par iajoulik » 18 Août 2003, 15:34
Pour Alex, puisque tu y tiens...
[Si j'en trouve le temps, peut-être posterai-je un jour l'ensemble des entretiens, une fois pour toutes ; à la relecture, ce n'est pas aussi impubliable en l'état que je le pensais]
... On comprendra sans doute pourquoi je parlais plus haut de "désespoir politique (au sens propre du mot)"
CITATION (Entretiens Barta - J.-P. B. - 1975 ou 1976)
(extrait - p.8 - la transcription représente 15 pages dactylographiées - certains "..." correspondent manifestement à des passages inaudibles, non retranscrits - je rappelle qu'il s'agit d'entretiens, d'où le style oral et la ponctuation hésitante de la transcription)
[...]
J.-P. B. : Quand même c'est désagréable de voir en France des choses qui appartiennent à une époque, qui appartiennent à des militants... tu parais dire que tu t'es un peu effacé devant l'histoire, que le personnage s'est effacé devant l'histoire, or le personnage a quand même vécu, a écrit ça, pourquoi il s'efface, pourquoi il décide volontairement de ne pas intervenir...
Barta : Ca, c'est très clair. C'était parce que je ne pense plus les mêmes choses. Je veux dire, je me suis effacé parce que malheureusement pour moi je ne pense plus que les positions que nous avions défendues soient valables, mais malheureusement pour moi je suis resté de coeur exactement le même. Alors cela ne pouvait que me condamner... J'ai essayé, en ce moment j'ai adhéré à la SFIO ça veut dire que je paie mes timbres et puis c'est tout, j'écoute les autres, je ne peux rien dire, qu'est-ce que tu veux que je leur dise... J'ai milité avec des trotskystes dans la SFIO avant la guerre, etc. Il y a quelques militants, mais enfin c'est zéro. Alors c'est ça le problème. C'est-à-dire que dans un cas comme le mien, il faut passer de l'autre côté. Mais ça m'est absolument impossible. Parce que de l'autre côté, j'y étais, et je me suis détaché profondément, j'ai cherché dans le mouvement ouvrier ce que je ne trouvais pas, c'est-à-dire que je ne me suis fait d'illusions sur rien. Moi j'ai une vue de l'humanité extrêmement réaliste, j'ai toujours vu... Une seule chose sur laquelle je m'étais fait des illusions, c'est que je pensais que des gens qui créaient une activité de ce genre seraient d'une autre qualité humaine. Et je dois avouer que j'ai rencontré une minorité... Je fais partie de... Je suis un type d'homme disparu, disparu complètement.
J.-P. B. : C'est ce que j'ai dit tout à l'heure, effectivement, le personnage fait partie d'une époque...
Barta : C'est ça, disparu. C'est pas la peine de discuter..."
[...]
[/quote]
... Ceci étant, je maintiens ce que je disais précédemment : sauf à vider les mots de tout sens, cela n'en a aucun de parler de "trahison" au sujet de Barta... sur la seule base de son adhésion très tardive à la SFIO ! Que les choses soient claires : je n'approuve évidemment pas le geste ! Mais qui a-t-il donc trahi, ce faisant, sinon sans doute lui-même, c'est-à-dire ce que - je l'espère pour lui - il était profondément resté ? "Trahir", pour un militant ou un dirigeant révolutionnaire, signifie bien autre chose... et suppose en premier lieu d'être en situation de jouer un rôle, voire un rôle dirigeant, ce à quoi il avait renoncé - explicitement - depuis de longues années.