Résurgence du rouge vert noir en Martinique ?

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Résurgence du rouge vert noir en Martinique ?

Message par com_71 » 24 Mai 2020, 10:59

Deux statues de Victor Schoelcher détruites le 22 mai, jour de la commémoration de l'abolition de l'esclavage en Martinique

https://la1ere.francetvinfo.fr/martiniq ... 35352.html
L'action contre les statues de Victor Schoelcher est ouvertement justifiée par des militantes, à visage découvert, mais condamnée par certaines figures martiniquaises

https://la1ere.francetvinfo.fr/martiniq ... 35524.html
.
...Mais pas que martiniquaises puisque A. Girardin et E. Macron ont réagi (cf. le lien ci-dessus).
G.Pago du GRS (lié au NPA) a sorti une lettre ouverte (cf. ci-dessous) mi-chèvre mi-chou ne faisant aucune référence aux perspectives spécifiques de la classe ouvrière.
À noter : Si je ne réussis pas à savoir si Schoelcher était encore sous-secrétaire d'État à la marine lors des massacres de Juin 48 à Paris, il est en revanche avéré qu'il siégeait à Versailles pendant la Commune de Paris (cf. La Commune au jour-le-jour de Élie - pas Élisée - Reclus).

lettre de G. Pago a écrit :CASSER LES STATUES DE SCHOELCHER EST UNE DÉMARCHE QUI MÉCONNAÎT UNE PART DE L’HISTOIRE DE LA FIN DE L’ESCLAVAGE !
Ma lettre traduit une volonté de dialogue (serait-elle impossible ?) avec les jeunes activistes. Accepteront elles et ils cette invite ?
Des statues de Victor Schoelcher tant au centre Camille Darsières ( ex tribunal de Fort de France) que celle de l’entrée du bourg de Schoelcher ( à Case Navire), ont été abattues ce vendredi 22 mai. Le coup d’éclat se définit grandement comme militant, il reste très malheureusement erroné et perturbe encore plus notre compréhension de notre histoire. Les militants et militantes des années 1960 et 1970 (avec lesquels je suis fier d’avoir très fortement agi) rejetaient le rôle d’une France qui aurait octroyé l’émancipation, par l’action bienfaitrice de ses seuls abolitionnistes dont Schoelcher. Cette génération exigeait de ne pas minorer le rôle de la lutte des esclaves pour l’arrachement de leur émancipation. Elle faisait ressortir que l’ignorance et la méconnaissance des 22 et 23 mai, ne devaient pas perdurer. Le 22 mai, jour de 5 événements marquants à Saint Pierre et au Prêcheur, devenait à juste raison la date-phare qu’elles et ils érigeaient comme date de commémoration et de célébration, avant même celle du 23 mai, date réelle et officielle de l’abolition de l’esclavage. Ce positionnement politique venait à la suite des travaux en 1945 de Gabriel Henry, en tant qu’adjoint au maire de la municipalité communiste dirigée par Césaire et de la conférence d’Armand Nicolas en 1960, publiée en 1962. Après eux, non seulement les manifestations politiques se multiplièrent, mais aussi les travaux artistiques, telle la célèbre sculpture de Khokho René-Corail sur la place de Trénelle ou le discours bien entendu flamboyant d’Aimé Césaire en 1971, dans lequel il glorifiait la proclamation du 4 avril, le décret du 27 avril de Schoelcher mais « pour lequel il fallut un 22 mai ». Les historiens-chercheurs de Martinique (parmi lesquel-le-s je me place) eurent cependant à mettre en lumière que la disparition du statut juridique d’esclave reste l’aboutissement de plusieurs éléments diversifiés ; éléments que nous ne devons pas opposer mais appréhender comme systémitiues ( c’est à dire complémentaires voire interdépendants). Sur les deux-cent vingt-trois ans du système esclavagiste chez nous (1635-1848), les 59 dernières années, de 1789 à 1848 ont vu s’accélérer les insurrections d’esclaves entre Saint Pierre en août 89 jusqu’à Gradis en 1847, en passant par les révoltes nombreuses de 1791-1792, les révoltes de Compère Général Fayance en 1794, les tentatives de Tiberge et de Fourne en 1795, les séditions du carnaval de 1797, la révolte de Kina en 1800, la révolte de Basse Pointe de 1809, la révolte de septembre 1811 à Saint Pierre, le soulèvement du Lamentin en 1820, la révolte partie du Canari cassé au Carbet de 1822, la révolte de Saint Pierre de 1831, l’affaire de Spoutourne à Trinité en 1831, la sanglante répression de Fonds Massacre à Grand-Anse (Le Lorrain) en 1833. C’est essentiel pour nous de connaître tout cela, mais ce n’est pas sûr que tous, nous nous attachons à les connaître à fond et à les méditer.
Par contre et en outre, il faut aussi remonter à l’ambiance révolutionnaire de la fin du XVIII ème siècle (1794-1802). Celle-ci modifia le contexte dans notre Caraïbe. Toutes les anciennes colonies françaises et celles qui l’étaient restées ( Sainte Croix, Saint Martin, Guadeloupe, Dominique, Martinique, Sainte Lucie, Saint Vincent, Grenade, Tobago et aussi Trinidad, sans oublier la Guyane) se soulevèrent au nom des droits humains que la Révolution française proclamait le 26 août 1789. Nous avons eu à ce moment nos Delgrès, Ignace ou la mythique mulâtresse Solitude, les Saintes Luciennes Marie Rose Toto et Flore Gaillard, nous avons eu Joseph Chatoyer le Garifuna de Saint Vincent ou Julien Fédon de la Grenade. Toutes ces luttes qui pour la plupart se sont terminées en défaites (dont la Martinique), étaient connectées puisque des combattant-e-s venant des différentes îles, se sont retrouvés dans ces divers fronts. Seule La Guadeloupe a résisté plus longtemps de 1794 à 1802 se définissant comme le centre de la lutte révolutionnaire et antiesclavagiste des petites Antilles ( La Martinique et Saint Martin ayant été livrés par les planteurs aux troupes anglaises). Ce fut aussi le temps de la lumineuse expérience des associations serviles où les femmes reines de ces groupes étaient de diligentes activistes et créèrent des initiatives qui par la suite perdurèrent tout un siècle. Seule la colonie française de Saint Domingue survécut et triompha des troupes de Napoléon voulant rétablir l’esclavage. Le pays devint Haïti, indépendante et sans esclave en 1804. C’était l’exemple qui redonnait espoir et qui donna de la vigueur à toutes ces insurrections martiniquaises dont nous avons parlé. Haïti indépendante, dirigée par ses nègres libres, inspira et aida les indépendances et la fin de l’esclavage en Amérique du sud (Vénézuéla, Colombie, Équateur, Pérou, Bolivie, etc). Il devenait clair pour nos ancêtres que la servitude pouvait être éliminée. L’abolition de la traite négrière en 1807, suivie de celle de 1815 au traité de Vienne, puis la fin effective dans les colonies françaises de la traite négrière clandestine en 1831, vinrent hâter la fin du système esclavagiste. La défense des libres de couleur après les 300 déportations de 1824 suite à l’affaire dite Bisette-Fabien-Volny eut au moins le double effet premièrement d’intensifier en France le mouvement abolitionniste avec des gens importants comme François Arago et l’avocat Isambert mais deuxièmement aussi d’amplifier les droits civiques des libres de couleur dans le courant de la décennie de 1830. La décision anglaise de se rallier à l’abolition de l’esclavage effective en 1838 attisa en Martinique cette aspiration de libération que connaissaient les deux îles voisines situées à une quarantaine de kilomètres (Dominique et Sainte Lucie). C’est tout l’ensemble de ce contexte qui permit au dynamique mouvement abolitionniste français d’imposer l’abolition de l’esclavage à l’ordre du jour des débats politiques cruciaux en France. Ce ne pouvait être qu’une précieuse aide à la lutte de nos ancêtres sur place. Les békés ne s’y trompèrent pas ; pour eux Schoelcher est érigé comme l’ennemi qu’on déteste, qu’on vilipende, caricature et calomnie. Glorifier les luttes des esclaves doit nous conduire à mettre ensemble tous les éléments du contexte et comprendre qu’elles et ils ont su
1) s’inspirer de l’expérience des associations serviles,
2) tirer les leçons des défaites de 1794-1802,
3) se nourrir de la révolution haïtienne,
4) se réconforter des émancipations sud-américaines,
5) apprécier l’alliance avec les libres de couleur quand ceux-ci se sont, pour un grand nombre détachés de leurs positionnements esclavagistes,
6) utiliser pour le marronage maritime les émancipations des îles anglophones, et enfin
7) s’appuyer sur le travail des abolitionnistes français dont Schoelcher.
Tous ces éléments entrent dans le combat de nos ancêtres. Ce sont ces conditions favorables qu’ils ont pu maîtriser et qui font toutes parties de l’héritage anti-esclavagiste.
Fort de France le 22 mai 2020

Gilbert Pago, historien et militant politique.

P.S. quelques propos posent problème dans les vidéos entendues ce 22 mai. La loi sur l’indemnité quand bien même elle fut dans la logique du gouvernement provisoire et de tous les abolitionnistes même Bisette, n’a pas été le projet de loi (venant de l’exécutif) ni la proposition de loi (venant des députés) par Schoelcher. Celui-ci n’étant plus au gouvernement dès juin 1848, après l’échec électoral des républicains socialistes du gouvernement provisoire et surtout le massacre anti-ouvrier et anti-partageux de Cavaignac en juin 48. La loi d’indemnisation des colons date d’avril 1849 ( pas d’avril 1848), lorsque le président de la république est Louis Napoléon (le futur Napoléon III) et que la majorité est faite des républicains modérés conservateurs, des royalistes et des bonapartistes. Les républicains socialistes dont Schoelcher représentent 10% de l’assemblée constituante, c’est à dire la minorité.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Schoelcher jeté à terre en Martinique

Message par com_71 » 24 Mai 2020, 11:26

Dans leur communiqué, les militants se sont adressés à la population et aux élus : « Chers Martiniquais.e.s, les potilitien.ne.s en particulier, avant de condamner ces actes par le biais de communiqués de presse honteux, regardez-vous une dernière fois dans le miroir. Vous êtes les complices de cette prise d’otage des corps / des coeurs / des âmes Martiniquais.e.s. La prochaine fois que vous irez prendre un petit déjeuner chez Bernard [Bernard Hayot *], ou que vous irez parader au vernissage qu’il organisera à la Fondation Clément, rappelez vous que sous vos pieds, sont enterrés les dépouilles de vos ancêtres.

Ils ont profité de l’occasion pour faire un petit rappel à l’histoire : « Le 22 mai est un jour pour célébrer l’acte d’existence fondamental du Tanbouyé Romain et tous nos ancêtres qui se sont battus pour notre liberté. En 1848 à l’Habitation Duchamp, au Prêcheur, le Tanbouyé Romain bat son tambour au mépris de l’interdiction d’en jouer. Il est envoyé en prison, ce qui provoque la colère de milliers d’esclavagisé.e.s demandant sa libération. Une libération qu’ils obtiendront et qui déchaînera la colère des béké.e.s. Les habitations sont prises d’assaut, plusieurs béké.e.s sont tué.e.s.
Le sang coule tellement que le décret est signé le 22 mai en urgence »

« Pourtant, on nous raconte encore que c’est Victor Schoelcher, signataire de abolition de l’esclavage française qui est le sauveur du peuple noir Martiniquais. Non, Schœlcher n’est pas notre sauveur » insistent-ils.

Jay Asani, une autre jeune activiste martiniquaise, très connue sur les réseaux sociaux, rappelle dans sa story Instagram : « Victor Schoelcher ne nous a pas libéré puisque le lendemain, le 23 ou le 24 mai, nos ancêtre étaient obligés de retourner sur la plantation pour trouver du travail »

Dans leur communiqué ces militants réclament la « réparation par la réappropriation » et posent plusieurs questions :

Pourquoi la ville de Schoelcher ne s’appelle-t-elle pas Romain ?
À quel endroit précis arrivaient nos ancêtres ?

Quand est-ce que les habitations seront nos lieux de mémoire gratuits et accessibles en tout temps ?
Quand arrêteront-elles d’être des machines à cash pour les non-descendants d’esclavagisée.e.s?
Pourquoi ne pas remplacer la « Bibliothèque Schoelcher » par la « Bibliothèque Frantz Fanon » ?

Une statue de Siméline Rangon à la place de Joséphine ?
Eugène Mona plutôt qu’une statue de d’Esnambuc ?

« Si vous avez décidé de mettre l’île en vente, sachez que l’Histoire n’oubliera pas » … poursuit le communiqué.

La réparation d’un peuple ne peut se faire sans des choix forts pour notre culture. Aimé Césaire l’avait compris en créant le SERMAC. Qu’êtes-vous devenus tous, les adorateurs de Césaire ? Où êtes-vous les patriotes fonctionnaires ?
« Un peuple qui ne se voit pas ne peut pas s’aimer » Euzhan Palcy, réalisatrice de film, artiste du patrimoine Martiniquais
« Beaucoup de personnes pensent que la culture c’est la cerise sur le gâteau alors qu’en fait c’est la farine » Josiane Antourel, danseuse, artiste du patrimoine Martiniquais
« Tjwé Mwen zansèt pa ka mà » Simélin, lavwa douvan, tanbouyèz et danseuse, artiste du patrimoine Martiniquais
Aujourd’hui, en tant que descendant.e.s du Tanbouyé Romain, nous décidons de poursuivre la réparation en mémoire de nos ancêtres.
Lanmounité


* Bernard Hayot, PDG de GBH (Groupe Bernard Hayot), apparaît vraiment comme le représentant de toute la couche sociale "békée".

https://www.people-bokay.com/destructio ... tiniquais/

À noter dans ce communiqué des préjugés qu'on sait bien reconnaître : "Où êtes-vous les patriotes fonctionnaires ?"
Une façon de remettre en cause la prime de vie chère de 40% servie par l'état aux fonctionnaires, mais pas que...

On voit aussi que dans leur attaque contre le consensus, il ne vont pas jusqu'à mettre en cause celui autour de Fanon ou Césaire.
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Re: Schoelcher jeté à terre en Martinique

Message par com_71 » 24 Mai 2020, 15:15

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Re: Schoelcher jeté à terre en Martinique

Message par Plestin » 24 Mai 2020, 20:34

Un acte de militants nationalistes radicaux (avec leurs gros défauts, leurs propres limites et leurs illusions) mais qui a le mérite de mettre le doigt là où ça fait mal. On peut voir la grande unanimité du petit monde des politiciens de l'île et du gouvernement français qui ne supportent pas qu'on remette en cause leur réécriture de l'histoire... Un tollé déclenché pour deux statues à valeur de symbole... Les problèmes dans lesquels se débattent les classes populaires de Martinique sont loin de susciter autant de motivation chez ces mêmes politiciens !

Reste à savoir quels sont les sentiments, sans doute partagés, que cela déclenche parmi les travailleurs ?
Plestin
 
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Re: Schoelcher jeté à terre en Martinique

Message par Duffy » 27 Mai 2020, 18:30

https://journal.lutte-ouvriere.org/2020 ... 48262.html

Martinique : l’abolition de l’esclavage et le mythe Victor Schœlcher

Le 22 mai en Martinique, un groupe de jeunes activistes nationalistes a renversé et brisé deux statues de Victor Schœlcher dans la ville de Schœlcher et à Fort-de-France. Le fait et la date ne doivent rien au hasard.

En effet, les 22 et 27 mai, en Martinique et en Guadeloupe respectivement, sont des journées où est commémorée la lutte des esclaves pour leur liberté. En Martinique, c’est le 22 mai 1848 que fut déclenchée la plus grande insurrection d’esclaves. Le 23 mai, le gouverneur de l’époque, face à la révolte généralisée, décréta l’abolition de l’esclavage sur l’île. Elle fut proclamée avant l’arrivée du décret du gouvernement français issu de la révolution de février 1848. En Guadeloupe, où les esclaves étaient au bord de la révolte et par crainte d’une insurrection comparable à celle de la Martinique, le gouverneur abolit l’esclavage le 27 mai.

Dans l’île sœur, plusieurs grands événements sont associés à cette date. C’est d’abord la guerre des rebelles noirs des 26, 27 et 28 mai 1802 contre les troupes de Bonaparte venues rétablir l’esclavage. C’est aussi le massacre des 26, 27 et 28 mai 1967 perpétré par les troupes coloniales contre les travailleurs en grève et la jeunesse révoltée. Un clin d’œil de l’histoire au mois de mai, jour pour jour.

Schœlcher était un des principaux abolitionnistes français. Membre du gouvernement provisoire de février 1848 en France, il fut l’un des auteurs du décret d’abolition du 27 avril de cette année. Pendant plus d’un siècle, Schœlcher fut vénéré comme le seul libérateur des Noirs à qui ces derniers devraient tout. Il le fut tant par les gouvernements colonialistes de la IIIe et de la IVe République française que par les partis locaux dirigés par des Noirs, les partis dits « schœlchéristes », qui se réclamaient de l’abolition pour asseoir leur popularité dans la population issue de l’esclavage.

La lutte des esclaves noirs fut savamment occultée jusqu’à la moitié du 20e siècle. Les manuels scolaires étaient muets sur leur histoire. Parallèlement, des rues Schœlcher sont légion, les statues de Schœlcher partout. Le premier grand lycée de la Martinique est le lycée Schœlcher. Le culte de Schœlcher s’accompagnait de l’ignorance totale des grands faits de la lutte des esclaves. Il fallait faire croire que les Noirs devaient leur liberté à un Blanc car eux-mêmes auraient été incapables de la conquérir. C’est dans cette culture et cette aliénation coloniales qu’ont baigné les Antilles françaises pendant plus d’un siècle après l’abolition.

Il n’en est pas moins vrai que la vie de Victor Schoelcher a été consacrée à la lutte pour l’abolition, en dépit même de certains propos qui peuvent lui être reprochés : son nom fut haï des Békés, ces Blancs esclavagistes de l’époque, et il prit place sur les barricades de février1848 avec les ouvriers parisiens.

Les jeunes activistes nationalistes, cependant, en faisant tomber les statues, ont voulu briser un mythe et « tuer » un Schœlcher qui était, il n’y a pas si longtemps encore, dans la population « Papa Schœlcher ». Ils l’ont revendiqué à visage découvert.

C’était aussi, par contraste, vouloir raviver la mémoire des insurgés noirs de mai 1848. Il fallait en particulier raviver celle de l’esclave Romain qui, emprisonné car il avait joué du tambour, fut libéré par ses frères. Ceux-ci, sur le chemin du retour, en essuyant le feu des milices esclavagistes, déclenchèrent alors l’insurrection libératrice.

Pierre JEAN-CHRISTOPHE (27 Mai 2020)
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Re: Schoelcher jeté à terre en Martinique

Message par com_71 » 31 Mai 2020, 09:16

Des détails sur France-Info
https://www.francetvinfo.fr/monde/afriq ... tor=AL-79-[article]-[connexe]
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Schoelcher jeté à terre en Martinique

Message par com_71 » 02 Juin 2020, 08:35

25 mai 2020 a écrit :Déclaration après le saccage des statues de Victor Schœlcher.
Mauvais geste, saine révolte


Le 22 mai dernier, de jeunes activistes nationalistes ont renversé la statue de Victor Schœlcher dans la commune de Schœlcher et à Fort de France en Martinique. Victor Schœlcher est l’abolitionniste de l’esclavage le plus connu. En France et dans les outremers francophones. Le 22 mai est la journée de commémoration de l’insurrection anti esclavagiste du 22 mai 1848 en Martinique. Elle avait contraint le gouverneur de l’île à décréter l’abolition de l’esclavage avant l’arrivée du décret gouvernemental. En effet le gouvernement issu de la révolution de 1848 en France avec notamment Victor Schœlcher avait décrété l’abolition de l’esclavage le 27 avril 1848. Certes, on peut trouver chez Schœlcher des déclarations et propos contestables, condamnables, mais néanmoins secondaires eu égard à son combat pour l’abolition. Et cela n’en faisait pas de toute façon un ennemi des esclaves. Il fut au contraire un défenseur de leur liberté à partir d’un certain moment de sa vie. Et il s’est battu pendant de longues années pour l’abolition de l’esclavage. Il fut un démocrate révolutionnaire, anti royaliste, républicain de 1848. C’est en ce sens que nous qualifions le renversement des statues de « mauvais geste ».

Les raisons de la colère Sans approuver l’action de ces jeunes, nous pouvons comprendre les sentiments qui les ont poussés à ce geste. Ce dernier était mal placé, inconsidéré, mais il s’explique. On en trouve les raisons dans l’histoire des Antilles françaises post esclavagistes. Victor Schœlcher fut vénéré comme celui qui a littéralement brisé seul les chaines des esclaves noirs. Pendant très longtemps la « fête Schœlcher », le 21 juillet, jour de la naissance de Schœlcher était grandement célébrée et organisée partout. Le jour était férié. Dépôts de gerbe, banquets, discours, bals étaient organisés pour l’occasion. Dans le même temps, l’histoire de la lutte des esclaves était savamment occultée. Les élèves et la population ne savaient rien des esclaves insurgés des 22 mai et 27 mai 1848. Ils ne savaient rien de la lutte armée dirigée par Delgrès, Ignace contre les troupes de Napoléon Bonaparte venus rétablir l’esclavage en 1802 en Guadeloupe. La révolution anti esclavagiste d’Haïti dirigée par Toussaint Louverture, puis Dessalines était totalement ignorée et longtemps bannie des livres d’histoire scolaire. On apprenait encore au milieu du vingtième siècle aux élèves que leurs ancêtres étaient des Gaulois. Des générations entières ont été élevées pendant plus d’un siècle dans le culte de Schœlcher et l’ignorance des luttes des esclaves. Le pouvoir colonial, l’enseignement colonial le voulaient ainsi. Il fallait ancrer chez le peuple noir l’idée que la lutte pour l’abolition était le fait du seul Victor Schœlcher, que les Noirs ne devaient leur liberté qu’à un Blanc. Schœlcher, lui-même, n’y était pour rien. Il s’est agi là d’une vaste entreprise d’aliénation coloniale de masse.

Pourquoi ? Il ne fallait pas que les travailleurs et le peuple noir pauvre parviennent à la pensée qu’ils pouvaient se battre eux-mêmes pour eux-mêmes avec des exemples de luttes menées par leurs ancêtres esclaves. C’est ce qui explique la colère des jeunes activistes ayant brisé les statues. Après l’abolition, certains partis et hommes politiques locaux noirs ont largement contribué à alimenter le mythe de Schœlcher comme unique acteur de la lutte abolitionniste. Le thème était porteur parmi les masses et on peut le comprendre. Ces partis et dirigeants politiques de couleur ont ainsi pu façonner leur popularité à bon compte. D’autant plus que sur le thème de l’abolition et du « schœlchérisme » ils se démarquaient de la caste béké. Ce fut le cas, entre autres, du parti républicain schœlchériste en Guadeloupe et en Martinique avec Satineau et Lagrosillère. La lutte des esclaves pour l’abolition restait, elle, toujours dramatiquement inconnue jusqu’aux années 60 et 70. C’est à partir de ces années là que les partis communistes des deux îles, les associations d’étudiants anti colonialistes, certains historiens ont exhumé et fait connaitre de nouveaux faits historiques concernant la lutte des esclaves, dont le 22 mai et le 27 mai 1848 Une colère salutaire ? Il aura fallu plusieurs années de manifestations dans les rues de Fort-de-France puis de Pointe-à-Pitre pour que ces deux journées des 22 et 27 mai soient officiellement reconnues. Alors certes, les jeunes qui ont déboulonné les statues de Schœlcher ce 22 mai 2020 à Fort-de-France et à Schœlcher se sont trompés de cible. Il y en en avait d’autres pourtant pour une action d’éclat. Les jeunes activistes demandent qu’il y ait la statue de Romain – l‘esclave arrêté qui fut à l’origine de l’insurrection de 1848 -à la place de celle de Schœlcher ! Non ! Nous disons non. Pas à la place de… mais à côté de…, ou en plus! Oui, il faut protester contre le fait qu’il n’y ait quasiment pas de sites, ou pas assez de rues, de statues portant le nom de Romain, ou de nègres marron. Il faudrait aussi débaptiser bien des rues et des lieux portant des noms d’infâmes esclavagistes. Il reste la colère qui se dégage de cet acte et des déclarations même confuses de ces jeunes activistes. Une telle colère peut être une force demain si elle est bien orientée et partagée plus largement par la jeunesse et singulièrement par la jeunesse ouvrière. C’est de cette colère que surgit la révolte et que de la révolte on passe à la conscience révolutionnaire, seule réellement salutaire. La conscience révolutionnaire, c’est celle qui embrasse les véritables causes de l’exploitation d’aujourd’hui. Il s’agit de la domination de la classe possédante, la bourgeoisie sur les autres classes et en particulier celle des travailleurs. L’impérialisme français n’est qu’un aspect de la domination de la classe bourgeoise parvenue au stade impérialiste. La domination de classe des riches békés est réelle et héritée de l’esclavage. Elle n’est cependant qu’une fraction de la domination de l’ensemble de la bourgeoisie française et internationale sur la classe des travailleurs aux Antilles et dans le monde. La lutte contre l’oppression bourgeoise a besoin de l’énergie et de la colère sociales de toute la jeunesse et singulièrement de la jeunesse ouvrière.

Que la colère ou la rage rejoigne une conscience révolutionnaire raisonnée, et cette alchimie seule donnera des résultats positifs pour l’avenir du mouvement révolutionnaire.

Pour Combat ouvrier : Louis MAUGEE
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Re: Schoelcher jeté à terre en Martinique

Message par com_71 » 18 Juil 2020, 00:42

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Re: Schoelcher jeté à terre en Martinique

Message par artza » 18 Juil 2020, 07:25

Voilà qui va désespérer Allouville-Bellefosse! ;)

D'esnanbuc c'était autre chose que le nain Darmanin.

Pour le fun j'attends les couineries quand seront déboulonnés Jules Ferry, Clemenceau et De Gaulle.

Une question d'ordre politico-historique les Caraïbes vont-ils remplacer nos ancêtres les Gaulois?
artza
 
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Re: Schoelcher jeté à terre en Martinique

Message par Plestin » 18 Juil 2020, 10:33

Si on élargit le principe au-delà de la seule question de l'esclavage, il va falloir identifier les rares statues du pays qui ne méritent pas d'être déboulonnées... :lol:
Plestin
 
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