En réponse aux deux posts de Canardos : sur le fond, je pense qu'on a un vrai désaccord. Je vais tâcher de ne pas être trop long, parce qu'on commence sérieusement à se répéter. Mais ça ne va pas être facile...
Sur Gould :
a écrit :Il dit simplement que la direction de ces adaptations a été determinée par des évenements liés aux hasard (...) et qu'il n'y a donc aucune tendance obligatoire (...) vers l'augmentation de la complexité ou vers l'intelligence par exemple... il rappelle qu' en termes de bio-masse par exemple les vers de terre sont une bien plus grande réussite adaptative que nous mais si ils n'ont pas de site web...
Il dit "
simplement" cela ? Mais c'est là tout le problème ! Je suis désolé de faire une fois de plus le parallèle avec l'évolution sociale, mais pour des marxistes, c'est tout de même le fond de toute l'affaire. Que dirais-tu d'un historien qui prétendrait "
simplement" que le remplacement de l'esclavagisme antique par le féodalisme, ou le remplacement de ce dernier par le capitalisme, n'auraient été que le fruit d'une succession de hasards et qu'il n'y avait aucune nécessité vers l'apparition de formes sociales de plus en plus complexes et de plus en plus productives ? Cet historien pourrait-il être qualifié de marxiste, même s'il prétendait l'être ?
a écrit :Il a combattu toutes les conceptions religieuses à la Teillhard de Chardin qui affirmenr que le sens de l'évolution est pré-orienté de fàçon automatique vers la complexité et l'intelligence en rappelant que le processus qui abouti à à l'homme est le produit d'une série d'évements contingents.
Oui, les religieux parlent d'évolution - quand ils l'acceptent -
pré-orientée (évidemment, "
pré-" orientée par qui ?). Mais enlève ce petit préfixe, et tu obtiendras la conception d'une évolution
orientée (ce qui ne veut pas dire orientée de manière
exclusive) vers la complexité et l'intelligence, non par une volonté surnaturelle, mais par les mécanismes de sélection et les crises. Une telle conception n'a plus rien de religieux, et c'est la conception marxiste.
Quant aux événements qui ont mené à cette tendance, il s'agit certes d'une suite d'innombrables événements contingents. Mais cela n'empêche pas la tendance, elle, d'être parfaitement déterminée.
C'est cette face de la dialectique que Gould combat ou évacue systématiquement.
L'apparition de formes de plus en plus complexes n'est pas le
seul produit de l'évolution. Mais elle en est un produit, et un produit qui nous intéresse tout particulièrement en tant que marxistes. Comment explique-t-on ce fait ? Voilà la question qu'il faut poser à Gould et à ses idées.
Pour prendre un parallèle, l'émergence des multinationales et des oligopoles dans le capitalisme est à chaque fois le produit de millions d'événements contingents. Mais cela n'empêche pas que cette émergence soit
en même temps le produit d'une tendance nécessaire, d'une "loi économique", immanente à l'économie de marché.
Alors, en biologie, on peut défendre mille points de vue, selon le problème dont on discute. Bien sûr, pourquoi pas dire qu'en termes de kilos, les vers de terres sont plus performants que les hommes ? Et en terme de nombre d'espèces, les insectes plus performants que les mammifères, etc. Tout cela est incontestable. Mais nous, en tant que marxistes, ce qui nous intéresse particulièrement dans l'évolution biologique, c'est l'aptitude qu'a eu la vie à s'organiser de manière de plus en plus complexe et indépendante du milieu. Et nous avons un point de vue "philosophique", si l'on veut, sur cette tendance que nous croyons nécessaire. Sur les sociétés, bien des gens nient la notion de progrès historique, en arguant par exemple du fait que les actes de barbarie sont au moins aussi nombreux, si ce n'est plus, que dans les sociétés du passé. C'est un critère comme un autre. Mais est-ce le bon critère pour des marxistes ?
Et pour finir, ta remarque sur le fait que :
a écrit : nous sommes aussi étroitement dépendants de notre milieu, je l'ai expérimente il y a deux semaines quand j'ai été privé 5 jours d'electricité, mais c'est un milieu que nous avons complètement transformé (...)
Que veux-tu montrer en disant cela ? Que l'humanité n'est pas acquis une
totale indépendance vis-à-vis de son milieu ? Mais c'est évident, cela n'est pas le cas et cela ne le sera jamais ! Mais nierais-tu pour autant que la société capitaliste, par la croissance des forces productives, a pas permis à l'humanité d'être plus indépendante vis-à-vis des conditions naturelles que les sociétés du passé ? C'est cela, la vraie question que tu esquives.
Je persiste et signe, le "relativisme" et l'éloge de la contingence de Gould en matière biologique sont le pendant de raisonnements anti-marxistes en matière sociale. Cela n'empêche pas de lire ses livres avec intérêt, mais il faut savoir à qui et à quoi on a affaire.