Bourdieu

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par lavana » 18 Mars 2004, 23:15

(cyrano a écrit :Je vais me préparer mon repas de midi, et je reviens…


Ben dis donc, ça dure...
lavana
 
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Message par Cyrano » 18 Mars 2004, 23:53

Bon, bin, me revoili, me revoilà, j'étais occupé. Les oisifs n'ont pas une minute à eux.
De 21h15 hà 23H30 heures à chercher des trucs à dire, à taper.
Avec les messages précédents, je vois que "renouveler", ce n'est pas pareil que "enrichir". On va peut-être encore progresser.
On n'a jamais prétendu que le marxisme était l'Esprit incarné soudainement, surgissant comme une révélation divine. On ne va pas réécrire les sources du marxisme : tout un chacun sait ici, j'espère, quelle confluence de travaux, d'analyses, Marx et Engels utilisèrent lorsque les conditions matérielles de leur époque exigeaient une réponse et permirent cette synthèse.
Pour en finir avec le jugement de Bourdieu
Oui, Bourdieu avait peut-être une « vraie méthode et une honnêteté intellectuelle qui donnent à son travail un intérêt considérable. » (logan). Je n'ai ni compétence, ni appétence sur le sujet. Oui, son soutien au grévistes de 1995, son soutien aux luttes des exclus, mais ce dont il est question, ce sont : « ses concepts, ses "découvertes" » (LouisChristianRené).
Je voudrais en finir avec Bourdieu : j'ai pas tout lu, pas tout vu, mais j'en ai entendu causer : histoire qu'il n'y ait pas confusion, y'a même pas besoin de commenter.
Classes sociales
« Les classes sociales n'existent pas. Ce qui existe, c'est un espace social, un espace de différences, dans lequel les classes existent en quelque sort à l'état virtuel, en pointillé, comme un donné, mais comme quelque chose qu'il s'agit de faire. » ("Raisons Pratiques") – C'est lapidaire : les classes sociales n'existent pas.
« L'erreur théoriciste que l'on trouve chez Marx consisterait à traiter les classes sur le papier comme des classes réelles, à conclure de l'homogénéité objective des conditions, des conditionnements, donc des dispositions, qui découlent de l'identité de position dans l'espace social, à l'existence en tant que groupe unifié, en tant que classe. » ("Choses dites") – ça renouvelle, effectivement, comme on renouvelle sa garde-robe : en balançant les fringues d'avant.
Bourdieu poursuit : « Le travail politique destiné à produire des classes sociales en tant que corporate bodies, groupes permanents, dotés d'organes permanents de représentation, de sigles, etc. a d'autant plus de chances de réussir que les agents qu'il veut rassembler, unifier, constituer en groupe, sont plus proches dans l'espace social »
Là, ça cogne fort : on a peu de chance de persuader un balayeur et un chirurgien plasticien qu'ils sont dans la même classe. On apprend que les classes sociales ne sont pas le produit d'une évolution économique, mais le produit d'un « travail politique ». Nous voici revenu avant le XIXe siècle : c'est l'opinion, ce sont les idées qui font le monde – une conception bien peu matérialiste.
C'est carrément l'idée première de la théorie marxiste, celle par laquelle s'ouvre le Manifeste communiste qui disparaît. Oui, le renouvellement du marxisme part dans le mauvais sens.
Cyrano
 
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Message par Cyrano » 18 Mars 2004, 23:55

Pour en finir avec le jugement de Bourdieu (bis)
Excusez-moi : j'arrive pas à faire court. Mais ce n'est pas pire que s'installer dans des échanges hautains de quelques lignes qui se terminent dans un dialogue de sourds. Je continue un peu, même si je ne comprends pas tout ce que je recopie !
Champs
Les classes sociales n'existent pas, il y a des "champs" qui sont : « l’ensemble de ces microcosmes sociaux relativement autonomes, espaces de relations objectives qui sont le lieu d'une logique et d'une nécessité spécifiques et irréductibles à celles qui régissent les autres champs.» – Un champ plutôt terrain vague, et chaque "champ" à son identité qui obéit « [I]à des logiques différentes : le champ économique a émergé, historiquement, en tant qu’univers dans lequel, comme on dit, "les affaires sont les affaires". »
Il y a même des sous-champs (!), où, par exemple, « l’économie des pratiques se fonde, comme dans un jeu à qui perd gagne, sur une inversion des principes fondamentaux du champ du pouvoir et du champ économique. »
Capital, Dominés-dominants
Vue la définition brillante du champ économique, pourquoi se gêner ? Chaque champ possède son capital, ainsi le champ « est un espace social où des acteurs sont en concurrence avec d’autres acteurs pour le contrôle des biens rares et ces biens rares sont justement les différentes formes de capital. »
Dans un champ, il y a une lutte entre "dominants" et "dominés" pour le partage d'un gâteau, le partage du capital de ce champ. La domination est « l’effet indirect d'un ensemble complexe d’actions qui s’engendrent dans le réseau des contraintes croisées que chacun des dominants, ainsi dominé par la structure du champ à travers lequel s’exerce la domination, subit de la part de tous les autres. ». Limpide ?… Les dominés, les dominants, une formule fataliste qui permet juste aux dominés de réclamer un meilleur traitement de la part des dominants.
L'habitus
L'habitus, ça rend compte « de l'unité de style qui unit les pratiques et les biens d'un agent singulier ou d'une classe d'agents. », ça retraduit la positon sociale « en un style de vie unitaire [...] – ce que mange l'ouvrier et surtout sa manière de le manger, le sport qu'il pratique et sa manière de la pratiquer, les opinions politiques qui sont les siennes et la manière de les exprimer diffèrent systématiquement des consommations ou des activités correspondantes du patron d'industrie. » ("Raisons pratiques") On s'en doutait pas un peu, n'est ce pas ?
Etat
« Dans les sociétés où l'Etat s'est constitué le plus tôt, comme la France et l'Angleterre, on observe d'abord une concentration de force physique et une concentration de force économique. [...] Cet Etat devient partiellement indépendant des forces sociales et économique dominantes. » ("Contre-feux") et plus perfide : « L'Etat est une réalité ambiguë. On ne peut pas se contenter de dire que c'est un instrument au service des dominants. » ("Contre-feux")
Stop ! A tout prendre, je préfère encore relire "Dieu et l'Etat" de Bakounine, ça m'énervera, mais moins que de lire ça.
Pas les mêmes valeurs
Non seulement, ça ne renouvelle pas le marxisme, mais ça le balance aux orties ! Les notions fondamentales telles que la lutte des classes, l'Etat, sont réduites à une bouillie pitoyable. Monsieur Bourdieu ne s'est jamais vanté de renouveller le marxisme, et pour cause. Il écrit : « Condamnerait-on comme conservatrice la défense des acquis culturels de l'humanité, Kant ou Hegel, Mozart ou Beethoven ? » ("Contre-feux") – et nous, on y est pas dans les acquis ? – y'a bien Kant et Hegel. Pourtant, « On peut dire, avec assurance, qu'il est impossible actuellement, non seulement d'être un militant révolutionnaire, mais encore tout simplement un homme politiquement lettré sans s'approprier la conception matérialiste de l'histoire. » (Léon Trotsky, "90 ans de Manifeste communiste", 1937).
Nous n'avons pas les même valeurs.
Cyrano
 
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Message par Cyrano » 18 Mars 2004, 23:58

Bon, je n'ai plus le temps de conclure par une grande tirade. Mille excuses pour les uns – mais ça va en ravir d'autres.
Ça ne renouvelle pas le marxisme, ça le gomme ; ça ne l'enrichit pas non plus ; ça l'appauvrit. Ça ne fait pas qu'ignorer le Marx militant, comme disait justement lavana, je crois, ça propose autre chose.
Un projet réformiste
« Que les socialistes n 'aient pas été aussi socialistes qu'ils le prétendaient, cela n'offusquerait personne : les temps sont durs et la marge de manoeuvre n'est pas grande. » (Entretien dans Le Monde, 1991) – sans commentaire.
« Ce qui est en jeu aujourd'hui, c 'est la reconquête de la démocratie contre la technocratie : il faut en finir avec la tyrannie des "experts" style Banque mondiale ou FMI qui imposent sans discussion les verdicts du nouveau Leviathan, les "marchés financiers". »("Contre-feux") – « la reconquête », avant c'était mieux ? "Reconquérir", "se réapproprier", maîtres mots de cette mouvance… pour aller vers un marxisme régulé.
« Et si l'on peut donc conserver quelque espérance raisonnable, c'est qu'il existe encore, dans les institutions étatiques et aussi dans les dispositions des agents (notamment les plus attachés à ces institutions, comme la petite noblesse d'Etat), de telles forces qui, sous apparence de défendre simplement, comme on le leur reprochera aussitôt, un ordre disparu et les "privilèges" correspondants, doivent en fait, pour résister a l'épreuve, travailler à inventer et à construire un ordre social qui n 'aurait pas pour seule loi la recherche de l'intérêt égoïste et la passion individuelle du profit [...] Comment ne pas faire une place spéciale à l'Etat, Etat national ou, mieux encore, supranational, c'est-à-dire européen (étape vers un Etat mondial) capable de contrôler et d'imposer efficacement les profits réalisés sur les marchés financiers. » ("Le Monde diplomatique", mars 1998).
Le bon vieux temps du captalisme régulé
On a compris : il faut revenir à Keynes, il ne faut plus de patrons-voyous, il faut un capitalisme propre, honnête, avec des politiciens non corrompus, bref : une bonne vieille démocratie bourgeoise, mais avec des services publics – que la capitalisme soit incapable congétinalement d'offrir ça, chut ! pas un mot !
Et les travailleurs ? Et la classe ouvrière ? Comme d'hab : qu'elle marche à l'ombre : « On peut récuser le technocratisme autoritaire sans tomber dans un populisme auquel les mouvements sociaux du passé ont trop souvent sacrifié, et qui fait le jeu, une fois de plus, des technocrates. » ("Contre-feux")
Bref : le réformisme usuel :
on va replâtrer cette merde sanguinolente, putride, qu'est le capitalisme. Puisqu'il n'y a plus de luttes de classes, la classe ouvrière n'a pas à la ramener. Classe dominée, qu'elle lutte dans son "champ" pour obtenir une vie plus supportable. D'ailleurs, le fer de lance, les troupes, c'est le mouvement social, le mouvement des exclus.
Et les chercheurs apporteront leur savoir aux acteurs ignares du mouvement social, aux syndicalistes – Daisy avait fait remarquer, dans le sujet "Mouvement social" que ceci n'est pas nouveau, on retrouvait les mêmes processus (avec d'autres chercheurs, d'autres mouvements) dans les années 1960-70.
Cyrano
 
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Message par Cyrano » 19 Mars 2004, 00:00

Un processus
On retrouve toujours, sous diverses formes, toujours la même chose :
des intellectuels qui font une analyse impeccable du désastre écologique humain que provoque le capitalisme ; des chercheurs qui disent qu'ils savant des choses ;
parfois, des mouvements sociaux ; une classe ouvrière censée être en recul, ou embourgeoisée ;
des propositions humanistes de replâtrage, pour adoucir la vie des pauvres ;
la lutte des classes au placard ; le rôle de la classe ouvrière au rancart.
Alors, puisque on se prive du seul agent ayant la possibilité de balayer le capitalisme, on en est réduit à convaincre, à faire des dossiers énormes pour montrer que le FMI pourrait faire autrement, etc. C'est généreux, c'est grandiose : on demande à abolir la dette des pays pauvres – mais de là, à demander l'abolition de la dette des pauvres de notre pays, là, bon, franchement, c'est d'un mesquin !
Et comme je n'ai plus le temps, hop, copier-coller.
Pour renouveler le marxisme :
« [Une catégorie de socialistes] se compose de partisans de la société actuelle, auxquels les maux provoqués nécessairement par elle inspirent des craintes quant au maintien de cette société. Ils s'efforcent donc de maintenir la société actuelle, mais en supprimant les maux qui lui sont liés. Dans ce but, les uns proposent de simples mesures de charité, les autres des plans grandioses de réformes qui, sous prétexte de réorganiser la société, n'ont d'autre but que le maintien des bases de la société actuelle et, par conséquent, le maintien de cette société elle-même. »
Friedrich Engels. “Principes du Communisme”. Rédigé par Engels oct.-nov. 1847. Paru pour la première fois en brochure, en 1914.
« Dans les pays comme la France [...] il est naturel que des écrivains [prennent] fait et cause pour le prolétariat contre la bourgeoisie. [...] Ce socialisme analysa avec beaucoup de sagacité les contradictions inhérentes au régime de la production moderne. Il mit à nu les hypocrites apologies des économistes. Il démontra d'une façon irréfutable les effets meurtriers du machinisme et de la division du travail, la concentration des capitaux et de la propriété foncière, la surproduction, les crises, la fatale décadence des petits bourgeois et des paysans, la misère du prolétariat, l'anarchie dans la production, la criante disproportion dans la distribution des richesses, la guerre d'extermination industrielle des nations entre elles, la dissolution des vieilles moeurs, des vieilles relations familiales, des vieilles nationalités.
A en juger toutefois d'après son contenu positif, ou bien ce socialisme entend rétablir les anciens moyens de production et d'échange [...], ou bien il entend faire entrer de force les moyens modernes de production et d'échange dans le cadre étroit de l'ancien régime de propriété [...]. Dans l'un et l'autre cas, ce socialisme est à la fois réactionnaire et utopique. »
Karl Marx, Friedrich Engels. “Manifeste du Parti Communiste”. Publié à Londres, en février 1848.
« [D'après les dirigeants du Parti social-démocrate allemand] Bref, la classe ouvrière, par elle-même, serait incapable de s'affranchir. Elle doit donc passer sous la direction de bourgeois “instruits et aisés” qui seuls ont “l'occasion et le temps” de se familiariser avec les intérêts des ouvriers. Puis, il ne faudrait à aucun prix combattre la bourgeoisie mais au contraire, il faudrait la gagner par une propagande énergique. »
Karl Marx et Friedrich Engels. lettre circulaire aux dirigeants du parti social-démocrate allemand. Septembre 1879. Publié en 1931.
« A l'aide de sophismes manifestes, on vide le marxisme de son âme vivante, révolutionnaire. On admet tout dans le marxisme, excepté les moyens révolutionnaires de lutte, la propagande en leur faveur et la préparation de leur mise en œuvre, l'éducation des masses dans ce sens. [...] La classe ouvrière ne peut jouer son rôle révolutionnaire mondial sans mener une lutte implacable contre ce reniement, cette veulerie, cette servilité à l'égard de l'opportunisme et cet incroyable avilissement de la théorie marxiste. »
V. I. Lénine. " Le socialisme et la guerre". 1918.
Cyrano
 
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Message par Louis » 19 Mars 2004, 00:09

(rojo @ jeudi 18 mars 2004 à 12:25 a écrit : Exactement le type de travers que je dénonce. Mettre Bourdieu et Lenine sur le même plan en tant que "renouvelleurs du marxisme" parce que l'un aurait fouillé "sur les rapports entre culture, légitimation sociale et construction d'une identité" et l'autre mené la révolution d'Octobre. Me parait pour le moins être une preuve de rupture de l'échelle des valeurs.

Mais je t'en prie LouisChristianRené, renouvelle le marxisme avec qui tu veux, pour ce qui me concerne je ne te le reproche en rien. Permet moi juste de ne pas t'accompagner dans cette voie
je ne met pas bourdieu et lenine sur le meme plan justement ! j'explique au contraire la différence qu'il y a entre les deux ! Dans le cas de bourdieu, il a développé une analyse sociale intéressante ! il a aussi défriché certains champs de connaissances qui enrichissent notre connaissance du monde (mais le but n'est pas de comprendre, mais de transformer) Lenine, ce n'est pas parce que c'était un intelectuel d'une profondeur absolument époustouflante, mais parce qu'il a su construire et diriger un parti révolutionnaire, mener une révolution jusqu'au bout ! Lui a non seulement enrichi le marxisme, mais il l'a profondément renouvellé !

je vais me répéter mais pour renouveler le léninisme, il ne s'agit pas de produire une critique pertinente d'un point de vue intelectuel, mais de conduire et diriger une révolution de telle façon qu'on oublie octobre 17... Ce qui n'est le cas aujourd'hui le cas de personne !
Louis
 
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Message par Cyrano » 19 Mars 2004, 18:44

Je n'improvise pas tout. Il se trouve que pour diverses raison, j'avais déjà étudié le mouvement social et ses références… Ainsi, parfois, je fais juste du copier-coller, en rajoutant quelques épices, ou retranchant quelques légumes hors-sujet. Pour le reste, c'est un bon exercice, ça oblige à ressentir ce qu'on peut dire à l'improvisade.
D'où les tirades.
« Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme ! » Je ne suis plus vraiment jeune homme, alors…
Et puis… après tout, si je collationne les diverses interventions des un-e-s, des autres, sur tout un tas de sujet, je me rends compte que certain-e-s écrivent bien plus que moi !
Cyrano
 
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Message par Cyrano » 19 Mars 2004, 18:46

Alice en Lewis
« La question qui se pose, dit Alice, est de savoir si vous pouvez faire exprimer aux mots des choses différentes. » (Lewis Carroll, "De l'autre coté du miroir")
Ce n'est pas terrible, mes messages postés hier soir ; je crois que j'aurais pu racourcir. Mais je sature aussi un peu avec toutes les affirmations lapidaires que je trouve dans certaines interventions : on ne peut pas avoir une discussion qui nous enrichisse, qui nous engraisse, si on se contente de dire en trois ou quatre mots.
Certes, on a envie de répondre, de donner son avis, et parfois le temps manque, alors on force le trait. Mais lorsque on force le trait, on ne fait que le forcer, il reste l'idée initiale, forcée ; lorsque un mot rapidement jeté caricature ce qu'on aurait voulu dire, mais il ne fait que caricaturer, exagérer uniquement le fond de l'idée émise. Les chiens ne font pas des chats. La question qui se pose, dit Alice…
Je me cite (ça s'aggrave ?!) :
« Des intellos, même bourgeois, sembleraient être "porteur de nouvelles approches" ; Bourdieu (et Deleuze, et Derrida) seraient "des piliers» sur lesquels se bâtirait une nouvelle analyse marxiste, et une pierre de ces piliers, par exemple, c'est Bourdieu et son "habitus" ou ses théories sur "la lutte de classe aujourd'hui". (LouisChristianRené) »
Bâtir une « nouvelle analyse marxiste », des « piliers » : ce sont des mots forts, pesants. Je crois avoir compris que "renouveler" était admis ici comme étant un terme trop appuyé. Adoptons "Enrichir" et comptons nos écus.
Cyrano
 
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Message par Cyrano » 19 Mars 2004, 18:47

Arbre généalogique
LouisChristianRené écrit : « Est ce que marx peut enrichir sa pensée des découvertes de darwin ? Bien entendu que oui ! Est ce que marx peut étudier la pensée économique, philosophique, sociologique de son temps, et de s'y enrichir ? Bien entendu que oui ! Et pourtant, darwin n'était pas un militant ! » logan, approuve : « Voilà une excellente façon de poser la question. [...] Il doit s'enrichir des apports intellectuels de son époque. »
Mais personne ne dit le contraire. Bien que grand lecteur de Jules Renard, je ne suis pas paresseux au point d'ignorer d'où nous venons.
Lorsque deux jeunes gugusses qui n'ont même pas trente ans se rencontrent, ils se fécondent l'un l'autre (hum ? faudrait p'têt' une aut' formule, pasque là, ça connote graveleux) – n'oublions pas ce que représenta le job d'Engels pour le progrès des analyses de Marx.
Lorsque Marx et Engels mettent au point une conception matérialiste de l'histoire, ils s'enrichissent de ce que le développement matériel, social, historique de la société avait engendré comme nouvelles idées :
La découverte des lois de la nature, et son cortège de philosophes matérialistes (Helvétius, d'Holbach, etc.) ; L'industrialisation de l'Angleterre, la marchandisation du monde anglais, et les études de Smith, Ricardo, Petty ; la fureur de la révolution française, la lutte des classes sociales, et les historiens (Thierry, Mignet, Guizot) ; les philosophies du développement historique (Schelling, Hegel) ; Les interrogations sur la validité pour la personne humaine d'une socialisation mercantile (Rousseau) ; les potentialités du développement des forces productives et la satisfaction des besoins humains (Saint-Simon, Fourier) ; la naissance du prolétariat, la crapulerie de l'exploitation capitaliste (Proudhon). C'est ce qui me vient en tête, je dois en oublier !
C'est nous-même qui le disons, nous savons payer notre écot.
Marx et Engels ne se sont pas planqués derrière un buisson (ça reconnote…), le cigare de Marx foutant le feu, et les deux barbus redescendant de leur montagne avec les 10 commandements du marxisme surgis du néant. La conception matérialiste de l'histoire eut été impossible sans les travaux antérieurs. Mais de là à dire que ces travaux antérieurs sont du "marxisme", à d'autres, svp ! à d'autres… Mais ni vous ni moi ne le disons. On est OK, un débat paisible comme j'aime.
On sait faire
Lorsque Lénine écrit "L'impérialisme, stade suprême du capitalisme", il n'invente pas, il utilise les travaux disponibles. On sait bien qu'il n'avait pas eu un congé-formation chez un p'tit patron, qu'il n'avait pas zoné dans le conseil d'administration d'une entreprise internationale. Faut-il s'égosiller, se prosterner devant tous les travaux qu'il a utilisés, comme autant de pierres précieuses ayant enrichi le marxisme ?
Et Engels avec "L'Anti-Duhring" ou son bouquin sur le "Développement de la famille, de la propriété, de l'Etat", et Plékhanov ? Et le "Traité d'économie marxiste" d'Ernest Mandel, z'avez vu la bibliographie ? Et, of course : "Le Capital". Toutes ces analyses, ces synthèses, ces constructions théoriques ne furent possibles que parce que il existait, au préalable, une somme de travaux sérieux, fiables, sur l'état de la société ou des découvertes scientifiques.
Nous ne disposons pas d'envoyé spécial dans les sphères du pouvoir ou en tout point chaud du globe : nous ne sommes pas CNN ou France-Info. Nous ne faisons que ça : nous enrichir, nous engraisser des apports de chercheurs conséquents, de sociologues honnêtes ou de journalistes sérieux. Doit-on passer notre temps à confectionner des lauriers à tout quidam intellectuel ayant pondu un oeuf ? Non, n'est-ce pas ? Nous signalons une production qui vaut la peine qu'on s'y arrête, et volià.
C'est ce que fait logan lorsque il écrit : « "la misère du monde" offre à mon avis un bon reflet de la société francaise de la fin de siècle. » Ça fait une phrase. Point final (on pourrait aussi signaler d'autres titres). « un bon reflet », c'est à dire une description convaincante de l'état de la société française, donc c'est bon à lire, et on dit pas que l'auteur renouvelle le marxisme, pasque alors va y en avoir un paquet de postulants renouvellateurs. Jean-Jacques Marie écrit son "Staline" en utilisant l'ouverture des archives, et un sacré paquet de travaux d'historiens. Pour chacun d 'eux, il ne nous conjure pas de les considérer comme renouvellant l"étude sur le stalinisme.
On pourrait rajouter aussi l'Encyclopædia Universalis, et autre puit de connaissance, que sais-je !
Sommes-nous encore OK, j'espère ?
PS :
Hum… Parer les intellectuels de vertus qu'ils ne prétendent pas avoir, ou parer un dirigeant révolutionnaire de vertus dont il ne se réclame pas… Même processus de triche à l'insu de son plein gré ?
Cyrano
 
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Message par Cyrano » 19 Mars 2004, 18:48

« Enrichissez-vous ! » (Boukharine)
Alors, les amis, vous avez raison de le répéter : le marxisme doit s'enrichir continuellement du développement historique (économique, politique, culturel). Ou du moins, s'engraisser, mais ce ne sont que les marxistes qui peuvent enrichir le marxisme, en s'engraissant d'apport extérieurs.
Mais…
Lorsque je lis : « Est ce que marx peut étudier la pensée économique, philosophique, sociologique de son temps, et de s'y enrichir ? Bien entendu que oui ! » (LouisChristianRené), ou bien lorsque je lis : « Il [le marxisme] doit s'enrichir des apports intellectuels de son époque. » (logan)… là, Agésilas, hélas... Ça risque pas que y'ait de l'Urgo dans l'air : on se fera pas mal à enfoncer une porte ouverte. Non seulement Marx peut, s'il veut, mais il n'a pas eu besoin de notre permission : il l'a fait, et de belle façon ! Et nous n'avons pas besoin de la férule du maître pour nous intéresser aux apports de notre époque. Personne ici n'a dit le contraire. On est OK. Mais…
Lorsque je lis : « Un révolutionnaire n'a pas à porter un jugement moral du haut d'un tribunal marxiste-léniniste sur une oeuvre intellectuelle. Il doit s'enrichir des apports intellectuels de son époque.. » (logan), là, Attila, Hola ! Ainsi, nous, "marxistes", nous n'aurions pas à défendre nos idées ? Et défendre des idées auxquelles on adhère, ce n'est pas porter un jugement moral.
Ou alors, on doit accepter d'être sodomisé par n'importe quel plumitif qui déplace une virgule, prétend apporter du neuf ? Bon, mais alors, je suis au courant des développements des chercheurs de notre époque : je réclame la péridurale.
Roxane and Alice
« Oh !... Délabyrinthez vos sentiments ! » disait Roxane à Christian qui s'embrouillait un peu dans sa déclaration d'amour.
Délabyrinthez vos idées, les amis.
On se confronte ou on ne porte pas de jugement sur une oeuvre ?
On intègre les études des uns, des autres, ou on fait une Star Ac des nouveaux marxistes ?
« La question qui se pose, dit Alice, …
Décrire
Screw dans un forum citait une analyse de Bourdieu sur la petite bourgeoisie. J'y trouve rien à redire, ou alors des détails qui sont hors sujet. Y'a rien de marxiste la dedans, ça ne voudrait rein dire, on es tous d'accord. Bin voui, c'est le boulot des sociologues, de causer sur la société, justement. Logan a apprécié la "la misère du monde" pour la description de la société française.
LouisChristianRené écrit : « Il est clair qu'il les a écrits, assez largement, dans des "trous noirs" de la théorie marxiste, [on dirait du Althusser] dans des endroits ou marx n'avait pas spécialement fouillé Par exemple, sur les rapports entre culture, légitimation sociale et construction d'une identité » Bin dame, les fondateurs du matérialisme historique n'on rien écrit sur la prolifération des boîtes échangistes, rien écrit sur l'utopie de Malraux et les Maisons de la Culture. Ce n'est pas chez eux qu'on trouvera une allusion à Andhy Warhol, au street-ball, à la chienlit des porteurs de portables, à la drague via internet.
Le marxisme, ce n'est pas la description de "La situation de la classe laborieuse en Angleterre", sinon, on a perdu : Jean Gabin sur sa loco, y'a pu ! on va renouveler tous les 20 ans !
"L'impérialisme, stade suprême du capitalisme" n'est pas la version papier de "Capital" de M6 (sinon, autant mettre le bouquin dans nos chiottes – après avoir enlevé la couverture, on n'est pas des bêtes).
Ah ! Une remarque ! On ne dit pas : « Et il y a plusieurs exemples qu'on pourrait citer » et qu'on ne cite pas. Mieux vaut ne pas dire et en citer un.
Cyrano
 
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