Belles feuilles

Marxisme et mouvement ouvrier.

Re: Belles feuilles

Message par Harpo » 07 Nov 2022, 11:02

C'est juste, utile, lumineux ! Elle avait tout compris...
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Re: Belles feuilles

Message par Gayraud de Mazars » 07 Nov 2022, 11:37

Salut camarades,

En ce jour anniversaire de la Révolution d'Octobre de 1917... Bien sûr que Rosa avait raison !

Fraternellement,
GdM
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Belles feuilles, Louis Hobey, La guerre ? C'est ça !...

Message par com_71 » 10 Nov 2022, 21:40

Lecture pour une veille de 11 novembre...
www.pleinchant.fr/livresplus2/voixdenba ... ge192.html
(…)

Ils étaient sortis en se traînant sur la terre. Ils avaient gagné le boyau étroit, usé aux coudes par le passage des corps familiers. Maintenant, le corps était là, marqué de la terre grise qu'avaient laissée sur lui les talons impitoyables. Un juron bas éclata dans la fureur de toutes les bouches. Saloperie ! Le corps pourrissait sur la terre depuis un mois au moins, et le fond du boyau était, à ce moment, une tombe qui en valait bien une autre. Emporter cela ? Pouah ! La décomposition, avancée déjà, travaillait à plein cette masse de chair qui commençait à fondre. Le visage et les mains montraient comme un défi leurs couleurs perverses, allant du gris au bleu, puis au vert, en passant par les jaunes sales. Ce n'était pas un cadavre, mais une pourriture immonde dont l'odeur seule aurait fait fuir. L'horreur étreignit les cinq pauvres bougres venus pour emporter cela.

Toucher la matière affreuse ; soulever à plein bras la substance nauséabonde qui souillait les capotes ; la jeter, la verser plutôt dans la toile de tente dont ils s'étaient munis, tandis que deux hommes, revolver au poing regardaient, tous nerfs tendus, vers l'avant !… Le sinistre cortège se mit en marche.

Un gars, poing crispé sur la crosse, marchait en tête.

Deux autres portaient, avec quelle peine, leur trop lourd fardeau de viande pourrie. Les deux derniers fermaient la marche. Aller vite ? Nécessité impossible ! Moreau l'avait dit tout à l'heure : c'est lourd, un mort, et celui-ci était de la grande espèce. Cela ne se laisse pas porter ! Ils n'avaient pu se munir du bâton utile. Le premier porteur tenait la toile de ses deux mains accrochées à son épaule. Le mort collait au dos à chaque mouvement. Le liquide infect qui déjà avait traversé l'étoffe mince coulait sur la capote et la culotte. L'autre porteur maintenait comme il pouvait la toile de tente en avant de son corps. Ils marchaient dans la puanteur épouvantable, retenant les hoquets dont ils ne seraient plus bientôt maîtres. Pas de bruit surtout : leur vie dépendait de leur silence.

L'infâme procession fit cinquante mètres. Les hommes se relayèrent et se collèrent tour à tour dans le dos la matière innommable qui suintait du cadavre. Le boyau, par à-coups, refusait le passage. Un vivant, cela épouse les parois de terre, cela se glisse. Un mort, en long, chose inerte et flasque, cela refuse de passer. On eût dit que celui-là le faisait exprès, qu'il y mettait de la mauvaise volonté. Il fallait, à chaque instant, faire obéir la chair décomposée, la tirer, la pousser, la soulever, la baisser. Une crampe douloureuse crispait les bras usés qui refusaient à leur tour le service de porter le monstrueux et inutile fardeau.

Moreau vécut cette marche funèbre comme un cauchemar où il usait, semblait-il, ses dernières forces.

(…)
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Belles feuilles

Message par com_71 » 28 Nov 2022, 08:37

Simple, au ton profondément juste, ce texte d'A. Rosmer :
https://www.marxists.org/francais/rosme ... Lenine.pdf
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Belles feuilles

Message par Gayraud de Mazars » 04 Déc 2022, 09:00

Salut camarades,

Toujours sur la mort de Lénine, trouvaille dans l'Archive Internet des Marxistes, publiée le 26 novembre 2022...

Sur la mort de Lénine
Par Adolphe Joffé
Source : Tiré du recueil (en russe) : Devant le grand tombeau, Мoscou 1924, p. 193-194.
Reproduit dans : Vospominaniya o V. I. Lenine, t. 8, Politizdat, Moskva 1991, pp. 354-356.
Traduction pour MIA.

https://www.marxists.org/francais/joffe ... Lenine.pdf

Malade, isolé du travail et de la vie, je viens seulement d’apprendre la mort de Lénine. Comme il est difficile et indiciblement douloureux de prendre conscience qu’il n’est plus avec nous… Même si les mots ne peuvent exprimer toute l’horreur de cette perte, j’aimerais au moins essayer de partager
mes pensées et mes sentiments avec mes camarades. L’isolement à un tel moment est absolument insupportable.

Pendant plus d’un quart de siècle, tout le monde a su et ressenti que Lénine était présent, qu’on pouvait partager ses doutes avec lui et tirer de lui la confiance et la force nécessaires pour la lutte. Même l’année dernière, lorsqu’il n’a plus été capable de travailler, ce sentiment s’est perpétué, ainsi
que l’espoir qu’il se rétablisse et reprenne son poste. Mais aujourd’hui, il ne peut y avoir aucun espoir, car Lénine nous a quitté. Et peu importe notre force de caractère ; cette perte ne peut être remplacée et aucun d’entre nous n’a jamais connu un tel chagrin…

Même lorsque nous étions en désaccord avec lui, même lorsque nous argumentions et nous opposions à lui, sa pensée, son point de vue nous faisaient non seulement réfléchir dans la voie qu’il nous avait indiquée, mais ébranlaient notre confiance en la justesse de notre propre opinion. Et combien de fois lors du vote – malgré notre confiance en nous même – notre main ne s’est-elle pas involontairement levée en faveur de la position de Lénine ? En sortant de la réunion, vous demandiez à tel ou tel camarade : « Vous êtes contre, pourquoi avez-vous alors voté pour ? » – « Je ne sais pas. Le Vieux a eu tellement de fois raison que j’ai eu peur de voter contre lui. Il aura probablement raison cette fois encore »…

Je pense que dans cette attitude envers Lénine, il y a non seulement la certitude qu’il était parmi nous celui qui était le moins capable de faire des erreurs, celui qui voyait le juste chemin plus correctement que quiconque, mais aussi le charme de sa propre personnalité. Nous disons souvent que si nos ennemis ont essayé d’attenter à la vie de Lénine c’est que, dans leur haine absolue envers la révolution prolétarienne et ses authentiques dirigeants, ils savaient pertinemment bien que Lénine était le cerveau et le cœur de la révolution mondiale, et c’est pourquoi la bourgeoisie le détestait et le craignait par-dessus tout. Mais cela est partiellement faux. Avaient-ils peur de lui ? Oui. Mais l’ont-ils détesté ? Non. Personne ne détestait Lénine, tout le monde l’aimait au contraire. Même ses ennemis, y compris ceux qui ont combattu avec la plus grande détermination
contre la révolution et son parti de classe.

Lorsqu’en 1918, j’étais ambassadeur à Berlin et qu’un attentat contre Lénine a eu lieu (1), les représentants du gouvernement du Kaiser allemand, exprimant leurs condoléances et leur sympathie, l’ont fait non seulement de manière ostensible, selon les protocoles et les coutumes de la politesse
diplomatique en vigueur, mais aussi avec un réel sentiment de regret et une crainte sincère pour sa santé.

Telle était l’influence de cette puissante personnalité et, surtout, de son incomparable pureté cristalline. Car l’humanité, tout au long de son histoire, n’offre pas d’autre exemple d’une telle limpidité, d’une telle simplicité et pourtant d’une telle puissance, d’une telle profondeur et d’une telle
grandeur. Il a vécu toute une vie humaine pour une seule idée, pour une seule cause, sans penser une seule seconde à lui-même. Il a eu le courage de rester isolé dans la plus petite minorité en prévision d’une nouvelle majorité à venir. Il était prêt à rester seul contre tous, même au sein de son propre parti. Ce fut le cas avant Octobre, lorsque Lénine s’est séparé sans crainte de ses plus proches amis, et il s’est avéré qu’il avait eu raison. Et cela n’est pas arrivé qu’une fois ou deux fois. Il allait toujours de l’avant, ne s’arrêtait jamais devant un quelconque obstacle et n’avait peur de rien quand il était sûr de la justesse de sa position. Mais, lorsqu’il était tout aussi sûr de s’être trompé, il était également le premier à admettre son erreur et le premier à la corriger, avec le même courage et la même énergie qui lui étaient propres. Mais cela était tellement rare !

Sans oublier sa géniale perspicacité. Lui qui quittait rarement son bureau du Kremlin et ne semblait pas connaître tout de la Russie, savait en fait tout mieux que quiconque et, après un rapport d’à peine trois minutes, il pouvait saisir la question la plus neuve et la plus complexe. Et quelle capacité de travail ! Pas une seconde de perdue, pas un mot superflu… Et c’est pourquoi il s’est consumé si vite…

Non ! Personne ne pouvait ni n’osait haïr un tel homme. Il était impressionnant par son génie, sa grandeur et a fait en sorte que même ses ennemis le respectent et lui témoignent de l’admiration. Et que dire de ses amis ? Ou encore des représentants des classes bourgeoises et petites-bourgeoises qui nous sont hostiles, mais qui appartiennent à des nations opprimées par une bourgeoisie plus forte et plus puissante : tous les opprimés et les offensés, où qu’ils soient et quels qu’ils soient, ont vu en

Lénine leur libérateur et leur salvateur… Aucune divinité, aucun saint n’a été honoré et respecté avec autant de révérence que Lénine par les peuples opprimés d’Orient. Nulle part et jamais je n’ai vu un tel enthousiasme chez ces peuples d’Extrême-Orient, surtout d’Asie centrale, à la seule mention du nom de Lénine. Dans les coins les plus isolés des déserts de sable du Turkestan jusqu’aux yourtes les plus éloignées du Khozerm (2), on pouvait voir un portrait de Lénine. On chantait des chansons à son sujet, on racontait des légendes sur lui.

Le halo lumineux avec lequel des millions de personnes partout dans le monde entourent Lénine, a été et s’est transposé à son parti, qu’il a créé, mais qui en même temps l’a aussi créé tel qu’il était et restera à jamais vivant dans ce parti.

Si, malgré la nature incommensurable et irremplaçable de la perte de Lénine, nous nous réjouissons néanmoins de l’avenir proche et lointain, c’est uniquement parce que nous savons et croyons fermement qu’avec la mort de Lénine, seule sa dépouille mortelle reposera dans la tombe, tandis que son essence la plus pure, tout ce qui était immortel en lui, restera avec nous pour toujours.

Dans les pays monarchiques, lorsqu’un monarque meurt, comme pour souligner l’immortalité de la dynastie régnante, on proclame : « Le roi est mort ! Vive le roi ! » Mais aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les monarques qui meurent, mais aussi l’idée même du monarchisme. Les idéaux et les principes du communisme, par contre, ne peuvent pas mourir. Tout ce au nom de quoi Lénine a vécu et travaillé, combattu et est mort ne peut pas mourir. Son essence, son âme véritable et vivante, ne peut pas mourir car ce qu’il y a d’immortel en Lénine ne peut pas mourir.

Et aujourd’hui, en nous tenant debout avec nos visages affligés devant la tombe fraîche de notre maître et ami, nous pouvons proclamer à juste titre : « Lénine est mort ! Vive Lénine ! »

(1) Il s’agit de l’attentat du 30 août, 1918. En sortant d’un meeting tenu à l’usine Mikhelson de Moscou, Lénine fut blessé par deux balles tirées par la socialiste-révolutionnaire Fanny Kaplan. À la suite de la signature du Traité de Brest-Litovsk du 3 mars 1918, Joffé avait été nommé représentant diplomatique des Soviets à Berlin.

(2) Région de l’ouest de l’Ouzbékistan. Le 26 avril 1920 une République soviétique autonome du Khozerm avait été proclamée.


Fraternellement,
GdM
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Belles feuilles, Trotsky, Sur la tombe de K. Zinzadze

Message par com_71 » 10 Déc 2022, 11:09

déjà cité, je sais.
Léon Trotsky
Sur la tombe fraîche de Kote Zinzadze

https://www.marxists.org/francais/trots ... 1/kote.htm
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Belles feuilles, Rosa Luxemburg sur la grève générale (1905)

Message par com_71 » 14 Déc 2022, 10:23

Le congrès syndical de Cologne offre à bien des égards une riche matière à réflexion, nous dirions presque à préoccupation. Les débats de Cologne ont sans doute plus qu’une portée pratique et actuelle, ils ont une signification symptomatique et doivent être considérés de ce point de vue comme l’expression de certains courants généraux dans de larges cercles de nos travailleurs. Mais à cet égard, le débat sur la grève générale est tout à fait typique de l’esprit, du niveau, de l’orientation des cercles dominants de nos syndicats.

Pour dire tout de suite ce qui est nécessaire : La décision qui rejette la grève politique de masse et interdit la "propagande" de ce moyen de lutte [2] peut laisser extraordinairement froids les partisans sérieux de l’idée de la grève générale. Nous n’avons jamais eu beaucoup d’estime pour la "propagande" de cette idée, d’autant plus que l’intercession de nos "deux spéciaux" d’hier, les camarades Friedeberg et Bernstein, était plus propre à ridiculiser l’idée qu’à la propager, et l’on peut aussi supposer que c’est précisément la propagande de ces deux bons hommes mais mauvais pour la mise en musique de leur morceau qui a contribué quelque peu à provoquer la décision de Cologne. A un certain stade de la lutte des classes, la grève politique de masse n’est pas plus empêchée par des décisions de congrès négatives qu’elle n’est provoquée par le colportage ennuyeux de cette idée sous une forme abstraite, lorsque les conditions objectives font défaut. La grève de masse en tant que moyen de lutte politique est justement un produit historique de la lutte des classes qui, tout comme la révolution, ne peut être ni "faite" ni "refusée" sur commande. Et la seule chose que le parti de la lutte de classe consciente, c’est-à-dire la social-démocratie, et aussi les syndicats, dans la mesure où ils se trouvent sur le terrain de la lutte de classe moderne, peuvent faire "de leur plein gré", c’est de chercher à se rendre compte à l’avance des conditions historiques, sociales et politiques qui rendent nécessaire l’apparition de telles formes de lutte de classe, afin de participer consciemment à l’évolution et de marcher à sa tête dans la direction reconnue comme historiquement nécessaire.

Jusqu’à présent, la réaction bourgeoise a eu l’avantage de vivre dans l’illusion agréable que de tels phénomènes historiques de masse, comme la révolution ou la grève générale, sont "faits" par les agitateurs par pure méchanceté, et peuvent donc logiquement être rejetés même si la "compréhension" augmente. Cette conception bornée et réactionnaire au plus profond d’elle-même, qui s’oppose strictement aux doctrines fondamentales du socialisme moderne et scientifique, a été introduite, comme on le sait, dans les cercles de la social-démocratie par la tendance bernsteinienne qui, dans sa naïveté, a cru possible de déclarer tout à coup que l’idée de révolution était un rudiment superflu datant de l’époque de la barbarie social-démocrate et qu’elle pouvait maintenant faire place à des méthodes de lutte plus civilisées et légales.

https://www.marxists.org/francais/luxem ... 050530.htm
https://www.marxists.org/deutsch/archiv ... /koeln.htm
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Re: Belles feuilles

Message par Gayraud de Mazars » 23 Déc 2022, 11:18

Salut camarades,

Une citation de Léon Trotsky qui sonne juste en ces temps bien difficiles pour les révolutionnaires, dans « Faut-il entrer dans le P.S.O.P. ? » dans une lettre à James P. Cannon, le 5 décembre 1938, qui vient de paraitre sur le MIA..

https://www.marxists.org/francais/trots ... cembre.htm

Dix internationalistes peuvent faire du bon travail tandis que des milliers de centristes ne peuvent qu’aggraver la confusion.


Fraternellement,
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A. Rosmer : Mouvement ouvrier et la 1ère Guerre mondiale

Message par Cyrano » 06 Jan 2023, 11:55

viewtopic.php?f=4&t=35356
Après la longue citation du livre de Aline, Lénine à Paris, on trouve immédiatement la conclusion d'Alfred Rosmer au tome 1 de son livre, Le Mouvement Ouvrier Pendant la Première Guerre mondiale. Une défense et illustration de l'intelligence souple et déliée du bonhomme à la petite moustache.

La IIe Inter n'est pas un échec malgré tout…
il convient de faire remarquer que la IIe Internationale était [aussi] celle des bolcheviks. […]. Ils ne songeaient pas à la quitter. Et même quand elle se fut effondrée honteusement, le jugement qu'ils portent sur elle, sur ce qu'elle a accompli, reste sympathique. Le 1er novembre 1914, dans le premier numéro de guerre du Sozíaldemokrat, Lénine en parle en ces termes:
«La IIe1nternationale a rempli sa tâche, utile, préparatoire, d'organisation des masses prolétariennes pendant une longue époque de paix qui a été celle de l'esclavage capitaliste le plus cruel et du progrès capitaliste le plus rapide
[…]
L'appréciation de Trotsky est exactement la même:
«La IIe lnternationale n'a pas vécu en vain. Elle a accompli unimmense travail culturel. Elle a éduqué et assemblé les classes opprimées. Le prolétariat n'a plus besoin maintenant de reprendre les choses au commencement

La guerre, c'est pas ce qui se fait de mieux pour les combats du monde du travail.
au déclenchement de la guerre, quand les armées belligérantes sont encore à peine rassemblées, il y a déjà un vaincu, c'est la classe ouvrière. La bourgeoisie renforce ses moyens ordinaires de domination par le régime de l'état de siège, la censure, une dictature sans limites. Les organisations de la classe ouvrière subsistent matériellement; en fait, elles sont détruites, elles ne sont plus, sauf de rares exceptions, que des organismes gouvernementaux.
Telles sont les conditions dans lesquelles doit s'engager et se livrer la bataille ouvrière contre la guerre.

J'aime bien la qualification de "pédants" attribuée à certains purs et durs.
À distance, les premières protestations ouvrières contre la guerre paraissent timides. Les pédants dont nous avons eu l'occasion de nous occuper ne manquent pas de le noter, dédaigneusement, leur opposant le ferme programme que traça tout de suite Lénine. […]
Lénine réside, en 1914, dans un pays non belligérant. Il échappe ainsi à l'atmosphère de débâcle qui règne dans tous les pays en état de guerre. Comme il est naturel, son regard se porte d'abord surla Russie où, précisément, la situation est moins désespérée que partout ailleurs. Les députés socialistes à la Douma se sont prononcés contre les crédits. Les bolcheviks organisent déjà leur travail clandestin. Pas d'Union sacrée, ou un minimum d'Union sacrée. D'autre part, il ne faut pas oublier que si Lénine et ses collaborateurs immédiats sont fermes, son parti n'a pas échappé aux défections, que des bolcheviks sont allés, comme nous l'avons vu, jusqu'à l'enrôlement dans l'armée française.

Sur le mot d'ordre de "La paix!" - et encore un p'tit coup de pied de l'âne aux pédants.
En opposition avec le programme établi par Lénine, les protestations contre la guerre qui s'élèvent dans les pays belligérants parlent d'abord de la paix. Les socialistes serbes parlent de paix, Monatte parle de paix. Liebknecht, aussi, parle de paix. Il y a là une rencontre qui n'est sûrement pas sans signification. C'est que, dans les pays belligérants, on est effrayé par les ravages de la guerre. La guerre détruit les richesses matérielles de la société capitaliste. Elle risque aussi d'anéantir les forces du prolétariat. Ce sentiment, cette appréhension, Trotsky les a exprimés dans sa brochure quand il écrivait:
D'autre part, la guerre avec ses armées de millions d'hommes et ses armes infernales de destruction peut épuiser non seulement les ressources de la société, mais aussi les forces morales du prolétariat. Si elle ne se heurte pas à une résistance intérieure, cette guerre peut durer encore pendant plusieurs années, avec des fortunes changeantes pour les belligérants jusqu'à l'épuisement des principaux d'entre eux. Mais alors toute l'énergie combattante du prolétariat international, déchainée par le sanglant complot de l'impérialisme, sera complètement détruite par l'oeuvre horrible d`une annihilation mutuelle. Le résultat serait que toute notre civilisation se trouverait rejetée bien loin en arrière.
[…]
Le mot d'ordre de paix, entouré de développements qui lui donnent figure de revendication socialiste, permet le rassemblement autour des premiers opposants, condition indispensable pour rompre l`isolement paralysant. Nos pédants mobilisent les «masses» comme s'il s'agissait de troupes impatientes d'entrer dans l'action. Mais dans le premier temps de la guerre, les masses ce sont elles qui crient: «Vive la guerre! A Berlin l ›› Intoxiquées par la presse et par la préparation gouvernementale, abandonnées par leurs chefs, ce sont elles qui constituent ce courant auquel il est si difficile de résister. Ne nous faisons pas d”illusion. La conscience de classe n`est pas tellement répandue. Elle reste une vertu rare. L'internationalisme, c'est trop souvent des mots qu'on répète. […]
Même après Zimmerwald, après dix-huit mois de guerre, quand Hasfeld s'efforçait de répandre les brochures du Comité, il lui arriva plus d'une fois de se les voir refuser par des sympathisants qui lui disaient: «Si elles ne sont pas passées par la censure, nous n'en voulons pas.» Et des coopératives ouvrières refusaient de les imprimer.
La conclusion sur ce point est que si le programme formulé par Lénine en novembre 1914 était excellent, il fallait aussi tenir compte des conditions d'application, et ces conditions n'étaient pas les mêmes dans tous les pays
[…]
Prenons le projet de résolution préparé par Lénine pour la conférence de Zimmerwald. […] On peut le résumer ainsi: la guerre est une guerre impérialiste. Il faut appeler les masses à la lutte révolutionnaire. Cette lutte débutera par «la latte contre la guerre mondiale et pour la cessation de la boucherie humaine» (notons que la cessation de la boucherie humaine c'est la paix).

Contre le «défaitisme révolutionnaire», mot d'ordre de Lénine.
Une des divergences se manifeste à propos du «défaitisme révolutionnaire››. La polémique se déroula entre Lénine et Naché Slovo, plus particulièrement Trotsky. Il ne saurait être question de l`évoquer ici tout entière. Ie me bornerai à quelques remarques. On trouve dans Contre le courant plusieurs articles de Lénine et de Zinoviev sur cette question. Tous les arguments donnés en faveur du « défaitisme révolutionnaire» ne sont pas également probants, surtout ils n'imposent pas tous la même conclusion. Pour autant qu”ils permettent de dégager la pensée précise de Lénine, il semble qu'elle pose en principe que si lion ne part pas du défaitisme révolutionnaire on sera fatalement paralysé dans l'action contre la guerre.
[…]
Les conséquences de notre action ne nous intéressent que par rapport à notre but – la révolution, non par rapport à la «victoire» qui est l'affaire de la bourgeoisie impérialiste. Le « défaitisme révolutionnaire» apporte-t-il quelque chose de plus? Je ne crois pas. […]
Le « défaitisme», même suivi de l'épithète « révolutionnaire», met l'accent sur la défaite alors que nous devons le mettre sur la révolution.
[…]
ll y a encore autre chose dans le «défaitisme révolutionnaire». L'idée que la révolution socialiste ne peut surgir que sur le terrain de la défaite militaire, et l'histoire semble la justifier. Mais ce n'est pas non plus rigoureusement vrai, et ce n'est pas non plus sans inconvénient. Pourquoi dire d'avance que sans la défaite la révolution n'est pas possible? Il y a eu en Italie, après la guerre, une situation aussi nettement révolutionnaire qu›on peut le souhaiter; or, l'Italie appartenait au groupe des nations victorieuses.

Rosmer conclut sa conclusion..
Les enseignements pratiques qu'il faut tirer de toute cette expérience peuvent se résumer ainsi:
Le point de départ c'est de déterminer le caractère de la guerre. Les traits d'une guerre impérialiste sont désormais bien connus. Ils l'étaient déjà avant l9l4. Tous les socialistes, en leurs congrès, les avaient très précisément formulés; le fait que beaucoup d'entre eux se rallièrent à la guerre n'y change rien. Les faits ont montré que c'est une illusion absolue de croire qu'on peut, en entrant dans la guerre avec d'autres buts que les rapaces impérialistes – avec l'idée de lutter contre le militarisme, pour la défense de la démocratie – la purifier, éliminer sa tare originelle, lui imprimer un autre caractère: c'est l'erreur des socialistes russes qui se sont engagés dans l'armée française.
[…]
Toute guerre qualifiée antifasciste, toute guerre menée soi-disant pour abattre le fascisme, répéterait l°illusion de 1914, l'illusion de ceux qui croyaient sincèrement que la victoire de la Triple-Entente signifierait la destruction du militarisme. Ni le militarisme ni le fascisme ne seront jamais détruits par la guerre; la guerre peut seulement les renforcer, les étendre à travers le monde. Fascisme et militarisme ne seront et ne peuvent être abattus que par la classe ouvrière.
La classification des nations impérialistes en pacifistes et guerrières est fausse et dangereuse. Les nations impérialistes sont «pacifistes» ou «guerrières» selon leur intérêt. Un impérialisme nanti est pacifiste. Un impérialisme insatisfait est belliqueux.
[…]
La distinction entre guerre offensive et guerre défensive, la détermination de l'agresseur – sauf bien entendu lorsqu'il s`agit d'une guerre coloniale ou l'agresseur est toujours la puissance colonisatrice – Mussolini aujourd'hui, hier la France démocratique au Maroc – le respect des traités, etc., ne sont que prétextes à tromper les peuples pour les entraîner dans la guerre. […]
Cyrano
 
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Belles feuilles, Trotsky, Après Munich

Message par com_71 » 12 Jan 2023, 12:15

Extrait du texte d'octobre 1938 de Trotsky "Après Munich, une leçon toute fraîche - sur le caractère de la guerre prochaine", placé fort opportunément en annexe à l'édition papier du dernier CLT (sur l'Ukraine).
https://www.lutte-ouvriere.org/publicat ... 42426.html
...Faut-il défendre "l'indépendance nationale" de la Tchécoslovaquie ?

Pendant la semaine critique, en septembre, nous avons appris que des voix s'élevaient, y compris même sur le flanc gauche du socialisme, pour dire qu'en cas de "combat singulier" entre la Tchécoslovaquie et l'Allemagne, le prolétariat devrait aider la Tchécoslovaquie à sauvegarder son "indépendance nationale" même s'il fallait pour cela s'allier avec Benès. Cette situation hypothétique ne s'est cependant pas réalisée : les héros de l'indépendance tchèque capitulèrent sans combattre, comme il fallait s'y attendre. On ne peut cependant pas ne pas relever ici, en songeant à l'avenir, l'erreur grossière et dangereuse de ces théoriciens attardés de "l'indépendance nationale".

Même en dehors de ses relations internationales, la Tchécoslovaquie est un État totalement impérialiste. Économiquement, le capitalisme monopoliste y règne en maître. Politiquement, la bourgeoisie tchèque règne (peut-être devra-t-on bientôt dire régnait) sur plusieurs nationalités opprimées. Même de la part de la Tchécoslovaquie isolée, la guerre n'aurait pas été menée pour l'indépendance nationale, mais pour préserver et si possible étendre les frontières de l'exploitation impérialiste.

Même si les autres États impérialistes n'intervenaient pas, il n'est pas permis de considérer une guerre entre la Tchécoslovaquie et l'Allemagne en dehors de l'entrelacs des relations impérialistes européennes et mondiales pour lesquelles cette guerre ne serait qu'un épisode. En un ou deux mois, une guerre tchéco-allemande - si la bourgeoisie avait le désir et la possibilité de se battre - aurait inévitablement entraîné l'intervention d'autres États. Ce serait donc une erreur pour un marxiste de définir sa position sur la base de regroupements diplomatiques et militaires épisodiques plutôt que sur la base de la définition générale des forces sociales qui sont derrière cette guerre.

Nous avons repris à notre compte des centaines de fois la thèse irremplaçable de Clausewitz qui dit que la guerre n'est rien d'autre que la continuation de la politique par d'autres moyens. Afin de déterminer dans chaque cas donné le caractère historique et social d'une guerre, nous devons nous guider non pas sur des impressions et conjectures, mais sur une analyse scientifique de la politique qui précède la guerre et la conditionne. Dès le début de la formation de ce patchwork qu'est la Tchécoslovaquie, cette politique avait un caractère impérialiste.

On peut nous objecter qu'après avoir séparé les Allemands des Sudètes, les Hongrois, les Polonais et, peut-être, les Slovaques, Hitler ne s'arrêtera pas avant d'avoir aussi asservi les Tchèques eux-mêmes et que, dans ce cas, ils seraient parfaitement justifiés de réclamer l'appui du prolétariat dans leur lutte pour l'indépendance nationale. Cette façon de poser la question n'est rien d'autre qu'un sophisme social-patriote. Nous ne savons pas comment se développeront les antagonismes impérialistes. La destruction totale de la Tchécoslovaquie est tout à fait possible. Mais il est également possible qu'avant que cette destruction ait été consommée, une guerre européenne n'éclate dans laquelle la Tchécoslovaquie peut se trouver du côté des vainqueurs et donc participer à un nouveau démembrement de l'Allemagne. Le rôle d'un parti révolutionnaire est-il celui d'un garde-malade pour les gangsters "sinistrés" de l'impérialisme ?

Il est tout à fait évident que le prolétariat doit construire sa politique sur la base d'une guerre donnée, comme elle se présente, c'est-à-dire comme elle a été conditionnée par tout le cours antérieur du développement politique, et non sur une spéculation hypothétique sur l'issue stratégique possible de la guerre. Dans ces spéculations, chacun choisira inévitablement la variante qui correspond le mieux à ses propres désirs, à ses sympathies ou antipathies nationales. Cette politique ne serait évidemment pas marxiste, mais subjective, pas internationaliste, mais chauviniste.

Une guerre impérialiste, d'où qu'elle vienne est toujours faite non pas pour défendre "l'indépendance nationale", mais pour redistribuer le monde conformément aux intérêts des différentes cliques du capital financier. Cela n'empêche pas que la guerre impérialiste ne puisse, en passant, améliorer ou aggraver la situation de telle ou telle "nation" ; ou, plus exactement, d'une nation par rapport à une autre. Ainsi, le Traité de Versailles démembra l'Allemagne. Un nouveau traité de paix peut démembrer la France. Les sociaux-patriotes invoquent précisément ce "péril national" à venir possible comme un argument pour soutenir aujourd'hui "leurs" bandits impérialistes. La Tchécoslovaquie ne fait nullement exception à la règle.

En réalité, tous ces arguments spéculatifs et le fait d'agiter le spectre des calamités nationales à venir pour soutenir telle ou telle bourgeoisie impérialiste n'ont qu'une seule base : le rejet tacite de la perspective révolutionnaire et de la politique révolutionnaire. Sans doute, si la prochaine guerre se terminait par une victoire de l'un ou de l'autre camp impérialiste; si elle n'entraînait ni soulèvement révolutionnaire, ni la victoire du prolétariat ; si la nouvelle paix impérialiste se révélait encore plus désastreuse que celle de Versailles et enchaînait le peuple pour des décennies ; si l'humanité malheureuse supportait tout cela en silence, alors non seulement la Tchécoslovaquie et la Belgique, mais aussi la France pourraient être ramenées à la situation de nations opprimées (on peut admettre la même hypothèse en ce qui concerne l'Allemagne). Dans cette éventualité, la formidable désagrégation à venir du capitalisme ramènerait tous les peuples en arrière pour plusieurs décennies. Bien entendu, dans cette perspective, qui suppose la passivité, la capitulation, la défaite et le déclin, les classes opprimées et les peuples tout entiers seraient obligés de regrimper sur les genoux, en payant de leur sueur et de leur sang, le chemin historique déjà parcouru, en le retraçant avec les mains.

Une telle perspective est-elle exclue ? Si le prolétariat supporte sans fin la domination des sociaux-impérialistes et des communo-chauvinistes, si la Quatrième Internationale s'avère incapable de se frayer un chemin vers les masses, si les horreurs de la guerre ne poussent pas les ouvriers et les soldats à la rébellion, si les peuples coloniaux continuent à donner patiemment leur sang pour le bénéfice des négriers, alors dans ces conditions, le niveau de la civilisation sera inévitablement rabaissé et la régression et la décomposition générale peut remettre à l'ordre du jour en Europe la question des guerres nationales. Et alors nous, ou plutôt nos fils, devrons déterminer la politique à suivre en ce qui concerne les futures guerres sur la base de ces nouvelles conditions. Aujourd'hui, nous nous déterminons non pas sur la perspective du déclin, mais sur celle de la révolution. Nous sommes défaitistes en ce qui concerne l'impérialisme, mais pas en ce qui concerne le prolétariat. Nous ne relions pas la question du sort des Tchèques, des Belges, des Français ou des Allemands en tant que nations aux mouvements conjoncturels des fronts militaires au cours d'une nouvelle querelle entre impérialistes, mais nous la relions au soulèvement du prolétariat et à sa victoire sur les impérialistes. Nous regardons en avant et non en arrière. Le programme de la Quatrième Internationale affirme que la liberté pour toutes les nations européennes, petites et grandes ne peut être assurée que dans le cadre des États Unis Socialistes d'Europe...

Coyoacan, 10 octobre 1938

https://www.marxists.org/francais/trots ... 381010.htm
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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