Belles feuilles

Marxisme et mouvement ouvrier.

Re: Belles feuilles

Message par Gayraud de Mazars » 10 Mai 2022, 07:46

Salut camarade Artza,

Merci de la référence du "Journal d'exil" de Léon Trotsky de 1935...

LE PAPE BENIT PAR T.S.F. LES FIDELES DE LOURDES.

Lourdes, 28 avril. – La messe pontificale a pris fin aujourd'hui vers 16 heures 20.
Un peu après les haut-parleurs ont annoncé qu'ils allaient faire entendre la Cité du Vatican et que Sa Sainteté Pie Xl allait donner sa bénédiction...
L'année dernière, avec N., nous avons été à Lourdes. Quelle grossièreté, quelle impudence, quelle vilenie ! Un bazar aux miracles, un comptoir commercial de grâces divines. La grotte elle-même fait une impression misérable. C'est naturellement là le calcul psychologique des prêtres : ne pas effrayer les petites gens par les grandioses dimensions de l'entreprise commerciale : les petites gens craignent une vitrine trop magnifique. En même temps ce sont les plus fidèles et les plus avantageux acheteurs. Mais le meilleur de tout, c'est cette bénédiction du pape, transmise à Lourdes... par la radio. Pauvres miracles évangéliques, à côté du téléphone sans fil !... Et que peut-il y avoir de plus absurde et de plus repoussant que cette combinaison de l'orgueilleuse technique avec la sorcellerie du super-druide de Rome ! En vérité la pensée humaine est embourbée dans ses propres excréments.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Belles feuilles, Trotsky

Message par com_71 » 03 Juil 2022, 00:42

Trotsky, Journal d'Exil, 25 mars 1935 a écrit : Rakovsky était au fond mon dernier lien avec l'ancienne génération révolutionnaire. Après sa capitulation il n'est resté personne. Bien que ma correspondance avec Rakovsky eût cessé – pour raisons de censure – à partir de mon exil, néanmoins la figure même de Rakovsky était restée un lien en quelque sorte symbolique avec les vieux compagnons de lutte. Maintenant il ne reste personne. Le besoin d'échanger des idées, de débattre ensemble des questions, ne trouve plus, depuis longtemps, de satisfaction. Il ne reste qu'à dialoguer avec les journaux, c'est-à-dire à travers les journaux avec les faits et les opinions.

Et pourtant je crois que le travail que je fais en ce moment – malgré tout ce qu'il a d'extrêmement insuffisant et fragmentaire – est le travail le plus important de ma vie, plus important que 1917, plus important que l'époque de la guerre civile, etc.

Pour être clair je dirai ceci. Si je n'avais pas été là en 1917, à Pétersbourg, la Révolution d'Octobre se serait produite – conditionnée par la présence et la direction de Lénine. S'il n'y avait eu à Pétersbourg ni Lénine ni moi, il n'y aurait pas eu non plus de Révolution d'Octobre : la direction du parti bolchévik l'aurait empêchée de s'accomplir (cela, pour moi, ne fait pas le moindre doute !). S'il n'y avait pas eu à Pétersbourg Lénine, il n'y a guère de chances que je fusse venu à bout de la résistance des hautes sphères bolchévistes. La lutte contre le " trotskysme " (c'est-à-dire contre la révolution prolétarienne) se serait ouverte dès mai 1917, et l'issue de la révolution aurait été un point d'interrogation. Mais, je le répète, Lénine présent, la Révolution d'Octobre aurait de toute façon abouti à la victoire. On peut en dire autant, somme toute, de la guerre civile (bien que dans la première période, surtout au moment de la perte de Simbirsk et de Kazan, Lénine ait eu un moment de défaillance et de doute, mais ce fut très certainement une disposition passagère, qu'il n'a même sûrement avouée à personne, sauf à moi). Ainsi je ne peux pas dire que mon travail ait été " irremplaçable ", même en ce qui concerne la période 1917-1921. Tandis que ce que je fais maintenant est dans le plein sens du mot " irremplaçable ". Il n'y a pas dans cette affirmation la moindre vanité. L'effondrement de deux Internationales a posé un problème qu'aucun des chefs de ces Internationales n'est le moins du monde apte à traiter. Les particularités de mon destin personnel m'ont placé face à ce problème, armé de pied en cap d'une sérieuse expérience. Munir d'une méthode révolutionnaire la nouvelle génération, par-dessus la tête des chefs de la Deuxième et de la Troisième Internationale, c'est une tâche qui n'a pas, hormis moi, d'homme capable de la remplir. Et je suis pleinement d'accord avec Lénine (ou plutôt avec Tourguéniev) que le plus grand vice est d'avoir plus de cinquante-cinq ans. Il me faut encore au moins quelque cinq ans de travail ininterrompu pour assurer la transmission de l'héritage.

https://www.marxists.org/francais/trots ... l25_03.htm
artza a écrit :Quelque chose qui a échappé à Deutscher dans sa bio de LT excellente par ailleurs.

Deutscher estimait que LT plutôt que de s'échiner "en vain" pour constituer une IVème inter sans avenir aurait bien mieux fait de réaliser ou de finir ses projets littéraires. Bio de Lénine et Staline, de Marx-Engels (histoire d'une amitié) et de Lassalle et l'histoire de la guerre civile russe.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Belles feuilles...c'est beaucoup dire...

Message par com_71 » 07 Juil 2022, 16:53

...mais profondément justes :
Texte de la Conférence nationale de Lutte Ouvrière - La situation du mouvement ouvrier révolutionnaire
Lutte de Classe n°11 - Décembre 1994


https://mensuel.lutte-ouvriere.org//doc ... ale%2C1121
artza a écrit :Bon souvenir de ce texte, fort critiqué à l'époque par ceux qui regardent le doigt qui leur montre la lune ;)

Kéox2 a écrit :Un texte dense, qui a toujours son actualité aujourd'hui 28 ans plus tard... Et aussi à mille lieux au-dessus de ce que produit le groupe Révolution permanente, le NPA ou encore la tendance Claire.
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Belles feuilles, JP. Cannon, Adieu à un pionnier

Message par com_71 » 27 Août 2022, 07:35

Cannon, 7 juin 1947 a écrit :Adieu à un pionnier du socialisme

L'autre jour, un vieux pionnier socialiste est mort à Rosedale, Kansas, à l'âge de 89 ans, et je me suis rendu à ses funérailles. J'étais lié à lui personnellement par de nombreux liens variés et je lui devais beaucoup de choses d’une valeur incalculable. Il a été le premier à m'expliquer que la vérité et la justice sont importantes, et il m’a prouvé, par l’exemple de toute sa vie, qu'il pensait ce qu’il disait. Il croyait vraiment à la liberté, à l'égalité et la fraternité humaines, il pensait que ces choses étaient réalisables et qu’elles valaient la peine d'être poursuivies. C’était son « principe », et il l'a respecté.

C'est par lui que j'ai appris l'existence du socialisme : il m'entraîna dans le mouvement il y a 36 ans, et a ainsi façonné ma vie d’une façon qui n'a jamais changé depuis. En m’en souvenant et en revivant tout ça pendant le long trajet en train pour les funérailles du vieil homme, j'ai pensé à lui non seulement comme à un ami ou un conseiller, mais aussi comme un vrai et digne représentant de cette noble génération de pionniers du socialisme qui nous ont précédés et nous ont ouvert la voie. Nous sommes ici parce qu'ils étaient là. Nous ne devons jamais l'oublier.

Son socialisme – le socialisme américain prédominant de son temps dans le Midwest, inspiré par le grand esprit et l’éloquence brûlante de Debs, était largement humanitaire, plus éthique, peut-être, que scientifique et mettait davantage l'accent sur l’objectif que sur le chemin qui y mène. Mais il était juste pour l’essentiel, et avait une grande force de conviction et d'inspiration. A mon avis, le mouvement socialiste moderne, avec ses analyses plus précises et sa nécessaire concentration sur la lutte, feraient bien d'injecter dans sa propagande plus d'insistance – à l’ancienne - sur le sens ultime de la lutte ; de parler comme l'ont fait les anciens pionniers, pour les droits de l'homme et la dignité humaine, pour la liberté et l'égalité et pour l'abondance pour tous. C'est ce pourquoi nous nous battons vraiment quand nous nous battons pour le socialisme.

Ben Hanford, le grand agitateur socialiste de jadis, a écrit un jour l'éloge d'un camarade collectif qu'il appela Jimmy Higgins — l'homme du rang qui s'affaire hors de toute ostentation, sans égard à la reconnaissance aux récompenses qu’il pourrait obtenir pour l’accomplissement de toutes les innombrables petites tâches inaperçues qui doit être faites pour maintenir la marche du « mouvement » et garder la torche allumée.

Tel était ce vieil homme. C'était un ancien militant ouvrier du temps des Chevaliers du Travail et du mouvement pour la journée de huit heures ; un homme de Debs depuis la grève de l'A.R.U. [American Railway Union] de 1894 ; et un activiste socialiste tout au long des vingt ans de progrès du Parti socialiste au début du siècle. Il a ardemment sympathisé avec moi, dans tous mon travail et mes luttes, et m’a donné toute l'aide technique et pratique qu'il pouvait, jusqu'à ces dernières années où il était trop vieux et fatigué pour le faire encore.

Un récit de son activité tranquille et soutenue pour le socialisme pourrait servir, avec seulement quelques changements sans importance, comme une biographie représentant toute la fraternité des militants anonymes dont les travaux et les sacrifices, accomplis librement avec une foi inébranlable, changèrent une idée et un espoir en un mouvement qui vit après eux et vivra encore.

Ce n'était pas un « chef », mais un simple soldat du rang qui « parlait de socialisme » à tous ceux qui voulaient écouter ; qui se demenait pour les abonnements aux journaux ; pour organiser les réunions, louer la salle et attirer la foule autour de l'orateur; et qui avait toujours la main dans sa poche pour une contribution - plus qu'il pouvait se permettre - pour aider à combler le déficit. De plus, on pouvait toujours compter sur lui pour « installer » un agitateur de passage chez lui et ainsi économiser des frais au parti, bien que ses propres moyens financiers soient bien limités.

Le vieil homme était l'ami et le partisan de toutes les bonnes causes, toujours près à faire circuler une pétition, aider pour une collecte ou pour organiser un meeting de protestation pour exiger que des torts soient réparés. Les bonnes causes, alors comme aujourd'hui, étaient principalement impopulaires, et il se trouvait presque toujours dans la minorité, du côté des opprimés qui ne pouvaient rien pour lui dans le dur combat pour gagner de l'argent et aller de l’avant. Il a dû payer pour cela, et sa famille a dû payer, mais cela ne pouvait pas être autrement. Le vieil homme était fait comme ça, et je ne pense pas qu'il soit jamais entré une fois sa tête l’idée de faire ou de vivre autrement.

C'est à peu près tout ce qu'il y a à dire sur lui. Mais j'ai pensé, en le regardant dans son cercueil pour la dernière fois, que c'était beaucoup. Carl Sandburg l'a dit ainsi : « Alors ce sont des héros… — parmi les gens simples — Héros, dites-vous ? Et pourquoi pas ? Ils donnent tout ce qu'ils ont, ne posent aucune question et prennent ce qui advient. Que voulez vous de plus ? »

Ce groupe dévoué de pionniers du socialisme n'a pas vécu en vain, eux qui ont vécu et travaillé de manière désintéressée pour le socialisme, qui ont fait ce qu'ils pouvaient pour le "mouvement" et l'ont maintenu en vie pour qu'une nouvelle génération vienne prendre la suite sans avoir à recommencer par le début. Ils étaient beaucoup plus important pour l'avenir de l'Amérique et du monde qu'eux, avec leur modestie et leur abnégation, pouvait l’imaginer. Le vieil homme était l’un d'eux, et je lui dis adieu avec gratitude et amour. Il s'appelait John Cannon. C’était mon père.


https://www.marxists.org/francais/canno ... ommage.htm
Cyrano a écrit :Excellent, ça, com_71.
Ça a de l'allure. En fait, je n'avais jamais lu ce texte.
Et puis...
«A mon avis, le mouvement socialiste moderne, avec ses analyses plus précises et sa nécessaire concentration sur la lutte, feraient bien d'injecter dans sa propagande plus d'insistance – à l’ancienne - sur le sens ultime de la lutte ; de parler comme l'ont fait les anciens pionniers, pour les droits de l'homme et la dignité humaine, pour la liberté et l'égalité et pour l'abondance pour tous
Ah ! Frappe-toi le coeur, c'est là qu'est le génie.
Le coeur et le ventre. La tête suivra.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Belles feuilles, Nécrologie d'Alfred Rosmer

Message par com_71 » 27 Août 2022, 21:32

VO n° 14, 19 mai 1964 a écrit :Alfred Rosmer

« C'est bien un signe de ces temps sans mémoire qu'il me soit donné, à moi, de présenter Alfred Rosmer. »
Albert CAMUS (Préface à «Moscou sous Lénine »)


LUNDI 11 mai 1964, Alfred Rosmer était incinéré au Colombarium du Père Lachaise. A 87 ans, le vieux lutteur disparaissait. Droit dans son maintien, droit dans tous les sens du terme, tel fut Alfred Rosmer.
Comme beaucoup de révolutionnaires de sa génération, il était venu de l’anarchisme au communisme. Ce qui do­mina toute sa vie fut son profond « internationalisme ».
En 1914 il fut de la poignée de révolutionnaires qui sut dominer le chauvinisme de l'Union Sacrée et conduisit à Zimmerwald et à Khienthal. Pendant que Marcel Cachin sert d’intermédiaire au gouvernement français en tant que représentant du parti socialiste pour amener l’Italie à entrer en guerre aux côtés des Alliés, Alfred Rosmer travaille avec quelques révolutionnaires de tous les pays à la cons­truction d’une 3ème Internationale : Après la victoire de la révolution prolétarienne en Rus­sie, il devient membre du Comité Exécutif de l’Interna­tionale Communiste et contribue à la fondation de l’Inter­nationale Syndicale Rouge. C’est cette période de son acti­vité qu’il retrace dans « Moscou sous Lénine ». De retour en France il représente la tendance de gauche à la direc­tion de l'« Humanité » jusqu’en 24. Mais la révolution fai­blit et se bureaucratise. Rosmer, fidèle à l’idéal communis­te est de ceux qui résistent. En 1924 il est exclu du Parti communiste avec Monatte. Il est l’ami de L. Trotsky.
Lorsque celui-ci fut assassiné en 1940 par un agent de Sta­line, il devint aux côtés de Natalia Trotsky l’exécuteur testamentaire de ses œuvres.
Né d’une famille ouvrière, Rosmer, après avoir été employé puis correcteur d’imprimerie parlait et écrivait couram­ment plusieurs langues. Son grand mérite c’est son atta­chement à l'idéal communiste. II n’est jamais en vedette, jamais aux honneurs. Mais discrètement il est là où le tra­vail est rude et ingrat. Que ce soit à Moscou, dans les an­nées les plus dures de la Révolution ou aux côtés de Trots­ky dans les années les plus sombres de la réaction stali­nienne, c’est un militant effacé, mais sur qui on peut compter.
Au labeur dans la Révolution qui monte il est encore à la tâche et un des rares à rester fidèle à la Révolution pro­létarienne quand la réaction et la dégénérescence bureau­cratique gangrènent le mouvement ouvrier.
Il est de la génération des vaincus, de ceux qui devant le recul des forces révolutionnaires du socialisme ont dû et su limiter leur tâche à entretenir le flambeau de la Révo­lution pour le transmettre aux générations futures.
Pendant la cérémonie de son incinération un orateur a déclaré : « Je me permets de confier aux jeunes qui assis­tent sous les voûtes du colombarium à son incinération, la mémoire d’Alfred Rosmer et son exemple. » Des 200 à 300 personnes qui assistaient à ses obsèques, la moitié environ étaient des hommes âgés ayant connu Rosmer au combat et qui lui rendaient un dernier hommage. L’autre moitié était composée de jeunes qui n’avaient jamais vu Rosmer, mais qui connaissent son attachement à la Révolution So­cialiste. Ils ont recueillit le message qui leur a été confié.
Il n’est pas douteux qu’ils travailleront eux aussi à conti­nuer l’œuvre du révolutionnaire Alfred Rosmer. Et s’ils étaient peu nombreux, ils se souviendront que Rosmer non plus n’était pas du côté du grand nombre à Zimmerwald et que c’est pourtant de Zimmerwald que la Révolution Russe est sortie et que le Communisme mondial est né.

Pierre CARAL [Pierre Bois]

Kéox2 a écrit :De beaux textes forts et émouvants de JP Cannon sur son père et de Pierre Bois sur Alfred Rosmer, merci com_71.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Belles feuilles, Noël 64, revue de presse

Message par com_71 » 27 Août 2022, 23:55

Sur un tout autre ton, dans VO fin décembre 1964 :
La presse de Noël, Revue (et corrigée)

Nos lecteurs auront eu autant de mal que nous à se procurer la presse du 25 décembre. C’est à leur intention qu’exceptionnellement nous publions une re­vue de la presse de gauche.

« L'HUMANITE » :
L'UNITE PROGRESSE
« C'est dans le calme et la dignité que des millions d'hommes et de femmes ont célébré cette nuit le 1964e anniversaire de la naissance de Jésus-Christ.
Sans partager pour autant toutes les opinions des chrétiens, nous ne pouvons que nous associer à cette ma­nifestation. Le célèbre appel : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté » ne va-t-il pas dans le sens de la politique de coexistence pacifi­que approuvée par notre grand parti lors de son dernier congrès, appliquée par lui sans défaillance ? Ne pourrait-il pas, même, servir de base pour l'élaboration d'un programme commun ?
Ce Noël est ainsi apparu comme une imposante manifestation du peu­ple de France unanime pour la paix et le désarmement général. Et s'il fal­lait une preuve de plus que l'unité progresse, on la trouverait dans l'ap­parition, la multiplication de grou­puscules luthéro-trostskistes, comme cela se produit dans toutes les pério­des de lutte, osant mettre en doute le caractère immaculé de la concep­tion de Marie, mettant ainsi en cause
l'honneur d'un travailleur, d'un mo­deste charpentier, Joseph, et faisant le jeu des revanchards de Bonn.
Mais quoi qu'il en soit, ces tru­blions ne peuvent empêcher ce Noël de représenter un pas en avant considé­rable dans la lutte pour la paix, et de prouver, s'il en était encore besoin, que la lutte famille par famille, ré­veillon par réveillon, est payante. »

« REVOLUTION » [une revue "pro-chinoise"]
reproduit un communiqué de Pékin :
« En faisant de Noël une fête de la paix, le christianisme révèle son vrai visage d'allié de l'impérialisme.
Il cimente l'union entre le protes­tant Johnson (successeur du catholi­que Kennedy) et les faux orthodoxes de Moscou.
Tout ceci montre combien est sur­faite la soi-disant puissance de l'impérialisme, obligé qu'il est de recou­rir à la religion et à ses miracles Mais de toute manière l'eau bénite ne pourra que détremper le tigre de papier. » Notons toutefois que Radio-Pékin a tempéré cette profession de foi anti­religieuse par un éloge du gallica­nisme.

« TRIBUNE SOCIALISTE » (organe du P.S.U.)
UN NOVATEUR
« Nous ne nous laisserons pas entraîner dans une discussion stérile sur la véritable nature, divine ou humaine, de Jésus-Christ, discussion qui ne pourrait être qu'une cause de plus de discorde pour notre malheureuse gauche française dont l'union s'avère si nécessaire.
Mais nous devons rendre hommage à Jésus, car le mérite de celui-ci fut d'avoir compris, à une époque où étaient apparues de nouvelles couches d'esclaves, portant des chaînes plus légères, qu 'il fallait dire adieu aux vieux rêves, aux utopies, à la légende du grand soir, à toutes les vieilles idée» qui dataient du temps de Spartacus et s'appuyer sur ces nouvelles couches pour promouvoir les réformes de structure qui s'avéraient nécessaires.
On nous objectera que Jésus a finalement été crucifié.
Qu'importe puisqu'il est ressuscité. »

« LA LUTTE COMMUNISTE » organe du P.C.R. ( t ) [posadiste]
APPEL AUX TRAVAILLEURS OU MONDE ENTIER !
« Pour tenter d'enrayer, de désorga­niser la vague menaçante de la révo­lution montante, la bourgeoisie a eu recours à une ultime ruse. Ce 25 décembre a été chômé sous le fallacieux prétexte de célébrer Noël.
Nous appelons les travailleurs à s'organiser, à engager immédiatement la lutte contre cette provocation.
Boycottez les magasins de jouets.
Boycottez les réveillons».
Tous à l'usine ce jour-là !
Vive la révolution mondiale.
Vive le P.C.R. ( t ) . »

« L'INTERNATIONALE » [organe du PCI, ancêtre de la LCR]
NOUVELLE BREVE
« Le déplacement de l'épicentre de la révolution ôte désormais tout inté­rêt aux fêtes de Noël et du Jour de l'An. »

Nous nous excusons auprès de nos lecteurs d'une défaillance que, nous l’espérons, ils nous pardonneront : nous avons été incapable de nous procurer le numéro de Noël de « La Vérité » ["Revue trotskyste", organe "lambertiste", bien sporadique à l'époque, de ce qui allait devenir l'OCI].

« VOIX OUVRIERE »
LES LEÇONS DE NOEL
« On parle beaucoup, en cette pé­riode de fin d'année, de paix, de prospérité et de santé.
Mais ces souhaits, les vôtres, les nôtres ne peuvent, dans la société actuelle, être que des vœux pieux, ils ne pourront se réaliser que dans une société véritablement socialiste.
Encore faudra-t-il, pour qu'ils puis­sent se réaliser, que tous les hommes sincères se regroupent pour œuvrer à la construction d'un authentique parti ouvrier révolutionnaire. »

P. c. c.
Christian JUNG

Gayraud de Mazars a écrit :Salut camarade Com,

Fin décembre 1964, quelle belle revue de la presse révolutionnaire par VO !

com_71 a écrit : « LA LUTTE COMMUNISTE » organe du P.C.R. ( t ) [posadiste]
APPEL AUX TRAVAILLEURS OU MONDE ENTIER !
« Pour tenter d'enrayer, de désorga­niser la vague menaçante de la révo­lution montante, la bourgeoisie a eu recours à une ultime ruse. Ce 25 décembre a été chômé sous le fallacieux prétexte de célébrer Noël.
Nous appelons les travailleurs à s'organiser, à engager immédiatement la lutte contre cette provocation.
Boycottez les magasins de jouets.
Boycottez les réveillons».
Tous à l'usine ce jour-là !
Vive la révolution mondiale.
Vive le P.C.R. ( t ) . »


C'est sérieux Noël une provocation ? Etonnant appel à travailler à l'usine pour Noêl par les posadistes ! Déjà hors - sols et extra-terrestres dans leurs dires ?

Fraternellement,
GdM

Zorglub a écrit :La réponse est dans :
La presse de Noël, Revue (et corrigée)

Zorglub a écrit :Mon post et celui de GdM se sont transformés en citation.

J'ajouterais qu'on laissera aux autres être luthéro-trotskystes. Tant qu'à faire, nous sommes les Taborites, le Bundschuh, les Néo-Adamites, les Picards, les «Muntzeriens».
Autre chose qu'un PC qui voit Jésus en «communiste», pour le partage des pains et du vin. :mrgreen:
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Belles feuilles, Vladimir Nevsky (En Octobre)

Message par com_71 » 28 Août 2022, 10:53

Ecrit 15 ans après...
traduction automatique a écrit :V. NEVSKY, membre du Comité militaire révolutionnaire
EN OCTOBRE


Lorsque, dans les jours de juillet de la dix-septième année, notre parti, remplissant son devoir, s'est levé. le chef des masses, et quand une réaction insolente, momentanément victorieuse, a forcé nos organisations de parti à entrer dans une position illégale et semi-légale, et nous, c'est-à-dire les membres de l'organisation militaire du Comité central et du PC, ont été contraints de partager ce sort.
La police secrète de Kerensky ne nous favorisait pas du tout. Et jusqu'aux jours de juillet, j'ai remarqué la surveillance de mon appartement dans la maison de mon parent rue Torgovaya. Après les journées de juillet, ils commencèrent à s'intéresser à moi d'une manière si intense que je fus contraint de quitter l'atelier hospitalier de l'artiste, sous la verrière duquel j'étais placé.
Simplement, je devais (tout comme mes amis - N. I. Podvoisky et d'autres membres de l'organisation militaire) aller en prison ou me cacher.
Certains, en effet, se sont retrouvés en prison, et certains, dont moi-même, ont disparu pendant un certain temps.
Ayant changé mon apparence au-delà de toute reconnaissance, je suis parti pour les provinces et, profitant de cela, j'ai visité certaines organisations militaires provinciales afin de renforcer les liens que nous, le Centre de Saint-Pétersbourg, avions auparavant avec nos départements.
N. I. Podvoisky est resté à Saint-Pétersbourg et a développé une énergie sans précédent pour restaurer nos centres et organes auxiliaires détruits.
Nous devions à son énergie, son intelligence et ses talents le fait qu'au lieu de nos organes fermés - la Pravda et la Vérité des Soldats - l'Ouvrier et le Soldat ont commencé à apparaître. L'organisation militaire était redevable à son énergie et à ses talents d'organisateur du fait qu'après la défaite de juillet, non seulement elle s'est rétablie, mais est devenue encore plus forte et élargie.
Quand je suis revenu à Pétersbourg dix jours plus tard, j'ai vu le même Nikolai Ilyich énergique, joyeux et éternellement occupé, qui ne m'a pas laissé dire un mot ou deux et m'a immédiatement mis au travail.
Malgré de lourdes pertes en moyens et en personnes, notre organisation, passée à une position semi-légale, s'est rapidement redressée.
Nous avons été temporairement hébergés par le district de Narva du comité de Petrograd.
Bien que nous n'ayons pas d'endroit permanent et défini où nous pouvions vaquer à nos affaires militaires, le fait que les soldats venaient là où il y avait toujours beaucoup d'ouvriers entassés avait son côté utile : les ouvriers voyaient les soldats, écoutaient leurs conversations , s'est familiarisé avec eux et a compris que notre organisation militaire est une affaire sérieuse et importante. Ces ouvriers exprimaient souvent le désir de travailler avec nous, et de cette façon nous fusionnions de plus en plus étroitement notre organisation militaire avec les ouvriers.
En général, on ne peut pas imaginer que notre "militaire" était un semi-paysan, une organisation composée uniquement de soldats. Sans aucun doute, la grande majorité des régiments étaient composés de soldats paysans, mais dans chaque régiment et unité, il y avait des citadins, y compris des ouvriers. Tout d'abord, nous avons établi des contacts avec eux. Les ouvriers bolcheviks constituaient le chef dirigeant qui, au nom de notre centre militaire (le Bureau central panrusse des organisations militaires du POSDR (bolcheviks) à l'arrière et au front), contrôlait toutes les unités militaires.
Notre bureau était assez nombreux ; à côté de moi, N. I. Podvoisky, K. A. Mekhonoshin (qui a été arrêté dans les jours de juillet), pendant un certain temps, il comprenait également des camarades du Comité central. F.E. Dzerzhinsky, V.R. Menzhinsky,
A. S. Bubnov et ses camarades soldats et ouvriers des unités et régiments militaires (Elin, Zhilin, Belyakov et autres).
Quant aux trois personnes susmentionnées (Dzerjinski, Menjinski et Boubnov), elles ont été amenées au bureau du Comité central du Parti après juillet pour être surveillées, comme l'a dit Ya. M. Sverdlov. Comme me l'a dit Ya. M., qui me connaissait depuis des temps illégaux anciens et qui était très amical envers moi, certains membres du Comité central croyaient que nous, principalement notre trio - moi, N. I. Podvoisky et K. A. Mekhonoshin, - et aussi M. S. Kedrov, et ont été les inspirateurs du discours prématuré de juillet et les coupables de la défaite. Alors c'était ou pas, je vous le dirai quelque temps avant ma mort (si seulement je peux écrire des mémoires, qui ne sont pas encore intéressantes à écrire et il n'y a pas de temps), mais le fait est que pour la première fois après juillet et camarade. Dzerjinski et camarade. Bubnov était plusieurs fois dans notre commissaire militaire. Bientôt, cependant, ils ont cessé de nous rendre visite et Felix Edmundovich, en me rencontrant, a répondu à ma question: « Pourquoi avez-vous cessé de nous rendre visite ? » - a répondu: "Je n'ai rien à faire avec vous, car je suis convaincu que votre ligne est correcte et que vous faites très bien vos affaires."
En effet, ni lui ni Camarade. Boubnov n'est plus jamais venu vers nous.
Bientôt tout devint clair. Sverdlov nous a informés que, sur la suggestion du Comité central, il devrait se familiariser avec la situation du commissariat militaire, pour laquelle nous devions nous réunir.
N. I. Podvoisky, moi et quelqu'un d'autre, semble-t-il camarade. Khitrov, nous l'avons déjà rencontré à Liteiny, où nous nous sommes installés après avoir quitté la région de Narva. Tard dans la nuit, Yakov Mikhailovich est venu et, après s'être assis avec nous pendant deux heures et avoir parlé des affaires du commissaire militaire, il m'a dit amicalement au moment de se séparer :
« Eh bien, maintenant votre procès est terminé ! Tout va bien, "Fry with might and main", je ne demande qu'une chose : restez en contact avec moi !
- Quel tribunal ? ai-je demandé avec surprise.
- Eh bien, ça a flambé comme de la poudre à canon ! - Yakov Mikhailovich a fait remarquer encore plus amicalement. « Vous devez savoir que certains camarades étaient très mécontents de vous. Beaucoup de mots superflus ont été dits à ce sujet. J'ai été chargé de prendre connaissance de vos affaires. Eh bien, j'arrive. Je ne vous dirai qu'une chose de plus - quand cela m'a été proposé, Vladimir Ilitch, me rencontrant bientôt, il m'a dit : « Tu dois faire connaissance, tu dois l'aider, mais il ne faut pas qu'il y ait de pression ni de censure. Au contraire, il faut le soutenir : qui ne prend pas de risques, ne gagne jamais ; Il n'y a pas de victoire sans défaite."

Maintenant, je ne peux pas garantir la prescription des événements, l'exactitude du transfert des paroles de Ya. M. Sverdlov, mais je transmets leur sens plus ou moins correctement.
Certains camarades se demandent maintenant qui a été l'initiateur des événements de juillet - le Comité central ou une organisation militaire, ou le mouvement a-t-il éclaté spontanément.
À certains égards, cette question est sans valeur et doctrinaire. Bien sûr, le mouvement a mûri au plus profond des masses les plus larges, mécontentes de la politique du gouvernement bourgeois et assoiffées de paix. Bien sûr, ce mouvement, provoqué par les conditions objectives du processus révolutionnaire, a été pris sous la direction du Comité central par l'intermédiaire de notre organisation militaire et du PC, sinon il se serait soldé par notre défaite complète, bien que temporaire. C'est grâce à la direction décisive du Comité central que nous avons subi les plus petites pertes imaginables dans ces conditions.
Cependant, maintenant il n'y a rien à cacher que tous les dirigeants responsables de l'organisation militaire, c'est-à-dire principalement I. I. Podvoisky, qui écrit ces lignes, K. A. Mekhonoshy, N. K. Belyakov et d'autres travailleurs actifs, une influence et une autorité énormes dans les unités militaires ont contribué à l'humeur provoquée par les discours.

Si ma mémoire m'a trahi et que j'ai nommé incorrectement (bien qu'involontairement) les camarades mentionnés ci-dessus, alors je peux dire ce qui suit à mon sujet : bien que je sois un communiste ordinaire et ai joué un petit rôle dans la révolution, les camarades ne nieront pas que parmi les soldats, les masses me connaissaient et comptaient avec mes paroles comme avec les instructions d'une organisation militaire.

Et ainsi, lorsque l'organisation militaire, ayant appris le discours du régiment de mitrailleuses, m'a envoyé, en tant qu'orateur le plus populaire du commissariat militaire, pour persuader les masses de ne pas aller trop loin, je les ai persuadés, mais je les ai persuadés en de telle sorte que seul un imbécile pouvait conclure de mon discours que la manifestation ne devrait pas avoir lieu.
Je vous en dirai plus un jour, si je peux écrire une histoire de l'organisation militaire ; écrire cette histoire, même pour l'un de ses initiateurs, sans documents et sans l'aide de camarades, est au-delà du pouvoir, et il est si difficile de rassembler maintenant les camarades survivants...

En août, notre organisation a de nouveau travaillé avec force et force et nos relations se sont développées chaque jour.
Je ne décrirai pas les événements qui se sont déroulés en août et septembre (la campagne de Kornilov, par exemple), auxquels nous avons également pris une part active, je ne m'attarderai que, au moins brièvement, sur le travail que nous avons fait dans les unités militaires et en relation avec cela sur les usines et les usines.
Notre organisation était avant tout une organisation de masse : nous avions plus de cent mille membres dans nos cellules, y compris nos branches provinciales, et rien qu'à Saint-Pétersbourg, le nombre de membres atteignait cent mille. Et ce nombre de membres n'était pas sur papier ; il y avait des unités, comme par exemple des divisions de sapeurs ou blindées, où les soldats pénétraient dans nos cellules en compagnies et en bataillons. C'est compréhensible : dans ces unités, la grande majorité des soldats étaient des ouvriers hautement qualifiés. Et puisque notre organisation dans de nombreuses parties comprenait très souvent des représentants de l'état-major, encore une fois nommés dans les rangs (enseignes, sous-lieutenants, lieutenants, etc.), il n'est pas surprenant que très souvent lors de nos réunions publiques les soldats, entendant comment ils le commandant parle en solidarité avec les bolcheviks et les appelle à l'organisation, des dizaines sont venus nous voir avec une demande de les enregistrer en tant que membres.
La nature de masse de notre organisation est particulièrement visible dans nos journaux Soldatskaya Pravda et Soldat, dont les auteurs de nombreux articles étaient des soldats et des ouvriers ; le contenu de ces articles, rédigés dans un langage simple, était proche et compréhensible pour l'ouvrier et le paysan soldat, le journal était rédigé, distribué et imprimé par des camarades membres de notre organisation et de notre parti. Je n'oublierai jamais comment N. I. Podvoisky, cet incroyable organisateur des masses, a commencé la publication du journal Soldatskaya Pravda. Quand il m'a fait part de l'idée qu'il serait bon de commencer à publier un journal spécial pour les soldats et les paysans, j'ai répondu avec scepticisme à lui que nous n'avons pas les fonds pour cela et qu'il est peu probable que le Comité central trouve ces fonds.
Nikolai Ilyich n'a fait que sourire, et trois jours plus tard, des centaines de monoroues et de voitures militaires (et même, semble-t-il, plusieurs voitures blindées) ont parcouru la ville avec d'énormes affiches rouges sur lesquelles il était écrit: «Camarades ouvriers! Si vous voulez la victoire, vous aiderez le soldat. Faites un don au journal des soldats "Soldatskaya Pravda" !
Le soir après une telle opération, nous avions plusieurs dizaines de milliers de roubles dans notre caisse, et quelques jours plus tard, après la même chose dans les usines, nous avions déjà commencé à émettre Soldatskaya Pravda.
Et dans une affaire plus importante, désormais multipartite, au sens large du terme, l'organisation militaire a pris part : je veux dire la création de notre Garde rouge. Bien sûr, ce mot d'ordre venait du Parti et des masses laborieuses, bien sûr, chaque ouvrier, bien sûr, chaque ouvrier, était dépassé par le besoin de s'armer. le prolétaire alors, comme aujourd'hui, comprenait parfaitement que dans l'État il n'est une force, une vraie force réelle que lorsqu'il a un fusil à la main, lorsqu'à tout moment, sentant qu'on lui remet en cause ses droits sacrés de citoyen libre et indépendant. violé, lui, avec des camarades peut les défendre avec des armes à la main. Bien sûr, cela est vrai, tout comme il est vrai que le PC a vigoureusement propagé l'idée d'auto-armer les travailleurs, tandis que le gouvernement menchevik-socialiste-révolutionnaire a cherché à désarmer non seulement les travailleurs. On a réussi à saisir des armes , mais aussi des soldats...

Nous tous, les membres de notre bureau, y compris moi-même (bien que je n'aie toujours pas de ticket Garde Rouge), nous nous sommes efforcés de développer ce mouvement pour créer une Garde Rouge. Dans notre organisation, les premiers gardes rouges des quartiers se réunissaient souvent, nous organisions souvent les premières cellules de la garde rouge dans les quartiers, tandis que nos soldats volaient des fusils en pièces détachées et les remettaient aux ouvriers. J'ai également participé plusieurs fois aux premières réunions de la Garde rouge de la région de Vyborg, avec Camarade. Podvoisky et N.K. Belyakov.

Notre organisation militaire parmi la paysannerie a fait un très bon travail.
L'organisation militaire avait de grands liens avec le village à travers les soldats qui en faisaient partie. Pour la première fois, nous avons commencé à publier un journal paysan qui, à ma suggestion, a reçu le nom de "The Village Poor". Nous avons envoyé des agitateurs au village, des promeneurs paysans sont venus à nous. Des dizaines de milliers de lettres paysannes au journal sont encore probablement conservées par l'un de nos camarades, membres de la rédaction.
Notre organisation militaire était vraiment une organisation de masse et pas seulement, bien sûr, une organisation de soldats : de nombreux ouvriers qui comprenaient l'importance de concentrer la force militaire entre les mains du Parti travaillaient avec nous, dans nos cellules de district et de régiment. L'afflux de travailleurs est devenu particulièrement important avant octobre.
L'image habituelle dans les locaux de notre commissariat militaire était l'image d'une foule de gens entassés dans les salles : soldats, ouvriers, propagandistes, agitateurs - toute cette foule faisait du bruit, se déplaçait, se dépêchait, prenait des journaux, des tracts, des livres, se déversait dans la pièce et en sortait. Voici un soldat qui ficelle une pile de journaux, la jette sur son dos et, en gémissant, se dirige vers la sortie pour se diriger vers son unité ; ici l'ouvrier exige de leur envoyer immédiatement un agitateur à l'usine, puisque l'escouade militaire de soldats vient de refuser d'obéir à l'officier des Cent Noirs et il faut user de cette humeur. Voici un autre ouvrier réclamant de la littérature à distribuer dans une unité militaire située à côté de l'usine. Ici, une fille, selon les mots d'un soldat des gardes, écrit une histoire sur les abus de leur capitaine, là un soldat, tenant un crayon avec des doigts maladroits, écrit une correspondance à notre journal. Dans un coin, un groupe d'ouvriers négocie déjà pratiquement avec deux soldats sur la manière d'organiser le retrait des fusils de l'arsenal, dans l'autre coin, des paysans en arménien, en chaussures de raphia, en chapeaux clairs sont assis sur un banc et lentement mâchant du pain, et devant eux un jeune soldat s'agite et hâtivement quelque chose puis il essaie de convaincre les vieux. Ce sont des paysans promeneurs du village, parcourant la terre ; et le fils de soldat ne pouvait penser qu'à nous amener les vieillards pour avis.
Bruit, bousculade, de plus en plus de groupes de soldats et les ouvriers affluent dans nos locaux de Liteiny, les appels téléphoniques incessants des quartiers, les rapports du moindre événement dans l'unité, discutant immédiatement des événements les plus importants de la vie politique actuelle - c'est l'image habituelle de notre époque. Mais même la nuit, notre commissaire militaire ne s'endormit pas. Plus le dénouement approchait, plus la vie de notre organisation devenait de plus en plus nerveuse, bouillonnante et bruyante.
De plus en plus souvent, je devais passer la nuit chez un commissaire militaire ou chez un camarade à proximité, et on sentait que maintenant ce faux passeport, qui devait être introduit après juillet, n'était plus utile. Nous avons travaillé fébrilement pour étendre davantage nos liens.
Cela devait être fait, puisque nous comprenions parfaitement que dans la lutte à venir, nous, c'est-à-dire la masse des soldats armés, avec une petite partie des ouvriers armés, sous la direction de notre parti, serions le bélier physique qui était destiné à détruire les places fortes du pouvoir bourgeois qui nous est hostile.
De plus en plus souvent, nous discutions de cette question dans le cercle restreint de notre bureau, sans exagérer le moins du monde notre rôle, bien sûr, mais en comprenant bien en même temps ce que l'histoire nous avait confié d'une tâche responsable. Non seulement nous n'avons pas bougé le nez, mais, au contraire, nous avons bien compris combien il restait encore à faire - renforcer et élargir nos liens entre les soldats, en créer de nouveaux, armer le plus d'ouvriers possible, en leur tendant des fusils et des revolvers, pour obtenir un contact encore meilleur avec le front.
Pendant ce temps, la situation devenait de plus en plus tendue. C'était comme si la fin était proche.
Il n'y avait pas un tel sentiment en été. Et maintenant, fin septembre et début octobre, ce sentiment et cette attente des événements futurs étaient partout et en chacun.
Quand les réunions se terminaient, quand les salles se vidaient et que les derniers sons des discours des agitateurs s'éteignaient, quand les ouvriers rentraient chez eux et que le silence revenait dans les rues des faubourgs, alors dans ce silence il y avait une sorte de vigilance, un l'attente de quelque chose d'extraordinaire, d'inhabituel. Ce silence semblait attendre avec sensibilité quelque chose.
Tout le monde comprenait instinctivement que quelque chose de grand se cachait dans ce silence, le germe de certains événements futurs extraordinaires.
Nous sommes tous membres de nos organes révolutionnaires centraux : le Comité Central, le PC, l'organisation militaire et les membres de nos organisations d'usine et d'usine, tout le monde, de la haute direction au prolétaire à la machine-outil, a parfaitement compris que l'action du prolétariat était inévitable.
Tout le monde comprenait parfaitement que notre ennemi de classe était réveillé et se préparait activement à étrangler la révolution. De nombreux faits confirmaient cela; le gouvernement Kerensky a commencé à mettre en œuvre un plan de retrait de la garnison à l'esprit révolutionnaire de la capitale ; au contraire, des unités cosaques réactionnaires sont venues dans la capitale. Des mesures ont également été prises au front - les unités révolutionnaires agitées ont été dissoutes, les moindres tentatives de protestation ont été réprimées. Le gouvernement caressait le rêve d'étouffer la révolution dans l'œuf en livrant Petrograd.
Entre-temps, des nouvelles arrivaient de plus en plus souvent des provinces sur le mouvement croissant des paysans, la saisie des terres des propriétaires terriens et la volonté spontanée de résoudre arbitrairement la question foncière séculaire.
Tout le monde a compris qu'une explosion générale n'était pas loin, qu'il fallait s'y préparer si l'on ne voulait pas être en dehors de l'histoire.
Il fallait un appel autoritaire de quelqu'un, une indication, une définition de cette chose principale et essentielle qui caractérise le moment actuel.
Et une telle indication a été donnée dans la résolution du Comité central, qui a déclaré qu'"un soulèvement armé est inévitable et pleinement mûr" et que "le Comité central invite toutes les organisations à s'inspirer de cela et, de ce point de vue, à discuter et résoudre toutes les questions pratiques."
Influencée par toute la situation du jour et acceptant comme guide la résolution du Comité central, notre organisation de Saint-Pétersbourg convoqua cette réunion historique qui eut lieu le 15 octobre 1917, c'est-à-dire dix jours avant la révolution.
Lors de cette réunion, des rapports ont été entendus: du Comité central - camarade. Bubnov et de l'organisation militaire - la mienne. Tov. Bubnov a formulé son opinion de cette manière : « Nous sommes à la veille du discours... Quant à notre situation, il faut dire que tout est en jeu. Six mois de révolution ont conduit à l'effondrement. En conséquence, les masses populaires commencent à attaquer tout le monde et tout ... Pour sauver la révolution, nous devons prendre le pouvoir entre nos mains ... Tous les éléments du soulèvement sont donnés, et si nous en sommes convaincus, alors toutes les forces doivent être prêtes à l'action.
Dans mon rapport, je suis également parti du postulat que "le moment de l'action armée est venu".
C'était bien sûr clair, tout comme il était clair que les ouvriers de Saint-Pétersbourg se lèveraient à notre appel comme un seul homme. Mais nous, c'est-à-dire les organisateurs et les dirigeants de la garnison révolutionnaire de la capitale, étions sobrement conscients de l'énorme importance d'une préparation complète et approfondie d'un soulèvement pour le succès de notre cause.
"Nous devons nous rappeler," dis-je, "que notre offensive ne gagnera que si nous avons un énorme avantage dans les premiers jours."
J'ai également invité les camarades à réfléchir au rôle que la paysannerie la plus pauvre d'esprit révolutionnaire et les provinces en général devraient jouer dans la révolution.
Nous, qui étions au milieu des masses de soldats, avons dirigé la garnison à travers nos cellules de parti, organisées par nous dans chaque unité, nos forces et nos faiblesses étaient clairement visibles.
Bien sûr, nous avons parfaitement compris que les ouvriers se lèveraient à l'appel de notre parti, mais nous avons compris qu'il nous fallait aussi la force armée, cette force physique des mitrailleuses et des fusils, des blindés et de l'artillerie, sans laquelle la victoire était impossible.
Autant que je m'en souvienne, notre garde rouge possédait un petit nombre de fusils. La plupart d'entre eux se trouvaient, bien sûr, dans les plus grandes usines ; par exemple, à l'usine Obukhov, il y avait 500 canons; dans le sous-district de Lesnovsky, il y avait 84 fusils et dans le district de Gorodsky, il y avait des usines qui avaient cent vingt fusils chacune. La Garde rouge avait même une mitrailleuse et une voiture blindée (dans la même usine d'Obukhov). Au mieux, nous disposions de mille ou deux fusils, tandis que l'ennemi disposait de toutes sortes d'armes. Certes, dans les grandes usines, les gardes rouges se comptaient par milliers.
Pour la victoire de la révolution, les détachements armés des travailleurs, bien sûr, étaient d'une importance énorme, primordiale.
Mais derrière tout cela - la garnison, les troupes ont décidé de l'affaire. Je veux dire, bien sûr, la force militaire, qui était finalement dirigée par le parti.

C'est pourquoi l'organisation militaire, qui connaissait bien l'état d'esprit de toutes les unités militaires, les nôtres et les hostiles, connaissait toutes les branches des troupes que nous avions à notre disposition, exhortait, en tenant compte des moindres détails, à se préparer soigneusement, dans la mesure que possible, pour s'assurer un avantage dans les premiers instants de l'insurrection. C'était d'autant plus important qu'il ressortait des rapports des représentants des districts que l'ambiance n'était nullement militante dans tous les districts.
Sur les dix-neuf districts, seuls huit représentants ont exprimé leur ferme confiance que les districts, au premier appel, agiraient fermement et résolument ; les représentants de six (dont un tel que Vyborgsky) ont déclaré que l'humeur des masses était indécise et dans l'expectative, tandis que les représentants de cinq ont directement déclaré qu'il n'y avait aucune volonté d'action. Parmi ces derniers figuraient Vasilyevsky, Narvsky et Okhtensky.
La réalité a montré que les représentants des districts se trompaient, que dès que le Parti et le Soviet de Pétrograd appelaient les ouvriers à la révolte, ils se lançaient dans la lutte avec toute leur masse. A la veille du soulèvement, cela devint clair pour tout le monde, mais, dix jours avant le soulèvement, cela ne semblait pas le cas. C'est pourquoi nous avons appelé à des préparatifs particulièrement sérieux, à un calcul minutieux des forces, à leur accumulation afin de l'emporter sur l'ennemi, au développement d'une activité d'organisation et d'agitation intensifiée dans les secteurs arriérés du front.
Certains camarades ont alors estimé que nous étions trop prudents. Personne n'aurait osé nous soupçonner d'être contre l'action, car nous avons maintes fois prouvé qu'à l'appel du Parti, nous sommes prêts à agir à tout moment et en toute circonstance.
Mais notre expérience (surtout au cours des journées de juillet) nous a montré ce que signifie manquer de préparation minutieuse et de supériorité des forces. Et c'est pourquoi nous avons tant insisté pour prendre en compte toutes nos forces et les forces de l'ennemi. Cette circonstance apparaissait à certains de nos camarades impatients comme un entêtement et un doctrinarisme incompréhensibles. Certains des camarades, qui ne croyaient pas au succès, espéraient que l'appel à une préparation approfondie par l'organisation militaire ferait traîner complètement la question de l'action, et peut-être qu'elle n'aurait pas lieu.
Et c'est ainsi que ces camarades ont réalisé qu'ils ont commencé à "agir" sur nous. Un soir, j'appris que Zinoviev voulait me voir. C'était quelques jours avant l'action.
Un ami de MI Kalinin est venu me voir et m'a demandé de le voir sur une question importante. J'acceptai et nous partîmes en prenant soin de ne pas être suivis par des espions. Arrivé au camarade. Kalinine et l'ai salué amicalement, j'ai, à ma grande surprise, soudainement vu G. E. Zinoviev entrer. Bien qu'il ait changé d'apparence, je l'ai immédiatement reconnu. Me serrant cordialement la main, il commença à m'interroger sur l'état et l'humeur de la garnison de Petrograd. Malgré le fait que j'ai décrit l'humeur combative de la garnison, après m'avoir écouté, Zinoviev est arrivé à la conclusion que notre victoire n'était pas garantie et qu'il n'était donc guère nécessaire de marcher.
J'ai exprimé mon opinion que, que cela nous plaise ou non, l'affaire est allée si loin que l'action aura toujours lieu et la révolution nous emportera si nous ne parvenons pas à diriger le mouvement. Tov. Kalinine, qui avait gardé le silence tout le temps, me soutenait maintenant chaleureusement et me conseillait de me préparer encore plus intensément au combat, car le soulèvement n'était pas loin.
Cependant, nous n'avons pas réussi à convaincre Zinoviev.
Pendant ce temps, les vagues de la révolution montaient de plus en plus haut.
Chaque jour, je devais visiter presque toutes nos principales unités régimentaires, même si l'un de nos camarades exceptionnels travaillait dans chacun des régiments. Donc, je me souviens que trois jours avant le coup d'État, j'étais dans le régiment de grenadiers, où le TT jouait un rôle très important. K.A. Mekhonoshin et Dzevaltovsky. Le régiment de grenadiers était connu pour le fait qu'une partie de ses commandants et soldats ont été jugés par Kerensky pour avoir prétendument refusé d'avancer près de Tarnopol.
À la suite du procès, Dzevaltovsky a été acquitté, mais plus d'une centaine de soldats bolcheviks se sont retrouvés dans la prison de Kamenetz-Podolsk et y sont restés jusqu'à la révolution d'octobre elle-même. Quand je suis arrivé à la caserne, le régiment était bruyant comme une ruche. Le fait est que des camarades soldats, délégués du Soviet de Petrograd, ont fait rapport à la réunion.
Certains d'entre eux, les paysans, disaient à leurs camarades, paysans comme eux, dans leur langage simple que le gouvernement retardait criminellement la solution de la question agraire et que tous les ouvriers, soldats et paysans étaient convaincus d'une chose : il faut renverser Kerensky. et le pouvoir entre leurs mains.
Les soldats étaient bruyants, certains d'entre eux ont proposé de partir immédiatement, et il a fallu beaucoup d'efforts pour calmer cette masse déchaînée.
Avant que j'aie eu le temps d'arriver chez moi à Liteiny du régiment de grenadiers, j'ai été appelé au régiment Jaeger. Il y avait la même photo. Ensuite - j'ai dû visiter le régiment Volynsky, à Pavlovsky, près des voitures blindées.
Et cela devait être fait non seulement par moi, mais aussi par d'autres camarades - Podvoisky, Belyakov, Mekhonoshin, Khitrov, Anokhin et, en général, tous les membres de l'organisation militaire.
Nous avons quand même réussi à retenir les masses. Nous avons réussi parce que dans presque tous les régiments nous avions un noyau très fort de soldats bolcheviks.
Je me souviens, en quelque sorte, déjà, semble-t-il, le 23, j'ai été appelé au régiment Volynsky. Il y avait beaucoup de paysans ukrainiens ici. Quand je suis arrivé, il s'est avéré que les camarades voulaient simplement démontrer qu'ils étaient prêts à agir au premier ordre de l'organisation militaire.
Nous avions une organisation solide dans le régiment de Volhynie, et nous en avons profité pour effectuer des reconnaissances dans le camp de l'ennemi. Même avant le 25 octobre, mais déjà au moment de la formation du Comité militaire révolutionnaire, dont moi, Podvoisky et nos autres camarades étions membres, nous avons décidé d'envoyer de certains régiments, y compris de Volynsky, où l'équipe de mitrailleurs et la 8e compagnie était entièrement à nous, délégations de soldats au quartier général du district militaire avec une demande de reconnaissance du contrôle du Comité militaire révolutionnaire sur le quartier général.
J'ai écouté le récit des délégués qui sont revenus du quartier général lorsque je suis arrivé au régiment Volynsky. Selon les camarades, il y avait confusion et confusion au quartier général: il était très difficile de se rendre auprès du colonel Polkovnikov, les généraux et les adjudants de service parlent toujours au quartier général des unités individuelles, mais on sent que leur grandeur est une peur mal cachée des événements imminents; personne ne sait rien, des ordres sont donnés qui s'entre-détruisent, ses propres forces sont ou exagérées ou subitement diminuées, on parle des préparatifs des bolcheviks avec horreur, puis avec un haussement d'épaules méprisant, mais en général il y a de l'incertitude, peur et un désir fou - mettre fin rapidement à une telle position intermédiaire indéfinie.
Plusieurs reconnaissances de ce genre ont été faites et nous étions convaincus que Kerensky n'avait plus de véritable puissance militaire. Ses appareils s'étaient décomposés, ce n'était déjà plus qu'un organisme mécaniquement lié, l'esprit qui le ranimait s'était déjà envolé.
Je me souviens que deux jours avant l'insurrection, j'étais dans le régiment Pavlovsky. Bien que je portais une veste militaire kaki, un capitaine m'a arrêté.
« Je sais que tu es un agitateur bolchevique, me dit-il, je te laisse partir, mais dis-moi, que veux-tu ? Après tout, ce que vous promettez au peuple, c'est de la folie, c'est de l'anarchie...
Au lieu de répondre sur ce que nous voulons, je lui ai peint de couleurs vives la décomposition du pays - l'économie, les transports et, surtout, l'armée.

Au final, j'ai essayé de montrer qu'il n'y a plus de pouvoir, il n'y a qu'une compagnie et l'acteur Kerensky.

"Oui," acquiesça vivement le capitaine. - C'est vrai. N'importe quel type de pouvoir est meilleur, mais seulement ferme. Des travailleurs sombres et ignorants le créeront-ils ?
"Oh, ne t'en fais pas," répondis-je, "tu ne le regretteras pas."
A ce moment, une dizaine de soldats bolcheviks, membres de notre organisation, ayant appris que j'étais détenu, vinrent demander ma libération. Je rassurai mes camarades et, m'inclinant ironiquement devant le capitaine, dis :
- Pour le pouvoir ferme des bolcheviks !
Contrairement à la décadence et au laxisme de l'appareil gouvernemental, l'incertitude et le désespoir de son agence, Camarades, dans notre pays, à partir de Smolny avec son Comité militaire révolutionnaire et se terminant par chaque usine, chaque usine, chaque unité régimentaire, chaque plus petite cellule, il y avait un enthousiasme universel, une confiance dans le succès, une ferme détermination à agir jusqu'au bout.

Maintenant, quinze ans plus tard, les gens qui n'ont pas pris part à la lutte ne comprennent pas ce qu'il en est de ce chaos général, de la fermentation, des foules innombrables de gens qui ont rempli le Smolny, des usines, des salles de club, des casernes, comme si un gouvernement vraiment puissant a été soudainement créé, qui a réussi à mettre de l'ordre et de l'organisation dans la mer humaine turbulente.
Ces gens ne comprennent pas l'essentiel, à savoir que nous, le parti du prolétariat révolutionnaire, étions les porte-parole de l'ensemble des plusieurs millions de travailleurs, de leurs aspirations, de leurs espoirs, que chacun de nous, promu par les événements au sommet , a été promu précisément parce qu'il savait mieux, plus complètement et plus parfaitement que d'autres exprimer ces aspirations des masses, parce que chacun de nous ne pensait pas à lui-même, à tout moment il était prêt à mourir pour ces intérêts des travailleurs , parce que les masses l'ont vu et compris et, se sacrifiant elles-mêmes, ont cru en nous, cru en cette disponibilité de chacun de nous à se dissoudre, à mourir dans cet océan d'abnégation héroïque et sans précédent.
Chaque travailleur, chaque soldat, tous les travailleurs ont vu et compris que nous nous battons pour le pouvoir, non pour nous-mêmes, non pour nos intérêts étroitement égoïstes, non pour boire et manger nous-mêmes des sucreries alors que des dizaines de millions de personnes meurent de faim, mais que nous vivons de la même manière, comme ces dizaines de millions, en cas de besoin, donnent leur vie pour leurs intérêts et leurs besoins.
Ils nous ont obéis et nous ont suivis, non pas parce que nous menaçions de prisons, de torture et d'exil, mais parce que nous avons été mis en avant par ces masses pour mettre fin aux prisons, à la torture et à l'exil, et pour créer un royaume de travailleurs sans précédent. avec une liberté et un bonheur illimités.
Nous avons activement préparé le soulèvement. Il y avait tellement de travail qu'il fallait maintenant souvent passer la nuit chez le commissaire militaire de Liteiny. Nous, c'est-à-dire Podvoisky et moi, étions très inquiets du fait que nous n'étions pas particulièrement bien pourvus par Vyborg et la Finlande en général, et là, soit dit en passant, il y avait des marins et de l'artillerie.
Une nuit, peu de temps après ma rencontre avec Zinoviev, j'étais sur le point de m'allonger pour me reposer chez le commissaire militaire, quand A. V. Shotman a grandi devant moi, comme s'il venait du sol.
Il est venu me dire que V. I. Lénine veut me voir de toute urgence.
Inutile de dire que j'ai suivi Camarade avec une grande joie.
Avec toutes les précautions, nous arrivâmes à l'endroit où nous attendait Vladimir Ilitch.
Je ne répéterai pas ici ce que j'ai déjà dit ailleurs.
Je mentionnerai seulement qu'après avoir discuté avec Vladimir Ilitch de l'état de nos forces militaires, nous sommes arrivés à la conclusion que je devais immédiatement me rendre à Helsingfors et Vyborg afin d'élaborer avec nos camarades Dybenko et Smilga un plan d'action unifié et, plus important encore, pour assurer le soutien de ceux situés dans les unités d'artillerie de Vyborg.
Mon voyage devait d'ailleurs avoir lieu rapidement et dans l'urgence, de manière à pouvoir revenir au plus tard le 24e jour, qui était prévu comme le jour du début de l'insurrection.
Cette conversation avec le professeur et leader, ses conseils, sa sagesse, sa fermeté, sa prévoyance et en même temps sa simplicité et sa sincérité resteront à jamais dans ma mémoire le meilleur souvenir de ma vie.
Je suis un membre ordinaire du parti, je suis un petit rouage dans la puissante organisation du prolétariat, j'ai en quelque sorte ressenti physiquement le génie du chef, sa capacité à comprendre non seulement les constructions théoriques les plus complexes, mais aussi les moindres détails de la configuration complexe de nos forces militaires.
Des pensées brillantes et, à côté de cela, les conseils les plus étroitement pratiques sur les affaires de notre armée, des arguments écrasants pour s'exprimer et, en même temps, l'étonnante capacité d'un camarade plus âgé à pénétrer dans vos petits besoins et intérêts personnels.
J'ai senti d'une manière ou d'une autre clairement et évidemment qu'ici, à côté de moi, se trouve ce chef, ce puissant centre intellectuel, d'où mille fils partent vers nous tous et vers lequel, à leur tour, convergent les innocents.
Vaguement et mystérieusement sont ces connexions organisationnelles, cette volonté, sans laquelle aucune grande action n'est possible.

Je suis retourné à Petrograd le 24, et dans la même nuit, du 24 au 25, le soulèvement a commencé.
Il est difficile aujourd'hui de restituer dans la mémoire le cours exact des événements, et ce n'est plus mon rôle maintenant, d'être historien, mais seulement l'un des participants ordinaires aux grands événements qui ont secoué le monde.
Je ne vais donc pas donner un aperçu cohérent des événements, ni un récit détaillé de ce que j'ai fait personnellement, mais je vais raconter cette impression et ces quelques épisodes qui ont maintenant refait surface dans ma mémoire.
Personnellement, j'ai considéré et considère toujours la lutte armée comme une nécessité cruelle, sans laquelle il n'y a aucun moyen de résoudre les maudits problèmes du monde capitaliste moderne.
Cependant, en ces jours mémorables, il n'y avait pas de temps pour ces arguments pacifistes. Comme tous les militaires, je me suis armé. L'un des premiers actes importants du Comité militaire révolutionnaire a été d'exécuter l'ordre de notre organisation militaire d'occuper le quartier général du district militaire de Petrograd.
N. I. Podvoisky a rapidement organisé un détachement de combat consolidé de nos soldats et ouvriers. Dans ce détachement, un membre de notre organisation, un militaire et un ancien ouvrier de l'usine Rozenkranz, camarade. A. A. Anokhin. Sous sa direction, ainsi qu'avec la participation de feu Sklyansky, le détachement, divisé en deux parties, occupait le quartier général.
Le regretté Sklyansky est entré dans le quartier général par l'escalier principal et le camarade. Anokhin occupa toutes les autres issues et entra aussi rapidement dans la pièce avec ses camarades. Les premiers au quartier général n'avaient d'autre choix que de se soumettre à une nécessité sévère et de rendre leurs armes.
Je ne me souviens pas qui était le commissaire du quartier général au début, mais quoi, en fait, camarade. Anokhin, j'ai bien gardé cela dans ma mémoire.
Le détachement qui occupait le quartier général était organisé à partir des forces de l'organisation militaire et, autant que je me souvienne, du commissaire militaire.

Dans la soirée, avec quelques camarades, j'étais sur le territoire du Champ de Mars, où le régiment de Pavlovsk et sa caserne de Pavlovsk étaient l'une de nos bases. Étant allé à Smolny, j'ai participé à la discussion des plans offensifs, à l'élaboration desquels NI Podvoisky a pris une part active, et à huit heures, j'étais de nouveau sur le Champ de Mars.
À neuf heures, les Volyniens, au nombre de plusieurs centaines de personnes, et d'autres unités se sont approchés du Champ de Mars. Dzevaltovsky et nos autres camarades étaient dans le régiment Pavlovsky.
Toutes les minutes, d'autres unités militaires et détachements de travail s'approchaient de la caserne du Champ de Mars. Pavlovtsy et Volhynians communication parfaitement organisée.
Une nuit sombre du nord avec un vent froid a contribué à faciliter nos préparatifs.
La nuit, l'offensive a commencé et le premier bastion de Kerensky - le Palais d'Hiver - a été pris.
J'étais au Palais d'Hiver au moment de sa prise et je dois témoigner que le peuple victorieux triomphant ne s'est pas souillé d'un seul mauvais acte antisocial, ni pillage, ni violence. Au contraire, un tel épisode est resté gravé dans ma mémoire : un soldat, apparemment un des paysans, frappé par le luxe de la situation, a décidé de tâter le rideau de soie avec ses mains. Un ouvrier debout juste à côté de lui semblait vouloir l'arracher, et l'ouvrier a visé avec colère et a tiré sur le soldat. Si ma main n'avait pas frappé la main de l'ouvrier, le soldat aurait été tué. L'orgie du vin a commencé bien plus tard; Profitant des éléments lumpen-prolétariens, la contre-révolution bourgeoise des premiers jours après la Révolution d'Octobre a tenté de perturber le cours normal de la vie en pillant les caves à vin, etc.
A l'aube, laissant ma carabine (que je garde toujours comme relique) au commissaire militaire, avec un revolver je suis allé à Smolny, et déjà le 25 octobre ou 2.6 on m'a confié, avec le camarade. Belyakov du commissaire militaire, ainsi que du camarade. Moskvin, capturez la jonction ferroviaire.
Alors que d'autres camarades, y compris, semble-t-il, camarade Bubnov, occupait le Bureau central des chemins de fer, je suis avec un camarade. Belyakov a opéré sur des parties séparées de l'assemblage.
Je ne me souviens plus combien de jours, comment et avec qui j'ai eu affaire à tout cela, je me souviens seulement, comme dans un brouillard, de la réunion du Comité militaire révolutionnaire, de ses ordres rapides et décisifs pendant la lutte au Avant Tsarskoïe Selo, lors de la liquidation du soulèvement des junkers, je me souviens comment nous tous deux, trois jours plus tard, sans sommeil, sans nourriture, souvent sans tabac, avons atteint la folie.
Comme maintenant je me souviens de TT. Galkin et Skrypnik, qui ont perdu des forces à cause du stress et de l'insomnie, mais qui sont restés debout.
— Camarades ! Je me suis tourné vers eux. - Nous avons besoin d'un ordre pour nourrir notre détachement sur la route de Nikolaev.
- Et quoi? demande Skrypnik avec des yeux flous. - Déglingue le!
- Qu'est-ce que vous! Qu'est-ce que tu es, Mikola ! Réveillez-vous! C'est Nevsky ! - lui dit Galkin en riant.
— Ah, Nevski ! Skrypnik répond et, se retournant brusquement, il va quelque part pour donner des ordres.
Je me souviens de Podvoïsky, joyeux comme le soleil, bouillant, énergique, et chaque fois il avait le temps d'être en mille endroits, de ne rien laisser sans surveillance, sans indication.
Je me souviens de centaines d'autres camarades, une phalange de jeunes, puis de vieux bolcheviks, cette vieille garde, qui a non seulement réussi à éduquer la jeune génération de combattants, à partir des années 90, mais qui s'est elle-même retrouvée à l'avant-garde de ces combattants d'Octobre 1917.
Membres du Comité central et du PC, membres des comités de quartier, membres de base de l'organisation, ouvriers des quartiers, soldats, notre jeunesse révolutionnaire, nos vieux, la fleur de notre vieille garde, la classe ouvrière de la capitale - tous étaient à leur place.
Des camions remplis d'ouvriers d'usine, de soldats se déplaçant en échelons, de voitures blindées, de cuisines de campagne, d'artillerie, d'ouvriers, même d'adolescents - un chaos de mouvements et de personnes, un chaos de pensées et de situations, et par-dessus tout la classe ouvrière, qui a réussi à gagner avec leur enthousiasme, a une énorme volonté de gagner l'altruisme et l'héroïsme à la fois dans la capitale et près de Tsarskoïe, et pendant le soulèvement des junkers, et à la poste, et à la centrale électrique, qu'ils ont essayé de mettre en grève, et sur les chemins de fer - qui attiser la soif de lutte, qui captiver, convaincre, qui réprimer par la force des armes.
Épuisé et fatigué, comme tout le monde, désemparé, sans sommeil, quelques jours plus tard, je titubais dans les couloirs du Smolny avec une seule envie : m'allonger et dormir.
Soudain, un homme d'une stature énorme vient vers lui, et derrière lui se trouvent quinze jeunes hommes avec des fusils.
«Ah, vous êtes là!» hurle le géant, et une minute plus tard il m'étrangle dans ses bras.
Je reconnais le Dr Ispolatov (aujourd'hui décédé), un révolutionnaire bolchevique élémentaire.
"Ici, j'ai découvert le soulèvement", crie le médecin, "il a sorti les fusils que j'avais cachés en 1905, a rassemblé les gars et vient ici!" Aujourd'hui, je suis arrivé et j'étais déjà chez Lénine.
Les «gars» sourient, leurs dents et leurs museaux brillent et toutes leurs silhouettes respirent avec la volonté de mourir pour la cause des Soviétiques. Nous organisons une rencontre avec un médecin qui s'est précipité des profondeurs de Tambovya, et je cours m'endormir.
Je ne sais pas si j'ai dormi longtemps ou pas, mais tout à coup j'ai été réveillé par du bruit et des paroles. Quand j'ai repris mes esprits, j'ai vu Rykov, Zinoviev et plusieurs autres personnes partageant les mêmes idées. Il y a eu une discussion sur la situation qui s'était produite à la suite de leur discours bien connu.
J'ai quitté la salle indignée de cette rencontre. Trouver quelque part un coin isolé, je me suis finalement endormi comme une bûche.
En me réveillant le lendemain, je me suis à nouveau jeté dans le maelström de la lutte ; Le 14 novembre, Lénine a signé un décret nommant feu M. T. Elizarov comme commissaire des communications et un second décret me nommant membre du collège. Je ne voulais pas ça. Je ne voulais occuper aucun poste élevé, il me semblait que je n'étais pas un employé du bureau, mais des masses. J'ai fait de mon mieux pour échapper à cette mission.
Mais convoqué par V. I. Lénine, après avoir écouté ses arguments, j'ai implicitement obéi à l'ordre.
Un jour, une autre fois, je vous raconterai comment nous avons dû conquérir les chemins de fer au lendemain de la révolution, et maintenant, pour terminer ces notes superficielles et désordonnées, je veux raconter un petit épisode.
Nous, déployant tous nos efforts, avons mené une lutte contre nos ennemis, nous avons pris le pouvoir, en nous appuyant sur la volonté monolithique de tout notre Parti d'aller jusqu'au bout. Et soudain un groupe de vieux camarades responsables s'oppose à la ligne générale du parti : Nous nous rappelons tous comment le parti a traité ces camarades : il les a condamnés et a dit, appréciant leur action : "Le parti est fort et fort même sans vous."

Une fois, marchant dans le couloir du Smolny, j'ai rencontré l'un des chefs du groupe, mon vieil ami, qui avait autrefois travaillé avec moi à Saint-Pétersbourg. Il m'a arrêté et, après avoir parlé de la situation, m'a dit :

« Et que direz-vous, Vladimir, si je commence à publier un journal pour soutenir notre ligne.
J'étais sur le point de répondre à mon vieil ami, quand soudain... je n'ai pas pu me retenir et j'ai éclaté de rire. Derrière mon ami se tenait Vladimir Ilitch et, souriant avec bonhomie, dit :
- Un journal? Oui Monsieur! Oui Monsieur!
Mon ami se retourna et une rougeur épaisse couvrit son visage. Comme une balle, il fila dans une autre partie du couloir.
Vladimir Ilitch m'a salué et m'a dit avec bonhomie :
- C'est rien. Ils reviendront vers nous. Nulle part ailleurs.
Pour une raison quelconque, je me suis souvenu de ce petit épisode, quand je me suis demandé pourquoi nous avions gagné en octobre.

Je sais que les causes historiques d'un processus social naturel ont conduit la classe ouvrière du monde entier à lutter contre la bourgeoisie, que les conditions particulières de notre histoire nous ont conduits à la révolution socialiste et au socialisme plus tôt que d'autres pays avancés, que les l'existence d'un parti tel que le parti de Lénine et, enfin, le travail, la direction et le génie d'un chef comme Lénine ont assuré notre victoire, tout cela, je le sais bien. Mais je veux seulement souligner à quel point notre Parti était fort, puissant, à quel point la direction de Lénine était brillante, à quel point était forte la confiance dans la victoire, que les hésitations et les hésitations de certains bolcheviks, même à l'époque de la lutte armée pour le pouvoir, pouvaient pas embarrasser ni Ilyich ni le parti, et ils étaient profondément convaincus que les égarés et les tremblements, convaincus de leurs erreurs, reviendraient à nous.

Grand, glorieux, puissant, le seul parti du prolétariat révolutionnaire, le parti de Lénine, le parti d'Octobre, l'avant-garde de la révolution communiste mondiale !
Heureux celui qui a joué ne serait-ce qu'un petit rôle dans la Révolution d'Octobre, heureux celui qui a combattu sous votre direction ces jours-ci.
Sur les tombes des combattants tombés, nous mettrons nos têtes à nu.
Avec le grand parti de la classe ouvrière, en avant vers les victoires futures !

Note

De manière générale, je ne prétends pas à l'exactitude absolue des faits que je présente. L'histoire de l'organisation militaire n'est pas encore écrite, il faut l'écrire, comme l'histoire de la Révolution d'Octobre, avec des documents en main. (Note de l'auteur.)

http://www.rummuseum.info/node/5739
entrée Wikipédia : https://en-m-wikipedia-org.translate.go ... r_pto=wapp
le long article de MV. Zelenov sur V. Nesky : https://opentextnn-ru.translate.goog/ol ... #_ednref79
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Belles feuilles, Trotsky, Testament 27/02/1940

Message par com_71 » 22 Sep 2022, 08:16

TESTAMENT

Ma haute (et sans cesse montante) pression sanguine trompe mon entourage sur mon réel état de santé. Je suis actif et capable de travailler, mais l'issue est manifestement proche. Ces lignes seront rendues publiques après ma mort.

Je n'ai pas besoin de réfuter une fois de plus ici les stupides et viles calomnies de Staline et de ses agents : il n'y a pas une seule tache sur mon honneur révolutionnaire. Je ne suis jamais entré, que ce soit directement ou indirectement, dans aucun accord en coulisse, ou même négociation, avec les ennemis de la classe ouvrière. Des milliers d'opposants à Staline sont tombés victimes de semblables fausses accusations. Les nouvelles générations révolutionnaires réhabiliteront leur honneur politique, et agiront avec les bourreaux du Kremlin selon leurs mérites.

Je remercie chaleureusement les amis qui me sont restés loyaux à travers les heures les plus pénibles de ma vie. Je n'en nommerai aucun en particulier faute de pouvoir les nommer tous.

Cependant, je me crois justifié à faire une exception pour ma compagne, Natalia Ivanovna Sédova. En plus du bonheur d'être un combattant pour la cause du socialisme, le destin m'a donné le bonheur d'être son époux. Durant les presque quarante ans de notre vie commune elle est restée une source inépuisable d'amour, de grandeur d'âme et de tendresse. Elle a subi de grandes souffrances, surtout dans la dernière période de notre vie. Mais je trouve quelque réconfort dans le fait qu'elle a connu aussi des jours de bonheur.

Pendant quarante-trois années de ma vie consciente je suis resté un révolutionnaire; pendant quarante-deux de ces années j'ai lutté sous la bannière du marxisme. Si j'avais à tout recommencer, j'essaierais certes d'éviter telle ou telle erreur, mais le cours général de ma vie resterait inchangé. Je mourrai révolutionnaire prolétarien, marxiste, matérialiste dialectique, et par conséquent intraitable athéiste. Ma foi dans l'avenir communiste de l'humanité n'est pas moins ardente, bien au contraire elle est plus ferme aujourd'hui qu'elle n'était au temps de ma jeunesse.

Natacha vient juste de venir à la fenêtre de la cour et de l'ouvrir plus largement pour que l'air puisse entrer plus librement dans ma chambre. Je peux voir la large bande d'herbe verte le long du mur, et le ciel bleu clair au-dessus du mur, et la lumière du soleil sur le tout. La vie est belle. Que les générations futures la nettoient de tout mal, de toute oppression et de toute violence, et en jouissent pleinement.

27 février 1940.
L. TROTSKY.
Coyoacan.


Le premier paragraphe nous rappelle que la vérification régulière de la tension artérielle est un geste très simple et efficace en ce qui concerne le repérage, pour les seniors, d'un risque de survenue d'un AVC.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Belles feuilles, R. Luxembourg, Arrêt et progrès du Marxisme

Message par com_71 » 06 Nov 2022, 23:55

Arrêts et progrès du marxisme (1903)
Rosa Luxemburg


Dans ses entretiens, bien superficiels mais parfois intéressants, sur les conditions sociales en France et en Belgique, Karl Grün fait entre autres la remarque fort juste que les théories de Fourier et de Saint-Simon ont eu sur leurs disciples une action tout à fait différente. Le second a été le père spirituel de toute une génération de talents étincelants, dans tous les domaines de l’esprit. Le premier n’a eu, à quelques exceptions près, qu’une secte fermée de fanatiques, qui nulle part n’ont occupé une place de premier plan. Grün explique cette différence par le fait que Fourier apporta un système achevé, élaboré dans tous ses détails, tandis que Saint-Simon ne donna à ses disciples qu’un faisceau très lâche de grandes idées. Bien que Grün en l’occurrence paraisse négliger un peu trop les différences internes, les différences de contenu, entre les théories des deux classiques du socialisme utopique, sa remarque est en somme exacte. Il n’est pas douteux qu’un système d’idées dont seules les grandes lignes sont tracées à une action beaucoup plus féconde qu’une construction achevée et symétrique, où il n’y a rien à ajouter, où un esprit audacieux ne peut trouver à déployer son originalité.

Serait-ce la raison pour laquelle nous voyons les théories de Marx marquer un tel arrêt depuis des années ? Car, en fait, si l’on excepte une ou deux productions originales pouvant être considérées comme des progrès au point de vue théorique, nous avons bien eu, depuis la parution du dernier volume du Capital et les dernier travaux d’Engels, quelques belles popularisations, des explications de la théorie marxiste, mais, au fond, nous en sommes encore en théorie à peu près au point où nous ont laissés les deux créateurs du socialisme scientifique.

Serait-ce que le système de Marx ait enfermé les initiatives originales de l’esprit dans des cadres trop rigides ? On ne saurait nier que Marx ait exercé une influence écrasante sur la liberté du mouvement théorique de plus d’un de ses disciples. Marx et Engels ont pourtant décliné toute responsabilité pour les élucubrations éventuelles de certains « marxistes ». Et celui qu’étreint l’angoisse de dévier, dans ses théories, du « terrain du marxisme » voit dans certains cas le travail de sa pensée tout aussi influencé que l’autre extrême, celui qui sue à grosses gouttes et rejette complètement la méthode de pensée marxiste, afin de prouver à tout prix qu’il conserve l’ « originalité de sa propre pensée ».

Au reste, c’est seulement dans le domaine économique qu’il peut être plus ou moins question chez Marx d’une construction parfaitement achevée. Pour ce qui est, au contraire, de la partie de ses écrits qui présente la plus haute valeur, la conception matérialiste, dialectique de l’histoire, elle reste qu’une méthode d’enquête, un couple d’idées directrices générales, qui permettent d’apercevoir un monde nouveau, qui ouvrent aux initiatives individuelles des perspectives infinies, qui offrent à l’esprit des ailes pour les incursions les plus audacieuses dans des domaines inexplorés.

Et pourtant, sur ce terrain aussi, à part quelques petites recherches, l’héritage de Marx est resté en friche. On laisse rouiller cette arme merveilleuse. La théorie même du matérialisme historique est encore aujourd’hui aussi schématique, aussi peu fouillée que lorsqu’elle nous est venue des mains de son créateur.

Si l’on n’ajoute rien à l’édifice construit par Marx, cela ne tient donc ni à ce que le cadre est trop rigide, ni à ce qu’il est complètement achevé.

On se plaint souvent que notre mouvement manque de forces intellectuelles capables de continuer les théories de Marx. Il est exact que nous souffrons depuis longtemps de ce manque de forces. Ce phénomène a besoin d’être éclairci et ne peut lui-même expliquer notre autre question. Chaque période forge elle-même son matériel humain, et si notre époque avait vraiment besoin de travaux théoriques, elle créerait elle-même les forces nécessaires à sa satisfaction.

Mais avons-nous vraiment besoin qu’on continue les travaux théoriques plus loin que Marx les a poussés ?

Dans un article sur la controverse entre l’école de Marx et l’école de Jevons en Angleterre, Bernard Shaw, le très spirituel représentant du demi-socialisme des Fabiens, se moque de Hyndman, qui prétendait, après la lecture du premier volume du Capital, connaître « tout » Marx, et ne sentait aucun trou dans la théorie de Marx, tandis qu’après lui, Frédéric Engels, dans la préface au second volume, déclarait que le premier tome, avec sa théorie de la valeur, posait une véritable énigme économique, dont seul le troisième volume viendrait donner la solution. Shaw surprenait évidemment Hyndman dans une situation vraiment comique, mais celui-ci pouvait toujours se consoler en pensant que la presque totalité des socialistes était dans la même situation que lui.

En fait, le troisième volume du Capital, avec la solution du problème du taux de profit, problème fondamental de la théorie économique de Marx, n’est paru qu’en 1893. Or, auparavant, en Allemagne comme dans tous les autres pays, on se basait uniquement sur le matériel inachevé qu’offrait le premier volume ; on popularisait et on adoptait la théorie de Marx comme un tout, rien qu’avec ce premier volume, et nulle part on ne soupçonnait qu’il y eût une lacune théorique. Bien mieux, lorsque parut enfin le tome III, il éveilla naturellement quelque intérêt dans le cercle très étroit des gens de science, on lui consacra quelques commentaires et quelques critiques, mais pour ce qui est de l’ensemble du mouvement socialiste, le tome III ne trouva, à vrai dire, aucun écho auprès des larges milieux où régnait précisément la pensée du premier tome. Alors que les conclusions théoriques de ce troisième tome n’ont suscité encore aucune tentative de popularisation et n’ont pas encore réellement pénétré dans les cercles plus larges, on entend au contraire depuis quelque temps des voix isolées qui, dans la social-démocratie, se font l’écho fidèle de la « déception » éprouvée par les économistes bourgeois à la lecture de ce troisième tome et montrent ainsi à quel point on s’est accoutumé chez nous à considérer comme définitive l’exposition « inachevée » de théorie de la valeur, telle qu’on la trouve dans le tome premier.

Comment expliquer ce remarquable phénomène ?

Shaw, qui, selon sa propre expression, « rigole » volontiers d’autrui, aurait ici l’occasion de plaisanter sur l’ensemble du mouvement socialiste, dans la mesure où celui-ci s’appuie sur Marx. Seulement, il « rigolerait » là d’un phénomène très sérieux de notre vie sociale. L’aventure merveilleuse du premier et du troisième tome nous paraît être un document probant pour l’avenir des recherches théoriques dans notre mouvement.

Le tome III du Capital est certainement, du point de vue scientifique, le point final de la critique marxiste du capitalisme. Sans le troisième tome, impossible de comprendre la loi décisive du taux de profit, la division de la plus-value en profit, intérêt et rente, non plus que les répercussions de la loi de la valeur sur la concurrence. Mais, et c’est la chose principale, tous ces problèmes, si importants qu’ils soient du point de vue théorique, sont à peu près sans valeur au point de vue pratique de la lutte de classe. De ce point de vue le grand problème théorique, c’était la formation de la plus-value, c’est-à-dire l’explication scientifique de l’exploitation ainsi que de la tendance à la socialisation de la production, autrement dit, l’explication scientifique des bases objectives de la révolution socialiste.

Le tome premier, en donnant « l’expropriation des expropriateurs » comme le résultat inéluctable de la production de la plus-value et de la concentration progressive du capital, répond à ces deux questions. Avec cela, les besoins théoriques du mouvement ouvrier reçoivent en gros satisfaction. La façon dont la plus-value se répartit entre les différentes groupes capitalistes, et les vols que la concurrence occasionne dans la production pour cette répartition, tout cela n’a pas un intérêt immédiat pour la lutte de classe du prolétariat.

Et c’est pourquoi le troisième volume du Capital est resté jusqu’à présent un chapitre que le socialisme ne lit pas.

Mais dans notre mouvement, il en est des recherches théoriques en général comme des théories économiques de Marx. Penser que la classe ouvrière, en pleine lutte, pourrait, grâce au contenu même de sa lutte de classe, exercer à l’infini son activité créatrice dans le domaine théorique, serait se faire illusion. La classe ouvrière seule, comme l’a dit Engels, a conservé le sens et l’intérêt de la théorie. La soif de savoir qui tient la classe ouvrière est l’un des phénomènes intellectuels les plus importants du temps présent. Au point de vue moral, la lutte ouvrière renouvellera la culture de la société. Mais les répercussions immédiates de la lutte du prolétariat sur les progrès de la science sont liées à des conditions sociales tout à fait précises.

Dans toute société divisée en classes, la culture intellectuelle, l’art, la science, sont des créations de la classe dirigeante et ont pour but, en partie de satisfaire directement les besoins du développement social, en partie de satisfaire les besoins intellectuels des membres de la classe dirigeante.

Dans l’histoire des anciennes luttes de classes, les classes montantes purent quelquefois – par exemple le tiers état dans les temps modernes – faire précéder leur domination politique de leur domination intellectuelle. Elles arrivèrent, étant encore opprimées, à remplacer la culture désuète de la période qui s’écroulait par une science et un art nouveaux leur appartenant en propre.

Le prolétariat est dans une tout autre situation. Ne possédant rien, il ne peut, dans sa marche en avant, créer de toutes pièces une culture intellectuelle tant qu’il restera dans le cadre de la société bourgeoise. Dans cette société, tant que subsisteront ses bases économiques, il ne peut y avoir d’autre culture que la culture bourgeoise. La classe ouvrière, en tant que classe, est mise hors de la culture actuelle, même si certains professeurs « sociaux » estiment que l’usage des cravates, des cartes de visites et des bicyclettes qui commence à se répandre chez les prolétaires constitue une participation de premier ordre au progrès de la civilisation. Bien que les prolétaires créent de leurs propres mains le contenu matériel et toute la base sociale de cette culture, on ne les en laisse jouir que dans la mesure où c’est nécessaire pour qu’ils accomplissent pacifiquement leurs fonctions dans la marche économique et sociale de la société bourgeoise.

La classe ouvrière ne pourra créer son art et sa science à elle qu’après s’être complètement affranchie de sa situation de classe actuelle.

Tout ce qu’elle peut faire aujourd’hui, c’est de protéger la culture de la bourgeoisie contre le vandalisme de la réaction bourgeoise et de créer les conditions sociales nécessaires au libre développement de la culture. Dans la société actuelle, elle ne peut faire œuvre active dans ce domaine qu’en forgeant les armes intellectuelles nécessaires à sa lutte émancipatrice.

Tout cela fixe par avance des limites assez étroites à l’activité intellectuelle de la classe ouvrière, c’est-à-dire de ses chefs idéologiques. Le domaine de leur activité créatrice ne peut être qu’une partie bien définie de la science : la science sociale. Et comme justement « les rapports particuliers de l’idée d’un quatrième état avec notre période historique » rendaient nécessaires l’explication des lois du développement social pour la lutte de classe du prolétariat, cette idée a eu une influence féconde dans le domaine des sciences sociales. Le mouvement de cette culture prolétarienne, c’est l’œuvre de Marx.

Mais déjà l’œuvre de Marx, qui constitue en tant que découverte scientifique un tout gigantesque, dépasse les besoins directs de la lutte de classe du prolétariat pour lesquels elle fut créée. Dans l’analyse complète et détaillée de l’économie capitaliste, aussi bien que dans la méthode de recherche historique, avec ses possibilités d’application infinie, Marx nous a donné beaucoup plus qu’il n’était nécessaire pour la pratique de la lutte de classe.

Nous ne puisons au grand dépôt d’idées de Marx pour travailler et mettre en valeur quelque parcelle de sa doctrine, qu’au fur et à mesure que notre mouvement progresse de stade en stade et se trouve en face de nouvelles questions pratiques. Mais notre mouvement, comme toute véritable lutte, se contente encore des vieilles idées directrices, longtemps après qu’elles ont perdu leur valeur. Aussi, l’utilisation théorique des leçons de Marx ne progresse-t-elle qu’avec une extrême lenteur.

Si nous sentons maintenant dans notre mouvement un certain arrêt des recherches théoriques, ce n’est donc pas parce que la théorie de Marx, dont nous sommes les disciples, ne peut se développer, ni parce qu’elle a « vieilli », mais au contraire parce que nous avons pris toutes les armes intellectuelles les plus importantes dont nous avions besoin jusqu’ici pour notre lutte à l’arsenal marxiste, sans pour cela l’épuiser. Nous n’avons pas « dépassé » Marx au cours de notre lutte pratique ; au contraire, Marx, dans ses créations scientifiques, nous a dépassés en tant que parti de combat. Non seulement Marx a produit assez pour nos besoins, mais nos besoins n’ont pas encore été assez grands pour que nous utilisions toutes les idées de Marx.

Les conditions d’existence du prolétariat dans la société actuelle, conditions découvertes théoriquement par Marx, se vengent ainsi par le sort qu’elles font à la théorie même de Marx. Instrument incomparable de culture intellectuelle, elle reste en friche, parce qu’elle est incompatible avec la culture bourgeoise, culture de classe, et parce qu’elle dépasse largement les besoins du prolétariat en armes pour sa lutte. Seule la classe ouvrière, en se libérant des conditions actuelles d’existence, socialisera, avec tous les autres moyens de production, la méthode de recherche de Marx, afin de lui donner son plein usage, son plein rendement pour le bien de toute l’humanité.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Belles feuilles

Message par Cyrano » 07 Nov 2022, 09:26

On peut pas mettre un like? Bin, disons, que je l'ai mis.
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