Marx : financiers contre industriels

Marxisme et mouvement ouvrier.

Marx : financiers contre industriels

Message par logan » 23 Avr 2020, 13:04

Karl Marx - Les luttes de classes en France (1848-1850) de février à juin 1848

" La pénurie financière mit, dès le début, la monarchie de Juillet sous la dépendance de la haute bourgeoisie et cette dépendance devint la source inépuisable d'une gêne financière croissante. L'endettement de l’État était d'un intérêt direct pour la fraction de la bourgeoise qui gouvernait et légiférait au moyen des Chambres. C'était précisément le déficit de l'Etat, qui était l'objet même de ses spéculations et le poste principal de son enrichissement. 

A la fin de chaque année, nouveau déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Or chaque nouvel emprunt fournissait à l'aristocratie financière une nouvelle occasion de rançonner l’État, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de traiter avec les banquiers dans les conditions  les plus défavorables.

Chaque nouvel emprunt était une nouvelle occasion de dévaliser le public qui place ses capitaux en rentes sur l’État, au moyen d'opérations de Bourse, au secret desquelles gouvernement et majorité de la Chambre étaient initiées. En général, l'instabilité du crédit public et la connaissance des secrets d’État permettaient aux banquiers, ainsi qu'à leurs affiliés dans les Chambres et sur le trône, de provoquer dans le cours des valeurs publiques des fluctuations insolites et brusques dont le résultat constant ne pouvait être que la ruine d'une masse de petits capitalistes et l'enrichissement fabuleusement rapide des grands spéculateurs...

En outre, les sommes énormes passant ... entre les mains de l'Etat laissaient place à des contrats de livraison frauduleux, à des corruptions, à des malversations et à des escroqueries de toute espèce. Le pillage de l’État en grand, tel qu'il se pratiquait au moyen des emprunts, se renouvelait en détail dans les travaux publics.  

(...) La monarchie de Juillet n'était qu'une société par actions fondée pour l'exploitation de la richesse nationale française dont les dividendes étaient partagés entre les ministres, les Chambres, 240.000 électeurs et leur séquelle... Le commerce, l'agriculture, la navigation, les intérêts de la bourgeoisie industrielle ne pouvaient être que menacés et lésés sans cesse par ce système. Aussi, celle-ci avait-elle inscrit sur son drapeau, pendant les journées de Juillet: Gouvernement à bon marché.
 
Pendant que l'aristocratie financière dictait ses lois, dirigeait la gestion de l'Etat, disposait de tous les pouvoirs publics constitués, dominait l'opinion publique par la force des faits et par la presse, dans toutes les sphères, depuis la cour jusqu'au café borgne, se reproduisait la même prostitution, la même tromperie éhontée, la même soif de s'enrichir, non point par la production, mais par l'escamotage de la richesse d'autrui déjà existante.[...]

La bourgeoisie industrielle voyait ses intérêts menacés, la petite bourgeoisie était moralement indignée, l'imagination populaire s'insurgeait, Paris était inondé de pamphlets... Enfin deux évènements économiques mondiaux précipitèrent l'explosion du malaise général et mûrirent le mécontentement jusqu'à la révolte.
logan
 
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Re: Marx : financiers contre industriels

Message par Cyrano » 23 Avr 2020, 14:07

T'es obligé de poster ça à la mi-journée? En sortir de sieste, c'est violent, non?

Ce n'est pas encore le capital financier omniprésent, mais on y va.
Cyrano
 
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Re: Marx : financiers contre industriels

Message par com_71 » 23 Avr 2020, 16:29

Marx (cité par logan) a écrit :Pendant que l'aristocratie financière dictait ses lois, dirigeait la gestion de l'Etat, disposait de tous les pouvoirs publics constitués, dominait l'opinion publique par la force des faits et par la presse, dans toutes les sphères, depuis la cour jusqu'au café borgne, se reproduisait la même prostitution, la même tromperie éhontée, la même soif de s'enrichir, non point par la production, mais par l'escamotage de la richesse d'autrui déjà existante.[...]

La bourgeoisie industrielle voyait ses intérêts menacés, la petite bourgeoisie était moralement indignée, l'imagination populaire s'insurgeait, Paris était inondé de pamphlets... Enfin deux évènements économiques mondiaux précipitèrent l'explosion du malaise général et mûrirent le mécontentement jusqu'à la révolte.


Lénine, 70 ans après, constatait :
Si l'on devait définir l'impérialisme aussi brièvement que possible, il faudrait dire qu'il est le stade monopoliste du capitalisme. Cette définition embrasserait l'essentiel, car, d'une part, le capital financier est le résultat de la fusion du capital de quelques grandes banques monopolistes avec le capital de groupements monopolistes d'industriels; et, d'autre part, le partage du monde est la transition de la politique coloniale, s'étendant sans obstacle aux régions que ne s'est encore appropriée aucune puissance capitaliste, à la politique coloniale de la possession monopolisée de territoires d'un globe entièrement partagé.

Mais les définitions trop courtes, bien que commodes parce que résumant l'essentiel, sont cependant insuffisantes, si l'on veut en dégager des traits fort importants de ce phénomène que nous voulons définir. Aussi, sans oublier ce qu'il y a de conventionnel et de relatif dans toutes les définitions en général, qui ne peuvent jamais embrasser les liens multiples d'un phénomène dans l'intégralité de son développement, devons-nous donner de l'impérialisme une définition englobant les cinq caractères fondamentaux suivants : 1) concentration de la production et du capital parvenue à un degré de développement si élevé qu'elle a créé les monopoles, dont le rôle est décisif dans la vie économique; 2) fusion du capital bancaire et du capital industriel, et création, sur la base de ce "capital financier", d'une oligarchie financière; 3) l'exportation des capitaux, à la différence de l'exportation des marchandises, prend une importance toute particulière; 4) formation d'unions internationales monopolistes de capitalistes se partageant le monde, et 5) fin du partage territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes. L'impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s'est affirmée la domination des monopoles et du capital financiers, où l'exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s'est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes.

https://www.marxists.org/francais/lenin ... vlimp7.htm
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Marx : financiers contre industriels

Message par Duffy » 23 Avr 2020, 16:43

Logan, pourrais-tu dire quel est le problème que tu essayes de poser ou ce que tu souhaites souligner avec ce texte...
(Plutôt que de ne communiquer que par citations, allusions et ellipses.)
Duffy
 
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Re: Marx : financiers contre industriels

Message par Cyrano » 23 Avr 2020, 21:47

"L'impérialisme, stade suprême du capitalisme", faut déjà avoir envie de relire ça - avec tous ses exemples marqués par une date de péremption. Je penche plutôt pour un chemin de traverse, un petit texte (20 pages) de Lénine présentant les idées fondamentales de la brochure "L'impérialisme…".

Ce petit texte, c'est "L'impérialisme et la scission du socialisme", écrit en décembre 1916. Ce texte ne figure pas dans les "Oeuvres choisies" de Lénine, éditions de Moscou en trois volumes (édition de 1971) et je ne crois pas qu'il ait été tiré à part. Il ne figure que dans les Oeuvres Complètes, tome 23 et ?… et dans les "Pages Choisies de Lénine" par Pierre Pascal (encore Le Pierre, oui!) dans son édition en 3 volumes (3 volumes uniquement par la force des choses staliniennes).

A noter : le tome 39 des Oeuvres Complètes de Lénine contient exclusivement ce qu'on appelle les "Cahiers de l'impérialisme" (895 pages!!) : les notes préparatoires à la rédaction de "L'impérialisme…" auxquelles ont été ajoutées 120 pages de notes diverses (1912 à 1916) sur l'impérialisme.
Si vous êtes sujet à migraines, crises d'épilepsie ou de delirium : une lecture à éviter.

Voici le petit texte de présentation de notre ami Pierre Pascal :
«Lénine avait terminé en mai 1916, à Berne, sa brochure sur "L’impérialisme, dernière étape du capitalisme". Mais comme il voulait la faire imprimer en Russie, il lui avait fallu compter avec la censure: aussi avait-il pris la question principalement du côté théorique et économique en négligeant les aspects politiques. En particulier il regrettait de n’avoir pu insister sur les rapports du social-chauvinisme avec l’impérialisme, de n’avoir pu montrer « que cette scission du mouvement ouvrier a ses conditions objectives dans l’impérialisme». L’article ci-dessous a été écrit d’abord pour faire connaître les idées essentielles de la brochure en attendant sa publication, ensuite pour la compléter sur les points indiqués. Il fut imprimé dans le n° 2 du Recueil du Social-Démocrate, daté de décembre 1916.»
Remarque : "L'impérialisme…" ne figure pas dans les Pages Choisies.

Comment Lénine définit l'impérialisme (la pagination est celle de Pierre Pascal - au fait, la traduction aussi.) mais surtout comment il insiste sur le capitalisme agonisant... qui agonise donc depuis plus de 100 ans. C'est ça qui m'a frappé et que je transcris:

«Il faut commencer par définir le plus exactement et le plus complètement possible l’impérialisme. L’impérialisme est un stade particulier du capitalisme.' Cette particularité est triple: l’impérialisme est: 1° un capitalisme monopolisateur; 2° un capitalisme parasitaire ou en voie de putréfaction ; 3° un capitalisme mourant.» (93)

« L’impérialisme est un capitalisme parasitaire ou en voie de putréfaction.» (94)

« On comprend pourquoi l’impérialisme est un capitalisme mourant en voie de transition vers le socialisme ; le monopole, naissant du capitalisme, le commencement de sa métamorphose en socialisme, la colossale collectivisation du travail opérée par l’impérialisme (ce que ses apologistes, les économistes bourgeois, appellent l’intégration) ont la même signification. » (96)
[Note de Pierre Pascal:] Dans la brochure [L'impérialisme, stade suprême du capitalisme], il est dit rapidement que l’impérialisme est «un capitalisme en voie de transition, ou plutôt mourant», mais il n’est pas parlé du socialisme auquel il conduit (ch. X).

«Kautsky, qui se refuse à voir dans l’impérialisme «une phase du capitalisme» et le définit comme une politique «préférée» par le capital financier, une tendance des pays «industriels» à annexer les pays «agricoles.» (96)
[Note de Pierre Pascal :] «L'impérialisme est un produit du capitalisme industriel hautement développé. Il consiste dans la tendance de toute nation capitaliste industrielle à se subordonner et à s’annexer un terrain agricole toujours plus vaste, de quelques nations qu’il soit habité» (Neue Zeit, 11 septembre 1914). La traduction de ce passage important a été refaite d’après l’original.

AH Tiens? Trotsky se fait raser la barbichette :

« Le social-libéral Hobson ne voit pas que la seule force capable de « contrecarrer » ce processus est le prolétariat révolutionnaire et le seul moyen la révolution sociale. Il n’est pas pour rien social-libéral ! Mais, dès 1902, il a très bien jugé à la fois le rôle « des États-Unis d’Europe » [avis au kautskiste Trotsky*] et toutes les vérités que déguisent les kautskistes hypocrites de partout, à savoir que les opportunistes (les social-chauvins) travaillent avec la bourgeoisie impérialiste à fonder une Europe impérialiste sur le dos de l’Asie et de l’Afrique, que les opportunistes sont objectivement un élément de la petite bourgeoisie et de quelques catégories de la classe ouvrière, élément acheté avec le sur-profit impérialiste et changé en chien de garde du capitalisme, en corrupteur du mouvement ouvrier.» (100)
[note de Pierre Pascal :] Dans un article du n° 44 du Social-Démocrate (23 août 1915), Lénine montre que les États-Unis d’Europe, préconisés par Trotsky et par beaucoup de social-démocrates de toutes tendances, sont un mot d’ordre faux, parce que, dans un monde impérialiste, il équivaut à une entente entre États européens pour défendre leurs colonies contre l’Amérique et le Japon, pour réprimer le socialisme en Europe, pour arrêter le progrès économique de l’Amérique, etc.

Le texte se trouve bien sûr sur Marxist Internet Archives (dans la traduction des éditions de Moscou).
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Re: Marx : financiers contre industriels

Message par com_71 » 24 Avr 2020, 09:11

Duffy a écrit :Logan, pourrais-tu dire quel est le problème que tu essayes de poser ou ce que tu souhaites souligner avec ce texte...
(Plutôt que de ne communiquer que par citations, allusions et ellipses.)

Cela m'étonnerait beaucoup que Duffy obtienne une réponse claire à sa question. Car ce ne peut être par hasard - pour s'exprimer un peu comme lui - que Logan intervienne depuis quelque temps uniquement par "citations, allusions et ellipses". Je pense qu'il est conscient d'avancer masqué sur le terrain des idées, soit parce qu'il n'est pas sûr des siennes - mais alors ce ne serait certes pas la bonne façon d'éclairer la route des uns et des autres -, soit parce qu'il sait être largement en décalage avec une vision du monde et de l'histoire qui fait plus ou moins consensus sur ce forum.
À des interventions teintées de catastrophisme et de référence à de prétendues volontés occultes des puissants on peut toutefois opposer la confiance dans le rôle de la classe ouvrière comme accoucheuse d'une nouvelle société, telle qu'exprimée par exemple dans cette conclusion d'un article récent de "Lutte de Classe" :
En tant que communistes révolutionnaires, nous avons confiance dans les capacités de l’humanité à résoudre les problèmes. Son histoire a largement démontré sa formidable capacité d’adaptation. La quête insatiable de connaissances et de moyens d’agir sur la nature est propre à l’humanité : elle pourrait lui permettre de sortir de la crise qu’elle traverse. L’organisation sociale capitaliste est synonyme d’anarchie et de gâchis sans limite des ressources, humaines et environnementales. Sous la domination du capital, les possibilités fantastiques de l’humanité sont entravées par l’exploitation, les inégalités et la violence des rapports sociaux qu’elles entraînent. Mais le capitalisme n’est pas la forme ultime d’organisation de la société, comme le conçoivent les collapsologues, pour qui la lutte des classes n’existe pas. Les exploités ont toujours lutté et, à plusieurs reprises, la classe ouvrière a ébranlé le système. Elle est en mesure de renverser la bourgeoisie et de bâtir une société libérée de la dictature du profit individuel. Les communistes révolutionnaires, qui militent pour que la classe ouvrière prenne conscience de son rôle historique et renverse la domination capitaliste, sont à l’opposé des collapsologues et de leurs théories funestes. La seule perspective d’avenir possible est du côté des travailleurs, du côté de la révolte des opprimés du monde entier. L’optimisme est du côté des révolutionnaires.

https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2019 ... 34355.html

- edit (com 24-04)
Le 26-03 à 17h39 Logan disait dans un post :
Tout ça pour 20 000 morts dans le monde dont 99% souffraient de pathologies graves.

Et le même jour à 19h41, il postait cette phrase isolée :
Simple rappel : la grippe classique fait 10 000 morts par an en moyenne en France
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Marx : financiers contre industriels

Message par artza » 24 Avr 2020, 09:31

Tout à coup un truc me turlupine.

La vieillesse ne serait-elle pas la cause principale de la mortalité ? Suivie bien sur par la mauvaise santé et enfin les accidents ? :o
artza
 
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Re: Marx : financiers contre industriels

Message par Cyrano » 24 Avr 2020, 10:26

cause : «Ce qui produit un effet ; détermine un phénomène.»
C'est écrit tel quel dans le Larousse.

Tu voudrais dire que nous, les vieux, on serait la cause des morts, pas le virus ?
On pourrait même dire que la fin de vie est la cause de la mortalité. Clairement, oui, beaucoup plus que la naissance ou l'enfance.
Cyrano
 
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Re: Marx : financiers contre industriels

Message par Harpo » 26 Avr 2020, 13:33

La vieillesse ne serait-elle pas la cause principale de la mortalité ? Suivie bien sur par la mauvaise santé et enfin les accidents

Je continue dans le hors-sujet :
La vie est une maladie héréditaire et mortelle à 100 %.
Harpo
 
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Re: Marx : financiers contre industriels

Message par Gayraud de Mazars » 26 Avr 2020, 16:48

Salut Harpo,

Harpo a écrit :Je continue dans le hors-sujet : La vie est une maladie héréditaire et mortelle à 100 %.


Moi aussi dans le hors-sujet mais sur la même note...

Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins. Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants... Marcel Pagnol


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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