Un « Lehman Brothers » de l'énergie ?

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Un « Lehman Brothers » de l'énergie ?

Message par com_71 » 08 Sep 2022, 01:08

Le Monde, 07/09/2022 a écrit :L’industrie électrique agite le spectre d’un « Lehman Brothers », cette faillite qui avait entraîné une débâcle

De grands entreprises sont parfois à court de liquidités pour garantir la couverture de leurs futures livraisons de courant. De plus en plus de pays européens doivent les aider.

Et si l’industrie électrique et gazière était à la veille d’une crise aussi grave que celle de la banque Lehman Brothers, en septembre 2008, dont la faillite avait entraîné une débâcle financière sans précédent depuis la crise de 1929 ?

Les entreprises et les gouvernements n’hésitent plus à évoquer ce spectre face à des acteurs du secteur de l’énergie parfois à court de liquidités. De plus en plus de pays européens doivent voler au secours de ces sociétés ébranlées par une flambée des prix encore accentuée par la récente fermeture du gazoduc Nord Stream 1, qui fournit du gaz russe à l’Europe du Nord.

Pour acheter de l’électricité sur les marchés à terme, et continuer de fournir leurs clients dans les mois à venir, les énergéticiens doivent passer par des chambres de compensation, comme le Nasdaq Clearing AB à Stockholm, qui garantissent la bonne fin des opérations en cas de défaillance d’un vendeur incapable de fournir ou d’un acheteur incapable de payer. Or le coût de cette couverture financière sous forme d’avance en argent liquide (remboursé à la livraison physique du courant), qui fluctue au jour le jour au gré des prix du marché, est devenu exorbitant.

« C’est une préoccupation grave des énergéticiens », a indiqué Kristian Ruby, secrétaire général d’Eurelectric, qui regroupe 3 500 entreprises de services aux collectivités européennes, dans un entretien au Financial Times. Centrica, maison mère de British Gas, recherche des milliards de livres pour assurer ses couvertures à venir, indique le quotidien britannique. Tous les grands groupes, comme le français EDF ou le finlandais Fortum, sont concernés. Même les sociétés les plus solides font face à « une énorme pression » en termes de paiement de garanties financières, souligne RBC Capital Markets. Le ministre finlandais de l’économie, Mika Lintilä, a agité le spectre d’« un moment “Lehman Brothers” de l’industrie énergétique » ; son collègue suédois des finances, Mikael Damberg, évoquait, dimanche, « des effets de contagion sur le reste du marché financier ».

Politique du sauve-qui-peut

Les Etats jouent les pompiers. Le groupe allemand Uniper, contrôlé à 70 % par Fortum, vient de demander à Berlin « une extension de la facilité de crédit », soit une rallonge de 4 milliards d’euros s’ajoutant aux 9 milliards octroyés fin juillet par la banque publique KfW. Premier importateur de gaz russe outre-Rhin et frappé par la baisse de 80 % des exportations de Gazprom vers l’Allemagne, l’Etat a même dû entrer à son capital (30 %). Pour son patron, Klaus-Dieter Maubach, il devra poursuivre son aide. L’entreprise, qui fournit des centaines de collectivités et de fournisseurs d’énergie, est « d’une importance capitale pour le développement économique du pays », a souligné le chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, pour justifier l’intervention de l’Etat.

De son côté, le gouvernement autrichien a annoncé, le 31 août, l’octroi d’un prêt de 2 milliards d’euros, courant jusqu’en avril 2023, à la société Wien Energie, premier fournisseur d’électricité du pays, afin de garantir sa solvabilité : la fourniture de deux millions de clients était menacée. Le groupe viennois, également très dépendant du russe Gazprom, a besoin de cette garantie pour ne pas être exclu des plates-formes de vente de l’énergie. Mais il s’agit d’une « mesure d’urgence exceptionnelle », a expliqué le chancelier conservateur, Karl Nehammer, prévenant que l’entreprise et la mairie sociale-démocrate de Vienne devront s’expliquer sur leur gestion.

Les dirigeants de la Suède et de la Finlande ont échangé dans l’urgence, dimanche 4 et lundi 5 septembre, et annoncé des aides massives à leurs énergéticiens : Stockholm est prêt à dégager jusqu’à 23 milliards d’euros de garanties de crédit ; Helsinki promet 10 milliards de prêts et de garanties. Sur le marché scandinave de l’électricité, la Norvège et le Danemark surveillent aussi la situation de près. Derniers pays à soutenir une entreprise nationale : la Confédération helvétique. Son Conseil fédéral a jugé que « Axpo est une entreprise d’électricité d’importance systémique pour la Suisse » et va lui avancer 4,1 milliards d’euros, dans le cadre d’un fonds de sécurité de 10 milliards pour les compagnies d’électricité.

Cette politique du sauve-qui-peut a été avalisée par la présidente de la Commission européenne elle-même. Ursula von der Leyen a indiqué, lundi 5 septembre, que le plan d’urgence qui sera arrêté au sommet des ministres de l’énergie des Vingt-Sept, réunis vendredi 9 septembre à Bruxelles, devra inclure ces aides aux entreprises pour qu’elles puissent intervenir sur les marchés et assurer la fourniture de leurs clients, particuliers et industriels. La Commission européenne en perd sa boussole sur la chasse aux aides d’Etat au nom d’une saine concurrence, au cœur de sa doctrine et de sa politique depuis le traité de Rome, en 1957. Mais il ne s’agit plus de concurrence : tous les groupes d’énergie sont peu ou prou emportés dans un véritable maelström.

Jean-Michel Bezat
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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