Bourdieu

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Cyrano » 19 Mars 2004, 18:52

Renouveller, réviser
Le "marxisme", le matérialisme historique, une sociologie de l'histoire, qu'importe le terme… Mais notre outil à nous, le marxisme ne pourra être invalidé que par des faits historiques qui l'invalideront, et non pas par quelque brillant analyste d'un groupe social.
Où sont les faits historiques qui réclameraient un renouvellement du marxisme, qui justifieraient sa révision ?
Le stalinisme ? le fascisme ? Nos outils ont été à la hauteur.
Le bureau des réclamations est ouvert.
Une ligne, juste une, avec une connerie
« Lis ça, tu vas te marrer... — Quoi ? — L'article du journal, là. — Tout ? — Non mais la fin, ça vaut le jus... — Toute la fin ? — Non, juste ces deux lignes-là ! — Les deux ? — Dis donc, t'aimes pas lire, toi ! » (Jean-Marie Gourio, "Brèves de comptoir")
Parfois, par boutade, je dis que faut trop se bourrer le mout, que y'a qu'à lire une des premières phrases du Manifeste, ça suffit largement.
« L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes. »
Hélas ! Cette phrase contient une connerie ! On inaugure mal notre conception matérialiste de l'histoire. Il y a eu des sociétés sans classes, des sociétés qui ne disposaient pas d'un surplus social suffisant pour le partager inégalitairement.
Mais, dans l'édition de 1888, y'a un enrichissement à la phrase :
« L'histoire de toute société jusqu'à nos jours* n'a été que l'histoire de luttes de classes. »
Oui, Engels ajoute modestement une note, en bas de page :
« * Ou plus exactement l'histoire écrite. En 1847, l'histoire de l'organisation sociale qui a précédé toute l'histoire écrite, la préhistoire, était à peu près inconnue. [...] » (Note d'Engels, édition anglaise de 1888)
Le marxisme sait s'enrichir, sans tambours ni trompettes. Nous n'avons pas attendu la permission de l'un ou la directive de l'autre, et nous savons mieux que quiconque nous enrichir nous-même. Relisons, par exemple, le texte de Léon Trotsky sur les "90 ans de Manifeste communiste", pour voir ce qu'est un marxisme vivant – sans conférence de presse.
Lutte des classes
…n'a été que l'histoire de luttes de classes. »Toujours cette satanée phrase unique.
La lutte des classes… oui, c'est ça qui est au fronton de notre édifice à nous. Et dans nos sociétés, la lutte des classes la plus aigüe, c'est la lutte entre le prolétariat et le capitalisme.
Le prolétariat est la classe révolutionnaire de notre société, en ce sens que seule, cette classe, par sa position dans le domaine de la production des richesses, peut réellement révolutionner complètement la société en bousculant la classe dominante.
Ça ne se négocie pas.
Et toute discussion, toute divergence, n'est que le reflet de cette lutte des classes.
Y'a pas à tortiller du nez, à remuer la croupe :
… reflet de cette lutte des classes – dans le sens ou on ne trouve, en fin de compte, à travers les divers prismes déformant du débat, que le reflet de divergences sur l'importance accordé à la classe ouvrière, aux travailleurs dans le processus de transformation de la société.
Et notre causerie, messieurs dames, n'est que ça. Sommes nous d'accord ?
Je vous laisse la dessus : une phrase, rien qu'une, une phrase du Manifeste, avec une connerie dedans.
Cyrano
 
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Message par Louis » 19 Mars 2004, 19:48

Le "marxisme", le matérialisme historique, une sociologie de l'histoire, qu'importe le terme… Mais notre outil à nous, le marxisme ne pourra être invalidé que par des faits historiques qui l'invalideront, et non pas par quelque brillant analyste d'un groupe social.
Où sont les faits historiques qui réclameraient un renouvellement du marxisme, qui justifieraient sa révision ?
Le stalinisme ? le fascisme ? Nos outils ont été à la hauteur.
Le bureau des réclamations est ouvert.


ce que je me tue a te dire : la révolution a venir... (et franchement si tu ne crois pas que cette révolution est possible et nécessaire, aucune discussion n'est possible) Elle renouvellera forcément notre comprélension et rendra des tas de choses caduques...
Louis
 
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Message par lavana » 19 Mars 2004, 20:19

Les discussions sur les "classes sociales" sont le fonds de commerce des sociologues. Ils tournent autour, essayent d'approfondir de renouveller (écrivent certaines fois des chose intéressantes ?) mais finalement on arrive à vivre très bien sans eux.

Bourdieu finalement voulait-il renouveller... ben peut-être. en tout cas il aura pris grand soin de ne pas se mouiller avec des auteurs d'importance moindre que Marx mais plus compromis et qu'on ne pouvait pas réduire à un simple rôle de philosophe ou de sociologue (ou que sais-je encore ?) comme ils essayent de le faire avec Marx auteur canonique.

En tout cas Bourdieu n'a pas cherché à se confronter avec Trotsky ou Lénine. Parce que les profits symboliques certainement étaient moins grands ou la bataille trop compromettante. (Déjà qu'on l'accuse partout d'être marxiste, imaginez qu'il ait causé de Trotsky ? Il aurait été chassé honteusement du Collège de france. Non ?)

Je ne sais pas vous...mais en lisant Bourdieu, des fois on se dit..".je suis sûr que Léon en cause queque part mais où" ? Et des fois on se dit que tout ça est su par les membres des organisations qui se posent des tas de questions sur des tas de sujets. Les conditions subjectives et tout ca.
Je pense aux articles de Bourdieu sur "la délégation et le fétichisme politique" de 1984 repris sous une forme différente en Septembre 2001 : "le mystère du ministère" qui se conclue (enfin presque) par : La question fondamentale, quasi métaphysique, étant de savoir ce que c'est que de parler pour des gens qui ne parleraient pas si on ne parlait pas pour eux ; qui ne peuvent avoir de stratègies efficaces que collectives, et fondées sur un travail collectif de construction de l'opinion et de son expression.

Enfin bon, je vais pouvoir me servir de cette discussion c'est déjà ca .

Une remarque quand même tu écris :

a écrit :Bourdieu poursuit : « Le travail politique destiné à produire des classes sociales en tant que corporate bodies, groupes permanents, dotés d'organes permanents de représentation, de sigles, etc. a d'autant plus de chances de réussir que les agents qu'il veut rassembler, unifier, constituer en groupe, sont plus proches dans l'espace social »
Là, ça cogne fort : on a peu de chance de persuader un balayeur et un chirurgien plasticien qu'ils sont dans la même classe. On apprend que les classes sociales ne sont pas le produit d'une évolution économique, mais le produit d'un « travail politique ».

Bourdieu ne dit pas que les classes sociales sont le produit d'un travail politique... ce qui est le produit d'un travail politique c'est la fabrication du "groupe qui représente" cette classe sociale. Le travail politique c'est la construction du parti de l'association etc...

Et je ne lis pas les extraits que tu as mis sur les classes sociales comme tu le fais.
En fait il tourne autour de "classe-en-soi classe-pour-soi."
Je relis tout ça et je reviens...peut-être.
lavana
 
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Message par logan » 19 Mars 2004, 21:45

Ben Cyrano je suis d'accrod avec toi sur tout (mais je ne suis pas sur que tu approuves mon approbation :hinhin: )
logan
 
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Message par Cyrano » 20 Mars 2004, 00:38

Pour logan :
j'approbe ton approuvation.
C'est cool, tu passeras comme convenu à mon bureau pour toucher ton chèque.
Pour lavana :
je l'ai écrit, j'ai ni compétence, ni appétence pour discuter de ces choses là. Donc, je peux tout a fait m'être pris les pieds dans un tapis quelconque, si tu le dis, je ne m'en formaliserai pas. J'y trouverai même à redire, en grommelant que ces gens là n'ont qu'à être plus clairs (mais je ne comprends pas non plus : c'est quoi ce groupe qui représente cette classe ?).
Pour Bourdieu : l'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a. Là, en l'occurrence, l'esprit qu'on a voulu prêter à Bourdieu gâte celui qu'il avait. Et je n'ai absolument rien à redire au plaisir qu'on peut avoir à lire une bonne analyse sociologique qui va nous affermir dans notre compréhension des phénomènes sociaux ou des relations sociales.
Pour LouisChristianRené :
« ce que je me tue a te dire : la révolution a venir... (et franchement si tu ne crois pas que cette révolution est possible et nécessaire, aucune discussion n'est possible) Elle renouvellera forcément notre compréhension et rendra des tas de choses caduques... »
Ne crains rien, crois moi, je crois, oui, que la révolution est possible. Je ne suis pas venu à la révolution par l'esprit, je ne la quitterai donc pas sur un coup de tête. J'y suis venu par le ventre, aussi je ne quitterai la révolution que si mes tripes me quittent.
Il ne me semblait pas qu'on parlait de renouveler le marxisme une fois la révolution tonnant sur nos têtes. Mais si tu replaces ainsi finalement le renouvellement du marxisme, ça me semble un bon compromis pour clôturer cette discussion. Topons là, l'ami, et ainsi, ce dernier obstacle levé, tu es à peu près OK pour tout, comme logan ? et arrêtes de te tuer, en échange, ok ?
Scellons le pacte devant un de mes amis, il sera témoin, et je lui laisse le mot de la fin :
« D'ailleurs, sans parler même du fait que des Marx ne naissent pas tous les ans ni toutes les décennies, la tâche vitale qui attend le prolétariat aujourd'hui ne consiste pas à interpréter le monde d'une nouvelle façon, mais à le transformer de fond en comble. Dans la prochaine période nous pouvons nous attendre à l'émergence de grands révolutionnaires d'action, mais certainement pas à l'émergence de nouveaux Marx. Ce n'est que sur la base de la culture socialiste que l'humanité ressentira le besoin de remettre en question l'héritage idéologique du passé et nous dépassera sans aucun doute de très loin, non seulement dans le domaine de l'économie mais aussi dans celui de la création intellectuelle. »
(Léon Trotsky, "Lettre ouverte au camarade Burnham", 7 janvier 1940)
Cyrano
 
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Message par lavana » 20 Mars 2004, 09:26

Je disais ne pas vouloir discuter de Bourdieu mais seulement connaître ton opinion sur lui, Cyrano.

On ne va pas se lancer donc dans une grande discussion qui finirait par nous faire croire qu'on se trouve sur le forum de la LCR ou un quelconque machin "altermondialiste".

Mais j'ai quand même envie de préciser les choses sur ce que disait Bourdieu sur les classes sociales. Juste pour confirmer que tu tordais un peu le bâton. Un peu comme LCR qui ,lui, le tord dans l'autre sens (tout est bon chez les intellos)

En tant que véritable "feignant d'usine" j'ai un peu cherché sur le net et trouvé cete discussion dont j'extrais quelques lignes qui précisent ce point

Ceux qui ont envie de lire la totalité pourront aller :

Debat sur les classes

mais on peut s'en passer. Enfin chacun fait comme il veut mais après une lecture rapide il ne me semble pas que l'auteur nous emmerde avec Bourdieu renouveleur (c'est chiant ce l) du marxisme mais interrupteur (???) quadruple...

(Vincent Gay ([url=mailto:gayvincent@wanadoo.fr]gayvincent@wanadoo.fr[/url])
a écrit :
C'est là qu'une démarche sociologique devient intéressante, pour comprendre les obstacles à la conscience et à la lutte collectives d'un coté et la domination toujours renforcée de l'autre. On doit en effet convoquer la sociologie en tant qu' " entreprise de dé-fétichisation des rapports sociaux " qui " nous ouvre les yeux[...] sur l'acte de foi permanent, généralisé sans lequel les rapports de domination ne tiendraient pas une minute"[11] . La sociologie interroge la notion de classe, non pas à partir du mode de production capitaliste mais de la conscience collective des agents constitutifs des supposées classes. Empruntant cette voie, Pierre Bourdieu estime nécessaire une quadruple rupture avec la théorie Marxiste : " rupture avec la tendance à privilégier les substances [...] au détriment des relations et avec l'illusion intellectualiste qui porte à considérer la classe théorique, construite par le savant, comme une classe réelle " ; " rupture avec l'économisme qui conduit à réduire le champ social[...] au seul champ économique" ; " rupture avec l'objectivisme[...] qui conduit à ignorer les luttes symboliques "[12] . Pour lui, les classes n'existent que dans la mesure où leurs agents en ont une conscience collective et qu'ils agissent pour défendre leurs intérêts communs. D'où l'idée que la théorie des classes elle-même est responsable de l'existence des classes, puisque, reprise et transmise par le mouvement ouvrier, elle devient un concept reconnu collectivement. Ce sont donc avant tout les luttes symboliques, auxquelles participent les scientifiques, qui font les classes. L'existence des classes ainsi que leur délimitation deviennent enjeux de luttes, et de cela dépend l'explication du monde dominante, la formation des groupes et de leurs conflits. On voit par exemple que dans certaines parties du monde, la destruction ou l'affaiblissement des mouvements progressistes fondés sur une théorie des classes a laissé place à une explication du monde où s'opposent les ethnies ou les religions, sans pour autant que le caractère " objectif " des classes ne disparaisse. Là encore, les positions occupées par les agents sont primordiales : " Le dominant est celui qui intervient à imposer les normes de sa propre perception, à être perçu comme il se perçoit, à s'approprier sa propre objectivation en réduisant sa vérité objective à son intention subjective" alors que " les classes dominées ne parlent pas, elles sont parlées."[13] . Bourdieu tente donc de définir subtilement le rapport entre la réalité et sa construction par les scientifiques ou les militants. Il distingue donc les " classes sur le papier", ou " classes probables", et les " classes mobilisées" pour montrer le fossé, la difficulté, pour qu'émerge une conscience collective d'intérêts communs qui débouche sur des actes. Mais il n'explique pas pour autant ce qui fait la probabilité des classes, ce qui devrait renvoyer à une analyse de la réalité socio-économique. De plus, le champ économique, lieu de dominations, est souvent mis en parallèle avec d'autres champs structurés par des rapports de domination. Si cela ne réduit pas l'individu à ses seules déterminations vis-à-vis de la structure économique, cela ne rend pas compte des spécificités d'organisation sociale du capitalisme et surtout, au nom de l'autonomie relative des champs, cela ne permet pas de percevoir la prédominance du système économique dans l'échelle des dominations, compte tenu en particulier de son universalité[14] ; or " le marché économique est très largement transversal par rapport à l'ensemble des champs d'activité et la logique économique (le raisonnement économique) est omniprésent à un degré ou un autre : même lorsqu'un univers cultive son autonomie au plus haut degré,[...] il rencontre toujours à un moment ou à un autre cette logique économique"[15] . Enfin, la notion de domination, si elle est utile pour penser la pluralité, est insuffisante pour rendre compte des phénomènes d'exploitation et d'aliénation, inhérents au capitalisme et utiles pour aborder les classes sociales. Malgré ces critiques, la sociologie critique montre à quel point l'émancipation collective est pavée d'embûches, notamment parce que " le rapprochement des plus proches n'est jamais nécessaire, fatal" tandis que " le rapprochement des plus éloignés n'est jamais impossible"[16] , notamment du fait de la concurrence ou des liens nationaux qui unissent bourgeois et prolétaires, même lorsqu'on prétend que les prolétaires n'ont pas de patrie. La question est d'importance pour les mouvements d'émancipation visant une disparition des classes : " Il ne s'agit pas de récuser purement et simplement les analyses "de classe"[...] mais il convient de s'interroger sur le concept même qui est au centre des analyses, le concept de classe sociale (et plus précisément de classe ouvrière) et donc corollairement sur ceux d'appartenance de classe et de conscience de classe."[17]

La théorie de Marx, contrairement à celle de certains de ses héritiers, n'est pas contradictoire avec ce qu'avance la sociologie critique, dans la mesure où leurs réflexions respectives ne portent pas tout à fait sur le même objet. Après avoir rappelé ces deux méthodes d'investigations on peut poser maintenant la question de la supposée disparition des classes et de la mutation éventuelle des rapports de classes.


Et en plus cet auteur est d'accord avec une partie des critiques que tu as soulignées :
De plus, le champ économique, lieu de dominations, est souvent mis en parallèle avec d'autres champs structurés par des rapports de domination. Si cela ne réduit pas l'individu à ses seules déterminations vis-à-vis de la structure économique, cela ne rend pas compte des spécificités d'organisation sociale du capitalisme et surtout, au nom de l'autonomie relative des champs, cela ne permet pas de percevoir la prédominance du système économique dans l'échelle des dominations, compte tenu en particulier de son universalité[14] ; or " le marché économique est très largement transversal par rapport à l'ensemble des champs d'activité et la logique économique (le raisonnement économique) est omniprésent à un degré ou un autre : même lorsqu'un univers cultive son autonomie au plus haut degré,[...] il rencontre toujours à un moment ou à un autre cette logique économique"[15] . Enfin, la notion de domination, si elle est utile pour penser la pluralité, est insuffisante pour rendre compte des phénomènes d'exploitation et d'aliénation, inhérents au capitalisme et utiles pour aborder les classes sociales.

Cyrano en fait tu es un Lahirien.

Bon ben demain on vote. C'est faire exister la classe ?
lavana
 
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Message par Cyrano » 20 Mars 2004, 11:06

Réponse rapido ! je vais y arriver à faire court !
« Pour lui [Boudieu], les classes n'existent que dans la mesure où leurs agents en ont une conscience collective et qu'ils agissent pour défendre leurs intérêts communs. D'où l'idée que la théorie des classes elle-même est responsable de l'existence des classes. »
Donc, j'insiste lourdement : ce sont les idées, l'opinion qui font le monde ?… Et en fait, je croyais m'être pris les pieds dans un tapis, nenni !
Les êtres humains sont embrigadés dans des rapports de production qui existent, indépendamment de leur volonté, et les classes sociales ne sont pas une vue de l'esprit, une construction sur le papier. Je persiste, je signe : c'est nier l'existence des classes sociales. Et c'est bel et bien un processus économique, et non pas une construction théorique (ou une volonté politique, j'y reviens) qui produit les classes sociales. Sinon, c'est balancer aux chiottes le matérialisme historique et l'explication de la lutte des classes comme trame permanente de l'histoire des sociétés – avec les implications dans les choix politiques.
Tout le reste n'est que littérature.
Si c'est pour lire des choses que même Bossuet n'aurait pas validées, autant ne pas lire Bourdieu, y'a des lectures ou des re-lectures plus urgentes.
PS 1 : « Bourdieu renouveleur (c'est chiant ce l) » : ça oui ! dans le feu de la frappe, je mets rarement le bon compte de "L". C'est un coup des grammairiens de Port-Royal ?
PS 2 : Lahirien, ça fait un peu adepte de secte… krostkyste, marxchiste, cocommunisste, je préfère. Quoique.. pour certains :
« C’est un ancien communiste qui est devenu alcoolique. — C’est bien qu’il s’en soit sorti. » (Jean-marie Gourio, "Brèves de comptoir")
Cyrano
 
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Message par logan » 20 Mars 2004, 12:06

a écrit : « Pour lui [Bourdieu], les classes n'existent que dans la mesure où leurs agents en ont une conscience collective et qu'ils agissent pour défendre leurs intérêts communs. D'où l'idée que la théorie des classes elle-même est responsable de l'existence des classes. »
Donc, j'insiste lourdement : ce sont les idées, l'opinion qui font le monde ?… Et en fait, je croyais m'être pris les pieds dans un tapis, nenni !
Les êtres humains sont embrigadés dans des rapports de production qui existent, indépendamment de leur volonté, et les classes sociales ne sont pas une vue de l'esprit, une construction sur le papier. Je persiste, je signe : c'est nier l'existence des classes sociales. Et c'est bel et bien un processus économique, et non pas une construction théorique (ou une volonté politique, j'y reviens) qui produit les classes sociales


Absolument et ça remet les points sur les I. =D>

Notamment vis a vis de tous les economistes et sociologues enterrant la lutte de classes.
Tous ces pseudo-analystes ont le même raisonnement :
1/ Marx disait qu'une classe n'existe réellement que quand elle prend conscience d'elle même
2/ Aujourd'hui la classe ouvrière n'a pas conscience de ses intérêts propres, elle n'agit pas dans ce sens
3/ Donc elle n'existe pas

Et pas un mot en général sur le distingo établi par Marx entre la classe en soi (existante) et la classe pour soi (consciente de son existence)

Et voilà comment on fait passer un raisonnement idéaliste (basé sur la conviction que ce sont les consciences qui déterminent l'existence sociale), pour du renouveau marxiste.


PS : un petit bémol , la production des classes sociales n'est pas purement un phénomène économique
C'est un phénomène ...social avec un socle économique.
logan
 
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Message par lavana » 20 Mars 2004, 18:34

Cyrano, je ne suis pas tout à fait d'accord. Il ne s'agit pas de se prendre ou pas les pieds dans le tapis mais de lecture différente. (Pour les implications politiques chez les lecteurs, on verrra bien plus tard.)





a écrit :Les êtres humains sont embrigadés dans des rapports de production qui existent, indépendamment de leur volonté, et les classes sociales ne sont pas une vue de l'esprit, une construction sur le papier. Je persiste, je signe : c'est nier l'existence des classes sociales. Et c'est bel et bien un processus économique, et non pas une construction théorique (ou une volonté politique, j'y reviens) qui produit les classes sociales. Sinon, c'est balancer aux chiottes le matérialisme historique et l'explication de la lutte des classes comme trame permanente de l'histoire des sociétés – avec les implications dans les choix politiques.


Je ne crois pas que Bourdieu nie les rapports de production ou les conditions objectives. Pour lui, ça ne suffit pas. Il faut aussi un travail politique pour arriver à faire s'exprimer les êtres humains embrigadés comme tu le dis.
Ca n'est pas plus choquant que : les individus ne forment une classe que dans la mesure où ils sont engagés dans un combat contre une autre classe.
(Cité dans le texte dont j'ai mis l'adresse plus haut. Il m'a été impossible de retrouver cette phrase dans le bouquin.)

Mais l'important est surtout , pour ce dont on discute, est qu'il ne prétend pas être un renouveleur ou un enrichisseur ou je-ne-sais-pas-quoi mais "en rupture avec la théorie marxiste". On pourrait effectivement dire avec LCR qu'il creuse dans les "trous noirs" quitte à s'y perdre corps et biens... ? C'est toute la discussion.


D'ailleurs j'avais dit qu'il tournait autour de classe pour soi et classe en soi.


Il s'agit de rappeler aussi que la bourgeoisie (les dominants) est une classe toujours mobilisée.



Je laisse causer Bourdieu dans "espace social et génèse des classes". 1984

a écrit :Comme l'être selon Aristote, le monde social peut être dit et construit de différentes façons ; il peut être partiquement perçu, dit, construit, selon différents principes de vision et de division -par exemple les divisions ethniques - : étant entendu que les rassemblements fondés dans la structure de l'espace construit sur la base de la distribution du capital ont plus de chances d'être stables  et durables et que les autres formes de regroupement seront toujours menaçées par les scisions et les oppositions liées aux distances dans l'espace social.
Parler d'un espace social, c'est dire qu'on ne peut rassembler n'importe qui avec n'importe qui en ignorant les différences fondamentales, économiques et culturelles notamment ; mùais cela n'exclut jamais complétement que l'on puisse organiser les agents selon d'autres principes de division  ethniques, nationaux, etc - dont il faut remarquer qu'ils sont généralement liés aux principes fondamentaux, les ensembles ethniques étant eux-mêmes au moins grossièrement hiérarchisés dans l'espace social, par exemple aux USA (par l'intermédiaire de l'ancienneté de l'immigration, noirs exceptés)

Ceci marque une première rupture avec la tradition marxiste : celle-ci ou bien identifie, sans autre forme de procès, la classe construite et la classe réelle, c'est-à-dire, comme Marx lui-même le reprochait à Hegel, les choses de la logique et la logique des choses : ou bien, quand elle fait la distinction entre la "classe-en-soi", définie sur la base d'un ensemble de conditions objectives, et la "classe-pour-soi", fondée sur des facteurs subjectifs, elle décrit le passage de l'une à l'autre, toujours célébré comme une véritable promotion ontologique, dans une logique soit totalement déterministe soit au contraire pleinement volontariste.
Dans  le premier cas, la transition apparaît comme une necessité logique, mécanique ou organique (la transformation du prolétariat de classe-en-soi en classe-pour-soi étant présentée comme un effet inevitable du temps, de la "maturation des conditions objectives") ; dans l'autre cas, elle est présentée comme l'effet de la prise de conscience, concue comme prise de connaissance de la théorie opérée sous la direction éclairée du Parti.

Dans tous les cas , rien n'est dit sur l'alchimie mystérieuse par laquelle un "groupe en lutte", collectif personnalisé, agent historique posant ses propres fins surgit des conditions économiques objectives.

Par une sorte de faux en écriture, on fait disparaître les questions les plus essentielles : d'une part, la question même du politique, de l'action propre des agents qui, au non d'une définition théorique de la "classe" , assignent à ses membres les fins officiellement les plus conformes à leurs intérêts "objectifs", c'est-à-dire théoriques et du travail par lequel ils parviennent à produire, sinon la classe mobilisée, la croyance en l'existence de la classe, qui fonde l'autorité de ses porte-parole ; d'autre part, la question des rapports entre les classements à prétention objective que produit le savant, pareil en cela au zoologiste, et les classements que les agents eux-mêmes ne cessent de produire dans l'existence ordinaire et par lesquels ils tentent de modifier leur position dans les classements objectifs ou les principes mêmes selon lesquels ces classements sont produits.





Je sais ça énerve. Mais bon, il y a peut-être quelque chose d'intéressant dans tout ça.
Peut-être que quand les "conditions objectives seront arrivées à maturation" on rigolera de tout ça. Peut-être... en attendant ça fait causer.

Bon y'a d'autres trucs dans ce texte aussi énervant mais je n'ai pas envie de les saisir.
lavana
 
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Message par Barikad » 20 Mars 2004, 22:08

Excusez ma modeste contribution dans ce débats de haute tenue mais la phrase d'Engels que je préferes c'est: "La preuve que le pudding existe, c'est qu'on peut le manger" Ce n'est pas l'idée du poudding qui lui donne son existance.
Les classe sociales axistent parceque le processus de production assigne à chacun des places et des interets différents, contradictoires. Ce n'est pas le concept qui le fait exister. C'est différent avec la conscience de classe.
Barikad
 
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