(l'Usine Nouvelle a écrit :
Les salariés de l’automobile en colère, manifestent à Paris
Le 17 septembre 2009 par Raphaële Karayan
* Mots clés : Renault, Valeo, PSA, Goodyear, Continental
Manifestation 17/09/2009
© DR
A l’appel de la CGT Métallurgie, la filière automobile s’était donné rendez-vous jeudi pour défendre l’emploi et dénoncer la « criminalisation de l’action syndicale ». Dans un contexte tendu après le sort réservé à Molex, le syndicat cherche à mobiliser « par la base ».
Plusieurs milliers de salariés - 6.000 selon la CGT, 1.700 selon la police – se sont rassemblés jeudi à Paris vers 11 heures, pour clamer leur colère contre les « licenciements boursiers » et les fermetures d’usines dans l’automobile, et réclamer la relaxe des salariés de Continental Clairoix condamnés à Compiègne pour la dégradation de la préfecture. Continental, Goodyear Amiens, Delphi, Peugeot Poissy, PSA Aulnay, Renault Flins et Cléon, Michelin Montceau les Mines, Trelleborg, Freescale, Valeo… Les salariés des constructeurs, des équipementiers et des sous-traitants ont défilé entre l’Opéra et la place de la Bourse, rejoints par des délégations de la chimie (Arkema Carling, Hutchinson) et même des services.
Plusieurs représentants des partis politiques de gauche et d’extrême-gauche étaient venus soutenir l’initiative, comme Olivier Besancenot (NPA), Jean-Luc Melenchon (Parti de gauche), Cécile Duflot (Verts), Arnaud Montebourg (PS) et Arlette Laguiller (Lutte Ouvrière).
Colère contre les actionnaires
Dans le cortège, à une banderole « Pour le maintien de l’emploi, interdiction des licenciements » répondait le slogan « C’est pas à l’Elysée, c’est pas à Matignon, c’est pas dans les salons qu’on obtiendra satisfaction ». Et c’est dans l’enceinte du Palais Brongniart, place de la Bourse, qu’ont pénétré symboliquement les manifestants. C’était chaud, aussi, devant l'Autorité des marchés financiers de l’autre côté de la rue. « Travailleurs unis contre actionnaires voyous », un calicot qui résumait bien l’état d’esprit comme les revendications des syndicalistes pour une « autre politique industrielle ».
« On veut qu’ils redistribuent les profits plus équitablement », réclame Didier Delsart, délégué syndical CGT chez Hutchinson à Sougé-le-Ganelon, qui fabrique des joints d’étanchéité pour l’automobile. Dans son discours au micro, un responsable CGT fustigeait lui aussi les licenciements boursiers : « Les gesticulations du gouvernement agacent tout le monde. La situation financière des sous-traitants de l’automobile de rang 2 et 3 n’a pas été prise en compte. Il ne place pas l’emploi au centre de ses préoccupations mais les profits ! ».
Action du gouvernement : « personne n’est dupe »
Tout le monde est d’accord. Et parmi les participants, le message c’est « personne n’est dupe » quant à l’action du gouvernement. Une issue positive la reprise de Molex par HIG ? Vue sous le prisme de l’emploi (15 à 20 salariés conserveront leur emploi sur 283), pas vraiment. « Il n’y a aucune action du gouvernement, juste des belles phrases, déplore un militant Sud. Jamais ils n’interdiront les licenciements. Que les actionnaires soient étrangers ou français n’y change rien, les patrons passent en force. »
« Christian Estrosi est en place pour faire de la communication, il la fait, condamne Jean-Luc Mélenchon. Le gouvernement actuel brasse du vent. Il a échoué à tous les tests sur la protection de la souveraineté industrielle. Prenez Molex ; malgré les luttes, l’entreprise est dépecée et l’Etat est deux fois coupable : en envoyant aux investisseurs un message d’impunité, et en abandonnant les gens. »
Pas d’union intersyndicale
Organisée à l’appel de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, qui pointait du doigt les stratégies inefficaces des confédérations jusqu’à présent, jugées trop divergentes, la manifestation n’a pas réussi à rallier les autres fédérations syndicales. La CGT était quasiment seule dans les rangs, gonflés par quelques représentants de Sud. Pourtant, « toutes les filières automobiles étaient invitées à participer », regrette Jean-Luc, délégué syndical CGT à Renault Cléon. Tout comme il ne fait pas confiance à l’Etat, il remet aussi en cause les directions syndicales et revendique une solution qui viendra « de la base ». Comme pour lui donner raison, selon l’AFP, Bernard Thibault n’était pas venu soutenir la manifestation…
Eric Dufaud, délégué syndical Sud chez Téléperformance, venu apporter son soutien « à tous les PSE », tempère. « C’est une belle mobilisation, et ce n’est qu’un début, même s’il serait temps de lancer un mouvement national ».
La CGT veut aller vite pour ne pas faire retomber le soufflé et appelle à une journée de mobilisation interprofessionnelle le 7 octobre et à un mouvement le 22 octobre pour « l'avenir des emplois et de l'industrie ». Objectif ultime : la grève générale.
Une grève générale qui viendrait de la base, Arlette Laguiller y croit toujours, malgré une certaine impatience. « Il faut qu’il y ait un plan plus précis des confédérations syndicales, qu’on arrête de faire des calendriers de lutte par secteur », préconise-t-elle.
« Criminalisation des actions syndicales »
Six pour tous, tous pour six. Outre le sort de Molex, c’était celui des « six de Continental » Clairoix, site fermé depuis, qui suscitait l’émoi ce matin. Ils ont écopé le 1er septembre de peines de prison de 3 à 5 mois avec sursis pour les dégradations commises à la sous-préfecture de Compiègne le 21 avril dernier. L’intersyndicale du site conteste par ailleurs le jugement qui intime à ces six salariés d’indemniser la totalité des dégradations, au titre du principe de la responsabilité collective. Ils ont fait appel.
« On sent une technique mise en œuvre pour intimider », estimait Jean-Luc Mélenchon.
Dans le cortège, les manifestants, solidaires, comprennent le geste et craignent une « criminalisation de l’action syndicale ».