Le marxisme est-il une science ?

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Barnabé » 21 Fév 2012, 10:59

(luc marchauciel @ mardi 21 février 2012 à 10:19 a écrit :
En fait le problème dans ce texte de Trotsky, vient de son utilisation du mot "science", qui sous ce terme mélange au moins trois choses : les sciences de la nature ; les sciences humaines et sociales ; le marxisme.
Or, il faut absolument distinguer ces 3 choses (surtout la première de tout le reste).
Sinon, on aboutit à cette notion dangereuse de "science prolétarienne", qui n'a aucun sens ["science socialiste" à la limite, ça voudrait dire quelque chose, si on désigne par là les institutions scientifiques dans une société socialiste. Mais science "prolétarienne", jamais]
Le mot science ne devrait jamais être suivi d'un adjectif essentialiste. Il y a de la bonne science ou de la mauvaise science, des trucs qui sont de la science ou qui n'en sont pas, qui sont plus ou moins scientifiques. Mais il n'y a pas de science qui soit bourgeoise, prolétarienne, féministe, machiste, occidentale, de gauche, de droite,  alternative ou je ne sais quoi.

Des petites choses en plus (ces messages ont été postés après que j'ai commencé à écrire ma "tartine").

Je ne comprend vraiment pas l'obstination à refuser le terme "science prolétarienne". Parce que les staliniens en ont fait une odieuse caricature? A ce compte là on peut aussi bien abandonner "dictature du prolétariat", et pourquoi pas "communisme". Bien sûr, on peut toujours trouver des mots nouveaux (bientôt "sciences anticapitalistes"? :-P ), mais je crois que l'opposition "science bourgeoise"/"science prolétarienne" a exactement autant de sens que "état bourgeois"/"état ouvrier": il met en avant le fait que les activités sociales sont fondamentalement déterminées en terme de classe. Or la science est une activité sociale. La nature ne l'est pas. Et c'est pour cela qu'on doit juger des énoncés scientifiques en fonction de leur adéquation au monde objectif. Mais la science elle-même n'est pas purement objective: elle est le rapport entre un sujet qui est social (et donc déterminé en termes de classe) et le réel objectif.
De ce point de vue là, il n'y a pas de distinction fondamentale entre science de la nature et science de la société. Car lorsqu'on prend la société comme objet, c'est précisément qu'on la considère comme objective. Si le marxisme se veut une science prolétarienne, ça n'est pas parce que son objet est déterminé socialement (d'ailleurs de ce point de vue, le marxisme est surtout une science qui prend la société bourgeoise comme objet), mais parce que son sujet doit être le prolétariat (qui est le seul à pouvoir comprendre la société adéquatement parce qu'il est le seul à pouvoir la transformer).

Quant à l'argument suivant:

a écrit :le marxisme n'est pas une science (parce que, comme tu le dis, "le monde n'est pas un laboratoire où on peut répéter des expériences en boucle et les situations historiques ne sont jamais identiques.")


Il ne me paraît pas très solide. Si l'on exclut du champ des objets possible des sciences tous ceux qui ont une dimension historique, on peut aussi enlever l'évolution (qui n'est pas reproductible) voire la biologie toute entière (un bon bouquin de Morange "La vie, l'évolution et l'histoire", Odile Jacob, 2011 défend l'idée que le vivant est toujours historique), la cosmologie, etc. Ce qui ferait au moins le bonheur des créationnistes... ;)
Barnabé
 
Message(s) : 0
Inscription : 11 Oct 2002, 20:54

Message par luc marchauciel » 21 Fév 2012, 12:39

Je reviens vite sur un truc qui apparaît dans les posts de Canardos et Barnabé, cette idée que l'évolution ne pourrait pas être validée par des critères de scientificité trop rigoureux, car non testable expérimentalement, non reproductible, etc.

Cette idée me semble erronée.
Bien sûr que l'on ne peut pas refaire (au sens "expérience", pas au sens "reconstitution") l'évolution du vivant sur la Terre depuis des millions d'années, avec l'infinité de paramètres intervenant là-dedans.
Mais sur la base de la connaissance de la génétique, on peut prouver la réalité de l''évolution par des mutations provoquées en laboratoire [et même grandement améliorer la compréhension de l'histoire du vivant, en établissant les filiations sur des bases plus solides qu'avant]. Dans la constitution du néodarwinisme, il y a bien la théorie darwinienne de la sélection comme grille de lecture théorique issue de l'observation, mais complètée par la génétique mendelienne et les expériences par exemple de Morgan qui fait "évoluer" des mouches drososphiles en faisant varier certains caractères via la génétique. Le fait que l'on puisse prédire l'apparition de souches d'insectes résistants dans un champ [système beaucoup plus complexe que le laboratoire] lorsque l'on utilise des pesticides est une autre preuve testable et reproductible à plus grande échelle.
Les mécanismes fondamentaux de l'évolution biologique sont testables et reproductibles, même si l'ensemble de l'évolution du vivant sur un système aussi vieux et comlexe que la Terre ne l'est pas.
Pour les "activités" humaines, ce n'est pas vrai. Le moment réductionniste [moment indispensable pour faire des sciences] équivalent au laboratoire, ça serait par exemple des expériences de psychologie sur quelques individus, hors contexte social. Mais pour trouver des indivividus hors contexte social, c'est balèze... On est obligés d'essayer de constituer des panels que l'on jugera représentatifs, c'est tout de suite beaucoup plus compliqué [une mouche d'une certaine espèce, elle est très très représentative de son espèce, c'est plus simple]. Un expérience de psychologie, ça nous apprend des choses, mais ça n'a pas le même degré d'objectivité qu'une mutation d'un gène en laboratoire. Alors, si on parle de l'ensemble des interactions des individus en société, houlà ! Les sciences sociales ne peuvent pas être scientifiques au même titrre que les sciences de la nature, parce que leur objet, les sociétés, ne peut pas (ou presque pas) être à un moment donné réduit à des objets simples testables et reproductibles que l'on peut ensuite faire fonctionner en interaction dans un système complexe.

Je sais pas si j'ai été clair, mais le fait d'y réfléchir et de l'écrire m'a clarifié les choses pour moi, c'est déja ça :D
luc marchauciel
 
Message(s) : 73
Inscription : 12 Avr 2008, 18:37

Message par Sinoue » 21 Fév 2012, 12:47

(iana @ dimanche 19 février 2012 à 16:09 a écrit : Je fais partie des classes populaires autant par ma mère que mon père et pourtant je ne me suis jamais dit que parce j'étais née dans et avec cette classe sociale, je ne pouvais pas faire d'etudes. Aujourd'hui je suis en bac+4, nous sommes 30 dans notre master et y'en a très peu qui sont issus des classes supérieures notamment "grâce" à la bourse. Je ne dis pas que ce système méritocratique est normal, loin de moi cette idée, mais malheureusement et paradoxalement je suis bien contente d'y avoir droit et je suis fière d'etre fille de travailleur et de faire des études supérieures. C'est pour ca que je ne comprends pas en quoi je devrais faire un choix, pour moi études supérieurs et extreme gauche c'est pas incompatible.

C'est HS, mais ça repond a une citation de ce fil. Ca concerne l'idée de promotion sociale, si quelqu'un peut le rattacher a un autre fil y correspondant.

On retrouve certes des étudiants d'origine populaire dans les universités et même dans les grandes écoles, ceci depuis les années 60 avec l'élargissement de l'accès à l'enseignement secondaire. Il y en a même un certain pourcentage qui arrivent à obtenir les diplômes finaux. Mais cela n'assure en rien de trouver un emploi plus tard. Surtout lorsque l'on voit les coupes claires dans les budgets affiliés à la recherche ou à l'enseignement.

Et même si l'emploi est trouvé, il ne signifie en rien une promotion sociale. Il suffit de connaitre les conditions de travail des enseignants ou les contraintes subies par les chercheurs; c'est alors que l'on comprend pourquoi ces travailleurs s'engagent régulièrement dans des mouvements de protestation et de revendication.

Je te dis ça à toi Iana aussi parce-que tu as l'air de t'engager dans la filière "sociologie" qui n'offre guère d'autres débouchés que l'enseignement. Je pense que l'on finit très souvent par se faire rattrapper par son milieu d'origine. Les solutions alternatives sont d'arriver à se créer un milieu relationnel qui permet d'obtenir un piston pour obtenir la place recherchée.

La majorité des membres de notre génération a un diplome mieux gradé que ses parents, mais étant donné que les exigences de recrutement se sont durcis, je ne pense pas que les choses aient réellement avancé. Anciennement un bac suffisait pour trouver facilement un travail. Aujourd'hui avec Bac +4 ou 5 tu as interet a avoir un CV rempli de tout un tas de stages pour l'étoffer.

Le gouvernement avait organisé un projet qui facilitait l'accès aux classes prépa pour des jeunes issus de banlieues difficiles. Au moins plusieurs dizaines brillants lascars avaient été sélectionnés; au final une seule élève avait réussi à obtenir l'examen de sortie. Les barrages mis en place par la bourgeoisie sont bien plus vastes et variés que les simples diplomes. On a souvent tendance à dire que le monde marche par relation, c'est très vrai.

Je me souviens que quand j'étais à la fac, j'ai fait jusqu'a bac+4, l'écrémage social était progressif: La premiere année était très "colorée", puis plus je progressais, plus le niveau social s'homogénéisait vers le haut. Aussi, je me suis apperçu que je m'entendais mieux avec les élèves qui venaient des quartiers plus populaires. Ca m'est arrivé plusieurs fois d'avoir été invité à des diners, mais d'etre concrètement mis en marge de la discussion.
Sinoue
 
Message(s) : 149
Inscription : 25 Déc 2008, 13:10

Message par luc marchauciel » 21 Fév 2012, 12:53

(iana @ mardi 21 février 2012 à 11:56 a écrit : Au risque de passer pour une inculte, je ne comprends pas ce qu'est une science bourgeoise ni une science prolétarienne? Ca voudrait dire qu'il y aurait une science par et pour une classe sociale en particulier, je veux bien volontiers que quelqu'un m'explique concrètement, par un exemple.
Puis je me fier à ce site http://www.sinistra.net/lib/bas/progra/van...oqgecof.html#u9 ou n'est il pas fiable ?

J'ai juste regardé en diagonale le lien que tu donnes, mais ça m'a pas l'air terrible, comme entrée...

Tiens, je te colle là dessus mes notes sur l'article "Science bourgeoise et science prolétarienne" dans le Dictionaire critique du marxisme, ça te fera un résumé de résumé !!!

a écrit :
Article « Science bourgeoise / science prolétarienne » (G. Bras)

p. 1043 : « Ce couple évoque immédiatement ce qui semble bien être l’une des aberrations idéologiques majeures du stalinisme ». p 1044 : A replacer dans contexte d’autres oppositions fondamentales  caractéristiques de la guerre froide (cv interventions de Jdanov entre 1946 et 1948 à propos de la littérature, de la philosophie, de la musique. Selon expression de Desanti dans son article célèbre, il faut « choisir entre une science criminelle qui prépare le massacre atomique et la science joyeuse qui peuple les déserts ».
Cette apparition après  guerre est en même temps le retour d’un thème déjà présent chez Bogdanov et tenants du Proletkult. « L’exclusion dont le stalinisme a frappé ce courant, mais aussi la violence des critiques de Lénine et Plekhanov à l’encontre de Bogdanov semble bien n’avoir eu comme effet que la disparition du mot "science prolétarienne" sans modifier la thèse fondamentale : "La science peut être bourgeoise ou prolétarienne par sa « nature » même, notamment par son origine, ses conceptions, ses méthodes d’étude et d’exposition"( Bogdanov, in Culture prolétarienne n°2, 1918 ; in La science, l’art et la classe ouvrière, Paris, 1977) ».
p. 1044 : « C’est par une surenchère gauchiste que le PCF, par la voix de Laurent Casanova (Discours aux intellectuels communistes, 28 février 1948), puis les plumes de J. Kanapa (NC, N°5, avril 1949) et de J.T. Desanti (NC, n°8, juillet-août 1949) et la publication d’un brochure de la NC en 1950 (dans laquelle on trouve un article de Desanti au titre-thèse : La science, idéologie historiquement relative),  se distinguera en ressuscitant le vieux couple science bourgeoise / science prolétarienne. ».
p. 1045 : « Les conditions socio-historiques dans lesquelles une théorie scientifique a émergé sont alors traitées comme les causes finales de cette théorie, celle-ci étant réduite à la médiation par laquelle advient la technique dont la production a besoin. La science appartiendrait alors à la classe "montante", celle dont l’intérêt coïncide avec la destinée prométhéenne de l’Homme. D’où la solution "miraculeuse" à la question de savoir pourquoi Lénine a reconnu la vérité objective des théories  scientifiques produites à l’époque du capitalisme : la bourgeoisie montante était progressiste et favorisait le développement des connaissances ; aujourd’hui la bourgeoisie impérialiste ne peut supporter la vérité et fabrique des fausses sciences, ou sciences bourgeoises, dans tous les domaines, pour s’accrocher au pouvoir. »
En 1951, publication en France des  textes de Staline sur la linguistique, dans lesquels  Staline admet que l’affrontement de classe ne traverse pas toutes les instances sociales, puisqu’il existe des techniques et une langue qui servent toutes les classes. Cette première brèche pousse à une « autocritique » du PCF (L. Casanova dans la NC en novembre 1951), qui substitue l’idée de « science d’avant-garde » à celle de « science prolétarienne ». « Formellement, la notion [de science prolétarienne] est liquidée en France en  1953, lors de "Journées nationales d’Etudes des Intellectuels communistes. Il n’est pas inintéressant de remarquer que la critique la plus nette viendra du physicien G. Vassails. La liquidation de fait prendra plus de temps, s’échelonnant jusqu’au début des années 60, et s’opérant discipline par discipline ».
luc marchauciel
 
Message(s) : 73
Inscription : 12 Avr 2008, 18:37

Message par canardos » 21 Fév 2012, 13:29

(luc marchauciel @ mardi 21 février 2012 à 12:39 a écrit : Je reviens vite sur un truc qui apparaît dans les posts de Canardos et Barnabé, cette idée que l'évolution ne pourrait pas être validée par des critères de scientificité trop rigoureux, car non testable expérimentalement, non reproductible, etc.

Cette idée me semble erronée.
Bien sûr que l'on ne peut pas refaire (au sens "expérience", pas au sens "reconstitution") l'évolution du vivant sur la Terre depuis des millions d'années, avec l'infinité de paramètres intervenant là-dedans.
Mais sur la base de la connaissance de la génétique, on peut prouver la réalité de l''évolution par des mutations provoquées en laboratoire [et même grandement améliorer la compréhension de l'histoire du vivant, en établissant les filiations sur des bases plus solides qu'avant]. Dans la constitution du néodarwinisme, il y a bien la théorie darwinienne de la sélection comme grille de lecture théorique issue de l'observation, mais complètée par la génétique mendelienne et les expériences par exemple de Morgan qui fait "évoluer" des mouches drososphiles en faisant varier certains caractères via la génétique. Le fait que l'on puisse prédire l'apparition de souches d'insectes résistants dans un champ [système beaucoup plus complexe que le laboratoire] lorsque l'on utilise des pesticides est une autre preuve testable et reproductible à plus grande échelle.
Les mécanismes fondamentaux de l'évolution biologique sont testables et reproductibles, même si l'ensemble de l'évolution du vivant sur un système aussi vieux et complexe que la Terre ne l'est pas.
Pour les "activités" humaines, ce n'est pas vrai. Le moment réductionniste  [moment indispensable pour faire des sciences] équivalent au laboratoire, ça serait par exemple des expériences de psychologie sur quelques individus, hors contexte social. Mais pour trouver des individus hors contexte social, c'est balèze... On est obligés d'essayer de constituer des panels que l'on jugera représentatifs, c'est tout de suite beaucoup plus compliqué [une mouche d'une certaine espèce, elle est très très représentative de son espèce, c'est plus simple]. Un expérience de psychologie, ça nous apprend des choses, mais ça n'a pas le même degré d'objectivité  qu'une mutation d'un gène en laboratoire. Alors, si on parle de l'ensemble des interactions des individus en société, houlà ! Les sciences sociales ne peuvent pas être scientifiques au même titre que les sciences de la nature, parce que leur objet, les sociétés, ne peut pas (ou presque pas) être à un moment donné réduit à des objets simples testables et reproductibles que l'on peut ensuite faire fonctionner en interaction dans un système complexe.

Je sais pas si j'ai été clair, mais le fait d'y réfléchir et de l'écrire m'a clarifié les choses pour moi, c'est déja ça  :D

non, Luc. ce n'est pas vrai pour la biologie.

par une série d’expériences en labo décrites notamment pour certaines d'entre elles par Richard Dawkins dans son livre "le plus grand spectacle du monde" , on peut prouver que certaines évolutions sont le produit de mutations aléatoires et de la sélection naturelle, mais il s'agit d'une vérification par la méthode inductive, une vérification positive, ça ne suffit pas dans la logique popperienne, pour prouver que toutes les évolutions passées, y compris celles d'organes complexes sont le résultat d'une évolution darwinienne. Ce qui est d'ailleurs drôle, luc, c'est que les preuves que tu cites dans ton post, preuves parfaitement valables, ne permettent de vérifier la théorie de l’évolution que de façon inductive. Les biologiste évolutionnistes comme Dawkins utilisent d'ailleurs une approche fondée à la fois sur les probabilités et sur le rasoir d'Occam pour prouver la validité de la théorie darwinienne la solution la plus simple et la plus probable,face à toutes les autres hypothèses comme celles de l'intelligent design fondées sur des postulats tellement improbables qu'ils doivent être éliminés.

pour certains problèmes, c'est possible...par exemple l’hypothèse de l’astéroïde qui a causé l'extinction de la fin du crétacé. outre les preuves positives tres nombreuses de cette extinction, il suffit de dire que le fait de trouver des ossements de dinosaures datés avec certitude d'une période postérieure à cet impact suffirait à falsifier au moins partiellement cette hypothèse... mais c'est loin d’être toujours le cas, fautes de données et parce que les conditions initiale de la spéciation sont impossibles à reproduire...la biologie aussi est partiellement une science historique...je te renvoie à l'article "popper and systematics" dont j'ai donné le lien plus haut
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par Barnabé » 21 Fév 2012, 14:04

(luc marchauciel @ mardi 21 février 2012 à 12:39 a écrit : Je reviens vite sur un truc qui apparaît dans les posts de Canardos et Barnabé, cette idée que l'évolution ne pourrait pas être validée par des critères de scientificité trop rigoureux, car non testable expérimentalement, non reproductible, etc.

Cette idée me semble erronée.
Bien sûr que l'on ne peut pas refaire (au sens "expérience", pas au sens "reconstitution") l'évolution du vivant sur la Terre depuis des millions d'années, avec l'infinité de paramètres intervenant là-dedans.
Mais sur la base de la connaissance de la génétique, on peut prouver la réalité de l''évolution par des mutations provoquées en laboratoire [et même grandement améliorer la compréhension de l'histoire du vivant, en établissant les filiations sur des bases plus solides qu'avant]. Dans la constitution du néodarwinisme, il y a bien la théorie darwinienne de la sélection comme grille de lecture théorique issue de l'observation, mais complètée par la génétique mendelienne et les expériences par exemple de Morgan qui fait "évoluer" des mouches drososphiles en faisant varier certains caractères via la génétique. Le fait que l'on puisse prédire l'apparition de souches d'insectes résistants dans un champ [système beaucoup plus complexe que le laboratoire] lorsque l'on utilise des pesticides est une autre preuve testable et reproductible à plus grande échelle.
Les mécanismes fondamentaux de l'évolution biologique sont testables et reproductibles, même si l'ensemble de l'évolution du vivant sur un système aussi vieux et comlexe que la Terre ne l'est pas.

D'accord avec ce que dit canardos. Du reste, il faut distinguer, pour la biologie et je crois que cela peut être généraliser mutatis mutandis, le fait d'exhiber des mécanismes et d'expliquer les phénomènes. En laboratoire, on peut reproduire un certain nombre de mécanismes (avec des limites) qui sont en jeu dans la théorie de l'évolution. Sauf que l'évolution elle-même c'est la rencontre entre ces mécanismes et des conditions particulières, historiquement déterminées (ce qui est rendu d'autant plus compliqué - mais peut-être en cela proprement historique - par le fait qu'à mesure de son déroulement, les produits de l'évolutions s'intègrent à ces conditions). Cela n'empêche pas que la théorie de l'évolution soit scientifique, justement parce que l'on peut en tirer des choses pour prédire le comportement d'organismes et agir sur le vivant.
Ce que je ne comprend pas bien, c'est la suite de ce que tu écris:

a écrit :Pour les "activités" humaines, ce n'est pas vrai. Le moment réductionniste  [moment indispensable pour faire des sciences] équivalent au laboratoire, ça serait par exemple des expériences de psychologie sur quelques individus, hors contexte social.

Le "moment réductionniste" n'est pas si compliqué à trouver. Si l'on veut dire par là le moment dans lequel on considère l'être humain comme une pure réalité biologique objective. On peut penser par exemple à la neurobiologie. Quant à chercher des individus hors contexte social, pourquoi diable voudrait-on faire cela? Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que tu dis. Un individu humain hors contexte social ça n'existe pas, parce que c'est la constitution en société qui fonde l'humanité comme telle. La psychologie subjective d'un humain "hors société" cela n'existe pas parce que la subjectivité est précisément un rapport qui se construit au sein de l'humanité sociale ("l'existence sociale détermine la conscience"). Ce que tu demandes c'est de fournir un objet qui n'existe pas, et qui permettrait au mieux de faire la science d'une chimère.

Autre chose me pose problème quand tu écris :

a écrit : Les sciences sociales ne peuvent pas être scientifiques au même titrre que les sciences de la nature, parce que leur objet, les sociétés, ne peut pas (ou presque pas) être à un moment donné réduit à des objets simples testables et reproductibles que l'on peut ensuite faire fonctionner en interaction dans un système complexe.


Tu veux dire qu'une connaissance serait scientifique dans la mesure où elle est réductionniste? Là c'est difficile à tenir. Des pans entiers de la biologie dans ce cas ne le sont pas. Bien sûr il y a une part des processus biologiques que l'on a pu expliquer à l'aide de la biochimie puis de la biologie moléculaire. Mais même concernant les mutations et l'expression des gènes, on s'est rendu compte qu'il était vain de chercher une explication exclusivement au niveau de la biologie moléculaire. Pense-tu qu'en admettant qu'il faut regarder l'expression des gènes comme un système complexe d'échange (au sein de l'organisme et avec l'extérieur) pas strictement réductible à des objets simples et testables, la biologie soit devenue moins scientifique?
Je ne comprend vraiment pas d'où vient cette idée que le degré de scientificité serait équivalent au degré de réductibilité. Certainement le moment réductionniste dans l'histoire de la biologie a été un pas en avant... par rapport au vitalisme qu'il y avait avant. Comme le matérialisme mécaniste a été un pas en avant par rapport au mysticisme. De là à dire que cela représente le fin mot des sciences...

a écrit :Je sais pas si j'ai été clair, mais le fait d'y réfléchir et de l'écrire m'a clarifié les choses pour moi, c'est déja ça  :D

Je ne sais pas si je t'ai bien compris et si j'ai été clair moi-même.

Un mot quand même encore sur la scientificité du marxisme dans ce contexte. Certainement, il n'y a pas de "laboratoire". Mais tout de même, il y a des choses que l'on vérifie... dans la pratique de la lutte des classes. Oui le marxisme aide à comprendre le sens des événements. Et il aide aussi clairement à s'orienter dans une grève ou un mouvement, à prévoir (dans une certaine mesure évidemment) ce qui est possible ou pas. Personnellement, j'ai été pleinement convaincu du matérialisme historique parce que dans des mouvements, même petits, il permettait de mieux comprendre, de mieux s'orienter et de mieux agir. Et cela me paraît tout à fait testable (même si un test probant à une large échelle nécessiterait des événements d'une autre ampleur que ceux que nous avons pu connaître dans un passé récent). Et d'ailleurs c'est comme cela, en confrontation avec les événements objectifs de la lutte des classes que le marxisme a été élaboré.
Barnabé
 
Message(s) : 0
Inscription : 11 Oct 2002, 20:54

Message par luc marchauciel » 21 Fév 2012, 14:12

(Barnabé @ mardi 21 février 2012 à 14:04 a écrit : . Et cela me paraît tout à fait testable (même si un test probant à une large échelle nécessiterait des événements d'une autre ampleur que ceux que nous avons pu connaître dans un passé récent).

Et l'absence des évenements en question pourrait être avancée comme une preuve (pour l'instant) du fait que le marxisme a été invalidé par l'histoire, si celle -ci est le test de celui-là.
luc marchauciel
 
Message(s) : 73
Inscription : 12 Avr 2008, 18:37

Message par canardos » 21 Fév 2012, 14:16

(luc marchauciel @ mardi 21 février 2012 à 14:12 a écrit :
(Barnabé @ mardi 21 février 2012 à 14:04 a écrit : . Et cela me paraît tout à fait testable (même si un test probant à une large échelle nécessiterait des événements d'une autre ampleur que ceux que nous avons pu connaître dans un passé récent).

Et l'absence des évenements en question pourrait être avancée comme une preuve (pour l'instant) du fait que le marxisme a été invalidé par l'histoire, si celle -ci est le test de celui-là.

faudrait pas confondre marx et madame soleil. le marxisme ne prétend pas prédire les dates des révolutions seulement le mécanisme général qui y conduit...

si on veut "falsifier" le marxisme faudra trouver mieux...
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par Barnabé » 21 Fév 2012, 14:18

(luc marchauciel @ mardi 21 février 2012 à 14:12 a écrit :
(Barnabé @ mardi 21 février 2012 à 14:04 a écrit : . Et cela me paraît tout à fait testable (même si un test probant à une large échelle nécessiterait des événements d'une autre ampleur que ceux que nous avons pu connaître dans un passé récent).

Et l'absence des évenements en question pourrait être avancée comme une preuve (pour l'instant) du fait que le marxisme a été invalidé par l'histoire, si celle -ci est le test de celui-là.

Comme science, le marxisme explique les contradictions de l'organisation social depuis leurs racines dans la production jusqu'à la variété de leurs expressions (politiques, idéologiques, etc.) et les mécanisme qui les gouvernent. Ce qui pourrait être une preuve d'invalidation, ce serait par exemple l'absence de lutte de classe, le fait que l'économie capitaliste arrête de produire des crises, des guerres et qu'il s'avère capable de répondre aux besoins de l'humanité.
Barnabé
 
Message(s) : 0
Inscription : 11 Oct 2002, 20:54

PrécédentSuivant

Retour vers Sciences

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : conformistepote et 7 invité(s)