Engels et les origines de la société humaine

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par pelon » 11 Mai 2006, 09:02

(Gaby @ jeudi 11 mai 2006 à 09:45 a écrit :

Quand Engels dit que la preuve du pudding c'est qu'on le mange, c'est un bon mot pour dire qu'il y a des réalités matérielles que seuls les aveugles contestent.
Non, les aveugles ne contestent pas la réalité du pudding. :hinhin:
pelon
 
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Message par sylvestre » 11 Mai 2006, 09:35

Jacquemart :
a écrit :  J'en reviens à présent à mes moutons avec Sylvestre, et pour commencer, je résumerai ma position en disant : l'idéaliste, c'est celui qui y dit qui y est. tongue.gif

J'explique que je n'ai pas encore trouvé de critère objectif pour définir l'oppression, et que les critères subjectifs me semblent mal venus. En réponse, Sylvestre m'accuse de nier la possibilité de définir objectivement l'oppression ( huh.gif) et nous propose pour la reconnaître un critère... parfaitement subjectif, à savoir l'existence d'une résistance à cette oppression. Mais dans quelque sens qu'on le prenne, ce critère pose problème.

D'une part (mais ce n'est pas le plus important) toute résistance n'est pas forcément une réaction à une oppression. Ou si l'on préfère, ce n'est pas parce que des gens se défendent qu'ils "résistent" : et pour reprendre l'analogie avec les Noirs américains, les petits blancs embrigadés dans le KKK se disaient eux aussi "menacés", "en danger", etc. Cela ne veut pas dire qu'ils l'étaient, évidemment : mais cela montre que le seul discours, ou le seul sentiment affiché par un groupe social, ne suffit pas à juger de la réalité d'une oppression.



Désolé, mais une résistance n'est pas un discours subjectif, c'est quelque chose d'observable. La différence est évidente quand on voit que des gens peuvent résister tout en en ayant pas conscience - par exemple par un absentéisme non théorisé au travail.

Tu as raison évidemment de poser la question suivante : "Si c'est la résistance qui définit l'oppression, comment définir la réistance ? Qu'en est-il du KKK ?". Pour être plus clair, je me permets de simplifier dans un premier temps la question avant de revenir à la tienne : "Est-ce que les lois de Jim Crow ne sont pas une forme de résistance aussi ?" Cette question-là est franchement assez fondamentale : c'est "quelle est la différence entre la violence des dominés et la violence des dominants ?" (étant entendu que par "violence" j'entends toutes les actions nécessaires à l'imposition d'une volonté). La réponse est simple : la violence des dominants est la violence dominante, c'est à dire la plus grande violence. La violence des dominés, venant en réaction à celle des dominants peut en la défaisant supprimer sa propre raison d'être, tandis que la violence des dominants n'a pour but que de perpétuer la domination elle-même.

Le KKK mérite évidemment un fil, un article, un bouquin, une bibliothèque à lui tout seul, mais pour être encore une fois lapidaire : le KKK était instrument de la classe dominante du Sud des Etats-Unis se servant de la colère des petits blancs en la dévoyant contre les noirs.


a écrit :D'autre part, et c'est sans doute le point crucial, dans l'autre sens, Sylvestre pense que toute oppression entraîne nécessairement des révoltes, ou des résistances. Pour ma part, je suis loin d'en être si sûr, ou en tout cas, je pense que tout dépend de ce qu'on entend par là. Que les opprimés soient capables de réagir contre ce qu'ils considèrent comme des abus par rapport à la règle, c'est une chose. Qu'ils réagissent contre cette règle elle-même, c'en est une autre, toute différente, et qui demande un niveau de conscience beaucoup moins évident. Que des femmes aient pu réagir contre des maris qui allaient au-delà de ce que la société (et elles-mêmes) considéraient comme légitime, je n'en doute pas. Mais cela n'empêche nullement que la société ait pu considérer comme légitime une certaine oppression, contre laquelle les femmes (puisqu'on parle d'elles, mais ce n'est qu'un cas particulier d'une règle générale) ne se sont pas rebellées, même en pensée, avant une époque fort tardive (en fait, avant que l'évolution sociale elle-même ne laisse entrevoir la possibilité d'un autre ordre des choses).



Je suis déconcerté par le nombre de bases du marxisme à l'encontre desquelles tu vas. "Ce que pense une société" ? Mais nous savons bien que dans toute société où il y a des oppresseurs et des opprimés les uns et les autres ne pensent pas la même chose ! Que c'est même précisément la lutte des classes qui est le moteur de l'histoire...

La notion que des groupes dominés puissent accepter leur sort passivement, jusqu'à ce qu'un jour l'idée lumineuse de la liberté viennent les visiter, c'est de l'idéalisme de chez idéalisme.

Nous savons par exemple que le moyen-âge n'est pas la période de calme général, de résignation universelle que se plaît à dépeindre l'idéologie dominante, selon laquelle ce n'est qu'avec l'arrivée des lumières qu'on se serait mis à lutter, grâce à la découverte géniale de l'initquité de l'ancien régime par des scientifiques bourgeois. Nous savons que le moyen-âge était une période de luttes très apres entre paysans, bourgeois, aristocrates et clergé.

Or dans les luttes contre l'aristocratie et le clergé catholique la place des femmes n'était pas mince, comme le signale par exemple Norman Cohn dans Les Fanatiques de l'Apocalypse. En dehors même des périodes de lutte aigue, les femmes sont loin d'être passives :

a écrit :Nous soulevions plus haut la redoutable question de la liberté de choix des femmes. Jusqu’aux XIe-XIIe siècles, les sources n’ont retenu que le cas de quelques saintes : vierges mariées malgré elles, épouses fugitives comme Radegonde, prenant des risques pour refuser le mariage consommé ou non. La nouveauté de ces deux siècles est criante. L’Église réformée a prêché comme jamais le dégoût de la chair et du sexe. Elle a dû être entendue : la documentation fait apparaître, et de façon massive, l’insubordination et la quête féminines qui l’expriment. Jacques Dalarun l’a admirablement montré dans sa thèse pour les femmes de tout statut qui suivent Robert d’Arbrissel. On le vérifie très souvent ailleurs. Ces deux siècles sont ceux des fous de Dieu qui ont encore assez d’indépendance et un charisme assez sensible pour braver les autorités - paternelle ou conjugale dans le cadre domestique et même ecclésiastique et civile - et soustraire les vierges ou les épouses à l’autorité légitime. Ces aspirations féminines véhémentes vont aboutir à de multiples créations, certaines se coulant dans la tradition monastique ancienne, ou peuplant les ermitages et les reclusoirs ; d’autres aboutissant à des innovations révolutionnaires comme les béguinages. L’Italie connaît quant à elle une floraison d’états de vie religieux hors pair12. Rappelons seulement que l’attention portée aux femmes par l’Église ne cesse de croître : manuels de confesseurs, prédication adaptée à leur sexe, encadrement pastoral renforcé. On a réévalué un peu le rôle maternel dans la transmission aux enfants des rudiments de la foi13 et mis en évidence la place des saintes dans la religion civique14.



Jacquemart

a écrit :Pour terminer, je voudrais relever une phrase qui me semble illustrer ce que j'ai appelé un matérialisme schématique, tournant le dos à la réalité :

Sylvestre :
a écrit :Si un homme opprimait une femme dans une société préhistorique, celle-ci pouvait tout simplement, soit lui casser la gueule, soit le quitter, et aucun tribunal, aucune perte d'autonomie matérielle ne s'en suivait, parce que sa vie et son statut social ne dépendait pas de l'activité de son mari, comme c'est le cas pour les femmes prolétaires dans la société capitaliste de la France de 1910. C'est un point absolument essentiel.



Remarquons que Sylvestre parle d'un homme, là où je discute des hommes, ce qui est révélateur de la différence dont je parlais plus haut entre contester les abus et contester la règle. Mais ce n'est pas l'essentiel. Soit le clavier de Sylvestre a dérapé, et a il écrit "préhistorique" au lieu de "chasseurs-cueilleurs nomades". Auquel cas, son affirmation est déjà fausse. Car en Australie, toute femme étant par définition mariée, si elle quitte son mari, c'est pour aller avec un autre homme, et alors, ils ont intérêt à courir vite et loin.



Voir plus haut sur les aborigènes, pourquoi le mariage n'est qu'une donnée périphérique dans ces sociétés, etc. Par ailleurs ce qui est valable pour un homme est tout aussi valable pour des hommes, ou pour des blancs, des chauves ou des gauchers : si un groupe cherche noise à un autre dans une société de chasseurs-cueilleurs, l'autre peut soit lui casser la gueule soit le laisser se débrouiller tout seul. Les conditions pour la domination durable d'un groupe sur un autre ne sont pas réunies.

a écrit :Mais si son clavier n'a pas dérapé, et s'il pense que son affirmation vaut pour les sociétés préhistoriques en général, alors elle n'est plus seulement fausse, mais c'est une énormité. Beaucoup de ces sociétés, disons néolithiques, c'est-à-dire après l'invention de l'agriculture mais avant l'Etat (j'insiste, il y a tout de même plusieurs millénaires entre les deux...) pratiquent le "prix de la fiancée". A savoir que pour se marier, un homme doit verser une somme (considérable le plus souvent), en général à son beau-père. Dans ces conditions, l'homme a acheté des droits sur la femme, et il est bien évident qu'il ne la laissera pas partir comme elle l'entend, même - et surtout ? - si elle peut subvenir seule à ses besoins. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas éventuellement de procédures de séparation, mais que celles-ci sont très loin de relever de la seule volonté de l'épouse.


Ok, je vois le problème : je voulais dire effectivement "sociétés de chasseurs cueilleurs préhistoriques" et non pas "sociétés préhistoriques", étant entendu que l'oppression des femmes apparaît effectivement dans la période de développement de l'agriculture et de la production marchande, de différenciation des classes, etc. et que l'invention de l'écriture n'a pas grand chose à voir là-dedans. Je pense que tu aurais dû rectifier de toi-même étant donné le contexte plutôt que d'y chercher un développement théorique de ma part.

D'autre part je suis toujours frappé (mais c'est hélas un trait commun dans les travaux dans ce domaine) à quel point tu présupposes la passivité des femmes. Tu dis que dans une société sans état (mais avec de l'argent, ou en tous cas une production marchande...) "l'homme a acheté des droits sur la femme, et il est bien évident qu'il ne la laissera pas partir comme elle l'entend, même - et surtout ? - si elle peut subvenir seule à ses besoins. " Que veut dire "il ne la laissera pas partir" ? Et si elle s'en va quand même ?


a écrit :Enfin, une petite mise au point : lorsque je disais que dans toutes les sociétés du passé, les femmes ne pouvaient pas effectuer les travaux faits par les hommes (et réciproquement) c'est uniquement parce que ces sociétés considéraient qu'il y avait des travaux typiquement masculins et d'autres typiquement féminins. Ca allait sans dire, mais apparemment, cela va mieux en le disant... wink.gif


Le problème ne s'arrétait pas là : tu indiquais que c'était le fait que les femmes se mettaient à faire des travaux auparavant réservés aux hommes qui permettaient leur libération. En réalité ce n'est pas la nature de la tâche mais la place du travail effectué dans la production capitaliste (gratuitement dans la sphère privée ou bien en étant intégrées dans la force de travail salariée) qui est décisive.
sylvestre
 
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Message par sylvestre » 11 Mai 2006, 09:49

Gaby :
a écrit :Je dis peut-être une connerie, mais c'est à rapprocher d'une position fréquente de certains intellectuels pseudo-marxistes (plus ou moins proches du PC, plus ou moins proches des alters) qui considèrent qu'une classe sociale n'existe qu'à travers sa lutte... que ce qui fait sa réalité c'est son action collective, consciente, et qu'elle n'existe pas en dehors de cela. Pour reprendre le vocabulaire de Marx, ils ne contestent pas l'existence de classes sociales "pour-soi", devant le fait établi de la lutte, de la grève par exemple, mais ils contestent l'existence de classes "en-soi", soumises aux rapports de production, que les individus le voient ou non. Que des intellos en arrivent à ça, ça me dépasse... Mais ils s'en servent pour commenter la société, dire que ca a changé, pour expliquer l'éparpillement du vote des ouvriers. Parfois ils disent qu'il n'y a plus de classe "en-soi", ou qu'il n'y en a jamais eu...

Quand Engels dit que la preuve du pudding c'est qu'on le mange, c'est un bon mot pour dire qu'il y a des réalités matérielles que seuls les aveugles contestent. Pas que le pudding n'existe qu'au moment de sa consommation. De même avec les classes sociales, l'ouvrier se lève le matin, qu'il y ait un parti ouvrier ou pas. Et aussi avec le sujet ici, l'existence d'une oppression ne se révèle pas qu'à partir du moment où la lutte contre celle-ci devient effective.

C'est effectivement une bêtise idéaliste qui n'a pas grand chose de marxiste. C'est même ce que disent les anars encore assez souvent : quel abruti cet ouvrier qui ne se bat pas, c'est lui-même qui se rend coupable de sa souffrance par son inaction. Pas d'oppression, juste de la passivité. Manque le déclic, "l'idée" qui entamera le changement. J'ai encore lu hier un autocollant d'un groupe libertaire qui disait exactement cela... Voilà le genre de conclusions politiques auxquelles cette méthode amène.


Erreur profonde : je suis bien entendu entièrement d'accord avec Marx et sa différenciation de la classe "en soi" et la classe "pour soi". Mais il est parfaitement possible, et même c'est ce qui arrive le plus souvent d'avoir des résistances sans conscience de classe.
La bourgeoisie révolutionnaire victorieuse elle-même dans son combat contre l'aristocratie ne possédait pas de conscience de classe, et prétendait au contraire (et ses théoriciens le croyaient sincèrement) que le combat pour sa domination était le combat pour la libération de l'humanité.
Quant à la résistance des prolétaires à leur exploitation elle se manifeste souvent sans aucune conscience de classe : absentéisme, sabotage, vol, violence, suicide, etc.
sylvestre
 
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Message par Jacquemart » 12 Mai 2006, 09:26

Comme toute discussion, plus on avance, plus on tire de nouveaux fils dans la pelote, et plus il est difficile de se répondre sur tout sans en mettre des tartines indigestes... Je reprends donc sur ce qui me parait être les points principaux. :roll:

La résistance à une oppression est certes un fait objectif. Mais elle procède ellle-même de la conscience de l'opprimé. Elle est, si l'on veut, un symptôme possible, mais elle n'est pas la maladie elle-même. Et je maintiens qu'il peut y avoir des maladies sans ce symptôme, des oppressions sans résistance, ou sans résistance visible. Car j'insiste, la possibilité même d'idées de résistance - ou inversement, l'acceptation générale de son sort - sont eux-mêmes le produit de situations sociales déterminées.

Je continue à penser que le raisonnement de Sylvestre calque sur les sociétés du passé une caractéristique qui est propre à notre société bourgeoise, à savoir que l'oppression et l'exploitation (on peut ici parler indifféremment des deux) passent prioritairement par des rapports économiques. Car dans la société bourgeoise (idéale, achevée) il y a égalité juridique des hommes, et leur inégalité ne peut être qu'économique (ou fondée sur leur inégalité économique).

Mais dans quasiment toutes les sociétés du passé, les inégalités économiques (lorsqu'elles existent) se superposent avec des inégalités juridiques, sans forcément se confondre avec elles - c'est précisément ce qui rend ces sociétés si difficiles à étudier. Pour prendre un exemple parlant, les esclaves grecs ou romains n'étaient pas, au sens marxiste rigoureux, une classe. Pas plus que les citoyens. Pas plus que les métèques. Ces trois groupes, définis par leurs situations juridiques, et non économique, étaient des "ordres", ou des "statuts", mais pas des "classes".

Prenons les métèques, justement. Étaient-ils exploités par les citoyens ? Je crois qu'on peut assez facilement montrer que non. Étaient-ils opprimés ? La réponse est plus délicate. Ils étaient frappés d'une série d'incapacités juridiques (ils ne prenaient pas part aux décisions politiques de la cité, n'avaient pas le droit de posséder de la terre, devaient être "patronnés" par un citoyen...). Pour nos critères modernes, il s'agit là incontestablement d'une forme d'oppression : ils n'avaient pas les mêmes droits que les citoyens. Peut-on maintenant citer une seule manifestation de "résistance" des métèques à leur situation ? A ma connaissance, aucune. Parce que rien, dans la société grecque classique, ne pouvait suggérer aux métèques que leur situation était anormale, qu'elle devait ou pouvait être changée, que les institutions existantes devaient être remises en cause. Ce n'est bien sûr qu'un exemple, que l'on peut peut-être contester. Mais cet exemple, relativement connu, me semble montrer qu'il faut se garder d'établir des relations automatiques là où il n'y en pas toujours.

Je reviendrai dans un autre post sur le problème plus précis des chasseurs-cueilleurs nomades. :wavey:
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Message par artza » 16 Juin 2006, 14:35

Je viens de terminer le livre de Tariq Ali "Le choc des intégrismes".

J'en recommande la lecture. Dommage que l'auteur ait laissé choir le trotskysme pour rallier le fond commun de la démocratie, ça affaiblit sa critique des intégrismes et enlève bien des perspectives.

Dans le chapitre 2: Les origines de l'Islam, Tariq Ali affirme:

a écrit :L'unicité d'un Allah patriarcal est apparue (...)pour (...)rompre également de façon définitive avec les pratiques culturelles en cours chez les Arabes de la Péninsule, brisant ainsi en toute conscience l'ensemble des liens qui les rattachaient à la polyandrie et à une filiation matrilinéaire. Mahomet lui-même fut le troisième et le plus jeune époux de sa première femme Khadija. Le divorce étant alors très répandu et les femmes ayant le droit de répudier un mari


Ceci me semble contredire l'affirmation selon laquelle le statut des femmes aurait été amélioré à l'époque par l'Islam ce qui m'a toujours laissé sceptique mais ce n'est pas exactement notre sujet.

Qu'en est-il de cette "polyandrie" et de cette filiation matrilinéaire chez les Arabes pré-islamiques?
artza
 
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Message par sylvestre » 17 Juin 2006, 23:04

J'ai trouvé ceci sur le site de la Mosquée de Paris. La diversité des pratiques décrites me semble assez bien aller avec l'oeuvre d'unification nationalo-religieuse que je retiens de la naissance de l'Islam.
La citation de Tariq Ali est isolée de son contexte, mais je me demande s'il ne cherche pas pour aider son propos à simplifier l'influence de l'émergence de l'islam sur la position des femmes, comme d'autres le font mais dans un sens inverse ? Il me semble en tous cas vraisemblable que dans une région faiblement peuplée de tribus nomades essentiellement pastorales ou semi-agricoles, les pratiques aient beaucoup varié.

a écrit :Les mariages exogamiques étaient exceptionnels; c'est parmi les filles de sa tribu qu'un homme doit choisir, moyennant une dot (mahr) une ou plusieurs femmes, et un dicton enseigne : " épouse ta cousine même Si elle est laide, et cultive ton champ même s'il est stérile ". Selon plusieurs témoignages dont celui de Strabon, plusieurs formes de mariages étaient pratiquées dans l'antique Arabie: polygamie, polyandrie, mariages temporaires. Dans certaines tribus, il était loisible à un homme qui partait en voyage de "louer " sa femme durant son absence, à un ami ou à un parent éloigné, comme il était admis qu'un mari pût confier quelque temps à un homme réputé pour ses qualités physiques et morales, sa femme, dans l'espoir d'avoir un enfant de lui. Les échanges d'épouses pour un temps limité entre amis et connaissances étaient également tolérées. Le divorce consistait en une simple répudiation dont la femme pouvait aussi bien user que l'homme. Lorsqu'une femme voulait répudier son mari, il lui suffisait de montrer publiquement sa nudité en sa présence ou de profiter de son absence pour changer l'orientation de sa tente et l'époux ne pouvait plus, alors, y entrer sans tomber dans le déshonneur. Lorsqu'un homme voulait répudier irrévocablement sa femme, il prononçait la formule: " Tu es aussi illicite pour moi que le dos de ma mère "

La contrainte paternelle (jabr) dans les unions conjugales n'était pas une règle absolue. Il était permis aux femmes de choisir elles-mêmes leur époux et de s'en débarrasser en cas de conflit ou de dégoût. On cite le cas d'une certaine Salma bint 'Amr qui se maria une vingtaine de fois, choisissant elle-même son conjoint et le répudiant quand il lui déplaisait. Elles étaient libres d'aimer qui elles voulaient, de faire commerce de leur chair en signalant à l'attention des amateurs ou des passants, leurs tentes ou leurs boutiques par des drapeaux Spéciaux (rayât).

Les femmes n'avaient aucune vocation successorale 4. En cas de décès du pater familias, elles étaient considérées non pas comme des héritières, mais étaient héritées elles-mêmes au même titre que tout ce qui constituait le patrimoine du défunt. La coutume faisait du fils aîné de celui-ci l'héritier des épouses de son père et à défaut les frères du défunt.

De telles coutumes n'étaient cependant pas générales et dans beaucoup de tribus les femmes jouaient un rôle éducatif social et parfois politique non négligeable. La femme est pour un mari le symbole même de son honneur. Le terme hurma sous lequel une épouse est désignée signifie étymologiquement honorabilité, sacrée. Elles participaient aux grandes batailles pour stimuler l'énergie des guerriers, contrôler leur courage, donner à boire aux combattants, soigner les blessés, enterrer les morts. On cite à cet égard parmi les plus célèbres dispensatrices de vaillance 'Umm 'Imara bint Ka'b, 'Umm Hakîm bint-l-Harith et la poétesse al-Khansâ qui accompagnait ses fils pour soutenir leur ardeur au combat, lequel chez les Arabes comprenait trois phases : les joutes poétiques suivies de duels, avant la mêlée générale. Elles participaient également à d'autres activités intellectuelles ou artistiques. On cite parmi les femmes médecins, Zaynab-t-Tabîba, parmi les femmes éloquentes la voyante Zarqâ bint-l-Khass et Jum'a bint Habis.
sylvestre
 
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Message par artza » 18 Juin 2006, 09:23

Des chefs de gare dis-tu?

Ne serait-ce pas plutôt des controleurs de grandes lignes dont le mode de vie se rapproche beaucoup du nomadisme des chasseurs-cueilleurs?

Ceci expliquant celà. :huh1:
artza
 
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Message par Puig Antich » 18 Juin 2006, 11:50

(sylvestre a écrit :La bourgeoisie révolutionnaire victorieuse elle-même dans son combat contre l'aristocratie ne possédait pas de conscience de classe, et prétendait au contraire (et ses théoriciens le croyaient sincèrement) que le combat pour sa domination était le combat pour la libération de l'humanité.


Pas de conscience de classe, la bourgeoisie révolutionnaire ?... Ca me parait un peu hardi comme affirmation. Surtout que pour Marx la conscience de classe du prolétariat ne se résume pas à la conscience de sa place dans les rapports de production, mais à la conscience que cette place précisément fait du combat pour sa domination un combat "pour la libération de l'humanité", pour "la reconquète totale de l'homme", etc. Un peu comme ce que tu dis pour la bourgeoisie...


Mais sinon il me semble un peu arbitraire de tirer un grand trait de séparation entre la classe en soi et la classe pour soi, parce qu'effectivement indépendemment des outils qui cristalisent sa conscience (outils qui culminent dans son parti révolutionnaire), la classe mène une résistance quotidienne dans la production et ailleurs contre l'exploitation et la baisse du coût du travail ... mais ce n'est pas parce que cette résistance n'est pas visiblement consciente qu'elle est dénuée de toute subjectivité, etc. Par contre elle ne se fixe pas pour but de s'organiser pour en finir avec le salariat, ce qui est une condition de "la classe pour soi".
Puig Antich
 
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