a écrit : Artza
Les éditions Science marxiste viennent de publier les souvenirs de Paul Frölich
C'est un texte extraordinairement intéressant et vivant. Cette autobiographie débute par une entrée dans le monde de la social-démocratie allemande d'avant 14. On y observe la formation d'une puissante bureaucratie, profondément réformiste ainsi que l'effervescence des divers groupes de gauche au sein du SPD.
Paul Frölich est né à Leipzig en 1884. Il milite rapidement dans les tendances de gauche du SPD (Linksradikalen de Brême 1913, IKD = communistes internationaux d'Allemagne 1918). Il raconte son travail de journaliste dans la presse social-démocrate qui était remarquablement développée mais où le pire côtoyait le meilleur.
Il participe à la fondation du KPD (Spartakusbund) (Parti communiste d’Allemagne) qui résulte de la fusion de la ligue spartakiste avec le groupe de Frölich et d'autres révolutionnaires opposés à la guerre.
P.F. décrit de l'intérieur, de manière quasiment intime, les diverses phases de la révolution allemande entre l'automne 18 et l'action de mars 21.
Il occupe une position charnière entre Rosa Luxemburg dont il fût l’élève à l’école centrale du parti et Radek. Les relations entre Luxemburg et Radek étaient plus qu'orageuses. Il détaille les causes de cette violente mésentente.
On apprend des choses très curieuses. Par exemple l’existence d’une organisation secrète du SPD de la région de Leipzig qui fournissait au bolchevik Pianitsky l’infrastructure matérielle pour l’acheminement vers la Russie tsariste du matériel de propagande. Cela corrobore ce que Pianitsky écrit dans son livre: «
Souvenirs d’un bolchevik ».
Autre fait étonnant : pendant la guerre et malgré la censure P.F. participe à la fondation d’un journal oppositionnel à Brême : l’ "
Arbeiterpolitik ". Ce journal parvenait à quelques centaines d’exemplaires sur le front car il y avait des abonnés parmi les soldats.
Il dresse un portrait extrêmement subtil de Paul Levi, dirigeant du KPD entre 19 et 21. Il retrace l'âpreté des débats internes au KPD entre gauchistes qui refusaient par principe les participations électorales taxées de parlementarisme ainsi que le travail syndical traditionnel et les militants aux positions plus léninistes.
L'autobiographie prend malheureusement fin en 21. Il n'est donc pas question de la formation en 29 du KPO (opposition de droite au KPD stalinien) avec Brandler. Le passage de P.F. au SAP en 32 n'est pas traité non plus.
On sait qu'il y eut des discussions entre l'opposition de gauche et le SAP en vue d'une fusion. Je ne sais pas quelle part P.F. prit dans ces discussions, il était interné en camp de concentration à ce moment là (c'est après janvier 33). Il y a des textes de Trotsky là-dessus.
L'opinion de Frölich aurait constitué un document historique d'un intérêt considérable.
Cerise sur le gâteau, l'éditeur Science Marxiste a eu le bon goût de ne pas nous asséner une introduction pléthorique extraite d’une œuvre du camarade Cervetto !
En conclusion je conseille vivement ce livre dont j'espère qu’il sera disponible, aux beaux jours, du côté de la bonne ville de Presles......