ldc n° 178 a écrit :En nous présentant systématiquement, nous respectons une tradition solidement établie dans le mouvement communiste révolutionnaire. Tradition qui nous sépare d’autres courants révolutionnaires, anarchistes ou ultragauches, qui rejettent la participation aux élections.
Tout en combattant dans la classe ouvrière « les préjugés démocratiques bourgeois et parlementaires » – à plus forte raison, l’électoralisme –, Lénine résumait cette tradition dans une formule lapidaire : « La participation aux élections parlementaires et aux luttes parlementaires est obligatoire pour le parti du prolétariat révolutionnaire. »
Dans les périodes révolutionnaires, où la mobilisation fait surgir des organisations démocratiques de classe, comme les conseils ouvriers, la participation aux élections de la bourgeoisie devient une question tactique : présence ou boycott (voir l’attitude de Lénine par rapport aux élections pour la Douma pendant les différentes phases de la révolution de 1905). Mais en dehors de ces périodes exceptionnelles, les campagnes électorales font partie des combats politiques qu’une organisation communiste révolutionnaire se doit de mener. Elles lui offrent l’occasion de défendre devant un public plus large que d’ordinaire son programme et des positions correspondant aux intérêts politiques de la classe ouvrière. Elles l’amènent à affronter les différents partis de la bourgeoisie sur ce terrain. C’est aussi un moyen de vérifier l’écho que ces positions trouvent dans l’électorat ouvrier et plus largement dans les classes populaires. Les élections sont un thermomètre, disait Lénine en son temps.
Elles ne sont cependant pas un instrument de mesure passif. Elles donnent à l’électorat la possibilité d’exprimer un choix. En comparaison avec d’autres élections en France, l’élection présidentielle a l’avantage de permettre cela à l’échelle de l’ensemble du pays.
Nous ne discuterons pas ici de la valeur toute relative de cette indication-là. Toute une partie de la classe ouvrière, les travailleurs étrangers, n’ont pas le droit de vote, et cela suffit pour que le reflet électoral de l’état d’esprit, du niveau de conscience politique des exploités soit largement déformé.
Bien sûr, chaque élection présidentielle ayant eu lieu dans un contexte politique concret, nos axes électoraux, notre argumentation étaient liés à ces circonstances. Nous sommes cependant intervenus dans toutes les élections en tant que communistes révolutionnaires et pour défendre une politique de classe.
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Le caractère de classe de notre présence
Nous avons toujours refusé de noyer le caractère de classe de notre candidature dans un magma de revendications et d’objectifs divers émanant de diverses catégories d’opprimés, même lorsque ces objectifs et ces revendications étaient tout à fait légitimes.
Nous avons eu cette discussion dans le passé, notamment avec des courants qui, comme nous, se revendiquaient du trotskysme à l’époque et qui mettaient en avant les préoccupations, les revendications de différentes catégories, tantôt les prisonniers et leurs conditions de détention, tantôt la situation des minorités sexuelles persécutées, tantôt la solidarité avec tel peuple opprimé. Tout en partageant la solidarité avec un grand nombre de ces combats, nous ne voulions pas que l’exploitation de la classe ouvrière n’apparaisse que comme une de ces causes parmi d’autres.
Pour une raison fondamentale : nous ne voulions pas nous poser en représentant d’aucune de ces catégories opprimées spécifiques, mais en représentant de la conscience de la classe ouvrière. L’avenir de la société et toutes les formes d’oppression qui en découlent dépendent en dernier ressort de la capacité du prolétariat de renouer avec sa perspective historique, qui est le renversement de l’ordre capitaliste.
Un parti ouvrier communiste révolutionnaire prendrait en charge la plupart de ces combats en les intégrant, lorsque cela serait possible, dans le combat fondamental du prolétariat pour son émancipation. Il n’y aurait alors ni ambiguïté ni subordination à des courants qui, tout en combattant sur le terrain de ces oppressions, s’intègrent dans la société capitaliste.
Nous n’en sommes pas là. Pour une organisation qui n’est pas encore sérieusement implantée dans la classe ouvrière, avec ce que cela implique de crédit et d’influence politique, il est vital de rester sur le terrain de classe si elle veut gagner du crédit sur cette base.
À bien plus forte raison, il ne faut pas que le choix du « camp des travailleurs » soit sacrifié à l’alignement derrière des hommes politiques de la bourgeoisie, fussent-ils à la gauche de la gauche.
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Faire entendre le camp des travailleurs
Nous nous présenterons comme dans le passé au nom des intérêts politiques à court et à long terme de la classe ouvrière. Et le premier de ces intérêts politiques est précisément de s’affirmer comme une classe sociale aux intérêts politiques opposés à ceux de la bourgeoisie. Ce qui implique de s’opposer à tous les candidats déjà en lice ou à venir qui se placent sur le terrain de la société capitaliste, quelle que soit l’étiquette politique, gauche, droite ou extrême droite, qu’ils arborent pour attirer leur électorat. Mais cela implique tout autant de s’opposer à tous ceux qui prétendent ressusciter la gauche.
Dans une préface à l’édition américaine de La situation de la classe laborieuse en Angleterre, écrite en 1887, Engels décrit ainsi l’évolution de la conscience de la classe ouvrière, évolution à laquelle il a tant participé au côté de Marx :
« Dans les pays européens, il a fallu à la classe des travailleurs des années et encore des années pour comprendre pleinement qu’elle forme une classe distincte et, dans les conditions existantes, une classe permanente de la société moderne.
Et il lui a fallu de nouvelles années encore pour que cette conscience de classe l’amenât à se former en un parti politique distinct, indépendant et ennemi de tous les anciens partis politiques formés par les fractions diverses de la classe dominante. »
Ce texte, qui résumait les progrès accomplis à l’époque grâce à des décennies de luttes, de combats politiques, de tâtonnements et de progrès de la conscience de classe, apparaît aujourd’hui comme une indication du chemin à prendre. Ce constat rappelle les conséquences catastrophiques sur le mouvement ouvrier de la faillite et de la trahison de la social-démocratie d’abord, de la dégénérescence stalinienne ensuite. La « crise de la direction révolutionnaire » dont parlait Trotsky en 1938 n’a toujours pas été résolue.
Mais, malgré le travail de démolition de la social-démocratie et du stalinisme sur la conscience de la classe ouvrière, l’histoire ne repart pas complètement de zéro.
L’évolution du capitalisme n’a pas supprimé l’opposition entre la classe capitaliste et la classe ouvrière. Au contraire, elle l’a exacerbée. Pas seulement dans le domaine économique, où la contradiction est plus flagrante que jamais dans le passé entre les possibilités de la société de dominer sa vie économique et son incapacité à le faire. Tous les autres domaines de la vie sociale montrent des signes de pourriture, de recul vers la barbarie.
Voilà pourquoi il est essentiel pour l’avenir de la société que les idées surgies de l’expérience des combats passés de la classe ouvrière ne disparaissent pas et s’affirment...