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La tension sociale s'accroît dans les entreprises publiques
LE MONDE | 12.05.04 | 13h31 • MIS A JOUR LE 12.05.04 | 20h42
Des grèves étaient prévues, jeudi 13 mai, à la SNCF et à La Poste. Les syndicats d'EDF et GDF, de leur côté, annoncent quelques débrayages avant la manifestation nationale du 27 mai. Au centre des inquiétudes : l'emploi et la défense des missions de service public.
Alors que le gouvernement tente de résoudre la crise des intermittents du spectacle et qu'il a engagé des discussions délicates avec les syndicats sur la réforme de l'assurance-maladie, la tension sociale s'accroît dans les entreprises publiques.
A la SNCF, quatre fédérations de cheminots (CFDT, CGT, FO et Sud-Rail) ont lancé un appel à une journée de grève, jeudi 13 mai, sur l'ensemble du réseau. Dans une quasi-unanimité, leurs dirigeants entendent protester contre la réorganisation de l'activité du fret. Les perturbations de trafic devaient commencer à partir de 20 heures mercredi et durer jusqu'à vendredi 8 heures. Selon les prévisions de la direction, 70 % des TGV, en moyenne, circuleront, comme 60 % des trains Corail et de 40 % à 50 % des trains de banlieue de la région parisienne, tandis que la plupart des trains de nuit seront supprimés.
C'est aussi le 13 mai qu'ont choisi trois syndicats de La Poste (CGT, SUD et FO) pour organiser un arrêt de travail de vingt-quatre heures dans l'ensemble des centres de tri. Même limité à une partie de l'entreprise, ce mouvement, consécutif à un plan de restructuration présenté par la direction, devrait entraîner des perturbations dans la distribution du courrier.
A EDF-GDF, les organisations peaufinent leur stratégie d'opposition au projet gouvernemental de changement de statut de l'entreprise, qui devrait être soumis le 19 mai au conseil des ministres. Quant aux salariés d'Aéroports de Paris (ADP), ils ont manifesté mardi 11 mai, lors d'une journée d'action, leur rejet du projet de "privatisation", depuis que le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a confirmé l'ouverture du capital de l'entreprise en 2005.
Bien que cantonnés, pour l'instant, à des préoccupations inhérentes à chacune de ces sociétés, ces mouvements s'inscrivent dans une même logique. Les syndicats s'opposent à des projets de transformation de nature juridique, industrielle ou financière de leurs entreprises, qui, selon eux, vont se traduire par des conséquences sociales non négligeables.
Qu'il s'agisse d'EDF, de la SNCF ou de La Poste, c'est bien le maintien et la sauvegarde de l'emploi qui sont au centre des préoccupations. Face aux plans de modernisation ou de restructuration jugés inévitables par les directions pour adapter ces entreprises à la compétition européenne, à l'ouverture à la concurrence et aux marchés, les syndicats constatent, pour les dénoncer, les réductions d'effectifs déjà engagées. Même si, à la faveur des départs massifs à la retraite, elles devraient éviter les licenciements secs.
A EDF, les syndicats estiment à environ 10 000 les postes de travail déjà supprimés à la suite de diverses réorganisations de services. Ils craignent que ce mouvement ne s'amplifie à la faveur du changement de statut. Avec le plan de réorganisation du fret à la SNCF, une activité largement déficitaire, ce sont 2 500 suppressions d'emplois qui sont prévues, sans aucun licenciement mais avec de nombreux transferts. Ces diminutions d'effectifs sont comprises dans la réduction de 3 500 postes prévue dans le budget 2004 de l'entreprise.
"CONVERGENCE D'INTÉRÊTS"
Quant à La Poste, la direction a "formellement démenti"le projet de fermeture de 80 centres de tri dans un plan "Cap qualité courrier 2007", en rejetant les estimations avancées par le syndicat SUD (Le Monde du 22 avril). Ce dernier avait jugé que ce projet pourrait concerner 20 % des 30 000 salariés affectés dans les centres. La Poste est engagée dans un mouvement de repli de ses effectifs dans l'ensemble de ses services, de l'ordre de 4 700 en 2003 et de 5 000 en 2004.
A La Poste comme à la SNCF, certaines organisations souhaitent prolonger ces actions dans un mouvement de "défense du service public". Alors que les agents du ministère des finances ont prévu de se mobiliser le 25 mai, également contre les plans de réduction des effectifs, la plupart des syndicats des entreprises publiques ont d'ores et déjà annoncé leur intention de s'associer à la manifestation nationale du 27 mai prévue par les fédérations d'EDF et de GDF, et d'afficher les "convergences d'intérêts qui les lient face à la politique de démantèlement des services publics, qui est sérieusement engagée", selon la déclaration du collectif des cheminots.
Une vision des choses vigoureusement contestée par Nicolas Sarkozy, en visite, mardi, dans un centre EDF-GDF Services à Cergy-Pontoise. "L'intention du gouvernement est de conforter le choix du service public et du nucléaire"- les deux piliers sur lesquels EDF a bâti sa puissance et son prestige en France -, a martelé le ministre de l'économie et des finances devant des cadres et des agents des deux entreprises publiques. Et M. Sarkozy de rappeler que la loi de changement de statut d'EDF et de Gaz de France, qui devait être examinée par le Conseil d'Etat jeudi, avant de passer en conseil des ministres le 19 mai, garantira les grands acquis du service public (égalité des tarifs sur tout le territoire, prix accessibles pour les plus démunis...), mais aussi le maintien d'EDF et GDF dans le giron public, même après leur changement de statut. Le nouveau maître de Bercy aura-t-il convaincu les salariés d'EDF ? Réponse le 27 mai.
Michel Delberghe