Un texte intéressant

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Vérié » 20 Avr 2008, 18:28

Conviviado,

La discussion est difficile entre nous car nous n'avons pas la même méthode d'analyse. Bien que tu sympathises avec LO, sans doute pour le sérieux de son activité dans la classe ouvrière, sur des bases de classe, ce que tu as sans doute pu constater, tu continues à utiliser les modes de raisonnement et shémas du mouvement ML.

Or le mouvement ML, quelles que soient ses composantes et les nuances entre elles, est une scission du PC stalinien dont il a conservé l'essentiel des conceptions, idéologie, analyses etc. Par exemple le PCMLF, même si tu ne t'en revendique pas, est le représentant caractéristique de ce courant. Dirigé par quelques anciens cadres moyens et subalternes du PC (peu brillants), il a certes rompu avec le PC pro Moscou sur des bases qui peuvent apparaître "de gauche", avec notamment la critique du passage pacifique au socialisme, le refus de renoncer à la dictature du prolétariat, un soutien plus vigoureux aux combattants vietnamiens etc. Mais, sur le fond, il est resté un mini parti stalinien : il s'est contenté de reprendre les positions dites de la "troisième période" "classe contre classe".


Toute sa conception du "socialisme" est restée la meme. Il a subitement découvert que Kroutchev avait entrepris la "restauration du capitalisme" en URSS, mais s'est comporté vis à vis de la Chine exactement de la meme façon que le PCF vis à vis de l'URSS. Il n'a jamais remis en cause le stalinisme, le socialisme dans un seul pays etc.

Bref, ces partis ne pouvaient pas donner à leurs militants les moyens de comprendre l'histoire réelle du mouvement ouvrier. D'autant plus qu'ils ont repris - parfois de façon caricaturale - les méthodes falsificatrices du stalinisme.

La vision, que tu as conservée, de la révolution chinoise, de l'Etat maoiste etc est donc faussée dès le départ par ces conceptions. Il faut tout de meme comprendre que le stalinisme, sous sa version "soviétique" comme sous sa version maoiste, a été une des plus grandes falsification et mythologie de l'histoire. Cette falsification n'a pu fonctionner que grace à la collaboration d'intellectuels, parfois talentueux, donc Bettheleim n'est pas le pire ni le plus malhonnête.

A PROPOS DE BETTHELEIM
Charles Bettheileim fut un compagnon de route du stalinisme d'abord (après avoir parait-il flirté briévement avec le trotskysme), puis un companon de route du maoisme, à l'époque ou le maosime et le tiers mondisme furent très à la mode dans les milieux universitaires.

C.B. était un économiste universitaire plus proche des cercles du pouvoir, dans les pays où il a joué le role de conseiller, notamment l'Egypte de Nasser, que du prolétariat et de la paysannerie. Tu conviendras que pour quelqu'un qui se revendique du communisme, accepter de jouer le role de conseiller d'une féroce dictature nationaliste anti-communiste, ça fait désordre. C.B avait donc plutot tendance à prendre pour argent comptant les discours des dirigeants tiers-mondistes et staliniens, lesquels tenaient alors des discours susceptibles de séduite l'intelligentsia occidentale. (Ils cultivaient leur image "progressiste" internationale, tout en réprimant férocement les militants ouvriers, les travailleurs et les paysans.)

On est donc obligé de prendre avec certaines réserves, pour ne pas dire avec des pincettes, les écrits d'universitaires de ce genre. Et de nourrir quelques doutes sur leur sérieux.

Dans ses derniers écrits - Les Luttes de classe en URSS -, il remet enfin en cause le stalinisme et constate tardivement que "le stalinisme est l'idéologie du capitalisme d'Etat". Ceci après avoir fait toute la première partie de sa carrière et assis sa notoriété en vantant les plans quinquennaux soviétiques. Cette analyse du stalinisme, il aurait bien fait de l'appliquer un peu plus tôt à la Chine, ce que, à ma connaissance, il n'a jamais fait.

De plus, sur le plan des principes, il ne semble pas avoir compris qu'il ne peut pas y avoir de révolution prolétarienne sans intervention du prolétariat. Alors, les innombrables exégèses sur les textes, les polémiques sur les différentes lignes au sein du part, sur l'économisme etc ont bien peu d'interet dans la mesure où ils sont détachés de la réalité sociale. (Dans ses derniers écrits sur l'URSS, il relie ses analyses à la situation concrète, sans doute parce qu'il avait déjà une vision beaucoup plus critique de l'URSS à la suite de la rupture sino-soviétique, parce que les informations fiables disponibles sur l'URSS sont tout de meme plus nombreuses, et parce qu'il n'était plus prisonnier de sa vision mythologique...)
Vérié
 
Message(s) : 0
Inscription : 08 Sep 2007, 08:21

Message par Zimer » 21 Avr 2008, 14:01

a écrit :UNE «GRANDE RÉVOLUTION CULTURELLE
PROLÉTARIENNE»
CONTRE LE PROLÉTARIAT CHINOIS février 1967 LDC
[...]

Cela dit, l’avenir est-il bouché au prolétariat chinois ? Certes non. Il n’est pas impossible, en effet, que nous assistions à «l’annonce» des «processus de révolution» en Chine. Mais la mobilisation du prolétariat chinois se fera, dès le début, contre le régime de Mao Tse Toung, peut-être en réponse justement à l’activité des gardes rouges.
Pour ceux qui le désirent je post en pièce jointe un article de la LDC DE 1967
qui répond bien mieux que je ne pourrais le faire au verbiage Stalinien des amis Maoïsants de certains forumeurs ... :wavey: :wavey:

REVOLUTION_CULTURELLE.doc
Zimer
 
Message(s) : 0
Inscription : 10 Avr 2007, 09:38

Message par Vérié » 21 Avr 2008, 15:55

Cet article est fondamentalement juste, de meme que le CLT de la meme époque, qui contient davantage de précisions. Toutefois, il me semble qu'il minimise peut-etre un peu les réglements de comptes au sein de l'appareil d'Etat et du parti.

Que Mao, Lin PIao et leurs partisans aient eu le controle de l'armée ne fait pas de doute. Et c'est ce controle qui leur a permis de mobiliser la jeunesse estudiantine (les gardes rouges). Donc, dire que Mao aurait perdu et repris le pouvoir est absurde. BIen que l'un des slogans politiques maoiste ait été "le parti commande aux fusils", nous savons bien que, dans un Etat de ce genre, c'est ceux qui détiennent les fusils qui ont le pouvoir. Toutefois, il est possible que Mao se soit trouvé en situation de faiblesse au sein de la direction du parti, à la suite de sa série d'erreurs catastrophiques, et qu'il ait choisi ce moyen pour épurer l'appareil à son profit. La mise au pas de la classe ouvrière a-t-elle été l'axe et l'objectif essentiel ? Ou bien la classe ouvrière a-t-elle profité de ces affrontements pour exprimer ses revendications, ce qui l'a amené à se heurter aux gardes rouges et à l'armée ? Des bureaucrates syndicaux ont pu aussi essayer de mobiliser les ouvriers pour défendre leurs intérets d'appareil contre la clique rivale.

Probablement une combinaison de tout cela. Bref, la GRCP n'a eu de prolétarienne que le nom et était bien fondamentalement un mouvement extérieur à la classe ouvrière qui s'est heurtée à elle. Cela est juste, mais la thèse présentée par la LDC tord peut-être un peu le baton et simplifie sans doute la situation, pour combattre les illusions répandues à l'époque, y compris chez les trotskystes, sur ce "mouvement anti-bureaucratie spontané".

L'aspect fondamental reste le role de l'armée, qui n'est pas nié, meme parmi les plus stupides thuriféraires du maoisme, genre Daubier (auteur d'un ouvrage en 2 volumes sur le sujet, chez Maspéro). La GRCP a d'ailleurs commencé par un article publié... dans le quotidien de l'armée. Et il n'y a jamais eu de révolution culturelle dans l'armée : les soldats ne sont pas transformés en gardes rouges pour exiger l'égalité avec les officiers, leur éligibilité, éliminer des généraux etc. Conviviado devrait réfléchir à cela.

LA NATURE DE L'ETAT ET DU PARTI CHINOIS

Mais le problème fondamental auquel devrait aussi réfléchir notre ami Conviviado, c'est la nature de l'Etat chinois et du PCC. Selon la version maoiste la plus courante, deux lignes s'affrontaient au sein du PCC : la ligne bourgeoise (Liu Shao Shi, le "Krhoutchev chinois") et la ligne prolétarienne (Mao et le général en chef Lin PIao, qui devait périr ensuite dans des conditions mystérieuses...).

Les auteurs maoistes comme Betheleim ou Daubier comparent d'ailleurs les discussions dans le parti chinois aux discussions dans... le parti bolchevik dans les années 20 (sur l'économisme, les stimulants matériels etc). Mais cette comparaison n'a aucun sens : dans un cas, nous avons un parti révolutionnaire internationaliste qui s'est appuyé sur la classe ouvrière pour mettre en place un Etat ouvrier, dans l'autre un parti nationaliste bourgeois (usurpant le drapeau communiste) qui a mis en place un Etat bourgeois. IL faut s'interroger sur la nature du pouvoir de classe en Chine : qui détenait le pouvoir au moment de la GRCP ? Comment peut-on définir un pouvoir, un Etat ouvrier ? UN changement de ligne au sein d'un parti comme le PCC signifie-t-il un changement de la nature de l'Etat ?

IL faut en revenir aux fondamentaux : la Commune, l'Etat et la révolution de Lénine. Le reste n'est que verbiage entre bureaucrates défendant leurs intérets de clique et/ou préconisant des méthodes différentes d'exploitation du prolétariat et de la paysannerie !
Vérié
 
Message(s) : 0
Inscription : 08 Sep 2007, 08:21

Message par Vérié » 21 Avr 2008, 17:59

(El convidado de piedra @ lundi 21 avril 2008 à 18:39 a écrit :
La vraie question est la suivante "Un changement de ligne politique (de orientation idéologique fondamentale plutot) d'un parti révolutionnaire signifie-t-il un changement de la nature de l'etat?"

Bien sur si ce parti dirige l'état, banane!

T'as pas vu ce qui est arrivé en URSS?


Ce qui s'est passé en URSS, c'est que la classe ouvrière organisée en soviets et comités d'usine a pris le pouvoir sous la direction du parti bolchevique. La classe ouvrière a été le moteur principal de cette révolution.

Ensuite, la classe ouvrière s'est effondrée, les soviets ont disparu etc. Il n'est plus resté que le parti bolchevik et un appareil d'Etat non controlé par la classe ouvrière. A ce moment là, on peut dire que l'adoption par le parti au pouvoir d'une ligne nationaliste bourgeoise (le "socialisme dans un seul pays") a été l'ultime étape du changement de nature de l'Etat.

Mais, en Chine, la classe ouvrière n'a joué aucun role dans la révolution. Nous sommes en présence d'un parti nationaliste bourgeois qui s'appuie sur des masses paysannes. On ne peut pas faire la révolution prolétarienne à la place du prolétariat en chair et en os. Et, si le parti bolchevik au pouvoir s'est transformé en parti bourgeois, comme avant lui les partis sociaux démocrates avaient changé de nature, on n'a jamais vu l'inverse, à savoir un parti bourgeois (ou social démocrate) se transformer en parti communiste révolutionnaire.

Le moteur de la révolution chinoise, c'est la paysannerie.
Le moteur de la révolution culturelle, c'est l'armée qui a encadré la jeunesse scolarisée.
Où est le prolétariat dans tout ça ? Il faut considérer les véritables forces sociales en présence et non les discours des politiciens !

a écrit :
Et cracher sur Bettelheim est ridicule, cela ne change pas à son témoignage ni à son analyse. Un document politique se refute politiquement, pas en essayant de couvrir de boue son auteur.

Je me permets de te faire remarquer, Conviviado, que tu n'as pas hésité à ironiser sur Simon Leys, que tu ne connais pas, après que j'ai dit que les maosites l'avaient accusé d'être un agent de la CIA. Simon Leys est autrement plus sérieux que Bettheleim.

Mon propos n'est pas de craché sur Bettheleim. Mais, quand on considère les écrits d'un auteur, on ne peut pas faire abstraction de son role politique dans la vie.
Par exemple, si Mélanchon ou Attali écrivaient "des textes intéressants", je serais méfiant.

Encore un aspect de la révolution culturelle. Jamais la GRCP n'a mis fin aux privilèges bureaucratiques des dirigeants. C'est une mythologie dont Simon Leys fait notamment justice. Seuls les "mauvais" dirigeants ont perdu leurs privilèges, pas les autres. Et surtout pas les cadres de l'armée qui comptaient parmi les principaux privilégiés.

Sous Mao, les dirigeants bénéficiaient déjà de privilèges considérables, certains vivaient dans le luxe. Chose qui n'a jamais existé à l'époque de Lénine en URSS.
Ru vas peut-etre me dire que ce sont des calomnies bourgeoises. Mais, meme les historiens bourgeois les plus mal intentionnés n'osent pas dire que Trotsky et Lénine vivaient dans le luxe en 1920. Ce n'est que sous Staline que la haute bureaucratie s'est mise à vivre dans un luxe insultant.
Vérié
 
Message(s) : 0
Inscription : 08 Sep 2007, 08:21

Message par Jacquemart » 21 Avr 2008, 22:13

a écrit :Parler de "parti nationaliste bourgeois" est un pur non sens. Que le parti chinois n'aille pas rompu ouvertement avec Staline, malgré que toute sa ligne politique allait à l'encontre des "récommendations" de Staline et contre leurs envonyés "les 28 bolsheviques", Wang Ming; ne fait pas de lui un "parti nationaliste bourgeois" vu qu'il était un parti qui se reclamait du marxisme-léninsme et qui pratiquait (à sa manière) l'internationalisme prolétairen (Voir par exermple le texte de 1942 de Mao "En mémoire de Norman Bethune" où il defends l'internationalisme proletarien).

Une question simple : quand est-ce que Mao, ou le parti chinois, ou les deux, ont appelé publiquement à la (re)construction d'une internationale ouvrière et ont oeuvré en ce sens ? C'est pourtant le geste politique minimum pour qui se dit "communiste", donc internationaliste. Et qui de surcroît accède au pouvoir dans le pays le plus peuplé du monde, excusez du peu.

Quant à argumenter que Mao était internationaliste en nous sortant un article où il se prétendait tel... à ce compte là, je peux montrer sans aucun souci que Mitterrand était socialiste.
Avatar de l’utilisateur
Jacquemart
 
Message(s) : 203
Inscription : 16 Déc 2003, 23:06

Message par Zappa » 21 Avr 2008, 22:22

Mao a toujours distingué deux sortes de bourgeoisie en Chine. La bourgeoisie comprador qui s'accommodait de la présence des impérialismes français, anglais, américains dans le pays, les laissaient allègrement piller le pays en attendant de ramasser les miettes. Et la bourgeoisie nationale, qui avait besoin un temps de se débarrasser du carcan impérialiste pour se développer. Cette dernière il la tenait en estime à tel point que l'une des 5 étoiles du drapeau chinois lui est dédiée. Pour un communiste, faire l'éloge de sa bourgeoisie nationale, même si c'est celle d'un pays du Tiers Monde, c'est tout de même étrange. Si on va par là, les bolcheviks auraient pu la faire aussi, tout comme tout un tas d'organisations et de camarades qui militent aujourd'hui dans les pays pauvres. Sauf que favoriser l'émergence d'une bourgeoisie nationale n'a jamais été un but pour les communistes. Si au mieux on pense que Mao était quelqu'un de sincère ( ce qui n'est absolument pas mon cas ), force est de reconnaître que sa tactique est menchevik.
Zappa
 
Message(s) : 0
Inscription : 29 Jan 2008, 11:28

PrécédentSuivant

Retour vers Histoire et théorie

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 16 invité(s)

cron