Belles feuilles

Marxisme et mouvement ouvrier.

Belles feuilles : Trotsky, Lénine est mort

Message par com_71 » 14 Jan 2024, 08:37

Déjà cité mais, à quelques jours du 100e anniversaire...
Lénine est mort

Lénine est mort. Lénine n'est plus. Les obscures lois qui règlent le travail de la circulation artérielle ont mis un terme à cette existence. L'art médical a été impuissant à opérer le miracle que l'on attendait passionnément de lui, que des millions de cœurs exigeaient.

Combien y a-t-il d'hommes parmi nous qui auraient volontiers donné, sans hésitation, jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour ranimer, pour régénérer l'organisme du grand chef, de Lénine Ilitch, de l'unique, de l'inimitable ? Mais il n'y a pas eu de miracle là où la science était impuissante. Et voici que Lénine n'est plus. Ces mots tombent dans la conscience de façon terrible, comme une roche géante tombe dans la mer. Y peut-on croire ? Peut-on accepter ?

La conscience des travailleurs du monde entier ne voudra pas admettre ce fait, car l'ennemi dispose encore d'une force redoutable ; la route à faire est longue ; le grand travail n'est pas achevé, le plus grand qui ait été entrepris dans l'histoire ; car Lénine est nécessaire à la classe ouvrière mondiale, indispensable comme, peut-être, personne ne l'a jamais été dans l'histoire de l'humanité.

Le second accès de sa maladie, beaucoup plus grave que le premier, a duré plus de dix mois. Le système artériel, selon l'amère expression des docteurs, n'a cessé de “ jouer ” pendant ce temps. Terrible jeu où le débattait la vie d'Ilitch. On pouvait s'attendre à une amélioration et presque à une absolue guérison ; mais on pouvait aussi s'attendre à une catastrophe. Tous nous espérions la convalescence ; ce fut la catastrophe qui se produisit. Le régulateur cérébral de la respiration refusa de servir et éteignit l'organe de la géniale pensée.

Et nous n'avons plus d'Ilitch. Le Parti est orphelin, la classe ouvrière est orpheline. C'est le sentiment que l'on éprouve avant tout, à la nouvelle de la mort du maître, du chef.

Comment irons-nous de l'avant ? Trouverons-nous la route ? N'allons-nous pas nous égarer ? Car Lénine, camarades, n'est plus parmi nous...

Lénine n'est plus, mais nous avons le léninisme. Ce qu'il y avait d'immortel dans Lénine son enseignement, son travail, sa méthode, son exemple vit en nous, dans ce Parti qu'il a créé, dans ce premier des Etats ouvriers, à la tête duquel il s'est trouvé et qu'il a dirigé.

Nos cœurs sont frappés, en ce moment, d'une si profonde affliction parce que, tous, nous sommes les contemporains de Lénine, nous avons travaillé à côté de lui, nous avons étudié à son école. Notre Parti, c'est le léninisme en action ; notre Parti, c'est le chef collectif des travailleurs. En chacun de nous vit une parcelle de Lénine, ce qui constitue le meilleur de chacun de nous.

Comment marcherons nous désormais ? Le flambeau du léninisme à la main. Trouverons-nous la route ? Oui, par la pensée collective, par la volonté collective du Parti, nous la trouverons !

Et demain, et après-demain, et dans huit jours, et dans un mois, nous nous interrogerons encore : est-il possible que Lénine ne soit plus ? Cette mort, longtemps encore, semblera un caprice invraisemblable, impossible, monstrueux, de la nature.

Que ce déchirement cruel que nous ressentons, que chacun de nous ressentira dans son cœur en se rappelant que Lénine n'est plus, soit pour chacun de nous un avertissement de tous les jours : songeons que notre responsabilité est maintenant beaucoup plus grande. Soyons dignes du chef qui nous a instruits !

Dans l'affliction, dans le deuil, serrons les rangs, rapprochons nos cœurs, tenons-nous plus étroitement groupés pour les nouvelles batailles !

Camarades, frères, Lénine n'est plus parmi nous. Adieu, Ilitch ! Adieu, chef !...

Gare de Tiflis, 22 janvier 1924.

https://www.marxists.org/francais/trots ... 42100p.htm
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Belles feuilles : Trotsky, Comment la révolution s'est armée

Message par com_71 » 16 Jan 2024, 12:38

Déjà cité, mais méritant bien sa place parmi les "belles feuilles" :
Trotsky, 9 juin 1918 a écrit :Maintenant, une nouvelle bataille se déroule sur le front occidental. Des centaines de milliers, des millions d’hommes périssent, des centaines de millions de biens sont détruits, partent en fumée et en cendres. Et tout cela aura pour résultat de déplacer une frontière de vingt, trente ou quarante kilomètres. C’est ainsi que les capitalistes vont épuiser, tuer les masses ouvrières de tous les pays, tant que là-bas, en Occident, nos frères ne nous feront pas écho, ne se soulèveront pas pour renverser le pouvoir bourgeois avec ses frontières politiques.

Les capitalistes appellent leur patrie la terre qu’ils entourent de baïonnettes, mais nous, nous disons que notre patrie, celle que nous a donné la nature, c’est le globe terrestre ; dans cette patrie, c’est-à-dire sur tout le globe, nous voulons organiser une seule économie fraternelle, ou il n’y aurait ni frontières, ni baïonnettes, ni antagonisme. Nous dirons : comme dans la même usine travaillent des Russes, des Polonais, des Estoniens, des Juifs, des Lettons, exactement de la même manière dans l’immense usine qui s’appelle le globe terrestre, des Russes, des Allemands, des Français, des Anglais peuvent travailler fraternellement. Et si nous créons ce cartel mondial des masses laborieuses contre les oppresseurs, contre les asservisseurs, nous établirons alors l’ordre véritable sur la terre.

Laissons les prêtres de toutes les religions, de toutes les confessions, nous parler du paradis dans un autre monde. Nous disons que nous voulons créer un véritable paradis pour les hommes sur cette terre.

Nous ne devons pas une seule heure perdre de vue notre grand idéal, le plus beau de tous ceux auxquels l’Humanité a aspiré. Pour comparer, prenez les anciennes doctrines religieuses, la doctrine du Christ ; tout ce que ces doctrines contiennent de meilleur, de plus noble, est incarné dans notre doctrine du socialisme. Et nous voulons que tout cela ne soit pas une croyance vague, mais une réalité, que les hommes ne vivent pas comme des bêtes sauvages en se battant pour un bout de pain, mais comme des frères qui cultivent ensemble la terre et la transforment en un grand jardin florissant pour l’humanité tout entière.
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Re: Belles feuilles

Message par Harpo » 16 Jan 2024, 19:01

Bonne année à tous.
Je n'arrive pas à trouver à quelle date L. Trotski a écrit ce texte. merci Artza pour la réponse...
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Re: Belles feuilles

Message par com_71 » 16 Jan 2024, 19:29

Cyrano (qui est en train de lire le recueil "Comment la Révolution s'est armée")
viewtopic.php?f=4&p=348633#p348633
nous a précisé : 9 juin 1918
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Re: Belles feuilles

Message par Harpo » 16 Jan 2024, 19:33

Merci com_71 pour cette précision.
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Re: Belles feuilles

Message par artza » 17 Jan 2024, 07:10

Pas trop d'accord avec la "christophilie" qui conclut ce passage.

Trotsky à l'occasion a su exprimer le dégoût que tout individu raisonnable ressent devant le catholicisme .
artza
 
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Belles feuilles : F. Engels

Message par com_71 » 08 Fév 2024, 18:12

Engels, préface à la brochure de Sigismund Borkheim, 1887, a écrit :.
... Et enfin, il n’y aura plus pour la Prusse-Allemagne d’autre guerre possible qu’une guerre mondiale, et, à la vérité, une guerre mondiale d’une ampleur et d’une violence encore jamais vues. Huit à dix millions de soldats s’entr’égorgeront ; ce faisant, ils dévoreront toute l’Europe comme jamais encore ne le fit encore une nuée de sauterelles. Ce sera les dévastations de la guerre de Trente ans, condensées en trois ou quatre années et répandues sur tout le continent : la famine, les épidémies, la férocité générale, tant des armées que des masses populaires, provoquée par l’âpreté du besoin, la désespérante confusion de fonctionnement du mécanisme artificiel régissant notre commerce, notre industrie et notre crédit ; et enfin la banqueroute générale. L’effondrement des vieux États et de leur sagesse politique routinière sera tel que les couronnes rouleront par douzaines sur le pavé et qu’il ne se trouvera personne pour les ramasser. Il est absolument impossible de prévoir comment tout cela finira et qui sortira vainqueur de la lutte ; un seul résultat est absolument certain : l’épuisement général et la création des conditions nécessaires à la victoire finale de la classe ouvrière.

Telle est la perspective si la course aux armements poussée à l’extrême porte à la fin ses fruits inévitables.

Voilà, Messieurs les princes et les hommes d’État, où votre sagesse a mené la vieille Europe. Et s’il ne vous reste rien d’autre à faire que d’ouvrir cette dernière grande sarabande guerrière, ce n’est pas pour nous déplaire. La guerre va peut-être nous rejeter momentanément en arrière, elle pourra nous enlever maintes positions déjà conquises. Mais, si vous déchaînez des forces que vous ne pourrez ensuite plus maîtriser, quelque tour que prennent les choses, à la fin de la tragédie vous ne serez plus qu’une ruine et la victoire du prolétariat sera déjà acquise, ou, au moins, inévitable.

Londres, 15 décembre 1887
Friedrich Engels

https://www.marxists.org/francais/engel ... rkheim.htm
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Belles feuilles : A. Breton : - Léon Trotsky : “Lénine” -

Message par com_71 » 11 Fév 2024, 11:32

Oui, ce beau texte, d'André Breton rendant hommage à Lénine et Trotsky, avait jusqu'à maintenant été omis ici.
Lire plutôt sur MIA
https://www.marxists.org/francais/trots ... 42100r.htm
pour apprécier les "soulignés en italique" d'A. Breton
Léon Trotsky : “ Lénine ” par André Breton

A certaines allusions qui ont été faites ici-même [1] et ailleurs, on a pu croire que d'un commun accord nous portions sur la révolution russe et sur l'esprit des hommes qui la dirigèrent un jugement assez peu favorable et que, si nous nous abstenions à leur égard de critiques plus vives, c'était moins par manque d'envie d'exercer sur eux notre sévérité, que pour ne pas rassurer définitivement l'opinion, heureuse de n'avoir à compter qu'avec une forme originale de libéralisme intellectuel, comme elle en a vu et toléré bien d'autres, d'abord parce que cela ne tire pas à conséquences, du moins à conséquences immédiates, ensuite parce que à la rigueur cela peut être envisagé, par rapport à la masse, comme pouvoir de décongestion. Il n'en est pas moins vrai que pour ma part je refuse absolument d'être tenu pour solidaire de tel ou tel de mes amis dans la mesure où il a cru pouvoir attaquer le communisme, par exemple, au nom de quelque principe que ce soit et même de celui, apparemment si légitime, de la non-acceptation du travail. Je pense en effet que le communisme, en existant comme système organisé, a seul permis au plus grand bouleversement social de s'accomplir dans les conditions de durée qui étaient les siennes. Bon ou médiocre, en soi défendable ou non au point de vue moral, comment oublier qu'il a été l'instrument grâce auquel ont pu être abattues les murailles de l'ancien édifice, qu'il s'est révélé comme le plus merveilleux agent de substitution d'un monde à un autre qui fût jamais ? Pour nous, révolutionnaires, il importe peu de savoir si le dernier monde est préférable à l'autre et, du reste, le moment n'est pas venu d'en juger. Tout au plus s'agirait-il de savoir si la révolution russe a pris fin, ce que je ne crois pas. Finie une révolution de cette ampleur, si vite finie ? Déjà les valeurs nouvelles seraient aussi sujettes à caution que les anciennes ? Allons donc, nous ne sommes pas assez sceptiques pour en rester à cette idée. S'il se trouve parmi nous des hommes qu'une pareille crainte laisse encore hésitants, il va sans dire que je m'oppose à ce qu'ils engagent avec eux, si peu que ce soit, l'esprit général dont nous nous réclamons, qui ne doit rester tendu vers rien tant que vers la réalité révolutionnaire, qui doit nous y faire parvenir par tous les moyens et à tout prix.

Libre, dans ces conditions, à Louis Aragon de faire savoir à Drieu La Rochelle, par lettre ouverte, qu'il n'a jamais crié : Vive Lénine ! mais qu'“ il le braillera demain puisqu'on lui interdit ce cri ” ; libre aussi à moi et à tout autre d'entre nous de trouver que ce ne serait pas une raison suffisante de se comporter ainsi, et que c'est faire la part trop belle à nos pires détracteurs, qui sont aussi ceux de Lénine, que de leur laisser supposer que nous n'agissons de la sorte que par défi. Vive Lénine ! au contraire, et seulement parce que Lénine ! On entend bien qu'il ne s'agit pas du cri qui se perd, mais de l'affirmation toujours assez haute de notre pensée.

Il serait fâcheux, en effet, que nous continuions en fait d'exemple humain à nous en rapporter à celui des Conventionnels français, et que nous ne puissions revivre avec exaltation que ces deux années, très belles d'ailleurs, après lesquelles tout recommence. Ce n'est pas dans un sentiment poétique, si intéressant soit-il, qu'il convient d'aborder une période même lointaine de révolution. Et j'ai peur que les boucles de Robespierre, le bain de Marat ne confèrent un prestige inutile à des idées qui, sans eux, ne nous apparaîtraient plus si clairement. Violence à part car c'est bien cette violence qui parle le plus éloquemment pour eux il est toute une part de leur caractère qui nous échappe ; aussi nous rattrapons-nous sur la légende. Mais si, comme je le crois, nous sommes avant tout à la recherche de moyens insurrectionnels, je me demande, en dehors de l'émotion qu'ils nous ont donnée une fois pour toutes, je me demande pratiquement ce que nous attendons.

Il n'en est pas de même des révolutionnaires russes, tels qu'enfin nous parvenons à les connaître un peu.

Voici donc ces hommes de qui nous avons tant entendu médire et qu'on nous représentait comme les ennemis de ce qui peut encore trouver grâce à nos yeux, comme les fauteurs de je ne sais quel encore plus grand désastre utilitaire que celui auquel nous assistons. Voici que dégagés de toute arrière-pensée politique, ils nous sont donnés en pleine humanité ; qu'ils s'adressent à nous, non plus en exécuteurs impassibles d'une volonté qui ne sera jamais dépassée, mais en hommes parvenus au faîte de leur destinée, et qui se comptent soudain, et qui nous parlent, et qui s'interrogent. Je renonce à décrire nos impressions.

Trotsky se souvient de Lénine. Et tant de claire raison passe par-dessus tant de troubles que c'est comme un splendide orage qui se reposerait. Lénine, Trotsky, la simple décharge de ces deux noms va encore une fois faire osciller des têtes et des têtes. Comprennent-elles ? Ne comprennent-elles pas ? Celles qui ne comprennent pas se meublent tout de même. Trotsky les meuble ironiquement de menus accessoires de bureau : la lampe de Lénine à l'ancienne Iskra, les papiers non signés qu'il rédigeait à la première personne et plus tard... enfin tout ce qui peut faire le compte aveugle de l'histoire. Et je jurerais que rien n'y manque, en perfection ni en grandeur. Ah ! certes, ce ne sont pas les autres hommes d'Etat, que par ailleurs se garde lâchement le peuple d'Europe, qui pourraient être vus sous ce jour !

Car la grande révélation de ce livre, et je ne saurais assez y insister, c'est que beaucoup des idées qui nous sont ici les plus chères et desquelles nous avons pris l'habitude de faire dépendre étroitement le sens moral particulier que nous pouvons avoir, ne conditionnent nullement notre attitude en ce qui regarde la signification essentielle que nous entendons nous donner. Sur le plan moral où nous avons résolu de nous placer, il semble bien qu'un Lénine soit absolument inattaquable. Et si l'on m'objecte que d'après ce livre, Lénine est un type et que les types ne sont pas des hommes, je demande quel est celui de nos raisonneurs barbares qui aura le front de soutenir qu'il y a quelque chose à reprendre dans les appréciations portées çà et là par Trotsky sur les autres et sur lui-même, et qui continuera à détester vraiment cet homme, et qui ne se laissera en rien toucher par son ton de voix qui est parfait.

Il faut lire les brillantes, les justes, les définitives, les magnifiques pages de réfutation consacrées aux Lénine de Gorki et de Wells. Il faut méditer longtemps sur le chapitre qui traite de ce recueil d'écrits d'enfants consacrés à la vie et à la mort de Lénine, en tout point dignes du commentaire, et sur lesquels l'auteur exerce une critique si fine et si désespérée : “ Lénine aimait à pêcher. Par une journée chaude il prenait sa ligne et s'asseyait sur le bord de l'eau, et il pensait tout le temps à la manière dont on pourrait améliorer la vie des ouvriers et des paysans. ”

Vive donc Lénine ! Je salue ici très bas Léon Trotsky, lui qui a pu, sans le secours de bien des illusions qui nous restent et sans peut-être comme nous croire à l'éternité, maintenir pour notre enthousiasme cet invulnérable mot d'ordre :

“ Et si le tocsin retentit en Occident et il retentira , nous pourrons être alors enfoncés jusqu'au cou dans nos calculs, dans nos bilans, dans la N.E.P., mais nous répondrons à l'appel sans hésitation et sans retard : nous sommes révolutionnaires de la tête aux pieds, nous l'avons été, nous le resterons jusqu'au bout. ”

Notes

[1]. La Révolution surréaliste, n° 5, 15 octobre 1925.
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Lénine, les bolcheviks garderont-ils le pouvoir ?

Message par com_71 » 11 Fév 2024, 21:10

...la force de résistance des prolétaires et des paysans pauvres, nous ne l'avons pas encore vue, car cette force n'apparaîtra dans toute son ampleur que lorsque le pouvoir sera aux mains du prolétariat., lorsque des dizaines de millions d'hommes, écrasés par la misère et par l'esclavage capitaliste, verront à l'expérience, sentiront que le pouvoir dans l'Etat est exercé par les classes opprimées, que le pouvoir aide la classe pauvre à lutter contre les propriétaires fonciers et les capitalistes, qu'il brise leur résistance. Alors seulement nous pourrons voir quelles forces encore intactes de résistance aux capitalistes dorment chez le peuple, alors seulement se manifestera ce qu'Engels appelle «socialisme latent», alors seulement pour chaque dizaine de milliers d'ennemis déclarés ou cachés, se révélant par leur action ou par leur résistance passive contre le pouvoir de la classe ouvrière, se dresseront par million de nouveaux combattants, plongés jusqu'alors dans le sommeil politique, végétant dans les souffrances de la misère et le désespoir, qui avaient cessé de croire qu'ils sont eux aussi des hommes, qu'ils ont eux aussi droit à la vie, que toute la puissance d'un Etat moderne centralisé puisse être aussi à leur service, que les détachements de la milice prolétarienne les appellent, eux aussi, avec une confiance sans réserve, à prendre une part directe, immédiate, quotidienne à la gestion de l'Etat.

Les capitalistes aidés des propriétaires fonciers et grâce à la bienveillante participation des Plékhanov, des Brechkovskaïa, des Tsérétéli, des Tchernov et consorts, ont tout fait pour salir la république démocratique, pour la salir par leur servilité devant la richesse, à tel point que le peuple est en proie à l'apathie, à l'indifférence, que tout lui est égal, car un homme qui souffre de la faim ne peut distinguer la république de la monarchie, un soldat transi de froid, nu-pieds, harassé, qui meurt pour les intérêts d'autrui, ne peut pas aimer la république.

Mais quand le dernier manœuvre, quand n'importe quel chômeur, quand toute cuisinière, tout paysan ruiné verra - non pas dans les journaux, mais de ses propres yeux - que le pouvoir prolétarien ne rampe pas devant la richesse, mais qu'il aide le pauvre, que ce pouvoir ne recule pas devant des mesures révolutionnaires, qu'il prend aux parasites leur superflu pour le donner aux affamés, qu'il installe de force les sans-abri dans les appartements des riches, qu'il contraint les riches à payer le lait, mais ne leur donne pas une goutte de lait tant que les enfants de toutes les familles pauvres n'en ont pas reçu en quantité suffisante, quand ils verront que la terre est remise à ceux qui la travaillent, que les usines et les banques sont placées sous le contrôle des ouvriers, qu'un châtiment immédiat et sévère attend les millionnaires qui dissimuleront leur richesse, quand donc le pauvre verra et sentira tout cela, alors aucune force des capitalistes et des koulaks, aucune force du capital financier mondial qui brasse des centaines de milliards, ne pourra vaincre la révolution populaire ; c'est elle, au contraire, qui vaincra le monde entier, car dans tous les pays mûrit la révolution socialiste.

Notre révolution est invincible, si elle n'a pas peur d'elle-même, si elle confie la totalité du pouvoir au prolétariat, car nous avons derrière nous des forces encore infiniment plus considérables, plus développées, plus organisées du prolétariat mondial, écrasées pour un temps par la guerre ; mais la guerre ne les a pas détruites ; elle les a, au contraire, multipliées.


https://www.marxists.org/francais/lenin ... 001-22.htm
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Belles feuilles, Trotsky, lettre à Sneevliet, 13 janvier 36

Message par com_71 » 11 Juil 2024, 18:24

Une lettre importante sur la démocratie bourgeoise, le bonapartisme et le fascisme. Elle constitue une réponse de Trotsky à une lettre du dirigeant du R.S.A.P. hollandais Sneevliet, en conflit avec ses camarades de la direction au sujet de l’atti­tude qu’il devait prendre, en sa qualité de député, face à une proposition de loi dirigée par le gouvernement Colijn contre les groupes paramilitaires du parti nazi hollandais.
Léon Trotsky - Lettre à H. Sneevliet - 13 janvier 1936

Cher Ami,

La question de notre comportement à l’égard des normes gouvernementales qui sont prétendument dirigées contre le fascisme est extrêmement importante.

Comme la démocratie bourgeoise est historiquement en faillite, elle n’est plus en mesure de se défendre sur son propre terrain contre ses ennemis de droite et de gauche. Cela veut dire que, pour se "maintenir", le régime démocratique est obligé de se supprimer lui-même peu à peu par des lois d’exception et des mesures administratives arbitraires. Cette auto-suppression de la démocratie dans son combat contre la gauche et la droite est précisément ce qui produit le bonapartisme déca­dent, lequel a besoin pour son existence incertaine, aussi bien du danger de droite que du danger de gauche, afin de les jouer l’un contre l’autre et de s’élever ainsi toujours davantage au-dessus de la société et de son parlementarisme. Le gouvernement Colijn [1] m’est apparu depuis pas mal de temps déjà comme un régime bonapartiste en puissance.

L’ennemi principal pour le bonapartisme reste naturelle­ment, dans cette période extrêmement critique, l’aile révolution­naire du prolétariat. On peut donc dire avec une certitude abso­lue que lors d’une aggravation ultérieure de la lutte des classes, toutes les lois d’exception, tous les pleins pouvoirs extraordi­naires, etc. seront utilisés contre le prolétariat.

Après que les socialistes et les staliniens français eurent voté la dissolution administrative des organisations paramilitaires [2], cette vieille canaille de Marcel Cachin écrivit à peu près ceci dans L’Humanité : "Une grande victoire [...]. Naturellement, nous savons que, dans la société capitaliste, toutes les lois peuvent être utilisées contre le prolétariat. Mais nous nous efforcerons de l’empêcher, etc." Le mensonge est évidemment ici dans le mot peuvent. Il aurait fallu dire : "Nous savons que toutes ces mesures, lors d’une aggravation ultérieure de la crise sociale, seront appliquées au centuple contre le prolé­tariat." D’où l’on peut tirer la conclusion élémentaire que nous ne pouvons pas contribuer de nos propres mains à construire le bonapartisme décadent ni à le doter de chaînes dont il se servira inévitablement pour paralyser l’avant-garde du prolétariat.

Il n’est pas dit pour autant que Colijn ne veuille pas demain ou après-demain dégager son coude droit de l’emprise arrogante des fascistes. La révolution sociale ne semble pas être immi­nente en Hollande. Le Grand capital espère venir à bout des dangers qui le menacent par les moyens de l’Etat fort, concentré, c’est-à-dire bonapartiste ou semi-bonapartiste. Mais, par peur de laisser l’ennemi véritable, le prolétariat révolutionnaire, prendre trop d’importance, Colijn ne pourra jamais paralyser ou détruire le fascisme tout au plus pourra-t-il le tenir en échec. C’est pourquoi le mot d’ordre de dissolution et de désarmement des bandes fascistes par l’Etat (les social-démocrates allemands criaient : "L’Etat doit agir !") et le vote de mesures analogues sont réactionnaires de bout en bout. Cela reviendrait à sacrifier la peau du prolétariat pour en faire un fouet dont l’arbitre bonapartiste de service se servira peut-être pour caresser tout doucement, une fois en passant, le postérieur des fascistes. Or notre maudit devoir et notre responsabilité consistent non à fournir le fascisme en fouets, mais à protéger la peau du prolétariat.

Un autre aspect de la situation me semble encore plus important. La démocratie bourgeoise est de par sa nature même une fiction. Plus elle est florissante, moins elle se laisse utiliser par le prolétariat (voir l’histoire de l’Angleterre et des Etats-Unis). [Mais] la dialectique de l’histoire veut que la démocratie bourgeoise devienne une réalité importante pour le prolétariat précisément à l’époque de sa décomposition. Le fascisme est l’expression de cette décomposition. La lutte contre le fascisme, la défense des acquis de la classe ouvrière dans le cadre de cette démocratie en voie de décomposition peuvent devenir une puissante réalité dans la mesure où est donnée au prolétariat l’occasion de se préparer aux plus durs combats et même de commencer à s’armer. En France, les deux années qui se sont écoulées depuis le 6 février 1934 [3] ont donné aux organisations ouvrières une occasion exceptionnelle (elle ne se renou­vellera pas de sitôt) de rassembler sur une base révolutionnaire le prolétariat et la petite bourgeoisie, de constituer une milice ouvrière, etc. Cette occasion précieuse est offerte précisément par la décomposition de la démocratie, par son incapacité évi­dente à maintenir "l’ordre" par les moyens traditionnels et le danger tout aussi évident qui menace les masses ouvrières. Quiconque n’exploite pas cette situation, quiconque en appelle à l’"Etat" c’est-à-dire à l’ennemi de classe, en le priant d’"agir", celui-là vend la peau du prolétariat à la réaction bonapartiste.

Aussi devons-nous voter contre toutes les mesures qui renforcent l’Etat capitaliste-bonapartiste, même s’il s’agit d’une mesure qui peut, sur le moment, causer un désagrément passager au fascisme. Naturellement les social-démocrates et les stali­niens diront que nous défendons le fascisme contre le Père Colijn, lequel serait après tout préférable au méchant Mussert [4]. A cela, nous pouvons dès maintenant répondre avec assurance que nous voyons plus loin que les autres et que les événements à venir confirmeront entièrement nos conceptions et nos exigences.

Mais nous pouvons aussi formuler des amendements et des compléments dont le rejet fera clairement apparaître à n’im­porte quel ouvrier qu’il ne s’agit pas du postérieur des fascistes mais de la peau du prolétariat. Par exemple 1) "Les piquets de grève des ouvriers ne sont nullement concernés par cette loi, même dans le cas où ils doivent s’armer contre les briseurs de grève, les fascistes et autres éléments déclassés" ou 2) "Les organisations politiques et syndicales de la classe ouvrière conservent le droit, face au danger fasciste [5], de construire et d’armer leurs organismes d’autodéfense. A leur demande, l’Etat s’engage à les fournir en moyens financiers, armes et munitions". Au Parlement, ces amendements paraîtraient plutôt étranges et seraient considérés comme "shocking" [6] par Messieurs les hommes d’Etat (ainsi que par les fanfarons staliniens). Mais n’importe quel ouvrier du rang, non seulement dans le N.A.S. [7], mais aussi dans les syndicats réformistes, les trouvera tout à fait justifiés.

Naturellement, je ne cite ces documents qu’à titre d’exemples. On pourrait peut-être trouver des formulations meilleures et plus précises. Messieurs les social-démocrates et staliniens peuvent bien alors refuser leur soutien ou même voter contre. Mais même s’ils votent pour, les amendements seront de toute manière rejetés et on verra alors avec une clarté parfaite pour quelle raison nous votons contre le projet gouvernemental dans son ensemble, ce que nous devons faire sans la moindre hésitation pour les motifs que j’ai déjà indiqués (même au cas où le parlementarisme à la Colijn ne permettrait pas la présen­tation d’amendements, car ces amendements, qui relèvent de la technique de propagande, ne concernent pas le fond même de l’affaire).

De manière générale, il nous faut être très fermes à l’égard de l’"antifascisme" abstrait qui touche même parfois, hélas, nos propres camarades. L’"antifascisme" n’est rien, c’est un concept vide qui sert à couvrir les canailleries du stalinisme. C’est au nom de l’"antifascisme" qu’on a organisé la colla­boration de classes avec les radicaux [8]. Beaucoup de nos camarades désiraient apporter au front populaire , c’est-à-dire à la collaboration de classes, un soutien positif du genre de celui que nous nous sommes par exemple disposés à accor­der au front unique, c’est-à-dire à la séparation du prolétariat d’avec les autres classes. Du mot d’ordre totalement erroné de "Front populaire au pouvoir !" [9] , on va plus loin et on se déclare prêt à soutenir le bonapartisme, car le vote en faveur du projet de loi "antifasciste" de Colijn ne signifierait rien d’autre qu’un appui direct au bonapartisme.

Comme le camarade Parabellum [10], si j’en juge d’après les citations a développé dans "Die Internationale" un point de vue incorrect et dangereux sur le "front populaire", il est d’autant plus nécessaire d’être ferme dans le parti hollandais contre cet "antifascisme" abstrait aux conséquences opportunistes.

Notes [de P. Broué]

[1] Hendrijk COLIJN (1869-1944), chef du parti bourgeois protestant "antirévolutionnaire" premier ministre de 1925 à 1926, puis depuis 1933, s’était notamment distingué en février 1934 en livrant à Hitler quatre jeunes militants du S.A.P. que sa police avait arrêtés à la conférence de Laren.

[2] Le 6 décembre 1935, à la Chambre des députés française, le député Croix-de-Feu Jean Ybarnegaray avait proposé un "désarmement" général des formations paramilitaires. Les dirigeants du P.C. et de la S.F.I.O. lui avaient emboîté le pas et voté avec la droite la dissolution des milices armées.

[3] Le 6 février 1934, une manifestation des "Ligues" fascistes et fascisantes, ainsi que des organisations d’anciens combattants, avait marché sur le Palais-Bourbon et provoqué des heurts très durs avec les forces de police qui le défendaient.

[4] Anton A. MUSSERT (1894-1946) était le chef du mouvement national-socialiste de Hollande qu’il avait fondé en 1931.

[5] Ici, Trotsky a biffé le passage suivant "comme ce fut le cas en Italie, en Allemagne et en Autriche".

[6] En anglais dans le texte.

[7] Le N.A.S. (Nationaal Arbeids-Secretariaat) était un syndicat indépendant de la centrale réformiste, longtemps lié à l’Internationale syndicale rouge, dont Sneevliet et ses camarades avaient conservé la direction et qui constituait leur véritable base.

[8] Trotsky fait allusion ici à la France et à la conclusion du Front populaire comprenant le parti socialiste, le parti communiste et le parti radical et radical-socialiste.

[9] L’allusion est très précise. Trotsky connaissait et avait annoté de sa main le procès-verbal de la réunion du S.I. du 12 juillet 1935 qui avait discuté la ques­tion de l’attitude à prendre vis-à-vis du Front populaire. Tandis que Jean Rous (Clart) et Erwin Wolf (Nicolle) soutenaient les analyses de Trotsky dans son livre Où va la France ? , les deux autres membres du secrétariat international, Alfonso Leonetti (Martin) et Ruth Fischer (Dubois) affirmaient que cette analyse étaient fausse, combat­taient le mot d’ordre "Les radicaux hors du Front populaire" et préconisaient celui de "Front populaire au pouvoir".

[10] PARABELLUM était le pseudonyme d’Isaac TCHÉRÉMINSKY, alias Arkadi MASLOW (1891-1941), ancien dirigeant de la gauche du K.P.D. représentant longtemps de son aile "zinoviéviste" en même temps que Ruth Fischer. Bien que cette dernière ait fait partie du S.I., ni l’un ni l’autre n’avaient été acceptés dans la section allemande, les I.K.D., et ils avaient fondé en septembre 1935 le groupe "Die Internationale" dont ils étaient le centre et où ils développaient sur le Front populaire la ligne défendue au S.I. par Ruth Fischer.

https://www.marxists.org/francais/trots ... 360113.htm
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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