Disparition - Artisan de Mai 68 devenu l’une des figures de la gauche comme leader de la LCR, l’ancien candidat aux élections présidentielles de 1969 et 1974 est décédé le 12 mars, à l’âge de 80 ans.
La révolution, Alain Krivine ne l’aura pas connue. Figure du mouvement trotskiste et de la gauche française, l’ancien leader de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) est mort à l’âge de 80 ans, samedi 12 mars. « Je t’entends encore dire que la plus belle manière de célébrer la mémoire des disparus est de perpétuer leur combat. Le faire sans toi n’aura plus jamais la même saveur », a réagi Olivier Besancenot, ancien collaborateur parlementaire de celui qui fut eurodéputé (LCR) entre 1999 et 2004.
Militant infatigable pendant plus de cinquante ans, il disposait encore d’un bureau au-dessus de l’imprimerie Rotographie, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), le siège du NPA, parti héritier de la LCR. Ses apparitions se faisaient plus rares ces derniers mois, mais l’homme aux cheveux frisés, lunettes sur le nez, y restait une figure appréciée et familière, comme à Saint-Denis où il résidait.
il fut le chef de file du mouvement trotskiste français
Né à Paris en juillet 1941, issu d’une famille de juifs ukrainiens ayant fui les persécutions antisémites à la fin du XIXe siècle, Alain Krivine s’engage en politique à 17 ans, auprès des Jeunesses communistes. Entré au Parti communiste international (PCI), il est exclu en 1966 de l’Union des étudiants communistes (UEC) en raison de son entrisme trotskiste au sein de l’organisation proche du PCF. Il fonde alors la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), qui jouera un rôle moteur dans les mobilisations étudiantes de Mai 68. Aux côtés de Daniel Cohn-Bendit, Jacques Sauvageot ou Alain Geismar, Alain Krivine deviendra l’un des visages de Mai 68. Le révolutionnaire se fait connaître du grand public, mais aussi de la justice. Quand le pouvoir gaulliste reprend la main sur le pays, en juin 1968, la JCR est interdite et son fondateur arrêté un mois plus tard, envoyé à la prison de la Santé pour « maintien et reconstitution de ligue dissoute ».
L’année suivante, il lance la Ligue communiste, fusion de la JCR et du PCI, notamment aux côtés d’Henri Weber, futur dirigeant du PS. Le tout depuis Verdun, où Alain Krivine fait son service militaire. Toujours sous les drapeaux, il doit demander à ses supérieurs une autorisation peu banale : celle de se présenter à l’élection présidentielle de 1969. Une « candidature révolutionnaire » qui « tendra à dissiper les illusions électoralistes et parlementaristes du PCF ». Il ne recueille que 1,06 % des suffrages. Candidat une seconde fois en 1974 pour la toute récente Ligue communiste révolutionnaire, il obtiendra 0,37 % des voix.
Chef de file du mouvement trotskiste français, Alain Krivine connaît un second séjour à la prison de la Santé en 1973, après avoir perturbé, en faisant usage de la force, un meeting d’Ordre nouveau, organisation d’extrême droite mobilisée contre une prétendue « immigration sauvage ». Il ne sera relâché qu’au bout de cinq semaines, à la suite d’un fort mouvement de soutien. Son parti, la Ligue communiste, sera dissous, précipitant la création de la LCR en 1974, qu’il dirigera durant près de trente ans. Avec cette organisation, il sera partie prenante de toutes les luttes lycéennes, étudiantes et féministes des dernières décennies du XXe siècle. L’objectif du trotskiste est de semer « les graines d’une nouvelle gauche, ni social-démocrate ni stalinienne ». Notamment avec l’hebdomadaire Rouge de la LCR, dans lequel il écrit jusqu’à la disparition du magazine en 2009.
Infatigable militant aux convictions peu mouvantes – un soixante-huitard qui n’a jamais renié ses convictions anticapitalistes et révolutionnaires », a salué Nathalie Arthaud (LO) –, Alain Krivine attendra ses 58 ans pour occuper son premier mandat électif. Second sur une liste d’union avec Lutte ouvrière (LO) d’Arlette Laguiller aux européennes de 1999, il siège comme eurodéputé jusqu’en 2004. À la faveur de cette élection, il s’entoure d’Olivier Besancenot, qui prendra sa relève à la LCR et réussira des percées électorales aux présidentielles de 2002 (4,25 %) et 2007 (4,08 %). La LCR occupe ainsi une place de choix durant près de dix ans, au sein de la gauche radicale. Porte-parole de la formation jusqu’en 2009, Alain Krivine participe à la création du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), espérant ainsi, en vain, amplifier l’influence trotskiste.
À gauche, il est resté une figure marquante et respectée, en témoignent les nombreux hommages qui ont accompagné l’annonce de son décès. Le député insoumis Éric Coquerel, ancien de la LCR, a tenu à saluer la mémoire de ce « porte-parole humain et talentueux du parti qui fut le (sien) », tandis que Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, a rendu hommage à « l’une des voix de l’histoire politique de la gauche ».