la valeur de l'oeuvre d'art

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Louis » 29 Jan 2004, 15:56

CODE Que les tableaux (puisque c'est de ça qu'on cause) soient traités comme des marchandises c'est une chose inévitable dans le mode de production capitaliste, mais il ne sont pas issus d'un processus de production capitalistique (et la comparaison de Stan avec les ... timbre postes est éloquente).

Et c'est pour ça d'ailleurs qu'il n'y a plus de "tableau" dans l'art contemporain : des "installations", des "procédures", des "évènement", tout ce que tu veux, sauf des tableaux, des scultures etc etc etc

a écrit :Le capital, que je sache, c'est un certain rapport social.


oui, et c'est de ça dont on parle...

Les peintures rupestres de Lascaux n'étaient pas à vendre à une époque où l'argent n'existait pas. Les taggeurs non plus ne cherchent pas à vendre leurs oeuvres d'art quand ils tagguent des RER.

non, mais quand ils tagguent les rer, ils ne font pas d'art ! Ils ne font de l'art que quand ils cherchent a se vendre a une galerie, confient leurs intérets a un "professionnel de la profession"... Sinon, c'est pas de l'art ! Demande à Basquiat...
Louis
 
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Message par interluttant » 29 Jan 2004, 16:03

waouh ! plus de 15 messages sur ce sujet ! Merci à vous : je suis content que ce sujet interresse.
Jacquemart : Je ne comprends pas ta remarque du 27 à 22h52 quand tu dis qu'il ne faut pas prendre l'effet pour la cause ou la substance pour sa mesure. Si l'oeuvre d'art a une valeur d'échange, cela IMPLIQUE qu'il y a un temps de travail socialement nécessaire pour la produire. En réponse a ton paragraphe suivant, je dirais qu'il existe une certaine homogéneïté des marchandise "oeuvre d'art" AU MOMENT Où elles sont produites et échangées. L'oeuvre d'art n'est "unique par définition" que si on parle des tableaux de Rembrandt, c'est-à-dire qu'on se place en dehors du moment de la production et de l'échange. J'ai bien posé dans mon premier message ce cadre du moment de la production et de l'échange, comme nécessaire pour que la discussion ait un sens. Et dans ce cadre là, il n'est pas évident que les oeuvres d'art soient plus singulière que les différentes paires de bottines vendues par un cordonnier du temps de Rembrandt. Dans ton dernier paragraphe, tu poses la question de "est-ce que les acheteurs de tableaux considèrent qu'un tableau de X..." : il ne faut pas juger de ce qu'ils "considèrent" (car je pense que les lois économiques qui gouvernent leurs choix ne leurs ont pas conscientes), mais de ce qu'ils font. Et ce qu'ils font, c'est effectivement qu'ils achètent deux tableaux X et Y au même prix, ou l'un le double de l'autre, etc...
Stanislas : Pour moi, le problème de la valeur d'usage de l'oeuvre d'art est un problème tranché : l'oeuvre d'art a une valeur d'usage. Un tableau de Monet a une valeur d'usage dans la mesure où l'usage qu'on en fait dans la société est reconnu, de même qu'il est admis qu'on puisse ressentir le besoin d'en faire cet usage. Marx prend l'exemple de la dentelle, pour souligner qu'une valeur d'usage peut être atribuée a un objet tout a fait "inutile". Toi et Nadia : La question de savoir si l'usage engendre ou non l'usure de cet objet n'a pas d'importance pour la question de la valeur d'usage : la seule chose qui importe est de savoir si cet objet fait l'objet d'un besoin général dans la socitété.
LouisChristianRené : je parle bien de la valeur de l'objet d'art produit et échangé sur le marché, et non de la culture (ce qui est un autre débat). Dans ton message du 28 à 22h46, tu n'est pas rigoureux dans ta première phrase. Il n'y a pas de définition "marxiste" et "étroite" de la marchandise. Tout ce qui s'échange sur le marché est marchandise. Par contre, les marchandises sont de deux sortes :celles qui ont une valeur d'échange (=le temps de travail socialement necessaire a leur production) et celles qui n'en ont pas (dont le prix est fixé par la spéculation).
Wolf : Je suis tout à fait d'accord pour dire que la production d'oeuvres d'art ne peut pas passer au stade de la production industrielle, sinon il perd sa définition d'oeuvre d'art. Les reproductions de tableaux ne sont pas vendues comme des objets d'art, seule l"'original" peut répondre à la définition d'oeuvre d'art. De même les meubles "design" : seul le prototype est une oeuvre d'art, les autres exemplaires non. Pour moi, si les objets d'art s'échangent au temps de travail socialement necessaire pour les produire, la production d'oeuvre d'art a cela de particulier qu'elle ne peut pas dépasser le stade de la production artisanale, c'est à dire qu'il n'y pas de machine possible sur laquelle on puisse mettre au travail des salariés et qui permette ainsi de faire du profit.
Mais même dans le capitalisme des petits producteurs (artisants), la marchandise s'échange au temps de travail socialement necessaire pour la produire...
A vous lire :smile:
interluttant
 
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Message par interluttant » 29 Jan 2004, 16:17

Merci, Wolf, pour tes explications (données hors forum) sur la reproduction du capital. Ce pendant, comme je l'ai mis plus haut, mon but n'est pas de faire rentrer l'oeuvre d'art dans ce shéma. TOUTES les marchandises produites et échangées dans le sytème capitaliste s'échangent au temps de travail socialement necessaire pour les produire. Je pense qu'on peut assimiler l'oeuvre d'art a une marchandise produite sans matière première ni capital constant (machines).

Les tageurs : Tout à fait d'accord avec LouisChristianRené, ils ne sont pas rétribués pour leur tags, leur activité n'est pas un "travail", ils ne sont pas sur un marché du travail des taggeurs, et le produit de leur activité n'est pas sur le marché. Donc on peut les inclure dans une discussion sur la valeur de l'oeuvre d'art.
interluttant
 
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Message par Louis » 29 Jan 2004, 16:19

a écrit :Pour lcr : tu n'est pas rigoureux dans ta première phrase. Il n'y a pas de définition "marxiste" et "étroite" de la marchandise. Tout ce qui s'échange sur le marché est marchandise. Par contre, les marchandises sont de deux sortes :celles qui ont une valeur d'échange (=le temps de travail socialement necessaire a leur production) et celles qui n'en ont pas (dont le prix est fixé par la spéculation).


déja, les marchandises peuvent avoir leur prix fixé par la spéculation (par exemple, j'ai cité le marché a terme des matieres premieres qui est fortement spéculatif)

mais effectivement, je n'ai pas dit de façon suffisemment claire les notions de machandises (produite par le marché) et d'autres objets (ayant donc une valeur d'usage) qui n'étaient pas spécialement prévu pour etre vendu sur un marché Et ce que je pense, c'est que l'oeuvre d'art, au travers d'un mécanisme précis et complexe, passe d'un status a un autre !
Louis
 
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Message par interluttant » 29 Jan 2004, 16:19

excusez, je voulais dire on NE peut PAS inclure les taggeurs et leurs tags dans notre discussion.
interluttant
 
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Message par Jacquemart » 29 Jan 2004, 20:34

Bien que cela risque d'être un tantinet longuet, je voudrais essayer de mettre un peu d'ordre dans tout cela, parce que certaines interventions me semblent considérer les notions d'économie politique marxiste avec un peu trop de flou... artistique, bien sûr (celle-là, je ne pouvais pas m'en empêcher. Désolé.)

Revenons-en à nos moutons. Il y a deux discussions parallèles :
1. Quels sont les critères marxistes pour la définition de la marchandise, de la valeur d'échange, etc.
2. Quelles sont les conditions de production, de commercialisation, etc. d'une oeuvre d'art. Et du coup, remplit-elle ou non les critères n°1.

Commençons par les considérations générales sur la marchandise, le prix, la valeur d'échange, etc.

A. Tout ce qui s'achète et qui se vend n'est pas une marchandise, au sens marxiste du terme. La terre n'est pas une marchandise. Les reconnaissances de dettes ne sont pas des marchandises. Les polices d'assurances ne sont pas des marchandises, etc. Car sinon, on appelle marchandise absolument tout, parce que dans cette société, tout est à vendre. C'est peut-être ce que fait le langage commun, mais ce n'est pas ce que fait Marx.

B. Le terme de marchandise, chez Marx, désigne donc une catégorie précise de biens : ceux qui sont le produit du travail, et qui sont produits de manière suffisamment large, nombreuse, pour que la société - le marché - établisse de fait une moyenne de leurs conditions de production, donc une valeur d'échange (dont le prix ne sera qu'une manifestation plus ou moins approximative). Cette "valeur d'échange" représente donc chez Marx par définition la quantité de travail socialement nécessaire à la production. C'est bien parce que l'automobile est une marchandise qu'elle possède une valeur d'échange, et non l'inverse. Et c'est une contradiction insoluble que de dire qu'un bien possède une valeur d'échange différente du temps de travail socialement nécessaire à sa fabrication.

C. Wolf commet une autre erreur en assimilant "marchandise" et "produit dans des conditions capitalistes". Il y a des marchandises qui ne sont pas produites dans des conditions capitalistes : celles qui viennent des producteurs individuels. Et inversement, il y a des masses très importantes de capitaux qui emploient du travail salarié pour produire tout autre chose que des marchandises : les banques, les assurances, les commerces, etc.

2. On en arrive au statut précis de l"oeuvre d'art. Là, je serai moins affirmatif, car tout dépend de la définition que l'on donne à "oeuvre d'art", terme qui relève largement moins de la science économique que de l'esthétique.

Toutefois, si on définit comme oeuvre d'art une production unique (même s'il s'agit d'une oeuvre collective), et même si elle a été créée pour être vendue (sur commande ou non), il est clair qu'il ne s'agit en aucun cas d'une marchandise. Il ne se forme autour de cette oeuvre ni prix unique (puisqu'il n'y en a qu'un seul), ni valeur d'échange.

Mais qu'est-ce qu'une oeuvre unique, demandera Interluttant ? Il n'y a pas d'autre réponse que de dire : c'est une oeuvre qui est considérée comme telle par la société. C'est exactement comme la valeur d'usage : ce qui fonde son existence, c'est que la société la reconnaisse. Interluttant dit : "il ne faut pas se fier à ce que la société considère, mais aux lois économiques". Mais dans ce cas précis, c'est poser le problème à l'envers. Pour une oeuvre d'art, la société considère qu'elle est unique, et c'est cela qui permet à son prix de ne pas obéir aux lois économiques !

Alors, il est tout à fait vrai que tout produit "culturel" ne relève pas du statut de l'oeuvre d'art. Il existe des millions de marchandises culturelles produites et vendues chaque année, qui se comportent comme des marchandises parfaitement ordinaires, ce qu'elles sont, d'ailleurs. Pour les curieux, il existe un texte de Marx où celui-ci, pour illustrer ce qu'est un travail salarié producteur de valeur, prend l'exemple d'un clown employé par un cirque. Comme quoi, la "marchandisation de la culture", ça ne date pas d'hier.

Enfin, pour conclure, j'admets avoir qualifié un peu vite de verbiage creux la "critique du capitalisme cognitif". Le verbiage creux, c'est le seul "capitalisme cognitif". Dont acte.
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Message par Louis » 29 Jan 2004, 20:51

moi je suis d'accord avec toi ! mais ce qui se discute, c'est justement l'unicité de l'oeuvre d'art, de plus en plus problématique...

Mais le caractere unique de l'oeuvre d'art de plus en plus remis en cause (la "perte d'aura" chére a W benjamin) et dont l'évolution se mesure a la disparition "relative" de l'oeuvre d'art (qui devient processus, ready made, "installation", "dispositif") est aussi un processus caché ! Le Fétichisme de la marchandise n'apparait il pas avec le plus de force dans le "marché de l'art" totalement industrialisé ? Comme la bouffe industrielle se donne l'aspect d'une restauration "à l'ancienne"; de meme le "marché de l'art" veut faire croire qu'il y a de l'art et des artistes ! Mais il y a belle lurettes qu'ils ont disparus...
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Message par Catharos » 29 Jan 2004, 21:10

Moi je suis pour l'art scatologique : le génie était MANZONI

je prefère celui qui mettait sa merde en boite... C'était qui déjà ? C'est c'est du pur... L'art de la matière...

Je cite

Piero Manzoni est mort jeune (trente ans). Ceux qui meurent jeunes prennent facilement des allures de mythes ; Marylin ne deviendra jamais vieille et moche. Pour un artiste, la mort sous-entend une oeuvre inachevée, ce qui confère à l'oeuvre en question encore plus d'intérêt pour différentes raisons : D'abord, l'aspect tragique sert souvent de caution de qualité (la Tragédie est un genre classique) et l'humain rattrapé par la mort fait tout de suite plus sérieux... 
(on a jamais autant reconnu Coluche que depuis qu'il est mort). Le petit "fouteur de merde" atteint donc en mourant une dimension tragique et une garantie de sérieux ; le côté Till l'espiègle s'estompe, comme si la mort donnait plus de crédibilité aux pieds-de-nez !
Mort le 6 février 63, son travail est réalisé sur six ans, à un moment où la notion d'avant garde devient consciente et militante. Son travail et celui des nouveaux réalistes sont presque simultanés, et on peut penser à plusieurs d'entre eux. 
La production de Piero Manzoni comprend plusieurs types d'oeuvres. Les plus "plastiques" sont les Achromes, "tableaux blancs" d'assez petits formats. La rencontre de Manzoni et de Klein a bien eu lieu, et certainement ils ont confronté leurs recherches monochromatiques. Manzoni veut aller plus loin que le bleu de Klein. Son travail sur les Achromes ( a privatif,  tableaux sans couleur) est aussi une recherche sur l'infini, mais sur l'infini de la toile, du tableau.
"L'infini est rigoureusement monochrome, ou mieux encore, sans couleur" dit-il.
Ses Achromes sont donc des tableaux entièrement blancs, constitués de matériaux déjà blancs par eux mêmes, sans adjonction de signes picturaux, sans recherches formelles (encore que leur format carré soit déjà un peu connoté, comment ne pas penser au Carré blanc sur fond blanc de Malévitch...), sans signes plastiques autres que ceux des matériaux utilisés. Bien sûr, il y a du ready made là dedans.
La somme des Achromes fait un peu penser à Arman, dans la répétition, l'accumulation de blancs différents. Ce n'est pas du tout la démarche d'Arman qui rend saisissant par juxtaposition, mais l'idée de l'inventaire est en l'air. 
Son travail sur la ligne (qui est au dessin ce que ses Achromes sont à la peinture) est aussi rigoureux, et aussi radical. Une ligne ne doit rien représenter, elle doit être ligne, point c'est tout. D'où sa "ligne de 7200 mètres, tracée en continu sur un rouleau dévideur, et enfermée dans un container portant l'énoncé du contenu : une ligne de 7200 mètres de long !
Il réalise aussi des performances, pendant lesquelles il signe des femmes nues. 
Les femmes sont-elles à voir comme des oeuvres préexistantes, des ready mades qu'il découvrirait et s'approprierait par la signature ? On pense encore à Klein et à ses performances dans lesquelles les femmes jouaient le rôle de pinceaux vivants, mais aussi de toiles, de sujets, d'objets, d'oeuvres vivantes... Mais sur "ses" femmes, Manzoni ne met pas de couleurs (a-chrome, toujours). Dans l'acte de signature, on pense aussi à Ben, autre grand espiègle de l'art du vingtième siècle, mais de manière plus volontairement comique que Manzoni. En effet, un temps Ben se propose de signer tout ce qui se présente, même les oeuvres d'autres peintres. (là encore, ready-made)
Manzoni travaille aussi sur les socles, donc sur la sculpture. Le plus fameux est un socle de la terre, un cube sur lequel figure à l'envers l'inscription : "SOCLE DU MONDE". C'est un socle de statue, sur lequel il n'y a pas de statue, il n'y a rien d'autre que l'inscription qui lui donne son sens (ou ses sens puisqu'il y a inversion haut/bas, et que c'est de cette inversion qu'apparaît le sens d'adéquation entre la forme et le fond, le sens signifié par la sculpture de Manzoni). Il réalise alors un joli paradoxe : Sa sculpture minimaliste (un "bête" cube qu'on peut rapprocher des abstractions géométriques) représente non pas une sculpture, mais ce qui sert à montrer une sculpture, à la mettre en valeur. Par la pirouette de l'inscription, il renverse le spectateur et la terre devient elle même un ready made, l'oeuvre d'art totale qui s'intègre à son socle. Ce n'est pas seulement une plaisanterie, mais c'en est une aussi. Il est assez marrant de se laisser piéger à renverser sa vision, à essayer de visualiser le "monde à l'envers" et la terre reposant toute entière sur ce socle comme une statue dans l'espace. On peut alors penser qu'avec ce "SOCLE DU MONDE", il atteint effectivement un peu cet infini que Yves Klein cherchait et trouvait dans le bleu. Le côté comique et le côté vertigineux cohabitent dans la même oeuvre. On peut aussi penser que cette forme d'intervention artistique est un parasitage du réel. Plusieurs regards sont possibles sur le travail de Manzoni. Sa production de sculpteur prend aussi la forme d'oeufs, forme originelle, parfaite, la forme du "déjà né" et du "préexistant" en même temps... Un peu prise de tête, peut-être, mais pas tellement si on y réfléchit. Sur l'oeuf, l'empreinte digitale d'un pouce, comme la signature, la trace de l'appropriation, le geste du sculpteur. On pense alors au pouce de César (encore un apparenté au nouveau réalisme!) qui fait du pouce du sculpteur (l'outil à repousser l'argile du modelage) le sujet de sa sculpture. Il est manifeste que le travail de Manzoni a une dimension conceptuelle non négligeable, même si, à l'époque, l'idée d'un Art Conceptuel n'est pas encore énoncée, et si il n'existe pas encore une production répertoriée sous cette appellation. L'oeuvre la plus connue de Manzoni est bien entendu celle qui choque le plus : 
"Merde d'artiste en boite".
Ce sont des boites de conserve avec étiquette en plusieurs langues : Merde d'artiste. Poids net : 30gr, conservé au naturel, etc.
Manzoni prouve si besoin qu'on peut toujours aller plus loin, et avec cette oeuvre, il rejoint immédiatement les plus grands au panthéon des iconoclastes. Ca peut évidemment faire bondir les "amateurs de belles choses" qui pensent être "amateurs d'art". 

De qui se moque-t-on ? Alors là c'est pousser la provocation un peu loin! C'est un escroc qui veut nous faire croire que sa merde c'est de l'art! Ils ne savent plus quoi inventer! 

On peut imaginer une tonne d'exclamations scandalisées devant cette "oeuvre". La colère étant la réaction la plus souvent exprimée. Et c'est assez normal, mais de quoi s'agit-il ? Piero Manzoni "met en image" une réflexion sur l'art qui est multiforme et qui va assez loin. Il y a tout d'abord dénonciation de l'art produit de consommation, de l'art "manufacturé", marchandise, dénonciation du système de vente et du marché, certainement. L'idée de conserve (conservation, conservateur...) est aussi à creuser. Ca rappelle un peu les phrases ravageuses de Marinetti sur les musées et dans le même temps, c'est contemporain des déclarations du Pop' Art (plus exactement de Warhol) sur les grands magasins qui sont les musées de notre époque. Ce n'est donc pas quelque chose de tout à fait gratuit. On ne peut pas évacuer totalement l'aspect provocateur de l'oeuvre, c'est vrai que sa lecture premier degré en fait quelque chose de choquant, mais le choc lui même est un fait artistique fréquent. Et le sens implicite de la merde d'artiste en boite n'est pas très difficile à mettre à jour :
Manzoni affirme que tout ce que nous sommes capables de produire, c'est de la merde. 
Que tout ce que nous savons faire c'est de prendre dans le réel, de digérer et de transformer en merde! C'est une parabole assez peu joyeuse de l'Art et de l'impuissance de l'homme (On a vu par ailleurs comment la création artistique pouvait être une compensation de l'incapacité masculine à donner la vie : Voici la fille née sans mère, de Francis Picabia). Manzoni met donc en forme, en image, une pensée, une réflexion sur l'humain et ses limites, et en cela, sa proposition s'inscrit véritablement dans l'Art. En d'autres temps, sous une autre forme, quelqu'un avait dit à peu près la même chose : Tout est vanité. Vanitas, vanitatum, et omnia vanitas... (J'ai vérifié dans "les pages roses", c'est dans l'écclésiaste.) 
Et tout le monde y avait vu une grande profondeur de réflexion. Il y a dans la provocation de Manzoni ce même type de grandeur, d'universalité pessimiste. Ce n'est donc pas un simple petit amuseur qui joue à choquer les bourgeois. Et qu'il y ait ou non de la merde dans la boite ne présente aucun intérêt, ne fait aucune différence!
Catharos
 
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Message par Catharos » 29 Jan 2004, 21:14

Un de ses amis a acheté une boite à merde, il a ouverte, Y avait rien dedans, surement une contre façon...
Catharos
 
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Message par Louis » 29 Jan 2004, 21:20

la "merde d'artiste" est un bon exemple de ce que je dit : elle n'a rien d'une oeuvre unique (on peut pas dire combien il en existe)
Louis
 
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