(luc marchauciel @ mardi 21 février 2012 à 10:19 a écrit :
En fait le problème dans ce texte de Trotsky, vient de son utilisation du mot "science", qui sous ce terme mélange au moins trois choses : les sciences de la nature ; les sciences humaines et sociales ; le marxisme.
Or, il faut absolument distinguer ces 3 choses (surtout la première de tout le reste).
Sinon, on aboutit à cette notion dangereuse de "science prolétarienne", qui n'a aucun sens ["science socialiste" à la limite, ça voudrait dire quelque chose, si on désigne par là les institutions scientifiques dans une société socialiste. Mais science "prolétarienne", jamais]
Le mot science ne devrait jamais être suivi d'un adjectif essentialiste. Il y a de la bonne science ou de la mauvaise science, des trucs qui sont de la science ou qui n'en sont pas, qui sont plus ou moins scientifiques. Mais il n'y a pas de science qui soit bourgeoise, prolétarienne, féministe, machiste, occidentale, de gauche, de droite, alternative ou je ne sais quoi.
Des petites choses en plus (ces messages ont été postés après que j'ai commencé à écrire ma "tartine").
Je ne comprend vraiment pas l'obstination à refuser le terme "science prolétarienne". Parce que les staliniens en ont fait une odieuse caricature? A ce compte là on peut aussi bien abandonner "dictature du prolétariat", et pourquoi pas "communisme". Bien sûr, on peut toujours trouver des mots nouveaux (bientôt "sciences anticapitalistes"? :-P ), mais je crois que l'opposition "science bourgeoise"/"science prolétarienne" a exactement autant de sens que "état bourgeois"/"état ouvrier": il met en avant le fait que les activités sociales sont fondamentalement déterminées en terme de classe. Or la science est une activité sociale. La nature ne l'est pas. Et c'est pour cela qu'on doit juger des énoncés scientifiques en fonction de leur adéquation au monde objectif. Mais la science elle-même n'est pas purement objective: elle est le rapport entre un sujet qui est social (et donc déterminé en termes de classe) et le réel objectif.
De ce point de vue là, il n'y a pas de distinction fondamentale entre science de la nature et science de la société. Car lorsqu'on prend la société comme objet, c'est précisément qu'on la considère comme objective. Si le marxisme se veut une science prolétarienne, ça n'est pas parce que son objet est déterminé socialement (d'ailleurs de ce point de vue, le marxisme est surtout une science qui prend la société bourgeoise comme objet), mais parce que son sujet doit être le prolétariat (qui est le seul à pouvoir comprendre la société adéquatement parce qu'il est le seul à pouvoir la transformer).
Quant à l'argument suivant:
a écrit :le marxisme n'est pas une science (parce que, comme tu le dis, "le monde n'est pas un laboratoire où on peut répéter des expériences en boucle et les situations historiques ne sont jamais identiques.")
Il ne me paraît pas très solide. Si l'on exclut du champ des objets possible des sciences tous ceux qui ont une dimension historique, on peut aussi enlever l'évolution (qui n'est pas reproductible) voire la biologie toute entière (un bon bouquin de Morange "La vie, l'évolution et l'histoire", Odile Jacob, 2011 défend l'idée que le vivant est toujours historique), la cosmologie, etc. Ce qui ferait au moins le bonheur des créationnistes... ;)