Capitalisme et austérité aggravent l’impact du coronavirus.
Le mardi 24 mars 2020, sur le site de La Riposte
Greg Oxley PCF/La Riposte
https://www.lariposte.org/2020/03/capit ... ronavirus/
La pandémie du coronavirus menace de tuer des centaines de milliers de personnes à l’échelle mondiale. Ses répercussions sociales, économiques et politiques pourraient être extrêmement graves. Même aux États-Unis – première puissance mondiale – la contraction de l’économie est d’ores et déjà très nette. Selon le secrétaire de la Trésorerie [Ministre des Finances] des États-Unis, le taux de chômage pourrait s’élever à 20% si le virus n’est pas rapidement vaincu. Le Royaume-Uni, sous les effets conjugués de la crise sanitaire et de sa sortie de l’Union Européenne, se dirige vers une récession économique aux répercussions sociales incalculables. Le taux de croissance de l’économie italienne était déjà proche de zéro, et celui de l’Allemagne très faible, avant la crise sanitaire. Si une récession mondiale devait s’installer – et ceci nous paraît être une perspective tout à fait possible, désormais – aucun continent, aucun pays, n’y échappera, indépendamment de sa situation économique à la veille de la pandémie.
L’Europe est devenue l’épicentre de la pandémie. En France, alors que le nombre de personnes contaminées – et recensées comme telles – double tous les deux ou trois jours, l’ampleur véritable de la diffusion du virus est nécessairement plus importante encore. Les mesures de confinement décidées par le gouvernement – prises tardivement et en incohérence flagrante avec le maintien du premier tour des élections municipales – visent ralentir sa progression. Cependant, le volet économique et social des annonces prévoit avant tout des mesures pour atténuer les pertes de profits chez les capitalistes et du « petit » patronat. Pour les travailleurs, pour les chômeurs, pour les mal-logés et sans domicile, pour les millions de personnes qui sont pauvres ou à peine au-dessous du seuil de la pauvreté, Macron et son gouvernement ne proposent pratiquement rien.
Habile menteur, Macron a assuré que personne ne sera laissé sans ressources. Ce n’était pas vrai avant la pandémie, et ne sera certainement pas vrai ni pendant, ni après. On mettra plusieurs semaines, et sans doute plusieurs mois, avant de passer la pique de la pandémie, et pendant ce temps les conditions de vie de l’immense majorité de la population, composée typiquement des gens « qui ne sont rien » (selon la terminologie propre de ce président des riches) vont se dégrader brutalement. Les capitalistes sont moins vulnérables que les travailleurs, sur tous les plans. Lorsque les valeurs boursières déclinent, les capitalistes transfèrent leurs investissements vers des placements plus sûrs et peu importe les conséquences qui frappent ceux qui vivent de leur travail. Les emplois des travailleurs en CDD, les intérimaires, les salariés des entreprises de sous-traitance seront rapidement supprimés. Bon nombre d’« auto-entrepreneurs » qui peinaient à s’en sortir avant la crise verront leurs revenus s’effondrer. Un nombre important d’emplois en CDI seront également détruits. Pour toutes ces différentes catégories de travailleurs, Macron n’a proposé pratiquement aucune aide sérieuse jusqu’à présent.
Dans le domaine de la santé publique, comme dans le domaine social et économique, l’impact de la pandémie est une fonction de l’ordre social sous lequel nous vivons. En substance, la politique de Macron n’a pas été en rupture avec celle de ses prédécesseurs, y compris ceux qui étaient nominalement « de gauche ». Tous ces gouvernements se sont efforcés d’imposer la régression sociale et démanteler les conquêtes sociales du mouvement ouvrier. Macron poursuit les mêmes objectifs réactionnaires. La généralisation de l’emploi précaire a figuré large dans les revendications du patronat et donc dans la politique de tous les gouvernements. Depuis des décennies maintenant, on cherche à remplacer des emplois stables par des emplois « flexibles », précisément pour permettre aux employeurs de s’en débarrasser facilement et, si nécessaire, en masse, comme ils font actuellement. La précarité de l’emploi a massivement augmenté la vulnérabilité des travailleurs concernés face aux conséquences de la pandémie.
Nous payons le prix, également, des attaques incessantes contre les services publics et ceux qui y travaillent. Depuis longtemps, les hôpitaux publics et les personnels soignants ont été ciblés par le pouvoir. Selon la Direction des Études et des Statistiques du Ministère de la Santé, sur les 3036 établissements de soins recensés, 17 500 lits permettant aux patients de dormir à l’hôpital, dont 13 631 dans les établissements publics, ont été fermés entre 2013 et 2019. Ces suppressions ont été au cœur des conflits dans le secteur santé depuis des années. Pendant la grève dans les services d’urgences de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Christophe Prudhomme, délégué CGT, a dénoncé la suppression de 100 000 lits d’hôpital en 20 ans, qui occasionnaient des décès qui auraient pu être évités. Il arrive aussi que des lits existants doivent être « fermés », faute de personnel. Au niveau national, cela concernait plusieurs milliers de lits.
Ainsi, bien avant la crise du coronavirus, le personnel soignant est souvent obligé, par la force des circonstances, à « faire des choix » au détriment de certaines catégories de malades, compte tenu de la pénurie de moyens matériels et d’effectifs. Il était impossible de prendre tous les patients en charge correctement. Le cas relativement bien médiatisé de la patiente décédée à l’hôpital Lariboisière de Paris, en décembre 2018, après avoir attendu des soins pendant douze heures sur un brancard, est à mettre à côté d’autres drames du même ordre qui n’ont pas forcément été portés à la connaissance du public. On connaît aussi les conditions d’accueil souvent scandaleuses dans les EHPADs. Toutes les protestations, les pétitions, les revendications émanant du milieu hospitalier, toutes les alarmes sonnées par les syndicats, ont été ignorées, méprisées. Or, aujourd’hui, ce sont ces mêmes hôpitaux, ravagés par des années d’austérité, qui sont censés faire face à la pandémie du coronavirus ! Si le nombre de malades continue à augmenter et si la pandémie s’installe dans la durée, les hôpitaux ne pourront jamais faire face. Osez donc nous parler désormais, de budgets de santé « exorbitants » et de lits « excédentaires », vous les partisans de l’« austérité », vous qui, par votre servilité aux intérêts capitalistes, par votre indifférence aux besoins de la population, avez tout fait depuis des années pour casser l’hôpital public !
À l’échelle mondiale et en Europe, le déferlement du coronavirus s’épuisera un jour. Mais à quel prix pour la santé publique ? En France, la crise sanitaire et sociale actuelle survient au lendemain d’une longue période d’agitation sociale. Le mouvement des Gilets Jaunes et les grèves massives contre la réforme des retraites ont exprimé l’exaspération populaire croissante face à la régression sociale. Les mouvements de grève et les manifestations depuis l’arrivée au pouvoir de Macron été d’une ampleur inconnue en France depuis 1968. Le coronavirus ne peut qu’exacerber et rendre encore plus évidente la nature de classe de la société dans laquelle nous vivons. Les uns sont « confinés » dans des villas luxueuses, d’autres dans quelques mètres carrés, trop souvent insalubres. L’insistance de Macron sur « l’union nationale » n’est qu’une hypocrisie qui rappelle la pertinence de la phase célèbre d’Anatole France, quand il a déclaré que « la majestueuse égalité des lois interdit aux riches comme aux pauvres de coucher sous les ponts, de mendier dans la rue et de voler du pain. » Non, Monsieur Macron, nous ne sommes pas tous égaux, face à l’épreuve du coronavirus.
En exposant davantage les mécanismes brutaux d’un système fondé sur les privilèges et le pouvoir d’une minorité parasitaire, l’épisode historique que nous vivons marquera la conscience des travailleurs et de la jeunesse. Les stratèges du capitalisme doivent être très inquiets pour la stabilité de leur système. Et s’ils ne le sont pas, ils devraient l’être. Le climat social change. Les idées se radicalisent. Après le passage de la vague du coronavirus, ou peut-être même avant, viendra le temps de régler nos comptes. La résistance à la régression sociale sera sans doute plus forte qu’avant. La remise en cause des « élites » – c’est-à-dire de la classe dirigeante – gagnera du terrain. Il est grand temps de prendre le chemin d’une grande transformation révolutionnaire de la société française, sans laquelle il ne sera pas possible d’abolir les inégalités flagrantes, l’injustice et l’exploitation que nous inflige le capitalisme.
Fraternellement,
GdM