quand on se lance dans une bataille, il faut aller jusqu'au bout. Nos dirigeants nous ont donné la rage d'aller jusqu'au bout, raconte-t-elle. Et nous ne sommes pas restés à la maison : la grève nous l'avons vécue tous les jours en se levant tôt et en se déplaçant beaucoup."

Informer les collègues de l'état du mouvement, participer aux manifestations, rencontrer des camarades en lutte dans d'autres secteurs, faire connaître la situation pour alimenter la caisse de grève... Les salariés et leur comité de soutien ont même investi le siège du groupe dans la nuit du 14 au 15 juin 2019, après un mois sans séance de négociation.

Réalité du terrain

Au moment de cette occupation, la police est sollicitée pour déloger les grévistes. "On a eu droit à des policiers masqués, casqués, avec boucliers, matraques, gaz lacrymogène... On avait l'impression d'être des terroristes", se remémore l'Antillaise. Le lendemain le représentant syndical licencié, Gaël Quirante, sera placé en garde à vue après avoir été tiré du lit à 6 heures du matin. Ce qu'il dénonce ? Les cadences et la nouvelle organisation de travail que La Poste veut généraliser en France.

"La Poste estime que l'on a une minute et trente secondes pour distribuer un recommandé. Mais quand vous devez monter au quatrième étage sans ascenseur ce temps ne peut pas être respecté. La Poste estime qu'un facteur circule à vélo à une allure de 12 km/h pendant sa tournée. Ils ne prennent pas en compte les conditions climatiques, les personnes sur les trottoirs, les travaux... En fait on ne sait pas comment ils calculent ce temps de travail. Ils sortent des chiffres (Ndlr : algorithmes) et sur le terrain ça n'a absolument rien à voir ! C'est complètement irréaliste !"

Amplitude de travail

Après "43 audiences de négociations, 15 versions de protocole et 3 séances de relecture", l'accord de fin de conflit a donc été signé par tous. La réorganisation prévue a été reportée. Les postiers gardent leurs après-midi de libres et ne se verront pas obligés de prendre une pause méridienne. Il continueront à préparer leur sacoche de courrier à leur manière. Les activités de tri et de distribution ne seront donc pas désolidarisées comme c'est déjà le cas dans certains territoires. On a ainsi vu la création d'ilôts, des petits sites de proximité qui prennent le relais des grands centres de tri régionaux dans le but d'écouler rapidement les colis dont le nombre grimpe chaque année. "L'idée des ilôts c'est une manière de nous diviser, d'individualiser le travail et de faire en sorte qu'on ne se rencontre plus." L'embauche en CDI de 142 intérimaires a également été actée.

Les gamelles de la petite sœur

Comment tenir sans salaire pendant quinze mois ? "On a eu énormément de soutien, de personnes qui ont donné de l'argent à la caisse de grève. Et puis ma famille m'a épaulé : ma petite sœur me préparait des gamelles...Ça m'a aidé à tenir," sourit Fabienne. La priorité, c'était de payer mon loyer. Mon forfait de téléphone est limité, ma voiture est garée depuis un an... Je ne pensais pas que cela existait dans ce pays, mais il y a une grande solidarité. Cette grève m'a permis de découvrir beaucoup de choses, de gentillesse, d'amour ! Je croyais qu'on était dans l'indifférence totale, et ça n'est pas vrai." Jusqu'à Elie Domota, le secrétaire général de l'UGTG, qui a pris son téléphone pour encourager la poursuite de la lutte.
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