("Le Parisien/Aujourd'hui" a écrit : Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime)
Pour Besancenot, « un parfum de 1995 »
ÇA SENT la poudre et Olivier Besancenot aime ça. En guise de veillée d'armes avant le début de la grève, le facteur de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) est allé hier prendre le pouls des cheminots dans le bastion syndical de Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime). Porté par les dernières enquêtes de popularité qui le donnent à gauche au coude à coude avec Ségolène Royal, Besancenot entend bien surfer sur le mouvement social et profiter des atermoiements du PS.
Hier, les « bleus » de travail de l'atelier SNCF des Quatre-Marches l'ont accueilli comme l'un des leurs. A la pause casse-croûte, bien encadrés par les syndicalistes de la CGT et de SUD-Rail, une trentaine d'ouvriers se rassemblent autour du postier. Une minorité pour la photo, les autres pour écouter le facteur. « Les gars, il va falloir tenir au moins jusqu'au 20 novembre, c'est le but du jeu », prévient Besancenot. Si la forte participation à la journée de grève de demain ne fait guère de doute, c'est la suite qui est plus problématique. Un nouveau 1995 ? Douze ans après, le souvenir du « Juppéthon » est encore bien présent dans l'établissement de Sotteville. « A l'époque, même le patron nous a filé en douce 500 F pour les barbecues... » se souvient Mimi, trente-cinq ans de métier.
« Faire converger les luttes »
Comme en 1995, les sondages d'avant-grève ne sont pas favorables aux cheminots, qui redoutent « certaines crispations des usagers ». Pour Besancenot, la clef « c'est de faire converger les luttes ». « Si il n'y pas de transports, que les taxis s'y mettent et qu'EDF coupe l'électricité, Sarkozy ne pourra pas se croire longtemps invincible », tonne le facteur, qui se félicite d'« un bon petit climat ». Autonomie des universités, pouvoir d'achat, hausse du salaire du président de la République, paquet fiscal : en une heure, l'action « antisociale » du gouvernement est vilipendée. Et la tiédeur du PS mise sur le gril. « Même pour soutenir la grève, la direction du PS n'est pas claire », critique Besancenot. « Ségolène Royal a fait une croix sur nous, et nous, on a fait une croix sur elle », rétorque un ouvrier. Le facteur boit du petit-lait. Mais derrière la volonté claironnée de ne pas laisser faire, les doutes pointent. « Moi, un jour de grève c'est 50 € qui partent en fumée... » soulève discrètement Jeannot. Qu'importe : les palettes à brûler sont déjà stockées pour le piquet de grève. Et Besancenot, lui, ne perd pas de temps : le postier va passer sa semaine entre EDF, la Poste, la Snecma et la SNCF pour allumer la mèche. Car, glisse-t-il, il flotte « un petit parfum de 1995 ».
Eric Hacquemand
Le Parisien , mardi 13 novembre 2007