Le pic d'épidémie pique ma curiosité

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Le pic d'épidémie pique ma curiosité

Message par Cyrano » 07 Mars 2020, 17:52

Le pic d'épidémie de la grippe, et après, ça décroit, les cas décroissent.
On nous parle du pic du coronavirus qui viendra un de ces jours.
Mais pourquoi une épidémie ne se propage-t-elle pas indéfiniment? Pourquoi qu'à un moment, y'a moins de personnes contaminée?

La peste noire, au début du XIVe siècle fit mourir environ 25 millions d'européens (30 à 50 %), mais pas tous.
La grippe espagnole, en 1918, fit mourir plusieurs dizaines de millions de personnes, mais pas tout le monde.
Cyrano
 
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Re: Le pic d'épidémie pique ma curiosité

Message par Gayraud de Mazars » 07 Mars 2020, 18:59

Salut Cyrano,

Véritable "stars" de l’hiver, la grippe, la gastro-entérite et le rhume font parler d'elles à cette époque de l'année. Leur seuil épidémique est systématiquement atteint durant cette saison, l'hiver, marquée par le froid et le faible taux d’ensoleillement. Mais quel rôle joue le climat dans l’émergence de ces pics épidémiques ? Y-a-t-il plus de virus dans l’air ? Notre organisme est-il plus fragile ? En fait, je ne suis pas spécialiste et je me pose des questions !

Fraternellement,
GdM
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Re: Le pic d'épidémie pique ma curiosité

Message par com_71 » 07 Mars 2020, 19:14

Pas spécialiste non plus... je pense que plusieurs facteurs entre en jeu, notamment les mutations du virus qui deviendrait moins agressif, le climat moins favorable (ex. les grippes saisonnières), l'immunisation des sujets touchés mais guéris ou restés asymptomatiques, qui doit avoir le même effet qu'une couverture vaccinale suffisante...
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Le pic d'épidémie pique ma curiosité

Message par Plestin » 07 Mars 2020, 19:41

Pour la grippe saisonnière, des éléments de réponse intéressants figurent dans l'article Wikipédia sur la grippe :

Caractère saisonnier

La grippe est nettement plus fréquente et épidémique en hiver dans les zones tempérées, sauf lors de certaines pandémies. Ce phénomène est mal compris. Des dizaines d’hypothèses tentent d'expliquer cette saisonnalité, parmi lesquelles :

- en période froide, rester plus souvent à l'intérieur, où l'atmosphère confinée et immobile maintient les micro-gouttelettes porteuses de virus, favorise leur transmission ;
- diminution du taux de vitamine D lié à un ensoleillement plus faible en hiver ;
- le faible taux d'humidité de l'air à l'intérieur durant l'hiver assèche davantage la muqueuse nasale, la rendant plus fragile et perméable à la pénétration du virus. Un air sec apparaît comme un milieu propice à la diffusion des particules virales qui ne sont pas rabattues vers le sol par la condensation ;
- caractéristiques virales ; des expériences d’élevage et transmission du virus chez des cochons d’Inde élevés en environnement contrôlé montrent que deux facteurs semblent déterminants :
1 - la température ; l’air froid (5 °C) semble favoriser la transmission virale, qui est freinée à 20 °C et presque nulle à 30 °C. Le froid pourrait favoriser le virus en rendant le dégagement des voies respiratoires plus difficile (mucus plus épais et plus abondant).
2 - l’hygrométrie ; un air sec (20 % à 35 % d’humidité relative) favorise également la contagion par l’air.

Dans un air sec et froid, le virus grippal serait donc plus stable et plus durablement infectieux. Une température de plus de 20 °C associée à une humidité relative de plus de 50 % semble défavoriser la contagion (hors contact physique direct). Néanmoins, des foyers infectieux importants sont constatés en zone tropicale et équatoriale, chez la volaille et chez l'homme.

Confirmant ces résultats, mais leur donnant une autre explication, une étude du National Institute of Health américain, publié dans Nature Chemical Biology début 2008, indique que « le virus de la grippe est enveloppé d’une couche de molécules grasses qui durcit et le protège quand les températures baissent. Cette enveloppe, constituée de cholestérol, fond une fois que le virus a pénétré dans l’appareil respiratoire de sa victime, il peut alors infecter une cellule et se reproduire. Lorsqu’il fait trop chaud la couche protectrice ne résiste pas et le virus meurt, à moins d’être à l’intérieur d’un organisme, ce qui explique sa propension à sévir en hiver. […] Résultat : une température de 5 °C et un degré d’humidité de 20 % sont parfaits pour que les hamsters malades contaminent les autres. À 30 °C les chercheurs n’ont observé aucune transmission virale. »

Des chercheurs ont confirmé un phénomène observé par les praticiens, qui est qu’en hiver, un délai d’environ une semaine (4 à 10 jours) sépare le début des épidémies de rhinopharyngites chez l’enfant et l’apparition de la grippe saisonnière.


Il est donc probable que pendant la belle saison, la transmission inter-individus de la grippe se ralentit considérablement ; mais le virus reste tapi chez certaines personnes infectées qui ne l'ont pas éliminé, en attendant le retour du froid pour retrouver des conditions propices à sa dissémination.

Concernant les grippes pandémiques, d'autres facteurs jouent.

Grippes pandémiques

Indépendamment des épidémies, des pandémies grippales plus meurtrières sont susceptibles de survenir plusieurs fois par siècle lors de l'émergence de nouvelles souches virales, hautement contagieuses en conséquence de l'absence d'immunité dans la population humaine. Jusqu'à ce jour, il apparaîtrait que le porc représente un hôte intermédiaire entre le monde aviaire et l'homme, ce qui fait dire, pas toujours à raison, que ce sont des souches d'origine porcine dites « grippes porcines », qui ont été responsables des grippes dites espagnole (1918), asiatique (1956-1958), de Hong Kong (1968), ou mexicaine (2009). En 1997, l'apparition d'une grippe aviaire de type A sous-type H5N1 en Asie a fait craindre une nouvelle pandémie par un virus venant directement du monde aviaire, car H5N1 a infecté des humains avec des conséquences graves 55. Ces craintes ont été pour l'instant démenties (en 2015), car la transmission d'homme à homme de H5N1 s'est avérée extrêmement inefficace (2 cas documentés).

En revanche, en avril 2009 une pandémie éclate provoquée par le virus de la grippe A (H1N1) pandémique, dont l'origine porcine semblait établie, sans pourtant que ce virus ait été détecté en circulation dans la population porcine. Ce virus s'est révélé très contagieux chez l'homme, mais avec une mortalité faible, ce qui n'était pas anticipé au moment de l'éclatement de la pandémie. Ce virus H1N1 pandémique a néanmoins déplacé le virus H1N1 circulant précédemment dans la population humaine.

Les réassortiments génétiques peuvent être à l'origine de grandes pandémies mondiales de grippe. Trois au cours du XXe siècle sont dénombrées, en 1918 (« grippe espagnole »), 1957 (« grippe asiatique »), et 1968 (« grippe de Hong Kong »). Ces pandémies nécessitent une souche virale très "transmissible" (contagieuse) et sont caractérisées par une morbidité voire une mortalité élevées. Ainsi la « grippe espagnole » en 1918 et 1919 aurait fait de 30 à 100 millions de victimes (selon les évaluations, 40 millions selon le site de l'Institut Pasteur), dont plus de la moitié chez les jeunes adultes. Le virus en cause, proche de la grippe porcine, était très différent de ceux circulant à l'époque.


Lorsqu'on a des pandémies monstrueuses telles que celles qui déciment une part importante de la population, la raréfaction de la population est en elle-même un facteur de moindre dissémination du germe concerné.

Plus un virus est mortel rapidement, plus il tue vite l'hôte qui l'héberge et réduit les possibilités qu'il en contamine d'autres (sauf si les rites funéraires deviennent eux-mêmes vecteur de la propagation, comme avec Ebola par exemple). Inversement, le virus VIH responsable du sida est certes le plus mortel de tous (presque 100% en l'absence de traitement) mais il n'a pu déclencher une pandémie mondiale qu'à cause de la lenteur de la progression de l'infection qui ne tue les malades que de longues années après leur contamination et leur laisse donc largement le temps d'en contaminer d'autres, surtout s'ils ont beaucoup de rapports sexuels non protégés.

La variabilité humaine concerne y compris le système immunitaire (pour l'immunité innée et, ensuite, en fonction de l'historique de chacun, pour l'immunité acquise) et elle fait que nous ne sommes pas tous égaux vis-à-vis des innombrables germes que chacun est susceptible de croiser au cours de sa vie. En cas de pandémie, certains seront moins sensibles que d'autres.

Les virus mutent (plus ou moins rapidement) et certains virus "apprivoisés" à la longue par le système immunitaire d'une partie des humains tuent moins ou ne tuent plus leurs hôtes et connaissent un véritable succès évolutif et reproductif (ex. : nombreux virus du rhume) car leur dissémination est favorisée. Mais les bactéries et virus parfois devenus bénins amenés par les conquistadores ont pu faire de gros dégâts chez les amérindiens dont le système immunitaire n'était absolument pas préparé, n'avait pas co-évolué avec les germes pathogènes en question.

Les conditions sociales et sanitaires jouent un rôle très important, la grippe espagnole est intervenue dans une Europe dévastée par la guerre et les privations ; les regroupements de malades dans les hôpitaux avec les innombrables blessés de guerre n'ont pas dû arranger les choses. Le même virus avec des circonstances autres aurait peut-être fait beaucoup moins de dégâts, et un certain "retour à la normale" progressif après la guerre a pu participer à l'extinction de l'épidémie.

La Chine et d'autres pays d'Asie sont des régions à haut risque d'éclosion de nouvelles pandémies, notamment de grippe, du fait de la fréquente promiscuité entre l'homme, le porc et les volailles (poulet ou canard), sans parler des autres espèces. L'apparition d'un virus mutant aviaire/porcin/humain qui aurait à la fois une forte contagiosité et un fort taux de mortalité chez l'homme, reste une possibilité et une grande crainte pour l'humanité. D'autres cas de proximité favorisent le passage de virus animaux à l'homme, y compris lorsque certains animaux sont consommés par l'homme. Le défrichement accéléré des forêts tropicales et équatoriales accroît aussi les occasions de contact entre l'homme et des virus parfois encore inconnus.

Le coronavirus Covid19 émerge en ce moment, mais ce n'est pas le premier virus ni même le premier coronavirus à avoir émergé, et ce n'est sûrement pas le dernier. Il y a déjà 7 espèces de coronavirus infectant l'homme, dont 4 donnant un rhume banal (que l'on retrouve dans peut-être 10 à 30% des rhumes) dénommés 229E, NL63, OC43 et HKU1 ; et 3 autres (du même genre que OC43 et HKU1, les "bêtacoronavirus") évoluant parfois en pneumonies pouvant être mortelles (le SRAS, le MERS et le Covid19). La plus grande fréquence de l'exposition des enfants aux coronavirus bénins pourrait peut-être expliquer leur meilleure résistance au Covid19, c'est une hypothèse en tout cas ; à moins que ce soit lié à l'immaturité de leur appareil respiratoire, autre hypothèse évoquée par certains médecins.

Le rhume d'apparence banale peut être provoqué par des picornavirus (dont les rhinovirus), des adénovirus, des coronavirus, des virus de la grippe, le virus parainfluenza ou le virus respiratoire syncytial. Certains de ces mêmes virus peuvent aussi provoquer des maladies plus sévères en fonction des individus (grippe, bronchiolites, pneumonies...)
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Re: Le pic d'épidémie pique ma curiosité

Message par Cyrano » 07 Mars 2020, 20:45

Merci aux uns, aux autres.
Je remarque que il n'y a pas vraiment de règle. J'avais lu l'article de Wikipedia sur la "Courbe épidémique", mais mal de tête avec abscisses désordonnées, ordonnées absconses : rien compris.

Plestin, tu parles de «la fréquente promiscuité entre l'homme, le porc et les volailles (poulet ou canard).» Ah bin oui, mais là, euh, ça ne nous re-gar-de pas, c'est leur vie. Piotr Pavleski a peut être de vidéos.
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Re: Le pic d'épidémie pique ma curiosité

Message par Cyrano » 07 Mars 2020, 20:57

En tout cas, le pic d'épidémie du corona se jouera sans l'homéopathie et les laboratoires Boiron qui déclarent forfait.
J'aime bien la formulation des laboratoires Boiron: «certains médicaments homéopathiques sont traditionnellement utilisés pour optimiser l'immunité des patients face aux différentes infections virales...» Traditionnellement? C'est presque dire que bon, on utilise ça, mais on sait pas si ça marche vraiment?
Le site pseudo-sciences.org en a profité pour se fendre d'un article perfide, of course, l'occasion est trop bonne:
https://www.pseudo-sciences.org/Coronav ... omeopathie
Cyrano
 
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Re: Le pic d'épidémie pique ma curiosité

Message par Plestin » 08 Mars 2020, 08:47

Cyrano a écrit :Traditionnellement? C'est presque dire que bon, on utilise ça, mais on sait pas si ça marche vraiment?


La formule "traditionnellement utilisé" est employée pour un certain nombre de médicaments ou prétendus tels ou compléments alimentaires ou dispositifs médicaux, contenant certaines substances naturelles. Cela fait référence à une liste d'ingrédients (surtout des plantes ou extraits de plantes, mais aussi d'animaux et de minéraux) qui, du fait de leur emploi ancien et empirique dans certaines médecines traditionnelles, ont le droit de s'affranchir de faire des essais cliniques modernes. Par exemple : la vigne rouge dans les troubles de la circulation sanguine, l'aubépine dans la nervosité et les troubles du sommeil, l'harpagophyton dans les rhumatismes etc.

Cela ne veut pas dire que ces médicaments soient tous des placebos, certains ont une efficacité réelle et d'autres ou les mêmes ont des effets secondaires bien réels également.

L'homéopathie, elle, produit du "rien" mais parfois à base de plantes ou substances de ce genre et dans ce cas-là elle utilise aussi la formule "traditionnellement utilisé" pour se dédouaner à son tour de tout essai clinique. Mais l'arnica est censé être efficace contre les contusions et les bleus, et l'arnica homéopathique qui théoriquement devrait avoir l'effet inverse revendique le même effet, allez comprendre...
Plestin
 
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Re: Le pic d'épidémie pique ma curiosité

Message par Cyrano » 08 Mars 2020, 09:34

Merci, cher Plestin, de ta réponse.
7h47? déjà actif? C'est pas aujourd'hui qu'on vote, c'est dimanche prochain.
Cyrano
 
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