Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Message par Gayraud de Mazars » 25 Fév 2021, 13:25

Salut camarades,

Critique marxiste des idées de Bernard Friot
20 février 2021, article publié sur le site de Révolution (TMI)
Par Jérôme Métellus

https://www.marxiste.org/theorie/econom ... nard-friot

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Cet article est la transcription partielle d’un exposé oral dont l’intégralité est disponible sur notre chaîne YouTube : Révolution TMI. Réalisé dans le cadre d’une Ecole nationale de Révolution, l’exposé portait sur les idées de Bernard Friot et Frédéric Lordon.

Les idées de Bernard Friot ont un certain succès dans la gauche française, en particulier dans la jeunesse. Comment l’expliquer ? C’est très clair : ces idées s’annoncent comme une critique radicale du capitalisme et comme un projet de rupture avec ce système. De fait, Friot se déclare partisan du communisme. Cela change de tous ces intellectuels réformistes qui, ces 30 dernières années, ont théorisé la possibilité d’un capitalisme « social », « solidaire », « écologique », etc. C’est cette radicalité affichée par Friot qui trouve une large audience, parce qu’un nombre croissant de jeunes et de travailleurs cherchent une alternative au capitalisme.

Cependant, nous allons tenter de montrer que les idées de Friot ne sont pas à la hauteur de cette ambition.

« Salaire à vie » et communisme

Partons de la revendication la plus connue de Friot : le « salaire à vie ». Il s’agit de lutter pour qu’un salaire à vie soit versé à toute personne dès l’âge de 18 ans, quelle que soit son activité. A l’âge de 18 ans, ce salaire serait le même pour tous : 1500 euros. Puis, tout au long de la vie, chacun pourrait voir son salaire augmenter pour atteindre un maximum de 6000 euros. Ces augmentations de salaire seraient liées à différents niveaux de qualification, et ce sont des jurys spéciaux, des « jurys de qualification », qui décideraient si vous avez atteint le niveau de qualification vous permettant de bénéficier d’une augmentation de salaire.

Ici, il nous faut déjà faire une première remarque critique. Dans ses écrits, jamais Friot ne présente ces mesures – le salaire à vie et les niveaux de qualification – comme le début d’une phase transitoire du capitalisme vers le communisme. Non : il présente ces mesures comme compatibles avec le communisme, et même comme fondatrices du communisme. Ainsi, dans le « communisme » de Friot, une partie de la société sera quatre fois plus riche qu’une autre, puisque les salaires iront de 1500 à 6000 euros. Au passage, les plus pauvres seront les plus jeunes, puisqu’ils devront acquérir des qualifications, donc de l’expérience, avant de pouvoir prétendre à une première augmentation de salaire.

On a là un premier désaccord – et pas des moindres – avec Friot. D’un point de vue marxiste, ce qu’il propose est tout ce qu’on voudra, mais pas du communisme. Le communisme, tel que Marx le concevait et tel que nous le concevons toujours, c’est une société d’abondance, une société dans laquelle le très haut niveau de développement des forces productives permettra à tous les individus de contribuer librement à la richesse sociale – mais aussi de puiser librement dans cette richesse sociale pour leur consommation personnelle. Autrement dit, la consommation individuelle ne sera plus limitée par le fait d’avoir un salaire plus ou moins important. La possibilité même de pouvoirs d’achat inégaux aura perdu toute base matérielle.

Bien sûr, les marxistes ne prétendent pas qu’on puisse arriver du jour au lendemain à une telle société ; j’y reviendrai plus loin. Mais ce qui est clair, c’est qu’on ne peut pas qualifier de communiste, au sens marxiste du terme, une société dans laquelle une partie de la population est quatre fois plus riche qu’une autre. Par ailleurs, de telles inégalités donneraient un énorme pouvoir aux « jurys de qualification », et avec ce pouvoir viendraient, fatalement, le bureaucratisme et la corruption.

Généralisation de la cotisation sociale

Mais revenons aux mesures que propose Friot. Comment les « salaires à vie » seront-ils financés ? Réponse de Friot : ces salaires seront financés par une « caisse des salaires », qui sera alimentée par une cotisation prélevée sur la valeur ajoutée de toutes les entreprises. Ce ne sont plus les entreprises qui payeront directement les salariés. Tous les salaires seront payés par la caisse des salaires.

Par ailleurs, une deuxième cotisation ponctionnera tout ce qui reste de la valeur ajoutée pour alimenter une deuxième caisse : une « caisse d’investissements », qui financera les investissements de toutes les entreprises. Ainsi, non seulement les entreprises ne verseront plus directement les salaires, mais elles n’investiront plus directement elles-mêmes. Les salaires et les investissements, ça sera l’affaire de la caisse des salaires et de la caisse d’investissements.

Ce que propose Friot, c’est une généralisation maximale du système de cotisation sociale – au point que les entreprises cessent, de facto, d’être la propriété privée de capitalistes. D’ailleurs les capitalistes ne peuvent plus se verser de dividendes, puisque toute la valeur ajoutée part en cotisations. A la limite, le patron – s’il en reste un – sera payé par la caisse des salaires, soit un maximum de 6000 euros. Mais en fait, il n’y aura plus vraiment de patrons, car non seulement il n’y aura plus de dividendes, mais Friot précise que le patron n’aura pas plus de pouvoir, dans l’entreprise, que chacun des salariés. Au passage, il n’y aura plus de banques privées, puisqu’elles seront remplacées par la caisse d’investissements.

Château de cartes

Par contre, l’économie que propose Friot sera toujours une économie de marché. Chaque entreprise devra vendre sa production sur le marché, en concurrence avec d’autres entreprises. Or cela aura toutes sortes de conséquences fâcheuses – que Friot ignore superbement.

Par exemple, que se passera-t-il lorsqu’une entreprise perdra des parts de marchés au profit d’autres entreprises ? Son chiffre d’affaires baissera, et avec lui la quantité de cotisations sociales qu’elle pourra verser à la caisse d’investissements. Mais alors, forcément, les gestionnaires de cette caisse se demanderont si c’est bien la peine de continuer à financer une entreprise déclinante, car à quoi bon maintenir artificiellement des niveaux de production que le marché ne peut pas absorber ? Au passage, cette position d’arbitre de la caisse d’investissements, son énorme pouvoir, l’exposera au bureaucratisme et à la corruption, elle aussi.

Par ailleurs, comment s’y prendra une entreprise pour défendre sa compétitivité sur le marché ? Elle ne paye pas les salaires, donc elle ne va pas les diminuer. Il lui restera deux options : allonger le temps de travail des salariés ou augmenter leur productivité. Nous voilà revenus à des mécanismes qu’on connait bien dans notre bon vieux système capitaliste !

Bref, dès qu’on analyse un peu les conséquences du système de Friot, il commence à s’effondrer comme un château de cartes. C’est qu’on a affaire à un système utopique, au sens d’une construction artificielle, arbitraire, que Friot a élaboré à la façon dont les socialistes utopiques, avant Marx, construisaient leurs phalanstères et leurs communautés utopiques. Marx, justement, a permis de dépasser ce socialisme utopique et de fonder un socialisme scientifique, dont le programme est élaboré en s’appuyant sur une analyse scientifique de la réalité économique et sociale.

La « valeur communiste »

Maintenant, imaginons qu’un parti défendant le programme de Friot arrive au pouvoir. Cela ne plairait pas du tout au grand patronat, qui lutterait de toutes ses forces contre la mise en œuvre d’un tel programme.

Qu’est-ce que Friot prévoit pour briser la résistance de la bourgeoisie ? Rien de précis. Ou plutôt, il ne pose pas la question dans ces termes. En effet, selon lui, le communisme a déjà commencé à se développer à l’intérieur du capitalisme, et même à côté du capitalisme et en concurrence directe avec lui. Il suffirait donc de poursuivre ce développement, graduellement, jusqu’à ce qu’on parvienne, un jour, à la socialisation intégrale de la valeur ajoutée des entreprises. Friot n’est pas pressé, d’ailleurs. Dans son dernier livre, Un désir de communisme, il nous dit : « la bourgeoisie a mis plusieurs siècles pour en finir avec l’aristocratie. N’espérons pas mettre beaucoup moins pour en finir avec la bourgeoisie… » C’est tout de même très long, plusieurs siècles, surtout face à la crise climatique ! Mais cela ne pose pas de problème à Friot. L’important, c’est qu’on développe les éléments de communisme qui, selon lui, se sont implantés et développés au cours du XXe siècle.

De ce point de vue, l’événement majeur, ce serait la création du régime général de la Sécurité sociale, en 1946. Ceci marquerait l’avènement, en France, d’un mode de production communiste coexistant avec le mode de production capitaliste. En effet, selon Friot, les pensions des retraités, qui sont financées par les cotisations sociales, doivent être considérées comme un salaire qui rémunère l’activité productive des retraités. Friot nous dit que les retraités travaillent, que leurs pensions de retraite sont, en réalité, un salaire qui rémunère ce travail, et que l’activité des retraités doit être considérée comme productrice d’une valeur économique nouvelle, d’une valeur non capitaliste – et il dit même : d’une « valeur communiste ». Voilà la grande invention de Friot : la « valeur communiste ».

Il n’y a pas que les retraités qui créeraient de la « valeur communiste ». Il y a aussi les fonctionnaires, les chômeurs, les parents au foyer – et en fait, quiconque perçoit des revenus issus des cotisations sociales. C’est la partie la plus absurde de la théorie de Friot. Par une décision totalement arbitraire, il décrète l’existence d’une « valeur communiste » – ce qui, d’un point de vue marxiste, est une aberration théorique, sans lien avec la réalité.

La théorie marxiste de la valeur

Pour le comprendre, rappelons brièvement la théorie marxiste de la valeur. Toute marchandise a deux types de valeurs : une valeur d’usage et une valeur d’échange. La deuxième, la valeur d’échange, est déterminée par la quantité de travail socialement nécessaire à la production de la marchandise.

« Socialement nécessaire », ça veut dire que ce qui est déterminant, ce n’est pas la quantité de travail qu’il a fallu à un producteur donné pour produire une marchandise donnée. Ce qui est déterminant, c’est le temps de travail moyen qui est requis, dans la société, pour produire cette marchandise, compte tenu du niveau de développement de la technique à ce moment-là. Si un fabricant de chaussures met deux fois plus de temps, pour produire telles chaussures, que la moyenne de tous les producteurs des mêmes chaussures, il ne pourra pas les vendre deux fois plus cher que les autres producteurs, parce que la moitié du temps qu’il aura dépensé n’aura pas été socialement nécessaire.

Comment se vérifie la valeur d’échange des marchandises ? Elle se vérifie sur le marché lui-même, dans l’échange des marchandises.

C’est le système capitaliste qui a généralisé la production marchande. Sous le capitalisme, la plupart des choses produites le sont pour le marché, en vue d’être échangées sur le marché. Or, quand tout se passe bien pour les capitalistes, une fraction de la valeur d’échange de chaque marchandise consiste en plus-value, c’est-à-dire en profits. Cette plus-value vient de ce que le capitaliste a acheté une marchandise très particulière, la force de travail du salarié, dont la consommation, c’est-à-dire le travail, a créé davantage de valeur qu’elle n’en a coûté au capitaliste, davantage de valeur que le salaire versé au travailleur. A la fin de sa journée de travail, un salarié a créé plus de valeur qu’il n’en reçoit sous forme de salaire. Et la différence entre les deux, c’est le profit.

Voilà, très résumé, ce que Marx explique. De ce point de vue, les cotisations patronales sont des ponctions réalisées sur la plus-value – ponctions qui, en même temps que d’autres impôts, financent les retraites, les allocations chômage, la Fonction publique, etc.

Si les capitalistes n’aiment pas les cotisations sociales, c’est précisément parce que ce sont des ponctions sur la plus-value, et non parce que les cotisations sociales créeraient de la « valeur communiste », qui n’existe que dans la tête de Friot.

Bien sûr, les marxistes n’en concluent pas que les fonctionnaires, les retraités ou les chômeurs ne produisent aucune richesse ou ne rendent aucun service. La plupart des fonctionnaires, par exemple, sont très utiles (je dis « la plupart », car l’utilité sociale des CRS est très contestable). Mais les retraités, les chômeurs et les fonctionnaires ne produisent pas de marchandises, ne produisent pas pour le marché – et donc ne créent ni « valeur d’échange », ni a fortiori de soi-disant « valeur communiste ».

Réformes et révolution

Ces erreurs théoriques de Friot ont de sérieuses conséquences pratiques. Par exemple, Friot est contre la lutte pour baisser le temps de travail et l’âge du départ à la retraite, contre la lutte pour augmenter les salaires, les pensions et les minimas sociaux, parce que ce sont des luttes pour le « partage de la valeur capitaliste ». Or selon lui, la vraie lutte des classes, la bonne lutte des classes, c’est la lutte pour l’extension de la production de « valeur communiste » – au détriment de la production de valeur capitaliste. Bref, la seule lutte des classes qui vaille, c’est la lutte pour le salaire à vie et l’augmentation du taux de cotisations sociales. Tout le reste, c’est du temps perdu. Pire : ça renforce le système capitaliste, parce que ça légitime la « valeur capitaliste ». Voilà ce que Friot écrit noir sur blanc. Et c’est franchement absurde.

Dans le monde réel, la lutte des classes se développe nécessairement comme une lutte pour le partage de la valeur, c’est-à-dire pour le partage des richesses créées par les travailleurs. Certes, ce sont des luttes pour des réformes dans le cadre du capitalisme. Et bien sûr, les marxistes doivent critiquer les dirigeants réformistes qui limitent la lutte des classes à la lutte pour des réformes. Il n’empêche : c’est forcément à travers ce type de luttes que le mouvement ouvrier s’organise, se développe, prend conscience de sa force et en vient finalement à lutter pour le pouvoir, pour le renversement du capitalisme.

Sans la lutte quotidienne des travailleurs pour améliorer leurs conditions de vie et de travail sous le capitalisme, la révolution socialiste serait impossible. C’est pourquoi les marxistes doivent lier étroitement la lutte pour des réformes à la lutte pour la conquête du pouvoir par les travailleurs. C’est l’ABC du marxisme. Mais Friot n’en veut rien savoir et rejette tout ce qui n’entre pas dans le cadre de son programme rigide. Là encore, c’est caractéristique du socialisme utopique.

Du capitalisme au communisme

On nous dira : « mais Friot, au moins, défend l’idée du communisme » ! Même pas. Je l’ai déjà souligné : une société dans laquelle une partie de la population gagne quatre fois plus qu’une autre n’est pas une société communiste. Par ailleurs, dans le véritable communisme, la production marchande aura cédé la place à une planification consciente et démocratique de la production. En conséquence, l’allocation de ressources et de travail ne sera plus soumise aux aléas d’un marché. Elle sera consciemment déterminée par la collectivité.

Sous le communisme, le très haut niveau de développement des forces productives libèrera les individus du besoin de justifier leur droit à la consommation des richesses par la quantité de travail qu’ils ont fourni. C’est la formule de Marx : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ». Chacun produit selon ses capacités, chacun consomme selon ses besoins.

En même temps que le marché, c’est l’argent qui disparaitra, et donc les salaires. Au passage, l’Etat aussi aura disparu, en même temps que les inégalités sociales et les conflits que ces inégalités provoquent.

Dans le « communisme » de Friot, par contre, il n’y a pas de planification de l’économie. On a la concurrence entre des entreprises co-gérées par les travailleurs, certes, mais soumises aux aléas du marché. Dans son communisme, on a les inégalités, les salaires, l’argent, le marché, les faillites, la surproduction – et bien sûr l’Etat, ce produit des inégalités sociales.

Manifestement, Friot ne comprend pas la théorie marxiste de la transition du capitalisme au communisme. Marx a pourtant expliqué ça très clairement. Je résume.

La conquête du pouvoir par la classe ouvrière place entre ses mains les grands leviers de l’économie. Mais elle ne transforme pas du jour au lendemain la société capitaliste en société communiste. Entre le capitalisme et le communisme, il y a une phase de transition, dans laquelle la société porte encore les stigmates du capitalisme, et c’est cette phase qu’on appelle le socialisme.

La loi de la valeur, par exemple, y est toujours active, parce que la société n’est pas assez riche pour que s’y applique la formule de Marx : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ». Il y a donc encore de l’argent, des salaires et un marché, même si la nationalisation des moyens de production et la planification de l’économie transforment, d’emblée, le rôle de l’argent et du marché. Il y a aussi un Etat, mais un Etat ouvrier, qui est qualitativement différent de l’Etat capitaliste, parce que l’Etat ouvrier défend le pouvoir de la majorité – et non plus d’une minorité d’exploiteurs.

Cependant, au fur et à mesure que les anciennes classes dirigeantes sont absorbées, que les forces productives se développent, que le temps de travail hebdomadaire baisse, que le niveau de vie et le niveau culturel des masses s’élèvent, tous les stigmates du capitalisme disparaissent graduellement, pour laisser place, finalement, à une société communiste.

Faute de comprendre cela, Friot nous propose un communisme accablé de la plupart des tares du capitalisme, à la façon des socialistes utopiques du début du XIXe siècle. Pour être juste avec ces derniers, cependant, il faut préciser qu’ils ont joué un rôle positif, à leur époque. Ils ont contribué aux premiers pas du mouvement socialiste. Ils ont beaucoup influencé Marx et Engels. Deux siècles plus tard, le socialisme utopique de Friot marque une régression par rapport au marxisme. Il n’est pas et ne peut pas être une alternative au réformisme.


Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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Re: Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Message par Duffy » 25 Fév 2021, 14:38

Dans la LDC, il y a quelques années de ça...
https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2016 ... 68929.html
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Re: Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Message par Plestin » 28 Fév 2021, 07:52

Merci Duffy d'avoir retrouvé cet article de la LDC qui est vraiment tombé à point nommé à l'époque, car cela faisait déjà plusieurs années que dans mon milieu de travail et dans certains secteurs combatifs de la CGT les thèses de Friot étaient à la mode. Il est très intéressant en ce qu'il montre à la fois que ce que Friot défend fait partie de ce qui pourrait être expérimenté après la révolution, mais que l'idée de son auteur n'est pas du tout celle-là et relève en réalité du réformisme stalinien le plus classique avec son Ambroise Croizat etc., comptant sur un bon gouvernement PCF pour mettre tout ça en place par des réformes en plein monde capitaliste, et uniquement à l'échelle de la France par-dessus le marché.
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Re: Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Message par Cyrano » 28 Fév 2021, 10:48

Bernard Friot, Frédéric Lordon, y sont contents, y pérorent, y-z-ont trouvé un public, c'est leur jouissance. Mais y'a aussi Michel Etiévent qui a fait d'Ambroise Croizat son petit fond de commerce. Ces gens là, ils parcourent le pays au gré des invitations, ils ont un public, c'est ça leur vrai moteur. Gérard Filoche faisait pareil, agrippé à son PS. Ou aussi Serge Halimi du Monde Diplo.

Bernard Friot profère sentencieusement les pires menteries sur la Sécurité Sociale dans le film de Gilles Perret, La Sociale – que tous les cégétistes et les débris du PCF courraient voir. Localement, on est bien achalandé en néo-staliniens-crétins. Georges Brassens aurait pu chanter:
Nous au village, aussi l'on a
de beaux staliniens béats…

En août 2020, il y a eu un bulletin de l'UD CGT 18 qui parlait de cette Sécu et d'Ambroise Croizat (le 18, c'est le département du Cher). Les relents de stalinisme – dans le bulletin d'un syndicat – étaient si étonnants que je l'avais signalé la: "Ambroise Croizat : le grand stalinien et le petit stalinien".
viewtopic.php?f=11&t=34673&hilit=croizat

Dans ce bulletin, y'en avait une page, la lettre du petit-fils d'Ambroise Croizat. Mais…
.. depuis que ce sujet avait été traité ici, pour faire bonne mesure, après le bulletin de la CGT du département, il y eut un bulletin de l'Union Locale CGT en novembre 2020. Et c'était 5 pages (cinq !) tartinées sur Ambroise Croizat et la création de la Sécu: donner son nom à une place, et évidemment, nostalgie des défilés de la Place Rouge, il est écrit: «Lors de cette cérémonie que nous voulons grandiose…».
Dans le bio d',Ambroise Croizat, dans ce bulletin local CGT, il est même rappelé: «Le 23 août 1939, l’URSS et l’Allemagne signent un pacte de non-agression. Le Parti communiste français approuve ce pacte
Indécrottables.

Et tout un chacun de répéter les pires balivernes. En discutant avec un ami cégétiste qui fut proche du PCF, celui-ci me dit: «Avant la Sécu, y'avait rien. C'est quand même les communistes qui ont apporté la Sécu, quoi qu'on dise». Alors qu'avant la Sécu, y'avait – et ça ressemblait beaucoup à la Sécu. Ou bien, on me cite l'anecdote citée par "l'historien" Michel Etievent, dans le film La Sociale, sur un agriculteur obligé de vendre une vache pour se soigner. Ou encore, qu'il aurait fallu des combats pour créer la Sécu, ou bien, magique, la Sécu sous le contrôle des travailleurs, grâce à la cotisation. Des gens comme Bernard Friot mettent dans la tête de militants sincèrement dévoués des conneries pitoyables, des menteries exaspérantes. Ils me révulsent car, eux, ils savent ce qu'ils font.
Cyrano
 
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Re: Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Message par Cyrano » 01 Mars 2021, 15:41

Tiens, au fait, pour Ambroise Croizat:
https://www.humanite.fr/ambroise-croizat-au-pantheon

Le titre du lien se suffit à lui-même?! :D Jean Luc Melenchon a signé: là où souffle le vent...
Cyrano
 
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Re: Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Message par artza » 03 Mars 2021, 07:50

Au Panthéon ça va devenir d'un commun.
Pour ma part je n'ai en tête qu'une demi-douzaine de panthéonés :shock:

Au fait on transfère les débris du panthéoné, ou se contente-t-on d'accrocher une petite plaque?

La pétition pour Croizat c'est quand même très familial.
artza
 
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Re: Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Message par Plestin » 03 Mars 2021, 14:07

artza a écrit :La pétition pour Croizat c'est quand même très familial.


Justement, mes parents ont tenté de me la faire signer, en jouant sur les sentiments familiaux...

Peine perdue ! On s'est bien frittés, je leur ai rappelé que leur idéal est un gouvernement d'union de la gauche et de la droite histoire de les asticoter, mais au final on s'est bien marrés... Les engueulades politiques, des fois, ça consolide les liens familiaux !
Plestin
 
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Re: Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Message par Cyrano » 03 Mars 2021, 17:20

Pour artza, je suis allé voir Wikipedia:
En 2018, on recense 81 personnalités dont le gouvernement au pouvoir a décidé la « panthéonisation », mais seules 74 personnalités ont une tombe ou une urne funéraire dans la partie inférieure du monument (dont quatre femmes inhumées pour leur mérite propre, Marie Curie, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Simone Veil.
En effet, quelques-uns d'entre eux, après avoir été admis, en ont ensuite été retirés. Il s'agit de :
• Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau,
• Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau,
• Auguste Marie Henri Picot de Dampierre,
• Jean-Paul Marat.

Ils ont retiré Marat?! C'est quoi la raison? Alors que y'en a qui squattent...
Pour Descartes, Bara et Viala, si la décision a été prise, le transfert n'a pas été exécuté. De plus, le corps du général Beaurepaire n'ayant pas été retrouvé, la cérémonie n'a pas eu lieu.
Quatre personnalités sont italiennes (le dernier doge de la République ligurienne, Girolamo-Luigi Durazzo, ainsi que les cardinaux Giovanni Battista Caprara, Ippolito-Antonio Vincenti-Mareri et Charles Erskine de Kellie), une néerlandaise (l'amiral Jean-Guillaume de Winter) et une neuchâteloise (le banquier Jean-Frédéric Perregaux), les six s'étant ralliées à Napoléon Ier.
Il faut ajouter quatre tombes placées ici pour des raisons particulières :
• l’architecte Soufflot, inhumé en 1829, en tant que concepteur du bâtiment,
• Marc Schœlcher, le père de l'homme politique et journaliste Victor, qui repose avec son fils pour respecter leur volonté commune,
• Sophie Berthelot, la femme du chimiste61, pour la même raison ; Marcellin Berthelot, accablé de douleur, est mort une heure après son épouse.
• Antoine Veil, le mari de la femme politique Simone Veil, pour la même raison.

Il faut deux conditions : l'impétrant ou l'impétrante doivent être de nationalité française et aussi…
• Pour la seconde [condition], qu'une partie de ses restes soient disponibles : plusieurs cercueils ne contiennent pas de dépouilles comme celui de Jean Moulin entré en 1964 (le cercueil contient une urne avec les cendres présumées être celles de Jean Moulin), Condorcet en 1989, Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion entrées en 2015 (les familles des deux résistantes souhaitaient que les dépouilles restassent dans les caveaux familiaux, les cercueils entrés au Panthéon contiennent un peu de terre prélevée autour de leur tombe respective.

Entre ici, Jean Moulin et fais gaffe aux courants d'air...
Cyrano
 
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Re: Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Message par Cyrano » 03 Mars 2021, 19:08

Pour Plestin:
Décidemment, c'est le dada de la gauche, cet Ambroise. La demande du Panthéon vire à l'hystérie.
Ambroise Croizat lui-même, semblait plutôt modeste. J'ai trouvé un seul texte de lui qui se nichait dans une revue publiant des articles déjà publiés, sur divers thèmes: "Echo, revue internationale". La revue est datée de mars 1947 – l'article de Croizat a du être écrit début 1947.
C'est un article où Ambroise Croizat compare les projets anglais et français de sécurité sociale. Il ne compare pas avec le système allemand de Bismarck, ce système nous mettant trop la honte.
Il le dit lui-même: par rapport aux Assurances sociales, «la grande nouveauté est l'assurance de la longue maladie» - comme quoi on ne partait pas de zéro. Ça ne vaut pas le coup de demander le panthéon pour ça. Surtout que ce n'est même pas Ambroise qui a conçu les ordonnances dont il rappelle la parution (sans se les attribuer). Il rend aussi un hommage aux réalisations des Assurances sociales d'avant la Sécu, ces Assurances sociales caricaturées par les cocos ou cégétistes au front bas.
LES PLANS BRITANNIQUE ET FRANÇAIS DE SECURITE SOCIALE
TIRE DE "DIALOGUE DE PARIS"

Toute l’histoire sociale des cent dernières années de part et d’autre de la Manche est celle des efforts tenacement poursuivis par les éléments les plus conscients des classes laborieuses, aidés par les éléments les plus généreux des classes dirigeantes, pour lutter contre l’insécurité de leur état, et pour obtenir dans cette lutte l’appui de la loi.
[…]

En juin 1941, un comité, présidé par sir William Beveridge, fut chargé de faire l’inventaire des lois et institutions couvrant la population contre les divers risques sociaux, et de proposer les améliorations à y apporter. C’est à partir du problème pratique ainsi concrètement posé que sir William, suivant une démarche intellectuelle bien caractéristique du génie de sa nation, fut conduit à concevoir les principes directeurs d’une politique de sécurité sociale.
Au sens le plus large du terme, la sécurité sociale, c’est la garantie donnée à chaque citoyen qu’en toute circonstance et quoi qu’il arrive, il sera mis à même d’assurer, dans des conditions convenables, sa subsistance et celle des personnes à sa charge. Le but poursuivi est donc, suivant la propre expression de sir W. Beveridge, l'abolition du besoin.
[…]

Du coté français, les études poursuivies des la libération du territoire ont abouti, dès la fin de I945, à la publication de textes législatifs importants: ordonnance du 4 octobre 1945, portant organisation de la sécurité sociale, ordonnances du 19 octobre 1945, portant reforme du régime des assurances sociales et de celui des accidents du travail. Cette dernière ordonnance, qui n'est pas encore entrée en application, sera prochainement remaniée. Une réforme des allocations familiales est également à l'étude. Enfin nous avons eu la joie de voir l'Assemblée nationale constituante adopter à l'unanimité, le 26 avril 1946, notre projet d'extension de la sécurité sociale à toute la population française. La loi nouvelle entrera en vigueur, par paliers, dès que la production industrielle aura dépassé à nouveau son niveau de 1939.
[…

Ces multiples institutions concurrentes [les diverses caisses d'Assurances sociales] sont donc en train de faire place à un réseau unifié de caisses de sécurité sociale qui, beaucoup moins nombreuses, couvriront contre l'ensemble des risques tous les assurés travaillant dans une même circonscription territoriale. Cette réforme entraine une simplification administrative considérable, de substantielles économies, et de grandes commodités pour les assurés. La gestion des nouvelles caisses est confiée à des conseils d'administration composés en majeure partie de représentants des assurés, désignés par leurs organisations syndicales.
Il faut ajouter toutefois qu'en France il n'a pas encore été possible d'intégrer dans le régime général les régimes spéciaux d'assurance qui existaient jusqu'ici dans l'agriculture et dans certaines autres branches d'activité.
[…]

Les deux plans comportent un même effort pour standardiser et développer les prestations accordées, et notamment accroître les pensions de vieillesse. Du côté britannique, l'innovation capitale est l'institution
des allocations familiales. Mais les taux prévus sont encore très inférieurs à ceux qui sont accordés en France. Le gouvernement, il est vrai, envisage d'en doubler le montant par des distributions gratuites de vivres à tous les enfants.
Dans le projet français, la grande nouveauté est l'assurance de la longue maladie, qui permettra aux malades, aux tuberculeux notamment, non seulement de percevoir, pendant trois ans, une allocation substantielle, mais surtout de recevoir gratuitement sous la surveillance constante de leur caisse les soins de toute nature qu'exigerait leur état.
[…]

En France, les Caisses d'Assurances sociales et d'allocations familiales suivant en cela les anciennes traditions mutualistes, sont dès l'origine intervenues activement dans le domaine social et sanitaire. Elles remboursent aux assurés la majeure partie des dépenses médicales et pharmaceutiques, librement exposées par eux, paient leurs frais d'hospitalisation, créent et entretiennent, elles-mêmes, de nombreux établissements de soins et de prévention. Le plan de sécurité sociale prévoit une large intensification des efforts accomplis dans ce domaine, où les caisses ont déjà d'admirables réalisations à leur actif, et leur extension au domaine des accidents du travail, dans lequel il reste beaucoup à faire.
[…]
Cyrano
 
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Inscription : 03 Fév 2004, 17:26

Re: Critique marxiste des idées de Bernard Friot...

Message par artza » 03 Mars 2021, 19:23

Schoelcher est au Panthéon! :lol:
artza
 
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