Coca-Cola et les chercheurs en Histoire

Coca-Cola et les chercheurs en Histoire

Message par Gaby » 15 Avr 2015, 01:40

http://blogs.mediapart.fr/edition/les-i ... -dhistoire

De 2002 à 2009, différents mouvements d'étudiants, d'enseignants et du personnel des universités ont protesté contre les réformes successives de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui, entre autres points d'achoppement, exigeaient des établissements qu'ils trouvent d'avantage de sources de financement en dehors des dotations publiques. Depuis 2007, la loi LRU permet ainsi aux entreprises de bénéficier de déductions d'impôt à hauteur de 60 % quand elles investissent dans le supérieur, comme Microsoft l'a fait avec l'université Lyon I. Autrement dit, l’État français en se privant de rentrées fiscales, finance pour partie les opérations de communication des plus riches entreprises internationales et rend les universités dépendantes de leurs contributions.



Pour les sciences sociales et humaines, notre crainte était une perte de moyens absolue, car nous n'imaginions pas qu'une entreprise pourrait s'engager dans des domaines dont la finalité est avant tout profitable sous la forme de l'élévation des consciences critiques. A quoi donc pourrait bien ressembler une contribution d'une multinationale en histoire ou en lettres ?



La réponse à cette question est depuis venue sous la forme d'initiatives de Coca-Cola. Derrière un paravent nommé « Observatoire du Bonheur », Coca-Cola s'offre des encarts publicitaires d'un genre nouveau, où l'on peut trouver sur une même page internet, le logo de la marque, la prétention en caractères gras d'être « la marque la plus associée à l'optimisme chez les 12-19 ans » et ses « cahiers thématiques », revue simili-académique où des chercheurs publient de courts essais. Que des travailleurs intellectuels vendent leur image et leurs textes dans une démarche publicitaire est leur droit reconnu mais aussi leur responsabilité morale face à leurs collègues dans un contexte d'ingérence croissante du secteur privé dans le financement de la recherche.



Plus grave que grotesque, Coca-Cola offre également des prix à destination des doctorants qui étudient le bonheur. Que ce financement soit à destination des plus précaires parmi les producteurs de savoir n'est pas un hasard. La réalisation d'une belle thèse se fait au prix d'efforts humains surtout mais aussi financiers, et les doctorants qui parviennent au bout de leurs recherches sont souvent les plus aidés. Il est important de noter que des universités ont relayé l'appel de Coca-Cola auprès de leurs doctorants, espérant pallier les insuffisances des financements institutionnels anciens. Ainsi, Coca-Cola coopte de facto des activités de recherche littéraire et historique, ce qui marque une nouveauté dans le contexte français. Les étudiants devraient pouvoir finir leur thèse sans dépendre des investissements d'une marque préoccupée par son image et bénéficiant de la bienveillance des cadres universitaires.



Que dirait « l'Observatoire du Bonheur » d'une proposition de recherche sur le bonheur très relatif des syndicalistes Colombiens que Coca-Cola et ses filiales ont été accusés de maltraiter, pour employer un euphémisme morbide ? Que dirait « l'Observatoire du Bonheur » d'une enquête sur la responsabilité de Coca-Cola dans la progression de l'obésité ? Ces propositions ne seraient pas retenues. Si le financement par le service public représente aussi une forme de dépendance, force est de constater qu'il a été possible jusque-là pour des chercheurs de faire le bilan, parfois incriminant, de l’État qui les emploie.



Le public et l'immense majorité des chercheurs tournent déjà en dérision les quelques scientifiques qui se vendent à des entreprises championnes de la pollution pour produire des textes niant la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique. Peu s'imaginent cependant que le problème s'est étendu à d'autres disciplines. Tâchons à l'avenir de reconquérir dans les universités un espace libéré de l'arbitraire des groupes capitalistes, et soyons vigilants face à ces petites nouveautés faussement anodines qui ensemble finissent par produire une évolution significative et déplorable des conditions de production de notre savoir, dans l'intégralité des domaines scientifiques. La philanthropie d'entreprise est un oxymore Orwellien, fausse communauté d'intérêts, véritable menace pour nos universités.
Gaby
 
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Re: Coca-Cola et les chercheurs en Histoire

Message par com_71 » 15 Avr 2015, 03:31

ça commence bien avant l'université :
combat ouvrier a écrit :Martinique : Mini-entreprises, maxi manipulation

Depuis mars 2014, dans plusieurs établissements scolaires de l’académie, se développent de nouvelles pratiques pédagogiques : les mini-entreprises. Ces mini-entreprises (mini-sociétés anonymes dotées de mini-PDG) réunissent des jeunes, qui y proposent des activités diverses : fabrication de bijoux, vente de pizzas, lavage de voitures, etc. Il s’agit d’initiatives parrainées et encadrées par une organisation nommée « Entreprendre Pour Apprendre (E.P.A.) France». L’implantation d’une représentation de cette fédération en Martinique a été rendue possible grâce à la collaboration très étroite entre la rectrice de l’académie et la Chambre de Commerce de Martinique où est installé le siège de la filiale EPA Martinique et où s’est tenue le jeudi 19 mars 2015 une assemblée générale. Les buts avoués de la fédération EPA, qui appartient au réseau mondial «Junior Achievement Worldwide», réseau né aux États-Unis en 1919, est de préparer les jeunes au monde professionnel. Et l’un de ses dirigeants, Jérôme GERVAIS, lié à la société ADECCO, leader mondial de l’intérim, précise qu’il s’agit de cette manière «de rapprocher davantage le monde de l’éducation du monde de l’entreprise».
Le public concerné comprend autant les jeunes, puisqu’il va du primaire au supérieur (de 8 à 25 ans), que les enseignants. EPA France est soutenu par le MEDEF (le grand patronat français), la CGPME (le petit et moyen patronat français), bien connus pour leurs offensives permanentes pour obtenir des différents gouvernements que le code du travail et les quelques dispositions qu’il contient soient réduits à néant. Parmi les soutiens de cette fédération, on trouve également la Hong Kong and Shanghai Banking Corporation (HSBC), une banque qui est impliquée via sa filiale suisse dans un scandale de fraude fiscale portant sur plus de 180,6 milliards d’euros en 5 mois (novembre 2006 à mars 2007). De beaux parrains pour les jeunes que certains veulent encourager à accéder à l’échelle des affaires ! Et la listes des soutiens est encore longue. La création et le développement des mini-entreprises dans les établissements scolaires constituent une offensive des milieux économiques et patronaux pour investir l’École, avec la bénédiction du ministère de l’Éducation nationale.
Le véritable objectif visé est d’éradiquer tout esprit critique, toute conscience de classe, et de donner aux jeunes, mais également à leurs enseignants, une «vision positive» de cette société et du système capitaliste après un formatage idéologique. Que cette filiale EPA Martinique soit domiciliée à la CCIM, structure présidée par Manuel Baudoin, que le Conseil régional de Martinique soit impliqué au plus niveau via le président de sa Commission Éducation, Daniel Robin, membre éminent du MEDEF Martinique, ne sont pas des actes neutres. Tout cela révèle la soumission des responsables des dirigeants politiques, actuels et passés, au capitalisme et au marché ; ils œuvrent pour que ce dernier imprime sa marque dans l’organisation de l’école.
«Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes » a fort justement dit Karl Marx. Autrement dit, la classe des capitalistes, «qui est la puissance matérielle dominante» de la société actuelle est aussi «la puissance dominante spirituelle» et cherche à imposer partout et par tous les moyens, ses choix économiques, ses valeurs, ses principes à toute la société. Ces valeurs et choix économiques doivent être dénoncés car tout cela se développe au détriment du rôle de l'école dans le développement d'une vraie culture générale qui n'a rien à voir avec l'appât du gain.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Coca-Cola et les chercheurs en Histoire

Message par Kool-Aid! » 20 Avr 2015, 14:29

- Le(s) lauréat(s) s’engage(nt) à fournir au jury de l’Observatoire du Bonheur des
rapports bi-annuels sur l‘avancement de ses recherches. Ces rapports pourront être
publiés sur le site de l’Observatoire du Bonheur. Le cas échéant, la Société
organisatrice, ou ses représentants, se rapprocheront du lauréat pour régulariser les
autorisations nécessaires à ces publications.

- Le(s) lauréat(s) lorsqu’il(s) présentera(ont) ses (leurs) travaux finis lors de
conférences, de colloques et de publications scientifiques, devra mentionner le
soutien financier dont il a bénéficié dans ses recherches grâce au Prix « Observatoire
du Bonheur ».

- Le(s) lauréat(s) devra(ont) être présent(s) à la remise du prix et pourra(ont) être
invité(s) lors de manifestations de présentation du prix. (Les frais de déplacement
seront alors pris en charge par la Société organisatrice)

http://www.coca-cola-france.fr/contentF ... r_2015.pdf


Stephanie Bruhiere

Consultante senior
Burson-Marsteller i&e
janvier 2010 – Aujourd’hui (5 ans 4 mois)
Références : Coca-Cola, Mars Petcare, Mars Chocolat, Sony Mobile, ORPI, Centres E.Leclerc

Pôle Corporate

Conseil et mise en œuvre de programmes de relations publiques pour les entreprises : conseil sur les stratégies de médiatisation, communication de crise, lobbying, veille et analyse stratégique, accompagnement de dirigeants, gestion de projets

Communication corporate et communication de marque

Management d'équipes et gestion de budgets

https://fr.linkedin.com/pub/st%C3%A9pha ... 30/87b/84b


Et nos amis de SciencePo® et Cagneux® qui ont tout bien réussi dans le corporatisme. Félicitations à eux.

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Re: Coca-Cola et les chercheurs en Histoire

Message par Kool-Aid! » 21 Avr 2015, 12:53

Trois Prix de Recherche désignés par un Jury d’experts
Les Prix de l’Observatoire du Bonheur récompensent trois étudiants inscrits en doctorat
autour de la thématique « le bonheur comme enjeu du culture et de société ».
Ces lauréats ont été désignés par un Jury composé de :
• Jean-Pierre Ternaux, directeur de recherche au CNRS et coordonnateur de
l’Observatoire du Bonheur. Domaine d’expertise : neurobiologie ;
• Gilles Boëtsch, directeur de recherche au CNRS. Domaine d’expertise :
anthropologie ;
• Jean-Pierre Corbeau, professeur émérite de sociologie. Domaine
d’expertise : sociologie ;
• Mireille Delbraccio, ingénieur de recherche au CNRS. Domaine d’expertise :
philosophie ;
• Michèle Gally, professeur des Universités. Domaine d’expertise : littérature,
linguistique, histoire ;
• Jean-Charles Monferran, maître de conférences à la Sorbonne. Domaine
d’expertise : littérature ;
• Florence Paris, directeur de la communication corporate de Coca-Cola ;

http://www.coca-cola-france.fr/contentF ... ai2011.pdf


Oh, la mine d'or de l'humour. En tout cas merci à eux pour l'endorphine, ce qui suit m'a bien fait rire.
Ils en savent quelque chose du bonheur, quelques citations de notre ami JP Ternaux qui n'est certainement pas un gros réac.

« On ne va pas nier qu'on vit une période difficile et que l'environnement maussade joue un rôle important dans notre ressenti individuel et collectif »
« le manque de perspective qui mine l'homme. Il a besoin de se projeter pour avancer, et d'aller de l'avant pour être heureux. »
« prendre la peine de considérer le bonheur pour ce qu'il est. A force d'en parler, on cherche quelque chose qui n'existe pas et on passe à côté du vrai bonheur, qui est pourtant à la portée de chacun. »
« une construction individuelle, un cheminement personnel »
« En tout cas, toutes les études montrent qu'il n'y a aucune corrélation entre le niveau de rémunération et le sentiment d'être heureux dans l'existence, confirme le scientifique. Les peuples qui vivent près de la nature, dans le dénuement, sont ceux qui se disent le plus heureux. C'est donc que l'on peut trouver le bonheur en toute chose, loin des biens matériels. Au fond, le bonheur, c'est dans la tête. »
« Certaines personnes sont plus ou moins génétiquement programmées pour être heureuses. On naît tous avec un potentiel, des circuits neuronaux plus ou moins réceptifs. On n'en est qu'au début de la recherche sur les molécules du bonheur, mais on connaît déjà les neurotransmetteurs impliqués dans le plaisir, comme la sérotonine ou la dopamine. L'homme a même créé des bonheurs artificiels en les stimulant chimiquement avec les drogues! La bonne nouvelle, c'est qu'il est possible d'obtenir le même effet dans des conditions physiologiques normales. »
« En 2012, il faudra plus que jamais savourer un fruit, un baiser, une mélodie… »
- Jean-Pierre Ternaux

http://www.leparisien.fr/espace-premium ... ogle.fr%2F


"Comme au bon vieux temps de l'après guerre" ?
Quelle études Jean-Pierre ? Et si elles se révèlent vraies, pourquoi ne va t-il pas avec son gros 4x4 payé par l'institut mondial du Bonheur Absolu construire une cabane personnelle de branches individuelles dans le dénuement de la nature ?
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