Conviviado,
La discussion est difficile entre nous car nous n'avons pas la même méthode d'analyse. Bien que tu sympathises avec LO, sans doute pour le sérieux de son activité dans la classe ouvrière, sur des bases de classe, ce que tu as sans doute pu constater, tu continues à utiliser les modes de raisonnement et shémas du mouvement ML.
Or le mouvement ML, quelles que soient ses composantes et les nuances entre elles, est une scission du PC stalinien dont il a conservé l'essentiel des conceptions, idéologie, analyses etc. Par exemple le PCMLF, même si tu ne t'en revendique pas, est le représentant caractéristique de ce courant. Dirigé par quelques anciens cadres moyens et subalternes du PC (peu brillants), il a certes rompu avec le PC pro Moscou sur des bases qui peuvent apparaître "de gauche", avec notamment la critique du passage pacifique au socialisme, le refus de renoncer à la dictature du prolétariat, un soutien plus vigoureux aux combattants vietnamiens etc. Mais, sur le fond, il est resté un mini parti stalinien : il s'est contenté de reprendre les positions dites de la "troisième période" "classe contre classe".
Toute sa conception du "socialisme" est restée la meme. Il a subitement découvert que Kroutchev avait entrepris la "restauration du capitalisme" en URSS, mais s'est comporté vis à vis de la Chine exactement de la meme façon que le PCF vis à vis de l'URSS. Il n'a jamais remis en cause le stalinisme, le socialisme dans un seul pays etc.
Bref, ces partis ne pouvaient pas donner à leurs militants les moyens de comprendre l'histoire réelle du mouvement ouvrier. D'autant plus qu'ils ont repris - parfois de façon caricaturale - les méthodes falsificatrices du stalinisme.
La vision, que tu as conservée, de la révolution chinoise, de l'Etat maoiste etc est donc faussée dès le départ par ces conceptions. Il faut tout de meme comprendre que le stalinisme, sous sa version "soviétique" comme sous sa version maoiste, a été une des plus grandes falsification et mythologie de l'histoire. Cette falsification n'a pu fonctionner que grace à la collaboration d'intellectuels, parfois talentueux, donc Bettheleim n'est pas le pire ni le plus malhonnête.
A PROPOS DE BETTHELEIM
Charles Bettheileim fut un compagnon de route du stalinisme d'abord (après avoir parait-il flirté briévement avec le trotskysme), puis un companon de route du maoisme, à l'époque ou le maosime et le tiers mondisme furent très à la mode dans les milieux universitaires.
C.B. était un économiste universitaire plus proche des cercles du pouvoir, dans les pays où il a joué le role de conseiller, notamment l'Egypte de Nasser, que du prolétariat et de la paysannerie. Tu conviendras que pour quelqu'un qui se revendique du communisme, accepter de jouer le role de conseiller d'une féroce dictature nationaliste anti-communiste, ça fait désordre. C.B avait donc plutot tendance à prendre pour argent comptant les discours des dirigeants tiers-mondistes et staliniens, lesquels tenaient alors des discours susceptibles de séduite l'intelligentsia occidentale. (Ils cultivaient leur image "progressiste" internationale, tout en réprimant férocement les militants ouvriers, les travailleurs et les paysans.)
On est donc obligé de prendre avec certaines réserves, pour ne pas dire avec des pincettes, les écrits d'universitaires de ce genre. Et de nourrir quelques doutes sur leur sérieux.
Dans ses derniers écrits - Les Luttes de classe en URSS -, il remet enfin en cause le stalinisme et constate tardivement que "le stalinisme est l'idéologie du capitalisme d'Etat". Ceci après avoir fait toute la première partie de sa carrière et assis sa notoriété en vantant les plans quinquennaux soviétiques. Cette analyse du stalinisme, il aurait bien fait de l'appliquer un peu plus tôt à la Chine, ce que, à ma connaissance, il n'a jamais fait.
De plus, sur le plan des principes, il ne semble pas avoir compris qu'il ne peut pas y avoir de révolution prolétarienne sans intervention du prolétariat. Alors, les innombrables exégèses sur les textes, les polémiques sur les différentes lignes au sein du part, sur l'économisme etc ont bien peu d'interet dans la mesure où ils sont détachés de la réalité sociale. (Dans ses derniers écrits sur l'URSS, il relie ses analyses à la situation concrète, sans doute parce qu'il avait déjà une vision beaucoup plus critique de l'URSS à la suite de la rupture sino-soviétique, parce que les informations fiables disponibles sur l'URSS sont tout de meme plus nombreuses, et parce qu'il n'était plus prisonnier de sa vision mythologique...)