Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Marxisme et mouvement ouvrier.

Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Message par Gayraud de Mazars » 03 Jan 2024, 13:58

Salut camarades,

Trotskisme histoires secrètes... De Lambert à Mélenchon, je m'attends au pire...

De Lambert à Mélenchon !.png
Histoire secrète du trotskisme...
De Lambert à Mélenchon !.png (29.12 Kio) Consulté 2786 fois


Trotskisme : de Lambert à Mélenchon, par Laurent Mauduit
En librairie, le jeudi 4 janvier 2024

Avec Denis Sieffert, je publie un livre qui retrace l’histoire de l’OCI, la branche la plus secrète du trotskisme français, mais aussi la plus influente. Cette plongée dans le passé permet de comprendre certaines des origines de la crise actuelle de la gauche et notamment de la France Insoumise, dirigée par l’ex-lambertiste Jean-Luc Mélenchon.

Avec mon confrère Denis Sieffert, qui a longtemps été le directeur de Politis, et qui en est toujours l’éditorialiste, j’ai écrit un essai Trotskisme, Histoires secrètes – De Lambert à Mélenchon aux Éditions Les petits matins, qui paraît ce jeudi 4 janvier en librairie. En voici une rapide présentation écrite par nous deux.

L’histoire que nous nous appliquons à raconter est celle de l’Organisation communiste internationaliste (OCI), la branche la plus secrète du trotskisme français. Une histoire en partie de l’intérieur, puisque dans notre jeunesse, du début des années 1970 jusque dans les années 1980, Denis comme moi-même avons été « lambertistes » - du nom du leader de l’organisation, Pierre Boussel, dit Lambert (1920-2008).

Si nous nous sommes livrés à cet exercice, c’est pour deux raisons principales. D’abord, si la Ligue communiste, dont le NPA est l’héritier, a été l’objet de nombreuses études ou essais, il n’en a pas été de même de l’OCI, mis à part deux essais, dont celui de l’historien Benjamin Stora (ex-OCI comme nous), et de quelques études, dont celles, très documentées, de l’historien (ex-OCI) Vincent Présumey.

Or, le paradoxe, c’est que l’OCI, moins connue que sa rivale en trotskisme, et beaucoup plus secrète, a eu une influence beaucoup plus considérable sur la vie publique, même si cela a souvent été de manière occulte. Pour en prendre la mesure, il suffit de citer les personnalités qui a visage découvert ou à visage caché, en ont été membres, de Lionel Jospin à Jean-Christophe Cambadélis en passant par Jean-Luc Mélenchon. Mais la liste des « sous-marins » que l’OCI a placés dans le passé au sein de nombreuses organisations politiques ou syndicales est beaucoup plus fournie qu’on le croit, puisqu’il faut encore y ajouter quatre secrétaires généraux de la CGT-FO, dont Jean-Claude Mailly ou Marc Blondel. Et puis une ribambelle d’autres figures de la vie publique, dont un grand-maître du Grand Orient de France.

Cette histoire méconnue, il nous a semblé utile de l’écrire, en puisant dans nos souvenirs, et puis en conduisant une enquête rétrospective, en faisant appel à de nombreux témoignages.

Nous avons donc cherché à reconstituer les pages glorieuses de cette histoire ancienne – tout particulièrement le combat pour la libération des emprisonnés politiques dans les prisons ou les hôpitaux psychiatriques spéciaux dans l’ex-empire soviétique, combat dont l’un des moments très forts a été la libération du mathématicien Léonid Pliouchtch. Et nous nous sommes appliqués aussi à retracer les pages sombres – malheureusement beaucoup plus nombreuses : les purges innombrables, l’absence de démocratie, etc.

Mais la raison principale pour laquelle nous avons tenu à écrire ce livre plus de 40 ans après avoir quitté l’OCI – ce qui donnera à nos lecteurs la garantie d’une certaine distance avec notre sujet !-, c’est que nous avons eu la conviction qu’en fouillant ce passé lointain, on pouvait découvrir certaines des causes de la crise actuelle que traverse la gauche – aussi bien le Parti socialiste que La France Insoumise. En quelque sorte, l’envie d’écrire ce livre est née de la conviction tardive que cette histoire concerne bien plus que nous et notre génération : elle pèse encore sur la gauche d’aujourd’hui. Dit autrement, il y a un legs du lambertisme, qu’il est utile d’identifier.

Le premier des héritiers de cette histoire sombre du lambertisme, c’est Jean-Christophe Cambadélis. L’héritier en combines et manœuvres en tous genres, si l’on peut dire. Nous nous avons donc reconstitué l’aventure sulfureuse du clan rassemblé autour de lui, de la prise d’assaut de la Mutuelle nationale des étudiants de France (Mnef), jusqu’à la prise de contrôle, longtemps plus tard, de la direction du PS. Une équipée parsemée de multiples condamnations, qui éclaire l’une des raisons, parmi d’autres, du déclin historique du PS. Qui aurait pu penser que le parti de Jaurès et de Blum tombe entre de telles mains ? Il fallait assurément que le PS soit au plus mal – et nous en détaillons certaines des raisons.

Mais l’héritier qui retient aujourd’hui le plus l’attention, c’est évidemment Jean-Luc Mélenchon. Car s’il y a une personne qui a préempté le legs du lambertisme, c’est lui, même s’il n’est resté à l’OCI que quelques années. C’est bien lui, car il reproduit culturellement les traits les plus caractéristiques de ce courant du trotskisme français : un rapport problématique avec la démocratie, une conception autoritaire et verticale du pouvoir, une hostilité envers les médias, un imaginaire géopolitique de guerre froide, un faible pour les hommes forts… Autant de traits qui viennent de loin : on ne peut s’empêcher d’y voir la trace de ce que le même Jean-Luc Mélenchon a appris dans sa jeunesse à l’OCI.

Ce legs lambertiste que Mélenchon a préempté, nous avons donc cherché à le documenter le plus méticuleusement possible. Mais aussi le plus honnêtement possible, sans méconnaître les autres facettes de la figure de proue de LFI. Car le Mélenchon de la lutte sociale est souvent convaincant ; mais l’ennemi de la démocratie ne se fait jamais oublier. Le pouvoir, oui, mais pour en faire quoi ? Il n’y a pas de Sixième République sans démocratie. Cette démocratie, qui est le vrai sujet de ce livre, se doit d’abord d’être une philosophie, personnelle qui ne peut pas être intermittente. Il n’y a pas de combats qui justifient qu’on l’abandonne.

Dans la tourmente qui ébranle LFI, et par ricochet la Nupes, c’est cette conviction, heureusement, qui se manifeste de plus en plus nettement dans les différentes composantes de la gauche et au sein même des Insoumis et qui, tôt ou tard, ouvrira la voie à une époque nouvelle, celle de la refondation. Celle aussi de l’après-Mélenchon.

Si nous avons écrit ce livre, c’est en résumé avec cette ambition principale : inviter au débat, dans la perspective de cette indispensable refondation démocratique de la gauche.


Fraternellement,
GdM
Dernière édition par Gayraud de Mazars le 03 Jan 2024, 14:11, édité 1 fois.
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Re: Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Message par Byrrh » 03 Jan 2024, 14:07

Du même tonneau que ceci, je suppose : viewtopic.php?p=343023#p343023
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Re: Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Message par com_71 » 03 Jan 2024, 14:08

Gayraud de Mazars a écrit :, je m'attends au pire...

Si c'est le pire, tu pourrais peut-être réduire le format-image ! :lol:
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Message par Gayraud de Mazars » 03 Jan 2024, 14:12

Bien sûr camarade Com... C'est fait ! :D
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Re: Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Message par Gayraud de Mazars » 13 Jan 2024, 06:53

Salut camarades,

Sur le site d'Aplutsoc [Arguments pour la lutte sociale] on peut lire cet article.

Le lambertisme et la liquidation du syndicalisme unitaire
par Robert Duguet
Date : 9 janvier 2024
Article sur le site d'Aplutsoc

68-eme-congres-unef.jpg
UNEF...
68-eme-congres-unef.jpg (40.07 Kio) Consulté 2555 fois

Tribune du 68ème congrès de l' Union Nationale des Etudiants de France (UNEF) avec de droite à gauche Jean-Christophe Cambadélis, (président de l'UNEF), Marc Rozenblat et André Bergeron, secrétaire général de FO, le 27 avril 1984 à Paris. AFP PHOTO MICHEL CLEMENT

Réflexions personnelles sur un point précis à propos du livre de Laurent Mauduit et Denis Sieffert : «Trotskisme histoires secrètes de Lambert à Mélenchon» (Éditeur Les petits matins, janvier 2023). Dans un chapitre intitulé «le sauvetage d’une UNEF moribonde» après 1970 (pages 213 à 223) les auteurs apportent des éléments importants sur les rapports Cambadélis-Lambert-Bergeron dans la réunification de l’UNEF. A mon sens, cela va peser lourd pour l’après 1981… Cet article est une contribution et non une polémique contre ce livre. Les lambertistes, pour nos deux auteurs, soutiendraient aujourd’hui la FSU, point de vue que je ne partage pas. J’explique pourquoi…

Les rapports entre la reconstruction de l’UNEF (à partir de 1971 sous l’étiquette UNEF Unité syndicale) puis sa réunification (1980) et le bureau confédéral FO vont devenir réguliers : André Bergeron va s’y investir pour donner à l’UNEF la respectabilité d’un syndicat qui négocie avec les sommets gouvernementaux. Ce qui veut dire que Pierre Lambert est d’accord avec les initiatives de Jean Christophe Cambadélis qui aboutiront à faire tomber l’UNEF, au nom de la réunification, dans l’escarcelle des mitterrandistes. Certains des jeunes loups qui rejoindront le PS en 1986 avec Cambadélis mettront les mains dans le pot de confiture : avec la gestion des œuvres universitaires on aura la corruption, les affaires de la MNEF et compagnie, les plans de carrière, qui sont très bien expliqués par Laurent Mauduit. L’UNEF ne sera plus un syndicat lutte de classes, indépendant de l’État, dans la ligne de l’opposition aux conseils de gestion de la loi d’Edgar Faure que nous avons défendu dans notre jeunesse.

Cette évolution me confirme qu’entre 1970 et 1981 Lambert a d’ores et déjà pris ses distances avec la position qui était celle de l’OCI sur la FEN. En 1980, je serai personnellement témoin que les liens de la direction de l’OCI avec Louis Astre sont rompus. Les militants de ma génération n’ont pas oublié qui était Louis Astre (1924-2020) qui, sur le combat laïque, sur la défense du syndicalisme unitaire et du droit de tendance et sur l’association de la FEN à la défense des libertés démocratiques à l’Est et à l’Ouest, a donné au syndicalisme enseignant un profil dans lequel nous nous reconnaissions. Il fut aussi un ami personnel de Pierre Broué.

La victoire de François Mitterrand va amorcer, disent les auteurs, un long processus de désagrégation de la FEN… On ne peut pas le présenter ainsi. Il faut préciser que c’est la direction UID (Unité Indépendance et Démocratie) de la FEN qui porte la responsabilité du prétendu projet d’unification laïque, intégrant l’école privée, à 90% catholique, dans le service public. Les enseignants de l’OCI tiennent alors à juste titre à Paris à la Mutualité en 1973, à l’initiative de Michel Landron et de Jean Jacques Marie, une réunion dans laquelle ils expliquent que la FEN tourne le dos à la position qui était traditionnellement la sienne : fonds publics à école publique, fonds privés à l’école privée !

Alors que se dessine en 1971 à Epinay la perspective d’une nouvelle union de la gauche, rendue possible par la refondation mitterrandiste du PS, le CNAL tient des assises en mai 1972 sur la nationalisation démocratique de l’enseignement intégrant la nationalisation de l’école privée sous contrat de la loi Debré. On voit alors que des organisations foncièrement anti-laïques, sinon confessionnelles, se portent en soutien du CNAL. Il s’agit de la CFDT qui reste, malgré son apparente déconfessionnalisation de 1964, fondée sur le néo-corporatisme chrétien, de l’ACO (Action Catholique Ouvrière), les groupes La Vie Nouvelle qui jouent un rôle important dans la refondation du nouveau PS. Mitterrand tranchera en 1982 en faveur du projet qui est celui de la direction de la FEN contre le laïque Louis Mexandeau qu’on envoie aux PTT. Et Savary appliquera le monstre : la mobilisation des deux France [dénomination des deux manifs opposés : à Versaillesdans laquelle la FEN décentralisera le CNAL pour mieux lui tordre le cou, ce qui aboutira à la défaite historique de 1984.

Mon expérience de syndicaliste enseignant de 1970 à 1981 me conduit à dire que les éléments que les auteurs développent sur la FEN puis la FSU sont inexacts. (voir page 201)

«Le débat se concentra sur l’abrogation de la loi Debré, qui prévoyait le financement de l’école privée par des fonds publics. Les lambertistes – férocement anticléricaux – ne sont prêts à aucune concession dans cette affaire : le bureau confédéral de FO non plus. La franc-maçonnerie n’est pas très loin. Les lambertistes honorent une solide réputation de «laïcards» que l’on retrouvera plus tard dans le débat sur l’islam. FO crée pour eux la Fédération nationale de l’éducation, de la culture et de la formation professionnelle FO. Elle ne sera en vérité qu’une étape. Dix ans plus tard quand la désagrégation de la FEN sera totale, sous les coups de boutoir du PCF, les lambertistes rejoindront la FSU (Fédération Syndicale Unifiée) pourtant dominée par les communistes mais ouverte au droit de tendance. L’histoire du syndicalisme enseignant aura accompli une révolution complète au sens copernicien du terme…Les enseignants du POI se retrouvent aujourd’hui dans une tendance très minoritaire, dite Unité, Revendication, Indépendance syndicale (Uris)…»

La question laïque était portée par le SNI et la FEN sur la base d’un serment voté par un rassemblement de 500 000 personnes fondant le CNAL qui recueille en 1960 la majorité du corps électoral contre la loi Debré et qui exige son abrogation. Ce n’est pas une question de minorité «laïcarde». C’est l’honneur de la fraction enseignante de l’OCI d’avoir repris le flambeau : au-delà de l’affectation de fonds publics à l’école confessionnelle, c’est la question du respect de la laïcité de l’État qui est posée. Le régime bonapartiste que Charles de Gaulle impose au pays en 1958 repose sur le rétablissement des liens entre l’Église et l’État : la loi Debré rétablit les liens «monarchiques» du trône et de l’autel.

L’adjectif «monarchique» est de De Gaulle lui-même. La France «laïque» finance les cultes, à l’image des départements d’Alsace-Moselle, en rupture avec le régime de séparation de 1905. Michel Rocard, premier ministre, proposera plus tard d’aligner tous les départements sur le statut d’exception d’Alsace-Moselle, qui nous vient du casque à pointe de Bismarck.

La désagrégation de la FEN est le produit d’une capitulation d’elle-même sur la question laïque et d’une installation dans l’autonomie syndicale qui l’éloigne du projet de 1947, de faire tout ce qui était en son pouvoir, d’œuvrer pour une réunification du mouvement ouvrier dans une confédération CGT unique et démocratique. Les liens FO-UNEF après 1970, mis en lumière par les auteurs, m’inclinent à penser que Lambert était déjà sur la ligne de préparer le passage des enseignants trotskystes à FO, et donc de tordre le cou aussi au syndicalisme unitaire. Pourquoi un lien Bergeron-UNEF plutôt que syndicalisme enseignant – UNEF ? Pourquoi les équipes enseignantes venues des syndicats de la FEN n’auraient-elles pas aidé les jeunes camarades étudiants à construire un syndicat qui émergeait péniblement de la vague gauchiste qui suivit la grève de 1968 ? C’est une question légitime.

Les auteurs écrivent que «les lambertistes rejoindront la FSU» : ce n’est pas exact.

Le passage «musique en tête» et obligatoire (eins! zwei!) des enseignants trotskystes au SNLC pour le second degré et au SNUDI pour les instituteurs, orchestré par les fins stratèges Lambert et Hébert, se fait au détriment du syndicalisme unitaire et démocratique, qui dans l’histoire du syndicalisme enseignant de notre pays remonte à la Fédération Unitaire de l’Enseignement, adhérente de la CGTU, née en 1919. Nous avons hélas laissé faire, habitués que nous étions à un fonctionnement centralisé et à la confiance que nous avions dans une direction : ce faisant, les enseignants trotskystes ont ajouté leur pierre à la destruction de la FEN. Aujourd’hui, non seulement les lambertistes n’ont pas rejoint la FSU, mais ils ne la reconnaissent pas comme organisation fédérant les syndicats nationaux de l’ancienne FEN. Quant aux «coups de boutoir» du PCF le propos est à moduler sérieusement, car depuis les années 1981, les enseignants d’Unité et Action, autrefois étroitement contrôlés par le PCF, ont commencé à prendre leur distance vis-à-vis d’une orientation visant à les encourager à rejoindre une CGT encore stalinisée. Aujourd’hui, la direction de la FSU, où le courant Unité et Action est majoritaire, reprend les principes de fonctionnement démocratique qui sont ceux de l’ancienne FEN.

Pour les lambertistes, le passage à FO ne produira pas les effets escomptés après 1984, l’illusion que le syndicalisme enseignant se recomposera dans et grâce à la confédération FO va vite se dissiper. 30 ans après on observe que parmi les syndicats FO de l’enseignement, le SNLC plafonne à moins de 10% des syndiqués de la profession et le SNUDI autour de 13%. Globalement les enseignants continuent de se syndiquer dans les syndicats nationaux de l’ancienne FEN, devenue FSU. Une fraction du POI reprendra un travail de construction d’un courant syndical dont le sigle est aujourd’hui URIS, comme l’indiquent nos deux auteurs. Cela ne veut pas dire du tout qu’ils rejoignent la FSU : ils ont une intervention dans les syndicats nationaux mais pas dans la FSU. Ajoutons au passage que le droit de constituer une tendance syndicale dans le SNCL ou le SNUDI est interdit : le premier congrès du SNLC, auquel j’ai hélas assisté avant de prendre la tangente et de réadhérer au SNES, visait à exclure de la direction un groupe de camarades sympathisants du courant de Stéphane Just qui venait d’être exclu du PCI. Procès politique en toute indépendance syndicale !

Les lambertistes sont aujourd’hui les gardiens de l’appareil confédéral de FO, à l’heure où, sur les droits du travail ce dernier entre dans la logique corporatiste de la politique néolibérale de Macron et rompt de ce fait avec le positionnement réformiste classique de la confédération depuis sa création.

C’est la ligne initiée par Jean-Claude Mailly. Cela les exclut des problèmes que se posent en 2024 bien des militants syndicaux. Le fait que dans les instances dirigeantes de la CGT, de la FSU et de Solidaires se pose à nouveau la question de la réunification syndicale dans une confédération unique traduit le fait qu’à la base cela bouge en ce sens. Résister, oui ! En continuant de se diviser ou en s’unissant ? C’est à ce moment-là que le POI devient la garde prétorienne de Mélenchon au sein de la France Insoumise, un mouvement de type populiste qui remet en cause la charte d’Amiens et accentue la pente vers l’intégration néo-corporatiste dans les structures de l’État. Entre le chef charismatique et le peuple, il ne doit y avoir aucun «corps intermédiaires», ce que sont les syndicats. Nous ajouterons que l’expression «corps intermédiaires» utilisée par Mélenchon appartient aux encycliques papales de Léon XIII et à la doctrine sociale de l’Église romaine. Drôle de mariage entre Mélenchon et le POI. Comme «laïcards», on peut faire mieux !


Fraternellement,
GdM

https://aplutsoc.org/2024/01/09/le-lamb ... rt-duguet/
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Re: Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Message par jamesdan » 13 Jan 2024, 09:57

L'un des commentaires sur ce texte chez Mediapart :

PREMIERE CITATION:
« La désagrégation de la FEN est le produit d’une capitulation d’elle-même sur la question laïque et d’une installation dans l’autonomie syndicale qui l’éloigne du projet de 1947, de faire tout ce qui était en son pouvoir, d’œuvrer pour une réunification du mouvement ouvrier dans une confédération CGT unique et démocratique. »


PUIS:
« Nous avons hélas laissé faire, habitués que nous étions à un fonctionnement centralisé et à la confiance que nous avions dans une direction : ce faisant, les enseignants trotskystes ont ajouté leur pierre à la destruction de la FEN ».


N’y a -t-il pas une contradiction entre ces deux extraits?

Les enseignants trotskystes (et pas seulement !) n’ont-ils pas rejoint la CGT-FO justement parce que la FEN basculait derrière le projet d’unifier école publique et école privée sur la ligne d’unifier l’ensemble sur la ligne de l’école privée et des fameux projets par école, donc en réalité d’une privatisation !

Mais c’est vrai quant au « fonctionnement centralisé", c’est à dire au centralisme démocratique initié par les Bolcheviks et à la confiance donnée à la direction d'alors (P.Lambert-S.Just-M.Landron-JJ Marie) !
jamesdan
 
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Re: Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Message par com_71 » 13 Jan 2024, 11:57

aplutsoc a écrit :Le passage «musique en tête» et obligatoire (eins! zwei!) des enseignants trotskystes au SNLC pour le second degré et au SNUDI pour les instituteurs, orchestré par les fins stratèges Lambert et Hébert...

Où donc ce rédacteur a-t-il appris le mépris de la langue de Goethe ?
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Re: Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Message par Fée Néant » 13 Jan 2024, 16:30

com_71 a écrit :
aplutsoc a écrit :Le passage «musique en tête» et obligatoire (eins! zwei!) des enseignants trotskystes au SNLC pour le second degré et au SNUDI pour les instituteurs, orchestré par les fins stratèges Lambert et Hébert...

Où donc ce rédacteur a-t-il appris le mépris de la langue de Goethe ?


C'est exactement ce que je me suis dit en lisant le texte, et j'avais aussi tiqué sur ce passage :

le statut d’exception d’Alsace-Moselle, qui nous vient du casque à pointe de Bismarck.


Le casque à pointe de Bismarck est-il pire que le bleu horizon de Clémenceau ??
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Re: Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Message par artza » 14 Jan 2024, 09:11

Le Concordat en Alsace-Moselle c'est Napoléon !
artza
 
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Re: Trotskisme... De Lambert à Mélenchon !

Message par Gayraud de Mazars » 14 Jan 2024, 16:24

Salut camarades,

De Lambert à Mélenchon, démocratie et révolution.
Article sur Mediapart
Par Vincent Présumey
Dimanche 14 janvier 2024.

https://blogs.mediapart.fr/vincent-pres ... revolution

« Mais puisque nous voilà engagés en morale, disons enfin que l’on récuse l’idée de l’échec d’une génération, et l’échec d’une vie pour ceux qui ont persisté. C’est le rêve qui était fou. Et participer au mouvement « les yeux ouverts », quelle qu’en soit la forme, pour reprendre les derniers mots de Trotski, n’est jamais indigne. Mais les yeux vraiment ouverts ».

Le livre de Laurent Mauduit et Denis Sieffert, Trotskisme, histoires secrètes. De Lambert à Mélenchon, est une bonne et forte lecture que l’on ne saurait que conseiller à tout jeune qui veut appréhender dans quelle gauche il débarque (et dans quel monde il vit), comme à tout ancien qui a, ou pas, sa petite idée sur comment on en est arrivé là. Du titre, je retrancherai volontiers la première proposition pour ne retenir que la seconde, « de Lambert à Mélenchon », aucun secret n’étant plus éventé ici, mais parfois détaillé. Le côté « scoop » de la couverture est largement dépassé par le contenu, qui ne consiste pas dans une histoire analytique du « lambertisme », laquelle reste à faire, mais qui y contribue par une série de développements procédant, comme ils s’en expliquent, de l’histoire personnelle des auteurs et de leur perception des besoins présents.

L’OCI (Organisation Communiste Internationaliste) a été tout à la fois un regroupement de révolutionnaires qui voulaient changer le monde, une matrice méconnue, et donc sujette à des légendes dorées et surtout sombres, pour tout le mouvement ouvrier français du second XX° siècle, et une forme idéaltypique de « parti-fraction » se voulant « léniniste » dans lequel l’homogénéité de l’organisation était une finalité en soi, une forme organisationnelle en fait bureaucratisée, et cela de longue date. Chacune de ces trois dimensions doit être saisie, dans sa relation aux deux autres, si l’on veut comprendre. Mauduit et Sieffert n’ont eu ni plus ni moins d’ambition, je pense, que de donner leur éclairage procédant et d’une riche expérience vécue et des méthodes de l’enquête journalistique, à cette saisie, sans l’épuiser. C’est pourquoi les jugements définitifs que je vois venir ça et là, allant de « ils ont voulu faire du mal à Mélenchon » chez de jeunes aveugles, à « ils ont voulu en finir avec le marxisme », chez des aveugles plus âgés, voire les deux anathèmes ensemble chez des aveugles de toujours, sont totalement hors sujet. La clef historico-explicative du drame des « partis-fractions », tendant à être des sectes, qui n’est pas un problème limité à l’OCI mais un phénomène mondial de l’avortement révolutionnaire du XX° siècle, ne se trouve pas dans un livre qui se suffit à lui-même sans avoir besoin de cette prétention.

D’où un côté « ombres et lumières » de celui-ci. Les lumières sont importantes. Le chapitre 3, De quelques personnages flamboyants, et le chapitre 4, De quelques combats héroïques, sont de ce fait des chapitres décisifs.

Les « flamboyants » sont ici Boris Fraenkel, l’homme qui a fait se rencontrer Herbert Marcuse et Pierre Lambert (hé non, nous n’avons ni notes ni enregistrement !), et qui a théorisé la révolution sexuelle dans une organisation qui passa ensuite, et fut, la plus fermée aux sujets dits, à tort, « sociétaux » pour les opposer aux questions « sociales » ; Claude Bernard dit Raoul, le bel aventurier qui organisait les travailleurs viets déportés en 1944 ou les acteurs et les artistes après 68 ; Pierre Broué, historien de premier plan ; Gérard Bloch, qui nous a légué une traduction de la biographie de Marx par Franz Mehring et, surtout, ses notes fluviales apportées à sa traduction ; Daniel Renard, le vrai meneur ouvrier et syndicaliste des origines de l’organisation (dont la légende fut transférée sur Lambert auprès des jeunes, ajouterais-je) ; et Claude Chisserey, « l’excessif » et le sincère jusque dans les excès organisationnels, qui en mourut. Ce choix éminemment subjectif et tout à fait respectable donne la liste des personnages qui ont « fait » l’OCI, en profondeur, et qui, tous, s’y sont finalement trouvés marginaux. Les deux personnages officiellement flamboyants de ce que fut l’OCI, Lambert et Just, sont écartés de la liste (une interrogation : je ne crois pas que Just était à FO, son bureau à la RATP ayant plutôt été une mise au placard qui l’arrangeait bien). L’un des flamboyants est à cheval sur la catégorie des marginaux et sur celle des apparatchiks centraux, c’est l’ambivalent, c’est Pierre Broué. Les auteurs se font à eux-mêmes la remarque de l’absence de femmes. Or, elles étaient nombreuses à la base de l’organisation. Leur quasi absence dans les chefs, flamboyants ou marginaux, dit quelque chose non pas seulement de l’époque, mais du type d’organisation.

Autres lumières, les campagnes centrales, et largement victorieuses avec la libération de Pliouchtch, pour sauver et libérer des prisonniers d’opinion en URSS et en Europe centrale soi-disant « communiste ». Tout de même, ce ne furent pas les seules campagnes internationalistes de l’OCI qui portaient souvent sur la Bolivie, l’Argentine ou le Pérou, mais celles-là furent, en effet, irremplaçables, car personne d’autre ne pouvait les porter à ce niveau, et, pour certaines, les gagner et ainsi peser sur l’histoire globale.

Sans tenter d’histoire organisationnelle de l’OCI (dont on trouve des éléments dans mes propres travaux, dans la thèse de Jean Hentzgen ou dans les réflexions de Pierre Salvaing), Mauduit et Sieffert ont naturellement consacré un chapitre aux « purges », enfin, à quelques-unes d’entre elles : Fraenkel et sa « clique sexualo-sectaire » (sic), Nagy-Varga « agent du KGB stipendié de la CIA » (re-sic), Stéphane Just, Pierre Broué « royaliste » (sic, sic et re-sic !!!), et le trio Corbières-Carrasquedo-Antonio en 1992. Dans cette liste, est insérée une « purge » qui relève plutôt d’un abandon en rase campagne, totalement méconnue par ailleurs, celle du groupe « Avant-Garde Israël » qui était venu de lui-même contacter l’OCI et s’en est mordu les doigts car ils pensaient par eux-mêmes et disaient ce qu’ils pensaient. Cette éviction participe de la dispersion internationale continuellement produite par les méthodes de « grands propriétaire foncier », comme le disait le bolivien Guillermo Lora, qui étaient celles de l’OCI en la matière. Le pire fut ici l’ « affaire Varga » en 1972-73, un peu la mère de toutes les purges, sur laquelle toute la lumière reste à faire (concernant, non pas Varga, qui n’était évidemment pas un guébiste, mais les tenants et aboutissants du processus interne substituant une hystérie sectaire paranoïaque à des discussions nécessaires qui cherchaient à se faire jour).

C’est un peu une contrainte à quiconque parle de cette histoire de traiter de l’ « entrisme ». Les auteurs font le choix salutaire de distinguer l’entrée drapeau déployé, préconisée par Trotsky en 1934 dans la SFIO et d’autres partis réformistes, de l’entrisme « sui generis » chez les staliniens que Pablo, « secrétaire de la IV° Internationale », voulut imposer à sa section française en 1951, accouchant ainsi, involontairement et en réaction contre lui, de l’OCI, et de l’introduction de clandestins dans d’autres organisations ou dans l’Etat. Si ce dernier aspect a pris une importance particulière de la part de la direction de l’OCI, où son contrôle fut l’apanage et la particularité distinctive de Lambert, c’est, selon les auteurs, comme un substitut à une possibilité historique qui s’est offerte dans les années 1970, et que plusieurs participants de cette période – Charles Berg, Pierre Broué, Jean-Paul Joubert – ont dit par la suite avoir envisagée voire proposée sans succès : une entrée drapeau déployé comme gauche jeune du PS d’Epinay. Difficile de dire si ceci fut une occasion manquée ou un risque évité, mais force est de constater que là encore, une discussion à découvert n’a pas eu lieu : c’est le type d’organisation « centralisée » et ses relations internes, faisant de la direction une fraction soudée face à l’organisation à son tour fraction soudée face à « la classe » et au monde, qui l’interdisait.

Et non seulement l’entrée de clandestins -mais en nombre important – au PS, coexistant avec une position officielle plus proche de celle d’Alexandre Hébert pour qui le parti d’Epinay rompait avec le mouvement ouvrier (position déjà rodée, ajouterais-je, lors des discussions sur la formation du PSU en 1960, le rôle attribué à Mitterrand étant alors tenu par Mendès-France), fut le substitut organisationnel à toute discussion ouverte et franche sur la manière de construire un parti révolutionnaire en France dans les années 1970 après que la percée d’une « extrême-gauche » ait touché ses limites et alors que les partis « traditionnels », « nouveau PS » en tête, remontaient vite la pente, mais l’activité de ces clandestins fut, politiquement, nulle : elle ne consista en rien d’autre qu’à appuyer Mitterrand. Dans ce cadre, les auteurs soulignent bien la situation individuelle particulière de Lionel Jospin.

Ils ont tout à fait raison de dissiper un souvenir dominant, qui voudrait que la tendance formée dans la LCR à la fin des années 1970, qui a rejoint finalement (en 1980) l’OCI qui fut en même temps le creuset de sa disparition rapide, aurait été le résultat du « sous-marinage ». Non, la TLT (Tendance Lénine-Trotsky) puis la brève LCI (Ligue Communiste Internationaliste) furent le résultat d’une évolution autonome, à l’intérieur de la IV° Internationale-Secrétariat Unifié, liée en France à la poussée pour chasser Giscard et au heurt de cette poussée sociale avec la politique du PCF et aussi de l’extrême-gauche hors OCI, qui connait alors sa plus grande force.

Une parenthèse quasi psychanalytique s’impose ici. Si la conviction, chez ses partisans comme chez ses adversaires, que ceci avait été une histoire de sous-marins, s’est imposée, c’est aussi à cause des extraordinaires pseudos internes et noms de plume des deux animateurs principaux de cette tendance formée dans la Ligue : Nemo et Ulysse ! Christian Phéline (Nemo) raconte pourtant que ce surnom lui a été donné par ses camarades de cellule de la Ligue. Hasards objectifs …

Il en est un autre que je signale : Daniel Gluckstein, lui aussi venu de la Ligue et lui non plus pas sous-marin malgré sa réputation, en a apporté son pseudo, Seldjouk, à l’OCI. Seldjouk, ou le grand vizir qui se prépare à prendre la place du calife …

L’imprégnation mutuelle de l’appareil de la CGT-Force Ouvrière et de celui de l’OCI est, quant à elle, un phénomène de longue durée, qui ne saurait lui non plus entrer dans la catégorie sommaire du « sous-marinage » ou, comme le disent les policiers, du « noyautage », mais qui fut un fait profond de l’histoire syndicale française. Il a abouti à former une sorte de réseau de soutien mutuel amical, syndical, maçonnique souvent, et, dirais-je, « fromager » (au sens de partage du fromage), dans lequel la vraie question n’est pas vraiment d’être membre ou pas, secrètement ou pas, d’une organisation politique, mais d’avoir les codes et les complicités implicites nécessaires pour tenir les « positions » (et de participer aux bons gueuletons à la bonne place).

Dans cette histoire longue, le moment clef dans la mythologie interne de l’OCI était le Non à De Gaulle au référendum de 1969. Si ce Non fut tout à fait justifié, il était néanmoins assorti d’une alliance organique avec la direction confédérale et avait été précédé d’un premier vote pour le rapport moral, mais pas à l’encontre du gaullisme puisque celui-ci s’était produit … en 1959, alors que FO avait refusé de s’opposer à l’avènement de la V° République.

Cette vérité historique est signalée par les auteurs, p. 181, à partir de mes propres travaux, qui se sont appuyés sur les comptes-rendus des congrès confédéraux et ont été étayés par ceux de Jean Hentzgen, auquel il faut rendre la primeur de l’information sur la première manifestation d’intouchabilité de Lambert, lorsqu’encore auparavant, en 1954, il fut réintégré dans la CGT après avoir rencontré Benoit Frachon sans en avoir discuté dans l’organisation. J’ajoute que Lambert n’a pas été exclu une seconde fois de la CGT, et que son rôle syndical dans les années 1950 et le début des années 1960 est un monument d’habileté roublarde - un vrai bijou ! -, que lui-même avait du mal à résumer clairement, et que j’ai tenté de démêler dans mon article cité en bibliographie.

Le fond du problème, son acte I, n’est pas que Lambert aurait mis le vers « réformiste » dans le fruit « révolutionnaire », par exemple en introduisant Alexandre Hébert au Bureau politique alors qu’il n’était pas à l’OCI, et tout ce qui s’ensuit : le vote pour le rapport d’activité de FO à l’avènement de la V° République date de 1959, le premier grand signe d’intouchabilité de Lambert de 1954. C’est le fonctionnement en parti/fraction/secte qui a été le cadre des évolutions subséquentes, dans un cadre international sur lequel je ne reviendrai pas ici.

Les développements rapides du livre sur les conséquences de cette « adaptation » dans le syndicalisme enseignant, pp. 199-202, demanderaient à être fortement complétés, car le passage de la plupart des enseignants de l’OCI de la FEN à FO, en 1984, outre qu’il fut le déclencheur de la crise conduisant à la purge du courant de Stéphane Just, a été un choc pour le syndicalisme unitaire de l’enseignement, lequel a puissamment aidé la direction de la FEN, quelques années après, à tenter son autoliquidation en UNSA, produisant en réaction la formation de la FSU et une forte aggravation de l’émiettement syndical. Il est permis de penser que si ces forces étaient restées à la FEN, la direction de celle-ci aurait été minoritaire dans son entreprise (ce n’est que le petit détachement laissé à la FEN qui se trouve dans la FSU en 1992, le gros des forces enseignantes de l’OCI/MPPT/PT étant désormais à FO). Et, dans FO, l’affrontement Blondel-Pitous au congrès de succession d’André Bergeron, en 1989, ne s’explique qu’à moitié par la mainmise du réseau amicalo-syndical-fromager formé par Lambert plus ou moins dans le dos (mais avec la bienveillance initiale) de Bergeron, car derrière Pitous se trouvaient aussi les partisans de la « recomposition syndicale » alors lancée par la direction de la FEN. De plus, les « combinards », comme les auteurs appellent Cambadélis et la faction fromagère de la MNEF, étaient aussi à la manœuvre, et ce congrès et le congrès de Rennes du PS furent en résonnance.

Sur ce chapitre, Robert Duguet a donc eu raison de souligner qu’en fait, la politique lambertiste, loin de continuer la défense du syndicalisme unitaire, laïque et confédéré, lui a, par ricochet, porté de grands coups. Cette continuation reste nécessaire et vivante (à titre personnel, je me permets de dire que j’espère agir ainsi en tant que responsable FSU) : il est important de démystifier aussi ce monopole imaginaire de la référence « syndicaliste confédérée » et de la référence « laïque » du lambertisme et de ses héritiers (POI et POID récemment rebaptisé à nouveau « PT »). Ainsi, dans le « débat sur l’islam », leur position et celle qu’ils impriment à la Libre Pensée n’est pas celle que l’on prête habituellement aux soi-disant « laïcards » - un terme qu’il me semble préférable d’éviter, entre guillemets chez Mauduit et Sieffert -, mais celle des … « islamogauchistes » (avec guillemets là aussi !) – même si on peut s’interroger sur la sincérité de ces positions en relation avec leur caractère, à nouveau … fromager, la LP s’étant rapprochée de la Ligue de l’enseignement.

De même, le bilan syndical de cette adaptation bureaucratique, qui n’est pas la même chose qu’un engagement syndical pragmatique, s’avère dans la durée contredire ses alibis historiques et rhétoriques : depuis Blondel et jusqu’à Verrier inclus, les secrétaires confédéraux FO sont donc issus du réseau construit en son temps par Lambert, mais l’affirmation de l’indépendance de classe du syndicat est allée en s’affaiblissant, et les différentiations au sein même du dit réseau montrent qu’il n’a plus de boussole, s’il en a jamais eu une. Rappelons, suprême ironie de l’histoire, que c’est Alexandre Hébert qui, à partir de 2005 environ, a trouvé que Lambert comme Mailly « dérivait » beaucoup trop !

J’en arrive aux chapitres sur les « héritiers », Cambadélis et, surtout et sur un tout autre plan, Mélenchon. Une remarque préalable s’impose à ce stade : une mésinterprétation possible de ce livre pourrait consister à lui prêter l’idée que les malheurs et turpitudes actuels de « la gauche » contemporaine, tout du moins (mais c’est déjà énorme) à travers les phénomènes d’intégration au capitalisme financiarisé et à l’appareil d’Etat de la V° République dans le cas du PS, conduisant à son rétrécissement implosif en 2017, ainsi que dans le bonapartisme populiste à la Mélenchon, prendraient leur source soit dans les défauts de Lambert, soit, plutôt, dans la matrice « lambertiste » de l’OCI.

Ce serait là attribuer énormément à l’OCI et en faire une sorte de deus ex machina diabolique. Il suffit de rappeler que la dégénérescence bureaucratique des organisations issues du mouvement ouvrier est bien antérieure, que la question est mondiale, et que ce qui a été dit de FO ci-dessus montre tout aussi bien que, dans le cas du lambertisme, l’influence a joué dans les deux sens et qu’au final, c’est l’influence bureaucratique de l’appareil syndical, véhicule des rapports sociaux dominants, qui est déterminante et donne la tonalité dominante, pour saisir que telle ne peut pas être la conception des auteurs du livre, qui, par contre, pointent, dans le cas de l’histoire du mouvement ouvrier et de « la gauche » en France, une forme particulière, spécifique, nationale, une touch véritablement sui generis, prise par ces phénomènes globaux résultant de l’histoire des révolutions avortées du XX° siècle et des tragédies qui en ont résulté. En tant que forme spécifique d’un phénomène global, le lambertisme n’en est pas la cause, mais la forme a son importance, son agentivité et son style propre. L’OCI n’est pas coupable des bureaucraties et autres turpitudes, mais, historiquement, victime dans son corps militant – mais aussi participante active en tant qu’appareil formé par le parti-fraction-secte.

Ainsi, la corruption des « combinards » de la SA Cambadélis-MNEF n’a pas apporté au PS ses propres turpitudes, mais il est vrai qu’elle a contribué à leur donner une tonalité dont, entre autres épisodes, l’ « affaire DSK » participa, et surtout qu’elle s’est remarquablement combinée à la manière dont, finalement, le PS allait friser l’autoliquidation. A ce sujet, je me permets un souvenir personnel. Dans l’OCI, j’étais en « dissidence » contre l’appareil vers 1985-1986, mais ce à quoi j’avais le plus affaire était l’appareil, en fait, de la fraction dirigeant l’UNEF-ID : son départ eut donc pour effet de me permettre de rester encore un peu, trois années. A des camarades étudiants socialistes qui me demandaient pourquoi je n’étais pas de cette fournée qui allait les rejoindre, je disais que ces gaillards là allaient très vite les doubler par la droite, et ce fut le cas. D’autres ont cru sincèrement quitter un cadre sclérosé pour aller former un vrai courant gauche au PS, ils ont été les dindons de la farce. Mais celle-ci a pu fonctionner aussi parce que, jusqu’en 1986, Lambert tolérait la formation d’un appareil autonome basé sur le syndicat et la mutuelle étudiants, conséquence non automatique de la « prise » de l’UNEF Unité syndicale et de sa préservation comme vrai syndicat, depuis 1971. Conséquence non automatique, mais fort vraisemblable dans le cadre de ce qu’était réellement l’OCI, parti/fraction/secte, de plus délesté de l’éventualité d’une organisation politique de jeunes à ses côtés depuis la mise progressive hors circuit de l’AJS et de l’IRJ. Et ceci a ensuite contribué à en renforcer les traits, notamment ceux, à l’époque et depuis, de citadelle assiégée par les « agents de l’Elysée » et par « les médias ».

C’est évidemment à propos de Mélenchon que cet ouvrage peut faire le plus de vagues, susciter le plus de postures indignées, et soulever le plus de questions. Des thuriféraires de « JLM » pourraient faire un blocage sur le fait de lier la personnalité politique de leur idole à ce qui peut apparaître comme une vieille histoire, voire même comme une vieille préhistoire. Inversement, des nostalgiques de la « vieille OCI », car il en existe, pourraient refuser de voir la relation entre celle-ci et Mélenchon et estimer qu’on a là un tout autre thème, visant, qui sait, à faire du buzz. Il faut donc le dire fortement : sur ce point, politiquement d’abord, intellectuellement et psychologiquement ensuite, il était justifié, il était nécessaire, de traiter de la personnalité politique, d’abord, intellectuelle et psychologique, ensuite, de Jean-Luc Mélenchon, dans sa relation profonde, organique, historique, à l’OCI. Ce n’est ni une calomnie, ni une tare, ni un épiphénomène. Ce que Lambert nous a finalement légué, bien qu’il n’ait pas fait exprès, de plus « gros » aujourd’hui, hé bien, c’est Mélenchon, hé oui.

Le portrait psychopolitique du chapitre 11, principalement, est tout à fait remarquable et vrai, au-delà de toute interrogation binaire en mode « il en est où il n’en est pas ? ». Ni l’un ni l’autre et les deux, mon capitaine : Mélenchon, ni sous-marin, ni adhérent au-delà de ses premières années, mais toujours compagnon de route, est radicalement, viscéralement, un des produits achevés de cette histoire, de notre histoire, celle de l’OCI …

C’est bien entendu par là que la question de la place de l’OCI dans l’histoire impacte le plus le moment présent. Mélenchon n’a jamais été un « agent de Lambert » et a d’ailleurs eu sans doute fort peu de contacts directs avec Lambert, mais il a mis en pratique une combinaison entre conscience historique de l’épaisseur des courants du mouvement ouvrier dans leur totalité, et une action assumant consciemment toutes les concessions à « la réalité » bureaucratique et gouvernementale, combinaison que l’on apprenait à l’OCI, cette école centrale, pour le meilleur et/ou pour le pire.

Lorsqu’il se fait « le » socialiste en rupture sur la gauche ambitionnant de regrouper en un « front » la gauche non ralliée au « libéralisme », il tend à mettre en œuvre l’idée synthétique qu’avait instrumentalisée Lambert, celle de l’union et de la synthèse des vieux courants, sociaux-démocrates, communistes, trotskystes, anarcho-syndicalistes, et d’autres encore – la synthèse des héritages de la classe !

Mais la dimension de l’Ego dominateur, de la camarilla des adorateurs du Chef, et toute la culture bureaucratique et gouvernementale inclinent cette synthèse, qui apparaissait dans ses meilleurs moments oratoires, vers la seule synthèse des méthodes et de l’habileté des chefs et des hommes de pouvoir : Mitterrand, Marchais, Lambert !

Cela se fait à travers une « innovation » idéologique, avec l’alibi de la découverte de Mouffe et Laclau : la formulation explicite d’une idéologie populiste, c’est-à-dire bonapartiste, précisément au moment où Mélenchon voit qu’il pourrait éventuellement devenir le Bonaparte de la V° République. Mais en même temps – les « lois de l’histoire » sont implacables même avec les plus malins qui veulent jouer avec elles ! – cela l’empêche d’y accéder : la majorité qui eût été possible par une politique de front unique réelle, ne l’est plus, de peu, mais ne l’est plus, dès lors que Bonaparte veut « construire son peuple ».

Il y a toutefois ici à la fois continuité sur certains points, et discontinuité sur le plus important. Car l’OCI était sans doute l’organisation qui a le plus théorisé, formulé, affirmé, et pratiqué, le combat pour la liquidation de la forme bonapartiste de l’Etat bourgeois en France : la V° République. Or, Mélenchon n’est pas, à cet égard, une créature intemporelle, il évolue : formé politiquement à la dénonciation de ce régime, il franchit lentement et sans prédétermination une série de paliers au fur et à mesure que grandissent son rôle et son influence, de Données et Arguments à Gauche à la Nouvelle Ecole Socialiste, puis à la Gauche Socialiste, puis à PRS, puis au Parti de Gauche et au Front de Gauche, et finalement, en franchissant un seuil qualitatif vers le bonapartisme, à LFI. Assurément, le fin portrait psychopolitique que Mauduit et Sieffert donnent de Mélenchon doit à partir de là être affiné encore comme fait historique qui n’avait rien d’inéluctable.

Or, cette involution vers le bonapartisme, ou si l’on veut vers l’illibéralisme, forme contemporaine de la domination du capital, aboutit au final à une inversion des valeurs fondamentales de ce qui fut l’OCI.

Quel contraste pire, en effet, que celui que nous avons entre les belles campagnes de libération d’un Pliouchtch et le poutinisme crasseux commun aujourd’hui à Mélenchon, au POI et au POID ! Et quelle honte de voir – à cause d’eux et pour le confort de son appareil - FO soutenir de fait les mêmes qu’André Bergeron appelait « les cosaques » !

Même tête-à-queue dans la durée, sur le bonapartisme, un tantinet masqué par le discours idéologique de LFI sur la « VI° République » et « la constituante », mais l’une et l’autre censées devoir être octroyées par le Chef une fois président de la V° République !

Sur les pays de l’Est et la vision géopolitique du monde, comme sur le rapport à la pratique institutionnelle sous la V° République, Mélenchon et le POI (devenu sa garde prétorienne et dont il est le dirigeant de facto), le POID/PT les rejoignant sur les aspects internationaux (décisifs), il y a inversion des valeurs par rapport à ce que fut l’OCI. De ce point de vue, l’auteur de ces lignes, divers militants issus de cette organisation (par exemple dans le groupe Aplutsoc que je contribue à animer, ou au Réseau Bastille), et les auteurs de ce livre eux-mêmes, sont aujourd’hui plus héritiers de la « vieille OCI » que ne le sont le POI, le POID/PT et Mélenchon !

Cette inversion finale de principes fondamentaux, sur les régimes issus du stalinisme et sur l’opposition entre bonapartisme et démocratie, pèse lourd dans la lutte des classes aujourd’hui, en France, et donc sur l’ « état de la gauche » : le populisme LFI a placé Mélenchon juste sous le plafond de la victoire et a donc perpétué le régime sous sa forme macronienne, et l’absence d’internationalisme sur la Syrie ou sur l’Ukraine, et la forme ritualisée voire fantasmée de la défense de la Palestine, fait aussi partie du problème.

La période de la chute du Mur de Berlin et les années qui suivirent furent importantes dans cette involution idéologique, car c’est une appréciation globalement négative qui fut alors portée sur la fin des régimes « communistes », rapidement suivie d’une concentration des discours contre « l’Union Européenne » en lieu et place de la « V° République », dans une main tendue plus ou moins ouvertement aux « souverainistes » de tous bords.

Le fond idéologique qui a, sinon permis, du moins grandement facilité et fourni son terreau, à cette involution vers le campisme, le poutinisme, le populisme, le bonapartisme et l’illibéralisme …, c’est le mépris voire la haine de la « démocratie ».

Lambert n’était pas un ennemi de « la démocratie » : il s’en voulait, sincèrement, le plus ardent défenseur contre la V° République, les dictatures, et contre le stalinisme, mais il en insufflait le déni en matière d’organisation. Dan Moutot, membre du Bureau Politique depuis plus de quatre décennies, me disait en 1986, dans une conversation de bistrot faisant suite à un congrès où j’étais joyeusement allé proposer l’élection des responsables : « Toper [mon pseudo], tes histoires de démocratie, laisse tomber, la démocratie, c’est pour la galerie, et toi tu finiras mal si tu veux la démocratie. » Le même, 37 ans plus tard, déclare aux auteurs du livre qui le questionnent sur la démocratie interne à LFI : « Je m’en fous ! » J.L. Mélenchon lui aussi distille le plus grand mépris pour les formes démocratiques dans les organisations, au point d’en théoriser l’inexistence, en fait l’interdiction, dans LFI.

Ce mépris de la démocratie, héritage final du stalinisme mais aussi du gauchisme, permet tous les tête-à-queue. C’est l’attachement à la démocratie, aux droits humains, qui permet par contre à beaucoup de rester fidèles quant au fond à ce qu’il y avait d’émancipateur et de révolutionnaire à l’OCI. Certes, ceci requiert de dépasser la dénonciation de la démocratie « bourgeoise » en tant justement qu’elle ne s’incarne pas dans les relations sociales réelles mais les masque, mais le contenu de toute démocratie réelle passe par des formes et donc par le droit – et il est tout à fait « marxiste » de comprendre ce résultat concret de l’histoire. La démocratie n’est évidemment pas la mollesse, c’est aussi le peuple en arme et la politique militaire prolétarienne …

Les auteurs disent sur la fin que la démocratie « est le vrai sujet de ce livre ». Ils veulent en faire une arme pour reprendre le combat, en estimant que signaler le problème antidémocratique de « l’informelle fusion LFI-POI » est, en somme, une tache de lanceurs d’alertes pour que la lutte puisse continuer. Peut-être ai-je une analyse et une perception plus alarmiste de l’époque actuelle qu’ils n’en donnent parfois l’impression : la crise climatique « donne quelques fondements » à une eschatologie funèbre, écrivent-t-ils sans plus développer ce point en conclusion. Toutefois, au début du livre, ils se demandent à juste titre si le mantra-OCI répétant cette phrase de Trotsky dans le Programme de Transition, écrit en 1938 : « Les forces productives ont cessé de croître », ne comportait pas un pressentiment écologique auquel l’OCI fut totalement hermétique, sauf les cris dans le désert de quelques camarades que j’ai rencontré, comme Alain Dubois parmi les anciens, ou Rémy Victor plus récemment, au POID. Certes. Au fait, elles croissent ou elles ne croissent pas ? Les deux, mon capitaine ! Il y a croissance et celle-ci devient destructive. C’est dialectique, mais est-ce si difficile ?

Laurent Mauduit et Denis Sieffert citent Laurent Schwartz : « Il n’y a pas de César individuel ou collectif qui mérite l’adhésion de tous. » et ils commentent (derniers mots du livre) :

« Mais puisque nous voilà engagés en morale, disons enfin que l’on récuse l’idée de l’échec d’une génération, et l’échec d’une vie pour ceux qui ont persisté. C’est le rêve qui était fou. Et participer au mouvement « les yeux ouverts », quelle qu’en soit la forme, pour reprendre les derniers mots de Trotski, n’est jamais indigne. Mais les yeux vraiment ouverts »

Je ne sais si l’ambigüité de ce qu’est ce « rêve » est volontaire ou non, mais elle signifie beaucoup. Plusieurs interpréteront ces mots comme qualifiant de « rêve » la révolution, que soit pour donner raison aux auteurs enfin assagis ou raisonnables ou pour tempêter, qui sait, contre leur entreprise contre-révolutionnaire ! Mais le « rêve » - et il me semble que ces mots venant juste après la citation de Laurent Schwartz contre tous les Césars cette lecture est plus probante – n’était-il pas plutôt l’idée qu’en suivant un Chef ou une phalange de chefs, en faisant de l’Organisation l’alpha et l’oméga, l’émancipation devenait un rêve, ce qu’elle n’avait pas vocation à être ?

J’opte pour cette interprétation. Sans Dieu, ni César, ni Tribun, l’humanité, le démos, le prolétariat, doit se sauver lui-même, et ceci mérite de s’appeler par son nom : révolution.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Gayraud de Mazars
 
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