Perspective en Israël-Palestine

Marxisme et mouvement ouvrier.

Re: Perspective en Israël-Palestine

Message par com_71 » 27 Nov 2023, 10:55

Un extrait d'un autre article de RP :
L’aventurisme, les exactions et massacres du Hamas contre des civils sont à la hauteur de l’impasse qu’il constitue pour la cause palestinienne. Le Hamas, parce qu’il ne s’appuie pas sur le prolétariat arabe d’Israël et de la région, parce qu’il agit comme un repoussoir pour les secteurs de l’Etat d’Israël qui pourraient s’opposer à la colonisation, parce qu’il ne porte pas de véritable programme social et démocratique, parce qu’il ne s’appuie que sur la lutte armée, la rhétorique djihadiste et la recherche de soutiens avec d’autres Etats du Moyen Orient eux aussi profondément contre-révolutionnaires comme la Turquie ou l’Iran, parce qu’il est en un mot un mouvement national islamiste radical petit bourgeois, est incapable de résoudre, et retarde même considérablement la résolution des tâches sociales, démocratiques et de libération nationale auxquels font face les Palestiniens. Une autre direction politique, qui ne soit ni celle de l’OLP capitulard et kleptocrate, ni celle du Hamas, mais à même de s’appuyer sur les masses prolétaires arabes et de la région et de porter les méthodes du mouvement ouvrier est plus que jamais nécessaire.

https://www.revolutionpermanente.fr/La- ... ons-arabes
On remarque la réticence à nommer le prolétariat de langue hébraïque en Israël.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Perspective en Israël-Palestine

Message par com_71 » 28 Nov 2023, 19:17

L'intervention de la LTF au dernier CLT était en grande partie inaudible (ou incompréhensible). Ces dernières années ils ont largement condamné leur passé mais n'affrontent toujours pas le problème qu'un minimum de force - politique et matérielle - est nécessaire pour le développement et l'application pratique d'un programme communiste. Le dernier numéro de leur revue expose néanmoins des arguments qui peuvent inciter à des réflexions sur la situation au Moyen-Orient. Une citation :
...notre approche consistait à
réfléchir à la manière dont telle ou telle question démo-
cratique pouvait être « éliminée » de l’ordre du jour. Mais
cela s’avérait plus compliqué dans les régions où des peuples
sont interpénétrés comme en Irlande du Nord ou en Israel/
Palestine, où deux groupes nationaux ont des revendications
concurrentes d’autodétermination sur le même territoire. La
tendance spartaciste a donc fabriqué une « théorie » pour le
cas des peuples interpénétrés. Notre article fondateur sur la
question d’Israel/Palestine postulait :
« Lorsque des populations nationales sont géographiquement
interpénétrées, comme c’était le cas en Palestine, un État-
nation indépendant ne peut être créé que par leur séparation
forcée (transferts forcés de population, etc.). Le droit démo-
cratique à l’autodétermination devient alors abstrait, puisqu’il
ne peut être exercé que si le groupe national le plus fort
chasse ou détruit le plus faible.
« Dans ces cas, la seule possibilité de solution démocratique
réside dans une transformation sociale. »
– « Naissance de l’État sioniste, deuxième partie :
La guerre de 1948 », Workers Vanguard n45, 24 mai 1974

Il était manifestement impossible d’« éliminer » la ques-
tion nationale de l’ordre du jour dans des endroits comme
Belfast ou Gaza. Nous avons donc proclamé la nécessité
d’une révolution. Mais la question reste entière : comment
peut-il y avoir une révolution là-bas ? Tout le programme
derrière la « théorie » des peuples interpénétrés consistait
à proclamer la nécessité d’une révolution socialiste tout en
rejetant l’obligation de placer la lutte de libération nationale
des Palestiniens et des catholiques irlandais au centre de
notre stratégie révolutionnaire. Au
lieu de cela, nous considérions la ré-
volution socialiste comme un proces-
sus où les deux groupes nationaux se
débarrasseraient de leurs sentiments
nationaux en faveur de l’unité sur des
revendications économiques et d’une
solidarité libérale.
Tout « marxiste » qui pense que la
lutte de libération nationale est une
épine dans le pied pour la révolution,
et qu’il faut la mettre de côté afin de
lutter pour le socialisme, est au mieux
condamné à l’insignifiance et, au pire,
est un agent de l’oppresseur dominant
qui exige que les opprimés aban-
donnent leurs aspirations nationales
comme condition préalable à l’unité.
Une révolution en Israel/Palestine ou
en Irlande du Nord n’est concevable
que sous la forme d’un soulèvement
pour la libération nationale des Pales-
tiniens et des catholiques irlandais qui
n’empiète pas sur les droits nationaux
des protestants et des Israéliens, mais
qui émancipe les travailleurs vis-à-vis
de leur bourgeoisie et de ses parte-
naires impérialistes. C’est précisément
parce que les nationalistes irlandais et
palestiniens sont incapables de mettre
en œuvre une telle perspective, à la-
quelle ils sont opposés, que seule une
direction communiste peut dans ces
pays résoudre le problème national de
façon juste et démocratique.
La première des « Thèses sur l’Ir-
lande », document clé développant
notre position sur le problème national
dans ce pays, montrait notre impuis-
sance totale :
« Il reste la forte possibilité qu’une
solution juste, démocratique et socia-
liste à la situation en Irlande ne
puisse venir que sous l’impact d’une
révolution prolétarienne quelque part
ailleurs et qu’elle soit concrètement
introduite à la pointe des baïonnettes
d’une Armée rouge, et ce, contre l’op-
position d’un secteur significatif de
l’une ou l’autre des communautés ou
des deux à la fois. »

En ce qui concerne la Palestine, nos
articles soulignaient constamment que
la révolution était très probablement
impossible tant qu’il n’y aurait pas de
révolution dans un pays voisin. Décla-
rer à l’avance que nous ne croyons pas
vraiment à la possibilité d’une révolu-
tion autochtone en Irlande du Nord ou
en Palestine et que nous ne considérons
pas que notre intervention puisse jouer
un rôle vital et décisif dans ces régions
revient à brandir une pancarte procla-
mant : « Nous sommes insignifiants ».
La tâche des communistes est de
fusionner la lutte pour la libération
nationale et la lutte pour le socialisme,
pas de les opposer...

https://www.icl-fi.org/francais/spf/46/spf46.pdf

Cf. aussi une publication du 10 octobre 2023 :
https://www.icl-fi.org/francais/spf/202 ... stinienne/
La cause à défendre, la libération à conquérir est toujours "palestinienne", jamais "ouvrière" ou "socialiste" !
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Perspective en Israël-Palestine

Message par Zorglub » 28 Nov 2023, 20:51

En effet, dans le Spartacist en PDF, pas une fois la mention de «LO» ou de «Lutte ouvrière», c'est une... révolution.

Spartacist est leur revue et Le Bolchévik leur journal (déjà bien volumineux) ?

Que s'est-il passé, pour changer de poissons-pilotes à organisation ? Passer d'une arrogance hors-sol à l'humilité publique que l'on peut lire ci-dessus, étonnant. Des errements dus à l'effet de, petit, groupe ?

Après avoir parcouru rapidement la revue, il y a eu une scission. Les autres ne sont pas revenus d'Afghanistan ?
Zorglub
 
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Re: Perspective en Israël-Palestine

Message par com_71 » 28 Nov 2023, 21:07

Zorglub a écrit :Que s'est-il passé, pour changer de poissons-pilotes à organisation ? Passer d'une arrogance hors-sol à l'humilité publique que l'on peut lire ci-dessus, étonnant. Des errements dus à l'effet de, petit, groupe ?


Ça fait quand même plus d'une dizaine d'années qu'ils, ou leurs prédécesseurs, sont occupés à "répudier" leurs propres positions après, ou en même temps, avoir "répudié" explicitement des prises de position de Trotsky et/ou des IV premiers congrès de l'IC. Cf., et ce n'est qu'un exemple parmi bien d'autres :
Spartacist, édition française, numéro 43, été 2017 a écrit :La bataille contre l’Hydre chauvine
Document de la Septième Conférence internationale de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste)
I. Introduction
Cette Conférence a pour but de redonner à la Ligue communiste internationale un cadre léniniste sur la question nationale...
...Mais en 1974, alors même qu’était signée la « Déclaration pour organiser une tendance trotskyste internationale » (Spartacist édition française no 7, automne 1974), des cadres américains adoptaient une orientation chauvine sur la question nationale. Cette perversion du léninisme a été facilitée et exacerbée par la prépondérance de la section américaine dans l’Internationale. Cette ligne a été établie en opposition au camarade Robertson : déjà en 1976 il avait proposé d’appeler à l’indépendance du Québec, une proposition unanimement rejetée. La Conférence s’engage à renouer avec la pratique léniniste révolutionnaire et à lutter pour reforger la Quatrième Internationale...

https://www.icl-fi.org/francais/spf/43/hydre.html
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Re: Perspective en Israël-Palestine

Message par Ottokar » 28 Nov 2023, 21:44

Une bonne nouvelle, vu leur côté pénible, ça nous fait des vacances... Cela dit, je ne m'étais même pas aperçu de leur inexistence !
Ottokar
 
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Re: Perspective en Israël-Palestine

Message par Zorglub » 28 Nov 2023, 22:01

Ottokar a écrit :Une bonne nouvelle, vu leur côté pénible, ça nous fait des vacances... Cela dit, je ne m'étais même pas aperçu de leur inexistence !

Je me suis aperçu de leur inexistence après cette réapparition au CLT...
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Re: Perspective en Israël-Palestine

Message par com_71 » 29 Nov 2023, 09:11

Certains sont choqués par les critiques du Hamas énoncées par Lutte Ouvrière.
Comment Voix Ouvrière parlait de massacres commis par le FLN pendant la guerre d'Algérie ?
https://www.marxists.org/francais/4int/ ... 6_1957.pdf
Rappel :
- Le 18 mai 1956, une patrouille française avait subi un guet-apens à Palestro, à l’Est d’Alger. 21 soldats tués, un rescapé, pour la plupart des jeunes qui avaient déjà effectué leur service militaire, mais que le gouvernement socialiste de Guy Mollet avait rappelés pour les envoyer en Algérie.
- Le 28 mai 1957, la population du village de Melouza, entre la Kabylie et les Aurès, était massacrée par le FLN. Bilan : 301 morts et 150 blessés. Ce village était accusé par le FLN d’être rallié au MNA (Mouvement Nationaliste Algérien) concurrent du FLN, dirigé par Messali-Hadj. Au delà de cet épisode, la lutte entre les deux mouvements nationalistes se termina par l’élimination totale par le FLN de son concurrent.
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Re: Perspective en Israël-Palestine

Message par com_71 » 10 Déc 2023, 13:55

Les habitués du falo pourront peut-être se reporter avec intérêt aux textes (de tendance libertaire ou ultra-gauche, mais pas seulement) sur le conflit au Moyen-Orient, compilés sur le site de Nedjib Sidi Moussa :
https://sinedjib.com/
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Re: Perspective en Israël-Palestine

Message par com_71 » 14 Déc 2023, 17:58

Comment, en 1965, VO posait le problème par rapport à la lutte du peuple algérien :
A propos de la « contre-révolution » en Algérie

Article paru dans Voix ouvrière, n° 41, juillet 1965, p. 1 et 4

IL y a maintenant près d’un mois que Ben Bella a été arrêté, mais l’on chercherait vainement, dans les déclarations de Boumedienne, les raisons politiques du coup d’état. Les critiques formulées par celui-ci sont restées on ne peut plus imprécises et de tout ce qui a été dit, il ne ressort qu’une chose, c’est que dans tous les domaines, la politique de Ben Bella était « mauvaise » et qu’il convenait de lui substituer une politique « juste » !

En fait, entre le langage de Boumedienne et celui de son prédécesseur, il n’y a guère de différence. Jusqu’au « socialisme » qui continue.

Mais personne ne se fait encore beaucoup d’illusions sur le « socialisme » du colonel. Ce qui se conçoit aisément. Mais ce qui se conçoit moins c’est qu’une grande partie de la « gauche » en ait nourries sur celui de Ben Bella.

Le phénomène est d’ailleurs loin d’être propre à l’Algérie. Depuis 20 ans le « socialisme » a conquis le tiers monde, de Nasser à Castro en passant par Bourguiba et Norodom Sihanouk, du socialisme islamique au social-bouddhisme, et l’on pourrait ajouter en ce qui concerne les pays capitalistes « avancés » la France molletiste de 1956, l’Angleterre de Wilson, etc., etc…

Il n’y a guère de raisons de s’en réjouir, sauf peut-être en pensant que si tous les dirigeants de ces pays éprouvent le besoin de se couvrir de cette étiquette, c’est qu’elle est encore parée d’un certain prestige.

Mais cela n’empêche pas nombre de gens, dans la gauche, de céder à l’illusion, et de rechercher obstinément, dans tout ce fatras, où passe la frontière entre les « vrais » et les « faux » socialistes.

Et si celui de Boumedienne ressemble déjà comme un frère à celui de Ben Bella, c’est surtout le « socialisme » du régime benbelliste que cela juge.

Nul plus que Ben Bella, en éliminant une à une toutes les forces autres que l’armée sur lesquelles il aurait pu s’appuyer, n’a tant fait pour préparer la voie à Boumedienne.

Mais ce qu’il faut voir, c’est que ce qui se passe aujourd’hui en Algérie était contenu dans la politique menée par les dirigeants du F.L.N. dès 1954. Ils ne se contentaient pas d’organiser la lutte armée contre l’impérialisme français, ils préparaient déjà les conditions dans lesquelles ils exerceraient le pouvoir après l’indépendance.

Dès l’origine, le contenu que le F.L.N. voulait donner à la lutte était clair : il se plaçait uniquement sur le terrain du nationalisme bourgeois. L’objectif qui primait tout pour lui, c’était l’indépendance, et si dans sa propagande il abordait d’autres problèmes, la réforme agraire par exemple, il ne sortit jamais du cadre des réformes propres à une révolution démocratique bourgeoise.

Parfaitement significative fut à cet égard la politique adoptée contre le M.N.A. de Messali Hadj et le Parti Communiste Algérien avant que celui-ci renonce à toute politique indépendante. On peut penser beaucoup de mal de ces organisations, mais ce n’est pas à cause des compromissions qu’elles eurent avec l’impérialisme que le F.L.N. entreprit de les anéantir par la force (d’autant que si le M.N.A. finit par chercher à survivre politiquement avec l’aide de l’impérialisme français, ce fut en grande partie parce que le F.L.N. ne lui laissait pas d’autre choix). Si le but du F.L.N. avait été d’abattre les « traîtres », alors c’est les Ferhat Abbas et les Farès qui auraient dû tomber les premiers sous ses coups. Mais ceux-là, les dirigeants du F.L.N. ne les craignaient pas, ils savaient, et ne se trompaient pas, qu’un jour ou l’autre, n’ayant pas d’autre choix, ils finiraient bien pas rejoindre ses rangs.

Non, si le M.N.A. fut pratiquement exterminé, si le P.C.A. fut contraint de s’intégrer au Front, ce fut pour de toutes autres raisons.

Le F.L.N. ne voulait ni que sa politique puisse être discutée, ni qu’existent à ses côtés des organisations, même peu influentes, qui défendent, ne serait-ce que verbalement, d’autres principes que les siens.

Il niait la lutte de classes, ou plus exactement il ne se contentait pas de la nier, il combattait tous ceux qui osaient en parler ou qui l’admettaient en principe.

A aucun moment il n’essaya d’éduquer les masses dans l’optique d’une révolution socialiste, c’est-à-dire en faisant de l’agitation sur des objectifs qui eussent impliqué l’établissement d’un pouvoir révolutionnaire. Bien au contraire, tous les problèmes sociaux étaient laissés dans l’ombre, il ne faudrait s’en occuper qu’après l’indépendance.

Ce fut toujours avec une extraordinaire méfiance que le F.L.N. considéra les masses ouvrières. En Algérie ce fut seulement en 1960 que dans les villes sa tactique dépassa le stade du terrorisme individuel pour arriver à des manifestations de masses, et dans la métropole il fallut attendre la dernière année de guerre pour le voir mobiliser les travailleurs nord-africains dans la rue. Ce fut pourtant la seule chose qui obligea les organisations traditionnelles de la classe ouvrière française à un petit semblant d’action de solidarité, mais il est vrai que pendant toute la durée de la guerre le F.L.N. non seulement ne chercha pas à trouver un appui dans la classe ouvrière française, mais encore ses théoriciens s’employèrent à démontrer qu’aucun lien ne pouvait exister entre un pays opprimé et la classe ouvrière de son oppresseur.

Il était impossible à cause de tout cela de considérer le F.L.N. comme une direction socialiste, ou même comme une direction pouvant évoluer dans ce sens. Parce que cette politique avait un contenu de classe : si les dirigeants du F.L.N. écartaient à l’avance toute possibilité ne serait-ce que d’une véritable démocratie s’appuyant sur le mouvement révolutionnaire des masses, est-il nécessaire de rappeler comment dès l’indépendance ce fut le F.L.N. lui même qui fut en fait liquidé pour ne laisser finalement subsister qu’un pouvoir s’appuyant sur l’armée, c’est que la direction du Front n’était pas située au dessus des classes, mais que c’était bel et bien une direction bourgeoise.

Cette nature du F.L.N. ne signifiait nullement que le problème de la révolution socialiste ne se posait pas en Algérie, elle signifiait seulement qu’il ne fallait pas compter sur le Front lui-même pour constituer le parti révolutionnaire nécessaire à la révolution.

Que ce parti naisse au cours de la lutte pour l’indépendance n’était pas chose impossible, qu’il se constitue au sein du F.L.N. par le regroupement de ses éléments les plus révolutionnaires, non plus, mais ce dont on pouvait être sûr c’est que ce parti se formerait contre la direction du Front.

Une internationale révolutionnaire aurait été appelée à jouer un rôle déterminant dans la construction d’un tel parti, son aide se serait manifestée sur le plan matériel d’une part, mais aussi, et ce n’est pas le moins important, en développant une critique de la politique du F.L.N., en montrant aux militants algériens comment leurs problèmes s’intégraient à un tout international, et en leur ouvrant les perspectives d’une lutte contre l’impérialisme à cette échelle, et de la seule lutte qui soit dirigée non seulement contre un impérialisme particulier, mais contre tout impérialisme.

Malheureusement une telle internationale reste à construire, et son absence, dans un pays où n’existait aucune tradition révolutionnaire somalis-te, est sans aucun doute le facteur principal qui explique qu’un parti révolutionnaire ne se soit pas créé en Algérie.

Dans la construction de ce parti les révolutionnaires français pouvaient avoir un rôle privilégié à jouer. C’est leur impérialisme qui combattait le peuple algérien et s’ils avaient été capables de diriger des luttes de la classe ouvrière française contre l’impérialisme, en solidarité avec ce peuple, c’eût été la meilleure façon de critiquer dans les faits les théories étroitement nationalistes du F.L.N. Les ouvriers algériens étaient nombreux en France, et ils constituaient la base de classe où une avant-garde aurait pu se former.

Mais la dernière chose à faire en politique est de se consoler en imaginant que ce que l’on est incapable de faire se fera miraculeusement tout seul, et c’est malheureusement un défaut fort répandu dans la gauche française, non seulement parmi les libéraux petits bourgeois dont on ne saurait attendre autre chose, mais parmi les groupes qui se réclament du marxisme révolutionnaire.

Et ainsi, des hommes qui se réclament par ailleurs du trotskysme virent dans le F.L.N., d’autres dans le M.N.A., sinon une authentique direction révolutionnaire, du moins quelque chose d’approchant que quelques bons conseils pourraient mettre sur la bonne voie.

S’ils n’avaient fait ainsi que se tromper eux-mêmes, le mal n’eût pas été bien grand, mais en cautionnant, à la très faible échelle de leur influence, il est vrai, aux yeux des révolutionnaires et des masses algériennes les groupes dirigeants du F.L.N. (ou du M.N.A.) ils ont fait plus qu’une erreur.

Et il est faux de crier aujourd’hui à la contre-révolution en Algérie : faute de révolution (de révolution socialiste s’entend, mais pour des marxistes le mot ne peut honnêtement s’employer que dans ce sens) le terme est forcément impropre.

Le coup d’Etat de Boumedienne n’est pas pour autant sans importance, il signifie sans doute pour les opposants une recrudescence des emprisonnements, des tortures et des exécutions. Mais ce n’est que la dernière étape d’un processus préparé depuis 1954, commencé depuis le jour même de l’indépendance.

Et le peu de réaction des masses algériennes est bien plus une condamnation du régime de Ben Bella qu’une approbation de Boumedienne.

Pour le reste la politique du nouveau régime ne différera sans aucun doute guère de celle de son prédécesseur. Elle dépend d’ailleurs bien moins de sa volonté que des différentes pressions auxquelles il sera soumis, de la part de l’impérialisme d’un côté, des masses populaires de l’autre. Et il aurait bien tort, pour débenbelliser, de brûler les discours politiques du [raïs] : ils pourront sans aucun doute lui resservir.

Mais tout n’est pas dit pour autant en Algérie. Bien sûr, dans un proche avenir, on ne veut pas quelle force politique organisée serait capable de s’opposer à Boumedienne, et c’est d’ailleurs sans grande importance en ce sens que si une quelconque opposition ne sortant pas du cadre bourgeois arrivait à évincer celui-ci, le même processus auquel on a assisté de 1962 à 1965 reprendrait inexorablement son cours tant il est vrai, et les faits le montrent tous les jours, que dans les pays ayant comme l’Algérie un très bas niveau économique, il ne peut exister d’autre démocratie que celle s’appuyant sur un mouvement des masses révolutionnaires.

Après avoir souffert plus de sept ans une guerre atroce, le peuple algérien ne semble manifestement pas prêt à se battre pour replacer Ben Bella au pouvoir.

La construction d’un parti révolutionnaire lié aux masses, capable de diriger leurs luttes, et leur ouvrant des perspectives mobilisatrices est finalement le problème le plus urgent qui se pose en Algérie.

Et les masses algériennes ont donné tant d’exemples de leur vitalité, de leur combattivité, qu’il n’est pas impossible que dans les mois et les années qui viennent un tel parti se forge dans leur sein.

Mais encore une fois le problème ne se poserait sans doute pas longtemps s’il existait une Internationale digne de ce nom. Les révolutionnaires français se sentent, à juste titre, particulièrement concernés par les problèmes algériens. Ils n’ont guère de moyens d’intervenir utilement de l’autre côté de la méditerranée, et finalement, s’ils ne veulent pas vivre d’illusions, ce n’est qu’en travaillant dans leur propre pays à la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire, à la construction de cette Internationale, qu’ils pourront le mieux remplir leurs devoirs envers la révolution algérienne.

Christian JUNG
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Re: Perspective en Israël-Palestine

Message par com_71 » 16 Déc 2023, 21:05

...textes (de tendance libertaire ou ultra-gauche, mais pas seulement) sur le conflit au Moyen-Orient, compilés sur le site de Nedjib Sidi Moussa : https://sinedjib.com/

Entre autre, celui-ci, de Ghassan Kanafani : https://sinedjib.com/index.php/2022/08/ ... ion-arabe/
...cette réalité qui est devenue de plus en plus manifeste — sans pour autant être réalisée au niveau arabe — depuis le 5 juin 1967. A cette date, en effet, la collision entre le mouvement arabe nationaliste et démocratique, et l’impérialisme mondial dont les Etats-Unis sont le chef de file, est entrée dans une phase historique nouvelle.
Cette conception est assurément la seule capable d’expliquer pourquoi la crise ne peut être résolue par la résistance palestinienne, et ne saurait l’être à moins que celle-ci n’ « évolue » et ne « se transforme » en révolution arabe.
Une telle « évolution » et « transformation » est difficile et complexe, et son cheminement tortueux est exposé à des revers, et des mutations, dont le carnage de septembre 1970 en Jordanie n’est ni le dernier ni le plus catastrophique sur le plan des pertes...

Ghassan Kanafani a été assassiné le 8 juillet 1972, à Beyrouth, par les services secrets israéliens. Dans ces déclarations il ne faisait qu'entrevoir l'impasse du nationalisme. Cette impasse qui était cachée par ceux qui, à Paris ou ailleurs, faisaient défiler en criant "Palestine vivra, Palestine vaincra". 50 ans après, la majorité des tendances qui se réclament du trotskysme en sont toujours là, c'est la persistance notable d'une faillite politique.
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