Bibliothèque virtuelle sur Internet

[Urriko]

L'américain Google suspend son projet de numérisation de livres sur Internet

LE MONDE | 13.08.05 | 12h21  •  Mis à jour le 13.08.05 | 12h21


L'audacieux Google fait acte de prudence. Le numéro un mondial des moteurs de recherche a annoncé, vendredi 12 août, par le biais d'un communiqué sur son site Internet, qu'il suspend son projet controversé de numérisation de livres, Google Print, le temps d'arriver à un accord avec notamment les maisons d'édition détentrices des droits de reproduction de ces ouvrages.

"Comme beaucoup d'idées ambitieuses, Google Print a provoqué un débat et des discussions saines. Et nous avons écouté. Ces derniers mois, nous avons discuté avec de nombreux éditeurs, des entreprises d'édition et des auteurs de notre projet" , écrit Adam Smith, responsable du programme, sur le site Internet. "Désormais, les détenteurs des droits peuvent nous dire quels livres ils préféreraient ne pas nous voir numériser, si nous les trouvons dans une bibliothèque. Pour leur permettre d'examiner ces possibilités, nous ne numériserons aucun livre sous copyright d'ici à novembre", ajoute M. Smith.

C'est le 14 décembre 2004 que Google annonce qu'il ambitionne de numériser en six ans 15 millions d'ouvrages provenant de prestigieuses bibliothèques américaines et britanniques (universités de Harvard, de Stanford, d'Oxford...) avec lesquelles elle a passé un accord. Une bibliothèque universelle que les dirigeants de Google n'hésitent pas à comparer à la découverte de l'imprimerie par Gutenberg. Le projet veut permettre à tout internaute de consulter intégralement ces ouvrages. En revanche, les usagers ne pourraient ni les télécharger, ni les sauvegarder ni les imprimer.

La plupart des bibliothèques impliquées avaient déjà lancé des programmes de numérisation de leurs collections, mais avec une technologie moins perfectionnée et, surtout, à une échelle plus faible. Google leur offre les grands moyens, le coût de l'opération étant estimé entre 150 et 200 millions de dollars. L'entreprise, entrée en Bourse en août 2004, est plébiscitée par les marchés financiers. Elle est désormais valorisée plus de 80 milliards de dollars, quatre fois plus que le premier constructeur automobile mondial General Motors.

Cette nouvelle a rapidement été mal reçue, notamment en France. Dès janvier, le président de la Bibliothèque nationale de France (BNF), Jean-Noël Jeanneney, estime dans Le Monde du 24 janvier que "Google défie L'Europe". "Voici que s'affirme le risque d'une domination écrasante de l'Amérique dans la définition de l'idée que les prochaines générations se feront du monde", explique-t-il.

M. Jeanneney, ancien ministre de la communication de François Mitterrand, appelle alors "les décideurs européens à organiser en face une présence française et européenne". En mars, le président de la République, Jacques Chirac, reçoit M. Jeanneney, et le ministre de la culture et de la communication, Renaud Donnedieu de Vabres afin d'évoquer un projet de Bibliothèque virtuelle européenne. L'Elysée a beau s'en défendre, il s'agit de répondre au projet Google Print.

Ces derniers mois, la polémique s'était étendue aux Etats-Unis. L'Association of American University Presses, qui regroupe une centaine d'éditeurs universitaires, redoutait avec ce projet un "non-respect systématique et à grande échelle du droit de copyright".

Après l'annonce de la suspension du projet, L'Association des éditeurs américains s'est déclarée "heureuse" de la décision de Google.

Mais selon sa porte-parole, Patricia Schroeder, les éditeurs ne peuvent se satisfaire de la solution proposée par Google qui leur demande de déclarer les titres des livres qu'ils ne souhaitent pas voir numériser.


Laure Belot


La contre-offensive européenne

7 octobre 2004 : Google présente à la Foire de Francfort un projet dénommé Google Print, pour permettre de consulter des extraits de livres en ligne.
14 décembre 2004 : Google lance son projet de bibliothèque virtuelle et veut mettre en ligne quinze millions de livres.
16 mars 2005 : Jacques Chirac lance un projet de bibliothèque virtuelle européenne.
27 avril 2005 : les dix-neuf bibliothèques nationales européennes s'accordent sur un projet de bibliothèque numérique alternatif.
28 avril 2005 : six pays européens demandent à l'UE de lancer une bibliothèque numérique.


Article paru dans l'édition du 14.08.05