a écrit :
C'est la République qu'on démantèle
INSIDIEUSEMENT, quotidiennement et par tous les bouts, on est en train de démanteler la République. Un projet de décret, en apparence anodin ("modifiant le décret 90-170 du 23 février 1990"), nous apprend que le ministre de l'Education nationale s'appellerait désormais... "ministre chargé de l'Education". Il n'y aurait plus d'Education nationale ?
C'est bien l'intention du gouvernement. Dans sa lettre aux préfets (lire page 4), Raffarin annonce que l'Etat se réduirait à : la justice, la défense, les anciens combattants, la dépense publique, la fiscalité, les douanes et l'inspection du travail. Tout le reste serait transféré, ici aux régions, là aux intercommunalités... En réalité, privatisé !
Cette régionalisation-destruction anticipe sur la réforme de la Constitution discutée en ce moment même à l'Assemblée nationale. Mais attention : une réforme de la Constitution peut en cacher une autre.
Deux réformes constitutionnelles sont en préparation, étroitement reliées l'une à l'autre : la réforme de la Constitution de la Ve République (en principe adoptée définitivement fin janvier 2003 par le Parlement réuni en Congrès ou par référendum) est une étape pour faire passer la réforme des institutions européennes (en principe fin 2003).
De quoi s'agit-il ?
Hier 3 décembre, Giscard d'Estaing est venu présenter devant l'Assemblée nationale française l'état des travaux de la "Convention sur l'avenir de l'Europe" qu'il préside. Il s'agit, a-t-il expliqué, de remplacer les actuels traités en vigueur (notamment Maastricht et Nice) par une "Constitution européenne unique", qui mettra en place une "Union" fonctionnant "sur le mode fédéral".
Cette "Union" devrait voir "sa discipline renforcée" en matière économique. Autrement dit : aggravation de la politique de destruction des droits ouvriers et sociaux, de déréglementation et de privatisation.
Cet objectif exige, bien sûr, de pouvoir substituer de prétendus "droits sociaux européens" - aussi vagues que minimalistes - aux droits ouvriers (Code du travail, conventions collectives, statuts, régime de protection sociale), tels qu'ils ont été arrachés, dans chaque pays, par une lutte de classe séculaire. C'est là l'objet majeur de la future Europe, instrument de la lutte acharnée du capital pour "réduire le coût du travail".
Dans le débat à l'Assemblée nationale, les travaux de la "Convention" de Giscard ont été salués par tous, les interve- nants "de gauche" apportant leur touche "sociale" à l'édifice. Au nom du Parti socialiste, Elisabeth Guigou a demandé que "le traité constitutionnel inclue la charte des droits fondamentaux (...), des références claires aux valeurs de justice sociale et de solidarité, aux objectifs de progrès social, de cohésion sociale (...), l'objectif d'un plein emploi de qualité (...), le principe d'un salaire minimum dans chaque Etat membre, la possibilité concrète d'un droit de grève européen". Un salaire minimum ? Lequel ? Un droit de grève ? Lequel ? Cela passe-t-il par le maintien intégral de toutes les dispositions actuelles du Code du travail et des lois sociales existant en France, et cela à l'identique dans chaque pays ?
Non, bien évidemment. Tout ce verbiage prépare un prétendu "droit social européen", édifié sur les décombres des droits et garanties arrachés par les travailleurs et la lutte de classe dans chaque pays.
Mme Guigou ne s'en cache pas, puisque, après avoir insisté sur la nécessaire "reconnaissance du rôle des partenaires sociaux et du dialogue social", elle plaide pour "les services d'intérêt général", au nom desquels on détruit le service public dans chaque pays (en ce moment même, à EDF-GDF, par exemple). Et Mme Guigou de lancer à Giscard d'Estaing : "Votre tâche, monsieur le Président, est lourde, mais elle est bien engagée."
Même registre pour Pierre Goldberg, qui, s'exprimant au nom du PCF, déclare ce débat "salutaire" pour contrecarrer "l'essoufflement de la dynamique européenne". Favorable à l'élargissement de la construction européenne ("un grand projet de civilisation (que) nous soutenons"), il réclame qu'elle ne soit pas "conçue comme une simple extension du grand marché". Car voyez-vous : "L'Union est un grand marché, mais un nain politique et social." Pour Goldberg, c'est toute l'importance du "forum social et la manifestation de Florence" que d'avoir traduit "l'insatisfaction légitime des citoyens devant les lacunes de l'action de l'Union en matière sociale". L'Europe aurait des lacunes en matière so- ciale ? Les directives européennes détruisent toutes les conquêtes ouvrières et démocratiques, et ce ne serait pas assez ? Goldberg réclame qu'on ne se contente pas "de réécrire les traités actuels", mais qu'on suscite "un fort élan populaire", sans lequel "c'est la légitimité même du traité constitutionnel qui en pâtirait".
Tandis que l'on prépare ainsi une "Constitution européenne" qui jetterait des centaines de millions de travailleurs et leurs familles dans un monde privé de droits et de garanties, il reste à régler "quelques petits détails". Parmi ceux-ci, l'édifice qui, en France, garantit l'égalité des droits des citoyens dans la République, et l'ensemble des droits arrachés par la classe ouvrière dans le cadre de la nation.
C'est ici qu'intervient la réforme de la Constitution en France, dont le maître mot est : transfert aux régions et aux collectivités territoriales, "expérimentation", c'est-à-dire déréglementation et destruction de tous les droits.
Et c'est ce qui s'applique concrètement dans l'offensive en cours contre l'école et la Sécurité sociale, les services publics et le Code du travail, ou encore pour "passer en force" sur les retraites, puisque la France reste campée sur son "exception", qui, à ce jour, exclut les fonds de pension.
Tout est donc relié : la défense des droits ouvriers et l'indépendance des organisations, de la démocratie et de la République. Les mouvements de classe qui se développent ces dernières semaines - et en particulier le 26 novembre dernier - sont porteurs de revendications incompatibles avec ces funestes projets.
Ne les laissons pas assassiner la République ! N'y a-t-il pas urgence à forger l'unité de tous, travailleurs, militants, organisations,pour dire : non à la réforme de la Constitution, non à la nouvelle Constitution européenne ! Le Parti des travailleurs s'adresse à toutes et à tous pour, ensemble, s'atteler à ce combat essentiel à la sauvegarde de la démocratie.
Cet éditorial me laisse très perplexe.
J'aimerais connaître les réactions des camarades expérimentés (je dois avouer que je lis rarement la presse du PT).