par Front Unique » 13 Juin 2008, 20:48
Informations Ouvrières N° 849 - Semaine du 5 au 11 juin 2008
Oui, Bruxelles, tu nous crèves !
Pour tout observateur objectif, la vie politique française doit paraître bien mystérieuse. Des marins-pêcheurs manifestent dans tout le pays derrière des banderoles « Stop à la dictature européenne ! » et brûlent le drapeau de l’Union européenne. Venus de France, d’Italie et aussi d’Espagne, du Portugal et de Belgique, des marins-pêcheurs convergent vers l’édifice de la Commission de Bruxelles aux cris de : « Bruxelles, tu nous crèves ! » Et, hormis le comité permanent pour un parti ouvrier indépendant, tous les partis politiques institutionnels font comme les trois singes de la sagesse asiatique : de cette mise en accusation de l’Union européenne et de ses institutions, ils n’ont rien vu, rien entendu, et ils n’ont rien à dire à ce sujet.
Bien sûr, s’agissant de la flambée des prix du pétrole, chacun y va de sa solution.
Le scandale est tel — les profits monstrueux de Total accumulés dans la spéculation, tandis que la répercussion sur les prix à la consommation frappe toute la population — qu’on ne peut faire mine de l’ignorer. Les dirigeants du PS se partagent entre ceux qui préconisent une « redistribution des plus-values » (Delanoë) et d’autres qui préfèrent « prélever » sur les profits pour investir « dans les énergies renouvelables » (Ségolène Royal).
A cet effet, les uns recommandent « une négociation » avec Total (Stéphane Le Foll, dirigeant du PS), d’autres vont jusqu’à affirmer « qu’il faut réquisitionner Total » (Besancenot).
Tout cela peut se discuter. Mais chacun le sait : aucune de ces mesures n’a la moindre chance de voir le jour dans le cadre du respect de la sacro-sainte « concurrence libre et non faussée » gravée dans le marbre des traités de l’Union européenne... Union européenne avec laquelle ni les uns ni les autres ne proposent de rompre.
Et de cela, il faudrait ne rien dire ? Tous ces marins-pêcheurs, ces routiers, qui montrent du doigt la responsabilité de l’Union européenne se tromperaient-ils de cible ? Ces travailleurs de la SNCF ou d’EDF-GDF qui s’opposent aux privatisations en accusant l’Union européenne d’en être à l’origine, ces ouvriers de la métallurgie et de la chimie qui pointent du doigt le rapport entre suppressions d’emplois, fermetures d’usines, délocalisations et traité de Lisbonne… tous ceux-là feraient-ils fausse route ? Ces viticulteurs et ces agriculteurs qui dénoncent la main de Bruxelles (la PAC) derrière l’arrachage des vignes et la mise en jachère des terres… tous des ignorants ?
Allons donc… En réalité, il y a plus de bon sens politique dans un seul marin-pêcheur manifestant à Bruxelles que dans tout ce qu’on appelle « la classe politique » réunie en une même tentative de camoufler les vraies responsabilités.
Oui, Bruxelles, tu nous crèves ! Qu’on soit marin-pêcheur ou paysan, ouvrier ou employé, chômeur ou retraité, mère de famille ou étudiant, Bruxelles, tu nous crèves avec tes plans de destruction, de désertification, de déréglementation et de démantèlement de tout !
Faudrait-il, sous prétexte que la présidence française de l’Europe commence le 1er juillet, camoufler cette réalité ?
Les monstrueux profits de Total (12 milliards d’euros l’an passé, plus de 50 milliards d’euros en 5 ans) peuvent et doivent être confisqués. Total doit être renationalisé, sans indemnité ni rachat. Les prix à la consommation des produits pétroliers peuvent et doivent être immédiatement ramenés au niveau antérieur à la flambée actuelle. Les salaires et les revenus peuvent faire l’objet d’une revalorisation immédiate et générale.
Ce sont là quelques mesures (parmi d’autres) que prendrait un gouvernement au service de la population laborieuse. Pour cela, encore faut-il ne pas jouer à être sourd, muet et aveugle sur Bruxelles. Encore faut-il ne pas avoir peur de s’engager sur la voie de la rupture avec l’Union européenne. En un mot : encore faut-il être indépendant.
Indépendant : comme le parti ouvrier qui verra le jour le 15 juin prochain.
Daniel Gluckstein