
Aristide s'en sortira-t-il en s'appuyant sur ce qui fonctionne encore de l'appareil d'Etat et en armant les lumpens ?
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Après des mois de répression, les Haïtiens réclament le départ de leur président
LE MONDE | 17.12.03 | 14h00
Les manifestations visant à chasser Jean-Bertrand Aristide prennent de l'ampleur.
Saint-Domingue de notre correspondant
Malgré la violente répression exercée par la police et les bandes armées du régime, le mouvement de contestation visant le prési-dent haïtien Jean-Bertrand Aristide prend de l'ampleur. L'ancien "prophète des bidonvilles", élu président pour la première fois il y a tout juste treize ans (le 16 décembre 1990), apparaît de plus en plus isolé. Le mot d'ordre de l'opposition, de la société civile et de la jeunesse étudiante est désormais unanime : obtenir le départ d'un président déclaré "hors la loi" par une coalition d'organisations socio-professionnelles.
Après Cap-Haïtien et Gonaïves, deux villes du nord du pays où les manifestations ont fait une vingtaine de morts depuis septembre, la mobilisation antigouvernementale a gagné la capitale.
L'industriel André Apaid, qui anime le groupe des "184" organisations de la société civile, a annoncé la reprise des manifestations pour mercredi 17 décembre jusqu'au départ du chef de l'Etat. Répondant à un mot d'ordre de grève générale, la plupart des magasins, des écoles et des banques sont restés fermés mardi. Les vendeurs du secteur informel qui survivent au jour le jour n'ont pas cessé leurs activités. André Apaid a dénoncé une directive de la police interdisant les manifestations "sans avis préalable des autorités". Evans Paul, l'un des leaders de l'opposition, a qualifié cette mesure d'"état de siège déguisé".
"BARBARIE"
Pour la plupart des Haïtiens, le point de non-retour a été atteint vendredi 5 décembre lorsqu'un groupe de "chimères", les hommes de main armés recrutés par le pouvoir dans les bidonvilles, a violemment attaqué la faculté des sciences humaines où les étudiants manifestaient pacifiquement. Une trentaine de personnes ont été blessées, dont le recteur de l'université d'Etat d'Haïti, Pierre-Marie Paquiot, qui a eu les jambes brisées à coup de barres de fer. Des journalistes ont été agressés et les locaux de l'université saccagés.
"Nous avons vu la police absolument complice ouvrir la voie pour que les "chimères" attaquent", rapporte Michèle Pierre-Louis, qui dirige un centre culturel jouxtant la faculté. De l'ordre des avocats aux associations patronales, une pluie de communiqués a dénoncé "la barbarie lavalassienne -référence au parti Lavalas au pouvoir- d'un régime intrinsèquement dictatorial".
Le violent assaut contre les étudiants a provoqué des démissions en série : celle de la ministre de l'éducation nationale, Marie-Carmel Paul-Austin, de la ministre du tourisme, Martine Deverson, de l'ambassadeur d'Haïti en République dominicaine, Guy Alexandre, et enfin du directeur général du ministère de la santé publique, le docteur Charles-Emile Hérard. Deux influents sénateurs de la Famille Lavalas, le parti présidentiel, dont l'ancien officier Dany Toussaint, ont rejoint l'opposition.
Le "vendredi noir" a déclenché une vague de manifestations dont la plus importante a réuni des dizaines de milliers de personnes le 11 décembre à Port-au-Prince. Les unités d'élite de la police, épaulées par des "chimères", ont utilisé leurs armes à feu et des gaz lacrymogènes pour disperser la foule à proximité du palais présidentiel, faisant plusieurs blessés par balles.
Au cours des jours suivants, les manifestations d'étudiants ont été violemment dispersées. Des enfants recrutés dans les bidonvilles et exhibant des armes à feu ont été vus aux côtés des "chimères". Au cri d'"Aristide pour cinq ans", ces enfants, surnommés les "cocorats", érigeaient des barricades de pneus qu'ils enflammaient et ils rackettaient les automobilistes de la capitale.
Jean-Michel Caroit