Documentation épidémie

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Documentation épidémie

Message par admin » 26 Mars 2020, 08:54

On regroupe ici des articles de documentation sur l'épidémie.
Pour la lisibilité le sujet sera fermé, mais bien sûr la discussion est toujours bienvenue par ailleurs.

Slate a écrit :Espoirs, précipitation, interdiction, comprendre le débat sur la chloroquine

Jean-Yves Nau — 26 mars 2020 à 7h56
C'est une affaire médicale et éthique sans précédent. Hautement médiatisée, elle bouscule le cadre de la recherche scientifique et impose au pouvoir exécutif de trancher dans l'urgence.


De toutes les controverses et polémiques induites par l'épidémie de Covid-19, celle de l'hydroxychloroquine est aujourd'hui l'une des plus originales, dérangeantes et complexes. Elle ne vise pas telle ou telle faille dans la stratégie de lutte comme les situations de pénurie de masques et de tests de dépistage. Elle ne concerne pas non plus les modalités des mesures de confinement. Elle porte en revanche sur un autre sujet essentiel: une possibilité d'espoir thérapeutique contre cette pathologie virale vis-à-vis de laquelle on ne dispose encore d'aucun médicament ayant fait la preuve indiscutable de son efficacité.

Hier inconnue du plus grand nombre, l'hydroxychloroquine (Plaquenil®) est aujourd'hui au cœur d'une affaire médicale, scientifique et éthique; une affaire née en France mais qui, du fait de la progression de la pandémie, connaît différents prolongements à l'étranger. Aux États-Unis notamment, où elle oppose ouvertement le président Donald Trump au Pr Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des allergies et maladies infectieuses, l'un des spécialistes américains les plus compétents dans ce domaine. Le premier «croit» aux vertus de l'hydroxychloroquine contre le Covid-19 quand le second ose le défier en mettant en garde contre l'absence de données permettant rationnellement de recommander son utilisation.
Comment en est-on arrivé là?

Tout est né, en France, des convictions initiales et des premiers travaux préliminaires du Pr Didier Raoult, 68 ans. Directeur de l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection (Marseille), le Pr Raoult est un scientifique amplement reconnu à l'échelon international dans le domaine de la microbiologie. Mais c'est aussi une personnalité radicalement atypique, souvent provocatrice –et à ce titre controversée au sein d'un milieu scientifique spécialisé souvent agacé par sa propension à vanter ses propres mérites.

C'est sur la base de ses expériences passées et d'observations faites par des chercheurs chinois que le Pr Raoult n'a pas craint d'annoncer, via une vidéo largement médiatisée ainsi que dans différents médias, les vertus de l'hydroxychloroquine contre le Covid-19. Ce médicament antipaludéen également utilisé contre certaines maladies auto-immunes (comme le lupus érythémateux disséminé ou la polyarthrite rhumatoïde) aurait selon lui apporté des «améliorations spectaculaires» chez des patient·es infecté·es. Le Covid-19 «est probablement l'infection respiratoire la plus facile à traiter», avançait-il, d'emblée.


Le Pr Raoult fut aussitôt sévèrement critiqué par la quasi-totalité du milieu scientifique spécialisé. Les critiques portaient notamment sur le fait que les déclarations du Pr Raoult trouvaient pour l'essentiel leur origine sur les données beaucoup trop préliminaires obtenues par une équipe de recherche chinoise de la Qingdao University –ce que le Pr Raoult contestait.

Qu'importe. Le 26 février, dans les colonnes du quotidien économique français Les Échos, le chercheur expliquait avoir évoqué le sujet avec le Dr Olivier Véran, nouveau ministre de la Santé. «Il a réagi de façon très positive, car c'est un homme intelligent, rapportait-il. Je pense qu'il a pris les mesures nécessaires pour faire descendre l'information à la Direction générale de la Santé afin que celle-ci se penche enfin sur la question. Cependant, le ministre m'a dit que personne avant moi ne lui avait encore parlé de la chloroquine, ce qui montre qu'il y a un problème, en France –en tout cas à Paris–, sur la façon dont sont abordées les maladies infectieuses...»

Pour autant, en dépit de ses contacts répétés avec le ministre de la Santé, le Pr Raoult n'avait pu obtenir que l'hydroxychloroquine fasse partie du petit groupe des médicaments retenus pour un grand essai clinique européen nommé Discovery; décision du comité scientifique du consortium REACTing, présidé par le Pr Jean-François Delfraissy. «Nous aurions pu l'inclure, cela a été sérieusement envisagé, mais nous avons considéré qu'il présentait trop de problèmes d'interactions médicamenteuses», détaillait alors ce spécialiste réputé de virologie par ailleurs président du conseil scientifique en charge de conseiller le gouvernement. Un choix et une situation d'autant plus complexe que le Pr Raoult faisait partie de ce conseil scientifique.
L'essai mené à Marseille trop préliminaire pour extrapoler

Le Pr Raoult décida alors, seul, de lancer rapidement un essai clinique au sein de son Institut; un essai mené auprès de vingt-six malades seulement mais dont les résultats apportèrent bien vite, selon lui, la démonstration tant attendue: schématiquement, une combinaison d'un antibiotique (l'azithromycine) et d'hydroxychloroquine permettrait de faire «disparaître le virus» chez 75% de patient·es en six jours. Des données qui, avant même d'être publiées, rencontrèrent un très large écho médiatique. Pour autant, une fois connue la méthodologie mise en œuvre, cet essai suscita de très nombreuses critiques émanant de spécialistes réputé·es. Selon ces dernièr·es, les résultats avancés ne permettaient en aucune façon d'autoriser la prescription d'hydroxychloroquine chez les personnes souffrant de Covid-19. Étaient dénoncés différents biais qui interdisent toute forme d'extrapolation quant à cette nouvelle indication.

En toute logique, il fallait élargir les essais pour confirmer, ou pas, les résultats marseillais. C'est le choix que fit, pressé de questions, le ministre de la Santé. Le 17 mars, Olivier Véran annonçait, lors d'une conférence de presse téléphonique organisée en présence du Pr Delfraissy: «J'ai pris connaissance des résultats et j'ai donné l'autorisation pour qu'un essai plus vaste mené par d'autres équipes puisse être initié dans les plus brefs délais sur un plus grand nombre de patients.» Tout en émettant l'espoir que ces nouveaux essais cliniques permettraient «de conforter les résultats intéressants», le ministre de la Santé tenait à mettre en garde: «Il est absolument fondamental d'asseoir toute décision de politique publique en santé sur des données scientifiques validées, et les processus de validation, on ne peut pas négocier avec.»

Olivier Véran n'était pas seul au sein de l'exécutif. Il s'exprimait à la suite des propos tenus peu auparavant par Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, évoquant des résultats «prometteurs», précisant que les futurs essais cliniques «seront réalisés avec une équipe indépendante du professeur Raoult», tout en soulignant que, à ce stade, il n'existait «pas de preuve scientifique» de l'efficacité de ce médicament dans cette indication thérapeutique.

Pour ne rien simplifier, la multinationale pharmaceutique française Sanofi annonçait le même jour être prête à offrir aux autorités françaises «plusieurs millions de doses» de son médicament Plaquenil®, qui pourrait permettre de traiter 300.000 patient·es atteint·es du Covid-19. Sanofi indiquait alors se tenir prête à travailler avec les autorités de santé françaises «pour confirmer» les résultats observés à Marseille.


Pour répondre encore mieux aux questions soulevées, la décision fut finalement prise (contrairement au refus initialement opposé) d'inclure l'hydroxychloroquine dans l'essai européen Discovery. Aux quatre modalités de traitements initialement prévues dans l'étude, il a ainsi été décidé, après d'âpres débats, de tester la possible efficacité de l'hydroxychloroquine. «Dès qu'une molécule génère un buzz scientifique assez robuste, il est tout à fait logique de l'intégrer dans l'étude comme molécule candidate», a commenté Florence Ader, infectiologue au CHU de Lyon qui pilote l'essai, lors d'une conférence de presse en ligne.

Lancé le 22 mars, cet essai prévoit d'inclure 3.200 patient·es européen·nes en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne (et peut-être d'autres pays à venir). Il est prévu d'inclure 800 patient·es hospitalisé·es en France pour une infection Covid-19 dans un service de médecine ou directement en réanimation. «Cinq hôpitaux français participeront au départ (Hôpital Bichat AP-HP, Lille, Nantes, Strasbourg, Lyon) puis nous ouvrirons d'autres centres pour arriver au moins à une vingtaine d'établissements participants, précise la Pr Ader. Notre stratégie d'ouverture de centre suivra la réalité épidémiologique de l'épidémie avec une priorisation à l'ouverture de l'essai dans des hôpitaux sous forte pression.»
La précipitation assumée du Pr Didier Raoult, au nom d'Hippocrate

Refusant d'attendre les conclusions à venir de l'essai Discovery, le spécialiste marseillais a pris une décision spectaculaire. Depuis le 23 mars, il prescrit son traitement en s'affranchissant de toutes les règles pharmaceutiques en vigueur. Et ce au nom de l'urgence et de la morale médicale, comme il vient de l'annoncer sur le site de son institut:

«Conformément au serment d'Hippocrate que nous avons prêté, nous obéissons à notre devoir de médecin. Nous faisons bénéficier à nos patients de la meilleure prise en charge pour le diagnostic et le traitement d'une maladie. Nous respectons les règles de l'art et les données les plus récemment acquises de la science médicale.

Nous avons décidé:

– Pour les tous les malades fébriles qui viennent nous consulter, de pratiquer les tests pour le diagnostic d'infection à Covid-19;
– Pour tous les patients infectés, dont un grand nombre peu symptomatiques ont des lésions pulmonaires au scanner, de proposer au plus tôt de la maladie, dès le diagnostic:

Un traitement par l'association hydroxychloroquine (200 mg x 3 par jour pour dix jours) + Azithromycine (500 mg le 1er jour puis 250 mg par jour pour cinq jours de plus), dans le cadre des précautions d'usage de cette association (avec notamment un électrocardiogramme à J0 et J2), et hors AMM [autorisation de mise sur le marché, ndlr]. Dans les cas de pneumonie sévère, un antibiotique à large spectre est également associé.

Nous pensons qu'il n'est pas moral que cette association ne soit pas inclue systématiquement dans les essais thérapeutiques concernant le traitement de l'infection à Covid-19 en France.

Pr Philippe Brouqui, Pr Jean-Christophe Lagier, Pr Matthieu Million, Pr Philippe Parola, Pr Didier Raoult, Dr Marie Hocquart»

L'écho fut immédiat. Dès le 23 mars, et en dépit des mesures de confinement, plusieurs centaines de personnes inquiètes se sont rassemblées devant l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection afin de pouvoir se faire tester par les collaborateurs et collaboratrices du Pr Didier Raoult et, éventuellement, se faire prescrire son traitement.
Incompréhensions d'un côté, appels à la prudence de l'autre

Dans le même temps, une pétition pour «tester en masse et traiter à la chloroquine» a été lancée et un nombre croissant de personnalités politiques ont réclamé ouvertement que ce traitement puisse, en urgence, être prescrit puisque le médicament est (pour d'autres indications) disponible sur le marché. C'est ainsi, notamment, que le député Julien Aubert (Les Républicains) a adressé un courrier à Emmanuel Macron cosigné par six parlementaires (Valérie Boyer, Thibault Bazin, Bernard Brochand, Sébastien Meurant, Bérangère Poletti et Patrice Verchère); un courrier qui prend fait et cause pour le Pr Raoult. Les signataires expliquent en substance ne pas comprendre pourquoi le gouvernement français n'a pas pris la décision d'utiliser massivement l'hydroxychloroquine.

Le maire (LR également) de Nice, Christian Estrosi, diagnostiqué positif au Covid-19 a pour sa part déclaré qu'il avait décidé de prendre le traitement prescrit par le Dr Raoult sans attendre les résultats de l'étude plus approfondie. Il a par ailleurs exhorté le gouvernement à faciliter au plus vite l'accès à ce traitement sans attendre la confirmation scientifique de son efficacité.

«La chloroquine, pourquoi ne l'utilise-t-on pas? s'est emporté le 22 mars sur France Inter Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat. Elle a un avantage, elle n'est pas chère. Est-ce que c'est parce que les grands labos aimeraient se faire de l'argent sur le dos de nos concitoyens?» Et le sénateur de plaider pour «qu'on n'attende pas ce que les milieux académiques peuvent attendre, c'est-à-dire des règles standards, académiques, de la recherche de risques. [...] Peut-être faut-il simplement le prescrire en milieu hospitalier. Mais on élargit tout de suite la prescription. Et il faut que le directeur général de la Santé dise à tous les hôpitaux de France: allez-y! De toute façon, qu'est-ce qu'on risque? Les gens meurent. [...] On a eu suffisamment de retard sur les masques, les tests, le confinement, pour qu'on n'en prenne pas sur le traitement».

À l'inverse, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer les dangers inhérents à une telle précipitation. C'est notamment le cas aujourd'hui de l'association Aides ou de Françoise Barré-Sinoussi, colauréate du Nobel 2008 de médecine pour ses travaux sur la découverte du VIH.

«L'emballement médiatique pour une stratégie thérapeutique a existé dans l'histoire du sida. Parfois pour le meilleur, parfois pour le pire, rappelle Aides. Nous appelons à la plus grande prudence face à des potentielles pistes de traitement invalidés par les chercheurs-euses. Le génie seul contre tous n'existe pas, pas plus que le complot de tous contre un seul. Ce qui est efficace, c'est la démarche collective et la discussion argumentée. Parmi les enseignements à retirer de l'épidémie de sida, il y a la place des malades dans la définition des stratégies de recherche à mettre en œuvre et des stratégies thérapeutiques à recommander.»

«Ne donnons pas de faux espoirs, c'est une question d'éthique», souligne pour sa part, dans les colonnes du Monde, Françoise Barré-Sinoussi qui vient d'être nommée à la tête du Comité analyse, recherche et expertise (CARE, composé de douze chercheurs, chercheuses et médecins) chargé de conseiller le gouvernement pour tout ce qui concerne les traitements du Covid-19.


Le 23 mars, dans une nouvelle intervention destinée à faire le point sur l'évolution de l'épidémie, le ministre de la Santé a annoncé de nouvelles mesures concernant l'usage qui pourra ou non être fait de d'hydroxychloroquine chez les patient·es souffrant de Covid-19. Il a expliqué avoir pris sa décision en se fondant sur un avis demandé au Haut Conseil de la santé publique.

Cet avis recommande de ne pas utiliser ce médicament à l'exception de formes graves hospitalières, et uniquement sur décision collégiale des médecins ainsi que sous surveillance médicale stricte. Soit, en d'autres termes, une forme d'usage compassionnel. «Le Haut Conseil exclut toute prescription dans la population générale ou pour des formes non sévères», a insisté Olivier Véran qui va prendre des mesures réglementaires interdisant de telles prescriptions.
À quoi faut-il désormais s'attendre?

On ne saura sans doute pas (sauf énorme surprise) avant deux ou trois semaines, et grâce notamment à l'essai Discovery, si des faits reproductibles et scientifiquement démontrés confirment les certitudes et les extrapolations du Pr Didier Raoult. Pour autant, tout ne sera pas dit. Si une forme –même modeste– d'efficacité était établie, il resterait encore à préciser les indications de ce médicament: en traitement seulement (et dans quels cas) ou en prévention pour prévenir les transmissions? Et, dans tous les cas, comment pourrait-on traiter sans avoir, au préalable, effectué un test de dépistage?

Dans l'attente de nouvelles données scientifiques solides, il est peu vraisemblable que l'on interdise au Pr Raoult de poursuivre, à Marseille, sa spectaculaire opération dépistage-prescription; et ce, paradoxalement, en dépit des nouvelles règles édictées par le ministre de la Santé. Les difficultés pourraient en revanche survenir ensuite, s'il devait malheureusement être établi que l'hydroxychloroquine n'est pas le médicament miracle dans lequel certains veulent, coûte que coûte, aujourd'hui croire.

D'ici là, l'Agence nationale de sécurité du médicament et la multinationale Sanofi démentent l'existence d'une pénurie de Plaquenil®, tout en mettant en garde contre une utilisation hors des indications de l'autorisation de mise sur le marché –à l'exception des essais cliniques officiellement autorisés. Pour l'heure, ce médicament doit impérativement être réservé aux malades à qui il était déjà prescrit. C'est, là aussi, une question de morale médicale.

http://www.slate.fr/story/188961/traite ... e-medecine
admin
Site Admin
 
Message(s) : 77
Inscription : 18 Juin 2013, 00:26

Re: Documentation épidémie

Message par admin » 26 Mars 2020, 09:06

Convergences Révolutionnaires a écrit :Comment se propage une épidémie, et les différentes mesures pour y remédier

24 mars 2020


L’épidémie actuelle de coronavirus est une crise sanitaire d’ampleur comparable à celle de l’épidémie de grippe espagnole de 1918-1919 et de grippe asiatique de 1956-1958. L’objectif de cet article est de faire le point sur les mécanismes de propagation d’une épidémie, et les différentes mesures pour y remédier.
1 – Comment se propage une épidémie

À ses débuts, une épidémie suit une progression exponentielle [1], c’est-à-dire que le nombre de cas double périodiquement ; pour l’épidémie actuelle, cette période est de l’ordre de cinq à six jours. Un paramètre clé de la propagation est appelé R0, c’est le nombre moyen de personnes contaminées par un patient infectieux : si un infecté contamine plus d’une personne saine durant sa maladie alors l’épidémie se propage, sinon elle s’éteint. L’épidémie ralentit soit lorsqu’une part suffisante de la population est immunisée, via un vaccin ou parce qu’elle a attrapé la maladie et en a guéri, soit en réduisant la contagion : en guérissant les malades, ou en réduisant leurs contacts avec des personnes sensibles.

Pour l’instant, aucun vaccin n’est connu ; d’une part car une épidémie est par nature imprévisible, et d’autre part par absence de recherche fondamentale, faute de budgets [2], or en élaborer un prend au minimum 12 à 18 mois. Par ailleurs, laisser le virus se répandre en comptant sur l’immunisation naturelle (c’était le choix initial de Boris Johnson et, à demi-mot, de Macron) est irréaliste, car cela entraînerait une mortalité très importante ; des centaines de milliers de victimes au Royaume-Uni d’après un rapport de l’Imperial College [3]. Compter sur « l’immunité de groupe » sans maîtriser la propagation n’est donc pas une option, notamment à cause du nombre très limité de places adaptées dans les hôpitaux ; l’objectif est plutôt de ralentir et, idéalement, de mettre fin à la contagion.

Des traitements sont à l’étude, élaborés à partir de médicaments existants (élaborer un nouveau médicament est coûteux, long et incertain) ; on parle de « repositionnement ». La choloroquine, un antipaludaire, est un candidat prometteur, et des études sont en cours en vue de sa mise en application. Il serait cependant prématuré d’en généraliser l’usage dès maintenant, car les preuves scientifiques sont pour l’instant insuffisantes : l’étude chinoise citée par le Professeur Raoult est réalisée in vitro, et non sur des patients [4] tandis que l’étude de l’IHU Marseille porte sur seulement 24 patients (son auteur, par un tour de passe-passe logique, explique que tester sur petit nombre de personnes est statistiquement plus significatif [5], ce qui est une aberration), et sa méthode est controversée [6]. Un autre candidat, le remdésivir, testé contre Ebola, est aussi à l’étude mais, s’agissant d’un médicament expérimental, il n’est pas possible à court terme de généraliser sa production et son utilisation.
2 – Les mesures

Pour cette vague de l’épidémie, il faut donc opter pour des mesures non-pharmaceutiques (en anglais NPI– Non pharmaceutical interventions), c’est-à-dire de faire en sorte que les personnes contaminées aient le moins de contacts possibles avec les personnes saines. Il y a pour cela toute une gradation de mesures, de la mise en quarantaine des personnes contaminées à un confinement total.

Comme le virus est très contagieux, mettre les personnes contaminées en quarantaine n’est pas suffisant, c’est pourquoi cette mesure s’est souvent accompagnée de la mise en quarantaine du foyer entier. Mais, comme une part non négligeable des personnes contaminées ne présente pas de symptômes, et que plus généralement, l’on commence à être contagieux avant de présenter des symptômes, ces mesures se sont à leur tour révélées insuffisantes. Cette caractéristique du virus est aussi à l’origine du sous-diagnostic général, qui fait que le nombre de cas réels est largement sous-évalué [7], et cette sous-évaluation entraîne un retard dans la prise en charge de l’épidémie [8].

Des mesures plus drastiques sont donc à envisager. La distanciation sociale consiste ainsi à éviter les regroupements de masse, c’est pourquoi les évènements rassemblant plus de 5000 (puis 1000, puis 100, et ainsi de suite) ont été interdits. Il est également recommandé de se tenir à distance d’au moins un mètre (idéalement deux) les uns des autres.

Le nombre de cas continuant d’augmenter, le gouvernement a par la suite fait le choix de fermer les bars et commerces non essentiels, puis les écoles et universités. Depuis mardi dernier, les déplacements sont également strictement contrôlés.

Le confinement est une mesure radicale, mais nécessaire à ce stade de l’épidémie, qu’il n’est plus possible de contenir au vu de la multiplication du nombre de cas. Et en effet, un élément crucial est le timing : les pays asiatiques, et en particulier Taïwan et la Corée du Sud, en prenant des mesures plus tôt, ont permis de ramener l’épidémie sous un seuil « contrôlable » de manière relativement rapide [9], et dans ces pays il s’agit désormais seulement de maintenir la propagation du virus sous ce seuil, ce qui peut se faire par des mesures moins drastiques : distanciation sociale, rappel des mesures d’hygiène, surveillance des cas connus. À l’inverse, le retard de l’Italie a amené à une surcharge du système de santé (déjà bien mal en point avant la crise), qui oblige les médecins à choisir à qui destiner les soins intensifs ; il en ira prochainement de même en France (c’est déjà le cas dans l’Est). C’est cette surcharge qui est le principal facteur de surmortalité ; étaler la propagation du virus est un moyen de l’éviter. Selon le syndicat des jeunes médecins, le confinement n’est en France pas encore suffisant [10]. Sont pointés du doigt les individus qui n’ont pas pris la mesure des événements, mais que dire des multiples entreprises qui, soutenues par le gouvernement, maintiennent voire font reprendre la production…

Un autre facteur clé est l’information : dépister de manière systématique les cas et les personnes avec qui elles ont été en contact permet de limiter le confinement aux secteurs géographiques touchés par l’épidémie, et d’adapter les mesures au contexte géographique. Comme le dit le Dr Tedros, directeur général de l’OMS, « les pays ne peuvent pas combattre les épidémies à l’aveugle ». C’est de cette manière (et en anticipant) que la Corée du Sud a mis fin à l’épidémie sans avoir recours au confinement [11]. C’est aussi la stratégie choisie par l’Allemagne, même s’il semble que l’épidémie a dépassé le seuil critique où elle est praticable.

Eviter un « effet rebond »

De plus, pour éviter un « effet rebond » au sortir du confinement, il est impératif de pouvoir dépister massivement à cette date [12], sans quoi une nouvelle explosion de la propagation est à prévoir. En effet, dès lors que des cas subsistent dans la population, on sera revenus au même point qu’au début de l’épidémie. Pour l’instant, le dépistage n’est pas la voie empruntée en France, faute de moyens matériels, nouvelle preuve de la grande misère de la santé publique.
3- Ce qui est à prévoir… et ce qui est imprévisible

La trajectoire de l’épidémie en France est comparable à celle de l’Italie. À ce titre, comme le confinement est prolongé jusqu’au 15 avril et durci en Italie [13], il en sera probablement de même en France. La durée totale du confinement est impossible à prévoir car elle dépendra fortement de son observance, et en particulier de l’entêtement du gouvernement et des entreprises à maintenir la production coûte que coûte. Pour donner un ordre de grandeur, à Wuhan, le confinement a duré 57 jours [14]. Ce qui est aussi imprévisible, et dépendra fortement de facteurs comme la disponibilité ou non de tests de dépistage, c’est la possibilité d’un rebond au sortir du confinement, et donc d’une nécessité de se confiner à nouveau. De même, nous ne disposons pour l’instant d’aucune donnée sur la possibilité que le réchauffement des températures à l’arrivée de l’été mette un coup d’arrêt à la propagation du virus ; le cas de l’Australie (où c’est en ce moment l’été) sera à cet égard éclairant.

La limite des modèles

Enfin, d’aucuns [15] utilisent des modèles pour en tirer des chiffres visant à prévoir le nombre de morts liés à l’épidémie. Si la démarche permet d’alerter sur l’importance du danger, elle est toutefois trompeuse : un modèle est utile pour observer des tendances, mais il est basé sur des simulations qui dépendent d’un grand nombre de paramètres, dont la plupart ne peuvent pour l’instant pas être évalués de manière fiable.

C’est pourquoi les projections du nombre d’infectés, si elles permettent d’avoir un ordre de grandeur, ne donnent en réalité que peu d’informations sur ce qu’il en sera en réalité. A fortiori pour le nombre de morts, le taux de létalité du CoViD-19 est pour l’instant difficile à estimer, faute d’en répertorier systématiquement les cas, et variant énormément en fonction des pays, et notamment de la répartition des classes d’âges et de la robustesse du système de santé. De plus, un modèle repose sur un certain nombre d’hypothèses qui, sitôt invalidées, le rendent caduc. Ainsi, le modèle de l’Imperial College, en faisant abstraction de la possibilité de répertorier les cas connus, par exemple via le dépistage, empêche de constater l’efficacité d’une telle politique [16]. Il faut donc prendre garde à la portée accordée aux modèles : la science ne lit pas dans le marc de café, et ne peut se baser que sur des données soigneusement établies.

24 mars 2020 – Martin Castillan

[1] Les simulations du Washington Post, bien que volontairement très simplificatrices car elles supposent que les individus interagissent de manière totalement aléatoire (comme les particules d’un gaz), permettent d’avoir une idée plus précise : https://www.washingtonpost.com/grap...

[2] cf le témoignage éclairant de Bruno Canard, chercheur au CNRS : https://universiteouverte.org/2020/....

[3] https://www.imperial.ac.uk/media/im.... Le rapport cite le chiffre de 500 000, mais ce chiffre est issu de nombreuses extrapolations, seul l’ordre de grandeur est donc à retenir.

[4] https://www.nature.com/articles/s41...

[5] https://www.marianne.net/societe/la...

[6] http://curiologie.fr/2020/03/chloro...

[7] https://www.lemonde.fr/les-decodeur...

[8] https://science.sciencemag.org/cont...

[9] https://usbeketrica.com/article/cov...

[10] https://www.francetvinfo.fr/sante/m...

[11] https://science.sciencemag.org/cont...

[12] https://www.huffingtonpost.fr/entry...

[13] https://www.sudouest.fr/2020/03/22/...

[14] https://www.europe1.fr/societe/coro...

[15] Le plus relayé étant Tomas Pueyo, https://medium.com/@tomaspueyo/coro...

[16] C’est la raison pour laquelle l’étude de l’Imperial College, qui ne prend pas en compte le suivi des cas dans son modèle, prévoit une nouvelle vague de contagion à la fin des mesures de confinement https://www.academia.edu/42242357/R...…_

https://www.convergencesrevolutionnaire ... ?navthem=1
admin
Site Admin
 
Message(s) : 77
Inscription : 18 Juin 2013, 00:26

Re: Covid19

Message par Plestin » 27 Mars 2020, 09:54

Ci-dessous l'article d'une revue spécialisée, Industrie Pharma :

Covid-19 : Quels sont les médicaments testés dans l'essai clinique Discovery ?

LA RÉDACTION D'INDUSTRIE PHARMA
Publié le 23/03/2020

L'essai clinique européen Discovery suivra 3 200 patients touchés par le Covid-19 dont 800 en France. Quatre protocoles de traitement seront testés avec une première évaluation à 15 jours. Passage en revue des médicaments inclus dans cet essai.

Coordonné par l’Inserm, un essai clinique européen, visant à évaluer des traitements expérimentaux contre le Covid-19, a été lancé ce week-end. Près de 3 200 patients touchés par des formes sévères de cette pathologie seront inclus dans l’étude, dont 800 Français. « Cinq hôpitaux français participeront au départ (Paris – hôpital Bichat-AP-HP, Lille, Nantes, Strasbourg, Lyon) puis nous ouvrirons d’autres centres pour arriver au moins à une vingtaine d’établissements participants », détaille Florence Ader, infectiologue à l'hôpital de la Croix-Rousse à Lyon et en charge de piloter cet essai clinique.

Concrètement, l’objectif de l’essai est de tester quatre protocoles thérapeutiques: remdesivir, hydroxychloroquine, lopinavir et ritonavir et enfin lopinavir, ritonavir et interféron beta, qui seront comparés au protocole de soins standard. « La grande force de cet essai est son caractère « adaptatif ». Cela signifie que très rapidement les traitements expérimentaux inefficaces pourront être abandonnés et remplacés par d’autres molécules qui émergeront de la recherche », a expliqué Florence Ader.

Le remdesivir, initialement développé contre Ebola

Développé sous le nom GS-5734 par le laboratoire américain Gilead, le remdesivir est un antiviral à large spectre qui agit en inhibant une enzyme virale (l’ARN polymérase) ce qui ralentit la multiplication du virus. Initialement développé contre le virus Ebola, ce candidat-médicament n'avait pas réussi à faire la preuve de son efficacité mais avait démontré un profil de sécurité satisfaisant pour le patient. Il a par ailleurs montré des résultats satisfaisants sur modèle animal concernant d'autres coronavirus, SARS et MERS, d'où la volonté de le tester sur Covid-19.

Le remdesivir fait actuellement l’objet de deux études cliniques de phase III en indication contre le coronavirus, menées directement par le laboratoire américain et de plusieurs études indépendantes, deux en Chine et une aux Etats-Unis. En France, le médicament a eu le feu vert du Haut Conseil de la Santé Publique en traitement des formes graves de Covid-19.

Mais, face à la demande exceptionnelle pour son remdesivir, fabriqué au départ uniquement pour fournir la recherche clinique, Gilead a annoncé restreindre l'accès pour les prescriptions à usage compassionnel, sauf pour les patients mineurs et les femmes enceintes. Ce type de dispensation permettait jusqu'alors l'utilisation du remdesivir à titre exceptionnel. Le laboratoire souhaite ainsi concentrer son approvisionnement sur les essais cliniques en cours et les demandes en attente.

Alors que le laboratoire utilise les stocks de remdesivir constitués lors de la dernière épidémie d'Ebola, Gilead assure travailler à augmenter ses capacités de production. L'objectif est de pouvoir répondre à la demande si le remdesivir devait montrer des preuves d'efficacité comme traitement des formes sévères de Covid-19.

L'hydroxychloroquine sous le feu des projecteurs

Médiatisé en France par les travaux du Pr Raoult, l'hydroxychloroquine agit sur le mécanisme d'entrée du virus dans la cellule ainsi que sur la prise en charge dans des vésicules, à l'intérieur des cellules. Comme le remdesivir, l'hydroxychloroquine a démontré une efficacité contre le coronavirus dans un modèle animal.

Ce médicament déjà ancien est autorisé en utilisation de plusieurs indications, par exemple contre la polyarthrite rhumatoïde et le lupus érythémateux. Il est notamment commercialisé sous le nom de Plaquenil par Sanofi.

Face à l'intérêt pour la molécule, notamment poussé par le président américain Donald Trump, d'autres laboratoires ont d'ores et déjà annoncé être en capacité de fournir des millions de doses. Mylan va par ailleurs redémarré sa production aux États-Unis pour accompagner la demande. L’hydroxychloroquine ne doit pas être confondue avec la chloroquine, dont la structure chimique est similaire et qui fait également l’objet d’essais cliniques contre le Covid-19 dont les résultats sont encore discutés. Par ailleurs, Olivier Véran a annoncé, dans sa déclaration du 23 mars, que l'usage de l'hydroxychloroquine avait été autorisé, à l'hôpital, pour les patients atteints de formes graves de Covid-19.

Lopinavir / Ritonavir, un traitement contre le VIH

La combinaison Lopinavir / Ritonavir est un antirétroviral qui permet d’empêcher la reproduction du virus dans les cellules infectées. Cette combinaison de molécules a été initialement brevetée par Abbvie sous le nom de Kaletra. Le médicament a ainsi été approuvé en traitement contre le VIH en 2000 aux États-Unis.

Cette combinaison a fait l'objet d'une première étude clinique sur Covid-19, réalisée avec 199 patients et parue le 18 mars dans le New England Journal of Medicine. L'essai n'a pas permis de démontrer une efficacité du médicament.

Dans le cadre de l'essai européen Discovery, la combinaison sera testée avec l'interféron bêta, dont l'action anti-inflammatoire pourrait avoir un effet antiviral. Selon le Financial Times, Abbvie a renoncé, lundi 23 mars, a ses droits sur cette combinaison, ouvrant la porte à l'utilisation de médicaments génériques de Lopinavir / Ritonavir, si ce dernier devrait montrer des preuves d'efficacité en traitement des formes sévères de Covid-19.
Plestin
 
Message(s) : 2274
Inscription : 28 Sep 2015, 17:10

Re: Documentation épidémie

Message par com_71 » 27 Mars 2020, 10:52

Conférence au Collège de France, Peut-on anticiper le devenir d'une épidémie ?
Simon Cauchemez 11/12/2019

http://www.college-de-france.fr/site/ph ... -17h30.htm
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5984
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: Documentation épidémie

Message par com_71 » 27 Mars 2020, 11:18

Qu'est-ce que l'"usage compassionnel" en médecine ?
Qu’est-ce qu’un programme d’usage compassionnel ?

Un médicament prescrit pour un usage compassionnel est d’abord un traitement. Cette prescription ne relève d’aucune expérience, d’aucun essai clinique, mais vise à traiter une personne qui nécessite une nouvelle solution thérapeutique pour mieux maîtriser la maladie.

Mener un programme d’usage compassionnel consiste à rendre un médicament disponible, pour des raisons compassionnelles, à un groupe de malades (ou parfois uniquement à certaines personnes, désignées au cas par cas) atteints de pathologies débilitantes, chroniques ou non, voire létales, qui ne peuvent pas être traitées de manière satisfaisante par un médicament autorisé (1).

La demande est formulée par le médecin auprès de l’entreprise pharmaceutique qui développe le médicament et auprès des autorités nationales qui doivent en accepter l’usage compassionnel.
La législation européenne (établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et à la surveillance concernant les médicaments à usage humain) stipule que le médicament en question doit faire l’objet soit d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, soit d’essais cliniques (2). En d’autres termes, il n’est pas exigé que le médicament ait déjà été autorisé quelque part dans le monde. Si le médicament a été ou est soumis à un essai clinique pour la maladie dont vous êtes atteint, alors votre médecin peut demander une autorisation d’usage compassionnel.
La plupart des États membres de l’UE disposent d’un système spécial pour permettre l’accès compassionnel aux médicaments. De nombreux pays européens appliquent des processus similaires, plus ou moins complexes et longs.

1) RÈGLEMENT (CE) Nº 726/2004 Titre V, article 83.2
2) Ibidem, article 83.2

Page created: 14/02/2014
Page last updated: 07/11/2014

https://www.eurordis.org/fr/content/qu- ... passionnel
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5984
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: Documentation épidémie

Message par com_71 » 27 Mars 2020, 11:46

Plestin a écrit :Un point sur la question des traitements. De quoi dispose-t-on pour les essais ?

- De médicaments avec des effets antiviraux supposés.

Cela inclut la chloroquine, l'hydroxychloroquine, l'antibiotique azithromycine, l'antiviral remdesivir (qui a échoué contre Ebola) dont la disponibilité est malheureusement trop faible (cf. mon post précédent), l'association lopinavir/ritonavir utilisée contre le VIH, l'interféron bêta.

Les essais déjà réalisés ne sont pas suffisants, il faut poursuivre et en particulier, ne pas s'intéresser qu'à l'évolution de la charge virale mais à ce que ça change au final en termes de mortalité des patients, nombre d'hospitalisations etc. Or, la plupart des gens qui meurent suite au Covid19 décèdent non pas du virus lui-même mais de la réaction inflammatoire pulmonaire déclenchée par le virus, ce qu'on appelle une "tempête de cytokines", alors que bien souvent le virus n'est déjà plus présent. Donc on peut très bien imaginer avoir éliminé le virus avec un médicament alors que les patients continueraient de mourir.

Ce qu'il faut réussir à savoir, au cas où un effet antiviral serait démontré, c'est si le fait d'éliminer le virus plus ou moins vite permet ou pas d'éviter la "tempête de cytokines" ou d'en réduire l'importance, ce serait une bonne nouvelle. Accessoirement, éliminer le virus plus tôt rend aussi les patients non contagieux plus tôt.

- De médicaments avec des effets anti-inflammatoires.

L'effet anti-inflammatoire doit permettre de lutter directement contre la "tempête de cytokines". Sont étudiés, dans cette catégorie, des médicaments de certaines maladies auto-immunes. Les essais menés en France inclueront l'interféron bêta (qui était déjà dans la première catégorie), un traitement habituel de la sclérose en plaques. D'autres médicaments dirigés contre l'interleukine 6 (IL-6) qui semble la principale cytokine impliquée dans la fameuse "tempête", sont à l'étude chez les laboratoires qui en vendent déjà contre la polyarthrite rhumatoïde : le tocilizumab (Actemra/Roactemra) de Roche et le sarilumab (Kevzara) de Sanofi.

Mais il faut bien voir que ces anti-inflammatoires ont un certain effet immuno-suppresseur et donc, peuvent aussi favoriser, soit le virus lui-même, soit une surinfection par une bactérie (fréquente à l'hôpital) ou un champignon, facteur de mortalité supplémentaire.

Espérons que les essais permettront de trouver les bonnes combinaisons et le bon moment pour administrer chaque traitement, et qu'une molécule ne sera pas éliminée sur le seul fait qu'elle ne réduit pas la mortalité toute seule.

On peut imaginer par exemple : un traitement antiviral pour amener plus vite la charge virale à zéro et éviter un rebond de l'infection virale lors de l'utilisation du traitement anti-inflammatoire qui, lui, sert à éviter la "tempête de cytokines". Et un antibiotique adapté (voire un antifongique) pour éviter une surinfection. Si les essais cliniques sont concluants, le traitement efficace pourrait ressembler à ça.


Quelques définitions :

Les cytokines sont de petites protéines synthétisées par les cellules et jouant un rôle de signal régulateur à distance sur l'activité d'autres cellules. Cela concerne notamment le fonctionnement du système immunitaire (mais pas seulement).

Le choc cytokinique ou "tempête de cytokines" correspond à un emballement du système immunitaire face à un élément déclenchant, qui est souvent un virus (et parfois un médicament). Selon Wiki :

"La tempête de cytokines survient quand un grand nombre de globules blancs (leucocyte) sont activés, et que ces leucocytes libèrent un flot anormalement abondant de cytokines inflammatoires qui, à leur tour, activent encore plus de globules blancs : le système immunitaire s'emballe".


Il est à déplorer que l'on n'ait pas cherché plus tôt à mettre au point des traitements contre la "tempête de cytokines", alors que c'est un phénomène mortel connu depuis longtemps car également présent dans la grippe et d'autres infections. Si l'on trouve une solution dans le cadre de l'épidémie de Covid19, cela pourra donc représenter un précédent utile pour diminuer également la mortalité d'autres maladies. Du moins dans les pays qui pourront payer un tel traitement...

On voit bien pourquoi, à l'avenir, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, la mise au point d'un vaccin (dans 1 an, 2 ans...) serait quand même la meilleure solution...
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5984
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: Documentation épidémie

Message par com_71 » 28 Mars 2020, 12:33

laviedesidees.fr a écrit :Première chronologie de l’émergence du Covid-19
par Pascal Marichalar , le 25 mars 2020

Que pouvait-on savoir et prévoir de l’actuelle pandémie et de son arrivée sur le territoire français ? Premiers éléments de réponse à partir d’un corpus bien défini : le très réputé magazine « Science », et les déclarations de l’OMS depuis fin décembre 2019.

Depuis l’interview d’Agnès Buzyn au Monde mardi 17 mars, les critiques pleuvent de toutes parts sur le gouvernement français. La déclaration de l’ex-ministre de la santé, selon laquelle dès janvier elle aurait prévenu le Premier ministre de la gravité potentielle de l’épidémie de nouveau coronavirus – le mettant même en garde sur le fait qu’il faudrait peut-être reporter les élections municipales – a été interprétée comme un aveu terrible : la ministre de la Santé et le reste du gouvernement savaient ce qui risquait d’arriver, et pourtant ils n’auraient pas agi à la hauteur du risque. Depuis, chaque jour qui passe, avec son cortège d’informations sur la pénurie de tests de dépistage et de masque pour les personnels soignants, ne fait que renforcer le discrédit d’un pouvoir politique dont la cote de confiance était déjà largement entamée par la crise des gilets jaunes et la réforme des retraites.

Le 19 mars, un collectif de plusieurs centaines de médecins a porté plainte au pénal contre Agnès Buzyn et Édouard Philippe, au motif qu’ils « avaient conscience du péril et disposaient des moyens d’action, qu’ils ont toutefois choisi de ne pas exercer ». Le lendemain, le président Emmanuel Macron a refusé de se prêter au jeu de l’auto-critique, suggérant que la crise touchant la France n’aurait pas pu être prévue : « Je félicite ceux qui avaient prévu tous les éléments de la crise une fois qu’elle a eu lieu ».

Une histoire du présent

Parlons-en. Ce texte se propose de contribuer par quelques données empiriques à une première chronologie de la crise du Covid-19. Il s’agit d’étudier ce que pouvaient en savoir les femmes et les hommes qui nous gouvernent, ce qu’elles et ils pouvaient prévoir, aussi. Il s’agit d’une histoire du présent, circonscrite aux trois derniers mois, quand bien même il apparaît clairement que dans le cas de la France, certaines décisions prises dans les dernières années, voire décennies – en termes de stockage de masques, et plus généralement de financement de l’hôpital public – jouent un rôle déterminant dans l’évolution de cette crise de santé publique.

Depuis les premières informations fin décembre sur une mystérieuse maladie respiratoire à Wuhan, qu’a-t-on appris, et quand ? À chaque étape de cet apprentissage, quels scénarios d’évolution étaient sur la table ? Était-on vraiment obligé d’attendre jusqu’au moment où le confinement de toute la population, mesure mal ciblée par excellence, devienne incontournable pour permettre aux hôpitaux de soigner correctement les malades ?

Le projet d’esquisser une telle chronologie à chaud peut sembler compliqué. Autour de la maladie Covid-19, les informations sont foisonnantes, de qualité inégale, partagées largement, et évoluent à une vitesse phénoménale. Sur le plan scientifique, on a souligné l’importance inédite prise par les preprints, les articles soumis à publication mais non encore revus ni acceptés, qui permettent un partage beaucoup plus rapide des données et des résultats, avec néanmoins le risque de prêter crédit à certaines publications bancales qui ne passeront pas le peer-review (« ‘A completely new culture of doing research.’ Coronavirus outbreak changes how scientists communicate », Kai Kupferschmidt, Science, 26 février 2020).

La controverse autour de l’administration d’hydroxychloroquine aux malades du Covid-19 a également illustré le conflit qu’il peut y avoir entre la logique de la rigueur scientifique (un résultat n’est pas vrai tant qu’il n’a pas été démontré dans les règles) et celle de l’urgence thérapeutique (dans une situation de vie ou de mort, on fait feu de tout bois tant qu’on ne nuit pas aux malades, et a fortiori s’il y a des signaux encourageants).

Pour ne pas avoir à trancher sur ces débats, j’ai choisi un indicateur assez simple de l’état d’une pensée mainstream sur ce que l’on savait, ou croyait savoir, sur ce que l’on reconnaissait comme incertain, et enfin sur ce que l’on pouvait prévoir à chaque instant : les articles de synthèse dédiés au nouveau coronavirus parus dans un journal de réputation internationale, Science. Je crois ne pas trop m’avancer en suggérant qu’au ministère de la Santé, on lit Science.

Le premier article de Science sur le sujet date du 3 janvier. Depuis, il en est paru une soixantaine (à la date du 21 mars). Ces articles, écrits par des journalistes scientifiques spécialisés (notamment Jon Cohen, Kai Kupferschmidt), ont tous une structure similaire : ils font le point sur le débat scientifique en cours sur certaines grandes questions (type de virus, transmission, durée d’incubation, symptômes, mortalité...), en se fondant sur les études publiées ou soumises à publication, et en se faisant également l’écho des décisions et recommandations des grands organes de gouvernance sanitaire – au premier chef, l’Organisation mondiale de la santé. Ce sont des articles accessibles à quiconque a une culture scientifique et médicale de base. A fortiori, à ceux qui gouvernent les risques sanitaires dans notre pays. Dans ces articles, les journalistes mettent en lumière aussi bien les consensus qui se dégagent que les incertitudes qui subsistent, ainsi que les différents scénarios d’évolution qui sont envisagés.

Toutes les dates qui suivent sont celles des articles de Science. Dans ce texte, je me concentre sur quelques moments charnière dans la découverte d’aspects-clé de la maladie et les réflexions sur la prise en charge de l’épidémie. Du point de vue de la gestion politique de l’épidémie, j’identifie quatre grands moments : l’émergence de la maladie (première quinzaine de janvier), la prise au sérieux de la possibilité d’une pandémie (article du 5 février), la confirmation qu’il y a bien une pandémie (article du 25 février), les leçons à tirer de la gestion chinoise (2 mars).

J’interprète ces bornes temporelles comme des dates-limites : lorsque l’information (qui peut être le constat d’une incertitude) est relayée par Science, c’est qu’elle a atteint un certain degré de consensus. Cela n’exclut pas des signaux plus faibles, moins consensuels, qui auraient circulé plus tôt, et qui auraient pu également informer l’action de responsables politiques mus par les principes de la prévision et de la précaution.

Début janvier : l’émergence de la maladie


3 janvier : Science fait le point sur une information qui circule depuis plusieurs jours déjà dans les milieux spécialisés (« Scientists urge China to quickly share data on virus linked to pneumonia outbreak », Dennis Normile, Jon Cohen, Kai Kupferschmidt, Science, 9 janvier 2020). Plusieurs dizaines de cas d’une pneumonie atypique ont été identifiés dans la ville chinoise de Wuhan.

9 janvier : les autorités chinoises ont confirmé quelques jours plus tôt qu’il ne s’agit ni du SRAS ni du MERS, virus impliqués dans de précédentes épidémies (« Scientists urge China to quickly share data on virus linked to pneumonia outbreak », Dennis Normile, Jon Cohen, Kai Kupferschmidt, Science, 9 janvier 2020). Elles déclarent qu’elles ont isolé le virus – il s’agit d’un coronavirus – séquencé son génome, et déjà mis au point un test de dépistage (jamais dans l’histoire la connaissance sur un nouveau virus n’a progressé aussi rapidement). Les autorités chinoises annoncent également qu’il n’y aurait pas de transmission du virus d’humain à humain. Peter Daszak, un spécialiste des maladies infectieuses interrogé par Science, se montre circonspect sur ce point : « je ne comprends pas comment on peut avoir autant de cas sans une transmission d’humain à humain. (...) Je place un drapeau rouge sur ce point » (quelques jours plus tard, de nouvelles données confirmeront qu’il a raison).

11 janvier : les chercheurs chinois ont déjà partagé la séquence génétique du virus avec le reste du monde, permettant la fabrication de tests de dépistage (« Chinese researchers reveal draft genome of virus implicated in Wuhan pneumonia outbreak », Jon Cohen, Science, 11 Janvier 2020).

Début février : la possibilité d’une pandémie

Avançons maintenant jusqu’à un article du 30 janvier (« Outbreak of virus from China declared global emergency », Kai Kupferschmidt, Science, 30 janvier 2020). Le monde a déjà bien changé. Science rapporte que l’OMS considère désormais le nouveau coronavirus comme une urgence de santé publique au niveau mondial (Public Health Emergency of International Concern). La maladie s’est déjà propagée à 18 pays. Près de 8000 personnes ont été dépistées positives dans le monde, et 170 d’entre elles sont mortes (toutes en Chine). La transmission « communautaire » (c’est-à-dire sans lien immédiat avec une personne rentrant du foyer chinois) est avérée en Allemagne, au Japon, en Thaïlande, et aux États-Unis. Comme l’explique le docteur Tedros, directeur de l’OMS : « la raison principale de cette déclaration n’est pas ce qui est en train d’arriver en Chine, mais ce qui est en train d’arriver dans d’autres pays. ». Ou plutôt ce qui n’est pas en train d’arriver : pour l’OMS, il faut que chaque pays se prépare. Science rapporte que pour beaucoup d’observateurs, cette annonce de l’OMS a tardé. Elle aurait pu être faite une semaine plus tôt, mais le comité de l’OMS était encore trop partagé.

Le 5 février, le titre de l’article de Science explicite l’incertitude sur l’avenir : « Le nouveau coronavirus sera-t-il contenu – ou évoluera-t-il en pandémie ? » (« ‘This beast is moving very fast.’ Will the new coronavirus be contained—or go pandemic ? », Kai Kupferschmidt, Jon Cohen, Science, 5 février 2020). L’article fait le point sur trois tournants cruciaux dans la connaissance de la maladie et de la gestion de l’épidémie.

Le premier tournant a trait à l’existence de patients asymptomatiques. Fin janvier, 565 citoyens japonais ont été rapatriés de Wuhan et ils ont tous fait l’objet d’un test de dépistage. C’est la surprise : parmi les 8 qui ont été dépistés positifs, 4 ne présentent aucun symptôme. Il s’agit d’un nouveau drapeau rouge pour les épidémiologistes : une maladie qui présente des formes asymptomatiques complique grandement les efforts pour contenir l’épidémie, parce qu’on ne peut savoir avec certitude où elle se trouve à un instant t sans dépister tout le monde.

Non seulement il existe des patients asymptomatiques, mais ces derniers sont peut-être contagieux. Le même article de Science évoque une autre étude, réalisée en Allemagne, qui fait polémique depuis sa publication quelques jours plus tôt (« Study claiming new coronavirus can be transmitted by people without symptoms was flawed », Kai Kupferschmidt, Science, 3 février 2020) : les chercheur.es avaient d’abord conclu qu’une patiente asymptomatique avait un potentiel contaminateur (en anglais on dit poétiquement she sheds the virus, elle perd du virus, à la manière d’un serpent qui mue et perd sa peau...). Il a ensuite été révélé que la patiente n’avait pas fait l’objet d’un examen clinique en bonne et due forme, mais simplement d’un appel téléphonique, ce qui ne correspond pas aux standards habituels.

Les auteurs se sont déjà excusés, la faute ne semble pas imputable à la fraude mais à la vitesse avec laquelle la science est faite en ces temps de crise. Quelques jours plus tard, ils apportent une nouvelle conclusion modifiée à l’article, tout aussi intéressante et inquiétante : il s’avère que oui, la patiente avait bien des symptômes, mais très modérés (au point qu’il serait possible pour un.e patient.e de ne pas s’en rendre compte). Ce qui est déjà en soi un obstacle majeur pour les stratégies visant à contenir l’épidémie.

Le deuxième enseignement important de l’article du 5 février concerne l’avenir. Deux scénarios possibles alternatifs sont présentés : soit le containment réussit ; soit il ne réussit pas, et c’est la pandémie. Les experts interrogés avouent qu’il n’y a pas moyen d’éliminer l’un des deux scénarios avec certitude. Ils semblent même parier plutôt sur le second. Marc Lipsitch, épidémiologiste à l’école de santé publique de l’université Harvard, penche résolument vers la pandémie : « Je serais vraiment stupéfait si, dans deux ou trois semaines, il n’y avait pas une transmission en cours avec des centaines de cas dans plusieurs pays sur plusieurs continents.»

Enfin, l’article du 5 février est également le premier dans Science à consacrer un paragraphe à l’un des grands défis dans la gestion de la maladie : la gestion des cas graves. À cette date, les études réalisées sur les patients en Chine ont établi un taux de mortalité aux alentours de 2 %. Mais un autre chiffre a émergé, et il est tout aussi préoccupant : plusieurs études montrent qu’environ 20 % des personnes infectées souffrent de formes graves de la maladie, nécessitant une hospitalisation. « Des cas graves en plus grands nombre mettraient plus de pression sur les systèmes de santé – les hôpitaux de Wuhan sont déjà saturés », soulignent les deux journalistes scientifiques.

Le 11 février, un article de Science rapporte que dans les pays infectés, les laboratoires sont lancés dans une course effrénée pour dépister (« Labs scramble to spot hidden coronavirus infections », Jon Cohen, Kai Kupferschmidt, Science, 11 février 2020). « Aujourd’hui, il n’y a pas du tout assez de kits de dépistage disponibles pour le nombre exponentiel de cas », expliquent les auteurs. Dans certaines parties de la province de Hubei, des récits journalistiques témoignent d’une pénurie de dépistages.

25 février : la pandémie l’a emporté

Le 25 février, Science est formel, la pandémie l’a emporté : « Le coronavirus semble impossible à arrêter. Que doit faire le monde maintenant ? » (« The coronavirus seems unstoppable. What should the world do now ? », Jon Cohen, Kai Kupferschmidt, Science, 25 février 2020). L’Italie vient de confiner dix villes du nord. L’OMS n’a pas encore officiellement déclaré l’état de pandémie, elle continue de parler d’« épidémies dans différentes parties du monde », mais les raisons de cette timidité sont politiques plutôt que scientifiques. Le Dr. Tedros et ses collègues sont soucieux de la passivité de nombreux États dans le monde, comme si la menace n’était pas à prendre au sérieux. Les journalistes estiment que l’OMS souhaite différer le moment de déclarer officiellement la pandémie parce qu’elle a peur que le message soit interprété comme un aveu de défaite, et conduise les États à baisser encore davantage les bras face à un mal désormais invincible (l’OMS déclarera la pandémie le 12 mars).

Cependant, sur le plan scientifique, les experts du monde entier sont d’accord que la situation est déjà celle d’une pandémie. Christopher Dye, épidémiologiste à l’université d’Oxford, est interviewé par Science : « Il me semble que le virus s’est vraiment échappé de la Chine et est en train d’être transmis largement. (...) Je suis maintenant bien plus pessimiste quant aux chances de réussir à le contrôler. »

Quant à Marc Lipsitch de Harvard, il insiste sur l’importance d’une stratégie qui sera résumée ensuite par la phrase « aplatir la courbe » (flatten the curve) : retarder la maladie peut être vraiment payant, estime l’épidémiologiste. Cela signifiera une contrainte moins forte exercée sur les hôpitaux, plus de temps pour former les professionnels de santé vulnérables sur comment se protéger, plus de temps pour que les citoyens se préparent, plus de temps pour tester des médicaments qui pourraient potentiellement sauver des vies et, à plus long terme, des vaccins. « Si j’avais le choix entre attraper le Covid-19 aujourd’hui ou dans six mois, je préfèrerais clairement l’attraper dans six mois. »

L’article de Science cite une étude co-signée par Christopher Dye qui montre qu’en Chine, ce sont la suspension des transports publics, la fermeture des lieux de loisir, l’interdiction des rassemblements qui semblent avoir été les mesures les plus efficaces pour ralentir la progression de la maladie. Ne pas faire cela, ne pas fermer les écoles et les entreprises, ne pas entourer les foyers d’infection d’un cordon sanitaire, « c’est une décision assez importante en matière de santé publique, » estime Dye. « Ça revient à dire, au fond, bon, on laisse ce virus se propager. »

Dans le même article, Bruce Aylward, l’un des principaux experts de l’OMS sur le Covid-19, estime qu’il y a une leçon principale à apprendre de la Chine : « Tout est question de vitesse » (speed is everything). Plus les mesures seront prises tôt, plus elles seront efficaces (on estime alors qu’en l’absence de toute mesure préventive, le nombre de cas réels dans un foyer double tous les six jours environ).

Début mars : la réussite de la stratégie chinoise

Le 2 mars, Science présente les conclusions d’un important rapport du 28 février rédigé par l’équipe de l’OMS qui, sous la direction de Bruce Aylward, a passé deux semaines en février à visiter les foyers de Covid-19 en Chine (« China’s aggressive measures have slowed the coronavirus. They may not work in other countries », Kai Kupferschmidt, Jon Cohen, Science, 2 mars 2020). Ce rapport est un tournant majeur, comme l’a fait remarquer dès sa publication le journaliste de Science Kai Kupferschmidt sur son fil Twitter.

Le principal résultat : les Chinois ont réussi à contenir l’épidémie. Les chiffres qui montrent une diminution du nombre de nouveaux cas quotidiens dépistés et de nouveaux décès quotidiens ne sont pas faux. Tim Eckmanns, épidémiologiste à l’Institut Robert Koch qui a fait partie du voyage, le reconnaît : « Je pensais qu’il n’y avait pas moyen que ces chiffres soient réels. » Il a changé d’avis. Il y a de plus en plus de lits vides dans les hôpitaux.

Je m’appuierai ici sur le contenu détaillé du rapport public de l’OMS, un document PDF de quarante pages qu’un lien dans l’article de Science permettait de télécharger. Le contenu de ce rapport a également été bien résumé par Bruce Aylward dans une interview au New York Times le 4 mars.

Le rapport insiste en particulier sur la qualité, la rapidité et l’extensivité de la politique de dépistage et de traçage des contacts des personnes positives.

Assez tôt dans l’épidémie, la Chine a mis en place une politique de tests généralisés de la température corporelle des individus à l’aide de thermomètres infrarouges, jusqu’à arrêter systématiquement les voitures pour de tels tests. Certes, cela n’est pas très précis : on rate les porteurs asymptomatiques ou les individus qui ont fait baisser leur température avec des médicaments, alors qu’on attrape dans son filet les individus qui ont la fièvre pour d’autres raisons que le Covid-19. Mais cela permet un premier tri. En parallèle, toute la population des foyers de contagion est sommée de porter des masques et de se laver les mains très régulièrement.

Les individus potentiellement positifs, du fait de leurs symptômes ou de leurs contacts avec des malades, sont dépistés. Les tests de dépistage sont réalisés en quatre heures, pendant lesquelles les personnes dépistées doivent attendre leurs résultats. En l’absence des tests biologiques de dépistage (il y a des cas de pénurie) ou en complément, on réalise des scanners rapides, qui permettent de mettre en évidence les opacités pulmonaires qui sont considérés comme des signes cliniques de la maladie. Chaque machine de scanner en effectue jusqu’à 200 par jour (5 à 10 minutes par examen).

À Wuhan, il existe plus de 1800 équipes d’épidémiologistes (avec un minimum de cinq personnes par équipe), qui sont occupées à plein temps à tracer les contacts des personnes positives. Selon la région, 1 à 5 % des contacts identifiés sont ensuite eux-mêmes dépistés positifs au virus, et on recommence l’enquête de traçage des contacts avec elles et eux. Chaque fois qu’un agrégat (cluster) est identifié, on ferme les écoles, théâtres et restaurants, on confine les personnes-contacts. Seule la métropole de Wuhan, où est née l’épidémie, est placée en confinement total.

La durée moyenne entre les premiers symptômes et l’hospitalisation/l’isolement est prodigieusement réduite, d’environ 15 jours au début de l’épidémie à 2 jours, ce qui permet de réduire le potentiel contaminateur d’une personne malade.

Dans son interview par le New York Times, Bruce Aylward raconte que les hôpitaux vus par l’équipe de l’OMS sont équipés massivement en respirateurs artificiels et en machines ECMO, qui permettent une oxygénation du sang lorsque les poumons n’y parviennent plus. Les experts invités sont stupéfaits, les hôpitaux semblent mieux équipés que des centres spécialisés en Suisse ou à Berlin.

La conclusion du rapport de l’OMS est sans appel : « Ces mesures [prises en Chine] sont les seules à l’heure actuelle qui ont prouvé qu’elles pouvaient interrompre ou minimiser les chaînes de transmission chez les humains. Au fondement de ces mesures est la surveillance extrêmement proactive, afin de détecter immédiatement les cas, de procéder à des diagnostics très rapides et à un isolement immédiat des patients positifs, au traçage rigoureux et à la mise en quarantaine des contacts proches. » Le rapport insiste aussi sur l’importance de la compréhension et l’acceptation de ces mesures par la population.

Dans l’article de Science du 2 mars, deux experts, Lawrence Gostin et Devi Sridhar, mettent néanmoins en garde : le caractère autoritaire du régime chinois et les entorses aux droits humains ont certainement joué un rôle dans l’efficacité de la politique de gestion de l’épidémie. Jeremy Konyndyk, expert en santé publique dans un think tank à Washington, invite à regarder plutôt du côté de Singapour et de Hong Kong, deux régimes démocratiques qui seraient de meilleurs exemples à suivre : « Il y a eu un degré similaire de rigueur et de discipline, mais appliqué d’une manière beaucoup moins draconienne. »

Remarquons que le rapport de l’OMS du 28 février n’encourage à aucun moment la mise en quarantaine de toute la population du pays, solution de dernier ressort. Les experts suggèrent qu’il y a encore le temps d’une politique plus ciblée et efficace en ressources, à base de dépistage massif et de traçage et isolement des contacts.

Conclusion

Cette brève esquisse permet de décrire quatre moments dans l’appréhension de l’épidémie du coronavirus Covid-19 pour qui lit Science. Début janvier 2020, on apprend l’existence de cette nouvelle maladie dont les caractéristiques sont inconnues. Début février, on doit se rendre à l’évidence : les spécialistes ne peuvent exclure le scénario de la pandémie, voire semblent penser que ce scénario est le plus probable des deux (l’autre étant la réussite du containment). Le 25 février, il est désormais établi que la pandémie l’a emporté. Le 2 mars, l’analyse du rapport de la visite de l’OMS montre deux choses : il est possible d’arrêter la course folle du virus ; la manière de le faire est de procéder à des dépistages massifs et ultra-rapides, avec traçage et isolement immédiat des contacts des personnes positives.

Soulignons au passage que dès le 11 février, les lecteurs de Science sont alertés sur la possible pénurie de tests biologiques de dépistage. Le rapport de l’OMS du 28 février confirme qu’il existe d’autres techniques, à allier ou à substituer aux tests biologiques de dépistage en fonction des circonstances : la prise régulière des températures, l’examen des poumons par scanner.

Cette chronologie appelle à être complétée. Il sera intéressant, notamment, de retracer l’historique en se plaçant à l’intérieur de l’espace de la France, en regardant par exemple ce qu’ont dit et écrit les institutions spécialisées en maladies infectieuses telles que l’Institut Pasteur, ou encore les chercheuses et chercheurs spécialistes de ces questions en France.

D’autres travaux permettront aussi, je l’espère, de mettre en regard cette esquisse de chronologie avec ce qu’a fait et ce que n’a pas fait le gouvernement français. Je me permettrai une seule remarque sur ce point.

Le 28 février est publié le rapport crucial de l’OMS sur ce qui a été fait en Chine. Il montre que seule une mobilisation de « tout le gouvernement » (all-of-government) et « toute la société » (all-of-society) permet de vaincre l’épidémie. On se souviendra sans doute longtemps du fait que le lendemain, le samedi 29 février d’une année bissextile, le premier ministre Édouard Philippe a décidé de détourner un conseil des ministres « exceptionnel dédié au Covid-19 » pour annoncer l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution afin d’adopter sans vote la réforme des retraites. Alors que l’OMS démontrait l’urgence de l’action collective et solidaire face à une pandémie bientôt incontrôlable, le gouvernement s’est dit que le plus urgent était de profiter de la dernière fenêtre de tir pour faire passer son projet de loi tant décrié.

Lorsque le temps de la justice et des comptes sera venu, il nous faudra comprendre comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle : une pénurie absolue de masques, ne permettant pas de protéger convenablement les soignant.es qui sont au front – qui sont infecté.es, et infectent à leur tour –, bien trop peu de tests de dépistage (ce qui semble avoir été une décision assumée, y compris aux temps où l’épidémie était encore balbutiante en France, et n’est pas une fatalité en Europe, comme le montre l’exemple de l’Allemagne), et finalement la décision de dernier ressort de confiner toute la population pour une période indéterminée, une arme non discriminante qui est terriblement coûteuse en termes humains, sanitaires (santé mentale) et économiques.

https://laviedesidees.fr/Savoir-et-prevoir.html
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5984
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: Documentation épidémie

Message par com_71 » 30 Mars 2020, 13:00

Résistance du covid-19 en dehors du corps humain

Plestin a écrit :Le SARS-CoV2 semble assez résistant et il n'y aura pas de réponse vraiment satisfaisante à cette question !

On a affaire à un virus : c'est-à-dire à un organisme qui est incapable de se multiplier en-dehors des cellules. Une population de virus qui se retrouve à l'extérieur (dans l'air ou sur un objet ou des mains) décline avec le temps tant qu'elle n'a pas trouvé de nouvelles cellules respiratoires à coloniser : les virus meurent les uns après les autres et aucun nouveau virus n'est produit.

A partir de là, tout est question de dose infectante. C'est comme cela avec tous les agents infectieux, mais cela varie avec l'agent concerné. Avec les bactéries, suivant les espèces, il suffit de quelques bactéries (mais c'est rare) ou il en faut 1 million ou 100 millions pour déclencher une infection. C'est le même principe avec les virus (en général les chiffres sont élevés et on ne risque rien avec 1 ou 10 virus...) Donc, concernant la contamination aérienne, il est évident que le risque est plus grand dans un espace fermé non aéré, qu'à l'extérieur par grand vent...

Ainsi, tu peux très bien croiser le virus, le respirer... et ne pas être infectée, car la quantité de virus inhalée ne serait pas suffisante pour être infectante. La dose infectante dépend de l'espèce du virus, mais aussi d'autres facteurs (état immunitaire de la personne infectée, état de ses muqueuses etc.)

Sauf que pour le SARS-CoV2, on ignore encore la dose infectante... :mrgreen:

Donc, on en revient aux bases :

- Les mesures barrières, parce qu'elles peuvent ramener la quantité de virus en dessous de la dose infectante.
- Les mesures barrières, parce que si elles ne suffisent pas et que malgré tout on est quand même contaminés, autant l'être avec le moins possible de virus (intuitivement, mieux vaut avoir à se battre contre 1 milliard de virus que contre 1.000 milliards - ces chiffres n'ont aucune signification, c'est juste pour illustrer).

Toutes les occasions de réduire la population du virus sont bonnes à prendre et on voit ici pourquoi, quoi qu'on en dise, même des masques ordinaires sont utiles.

Mais si tu te retrouves confinée avec une ou des personnes que le boulot fait aller à la pêche au virus à l'extérieur (c'est mon cas !), évidemment ça complique la tâche. Et si tu est confinée avec une personne infectée, en particulier si elle a des symptômes, saches qu'elle devient alors une usine à nouveaux virus et qu'il vaut mieux la confiner dans une partie du logement disposant d'une fenêtre et permettant d'aérer (donc de réduire la concentration de l'air en virus). Un confinement dans le confinement. Ce qui est plus facile à dire qu'à faire (il y a rarement plusieurs toilettes et salles de bains, on ne peut pas toujours aérer tout le temps etc.)
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5984
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: Documentation épidémie

Message par com_71 » 01 Avr 2020, 06:45

https://edition.cnn.com/2020/03/24/asia ... index.html
Concernant les tests l'article dont lien ci-dessus a été passé à la traduction automatique :
CNN Julia Hollingsworth a écrit :Un test de coronavirus peut être développé en 24 heures. Alors, pourquoi certains pays ont-ils encore du mal à diagnostiquer?
Au cours de la première semaine de janvier, des informations ont fait état d'une mystérieuse nouvelle forme de pneumonie qui avait touché des dizaines de personnes en Chine. Certains étaient dans un état critique et un certain nombre présentaient des lésions invasives aux deux poumons.
À des milliers de kilomètres de là, à Berlin, le scientifique allemand Olfert Landt était déjà en alerte. Pendant 30 ans, il a travaillé sur le diagnostic de maladies émergentes, dont le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Il voulait faire un kit de test pour aider les médecins à diagnostiquer la maladie - et il voulait le faire rapidement.
Les virologues attendent généralement que le matériel génétique d'un nouveau virus soit séquencé pour commencer à travailler sur un test. Cette fois, Landt et sa société de 30 personnes, TIB Molbiol, ont commencé tôt. Le 9 janvier, ils avaient conçu leur premier kit de test en utilisant le SRAS et d'autres coronavirus connus comme références. Avec des scientifiques d'un hôpital universitaire local, il a conçu trois kits, ce qui signifie qu'une fois la séquence publiée, ils pourraient choisir celui qui fonctionnait le mieux.

Le 11 janvier, Landt a envoyé son kit aux centres de contrôle des maladies de Taiwan et à l'entreprise de diagnostic Roche à Hong Kong. Il ne savait pas avec certitude que cela fonctionnerait, et il n'avait même pas préparé d'instructions.
Au cours du week-end, il a élaboré un manuel et l'a envoyé par courrier électronique. "Nous avons dit, écoutez, vous avez six tubes sans instructions", se souvient-il. "Donnez-les au laboratoire de test, vous pouvez tester des patients avec ça."
Au final, le test qu'il a envoyé était parfait, a-t-il dit. Le 17 janvier, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié le protocole de Landt en ligne, ce qui en fait le premier test partagé par l'organisation.
Landt estime qu'il a fabriqué quatre millions de tests à la fin du mois de février et 1,5 million de tests supplémentaires chaque semaine depuis. Chaque kit - qui comprend 100 tests - s'est vendu au moins 160 euros (173 $) chacun à des clients en Arabie saoudite, en Afrique du Sud, en Australie, en Europe, ses deux enfants adultes aidant à étiqueter et à emballer les kits. Sa femme, qui travaille pour l'entreprise depuis 15 ans, est également impliquée.
"Je ne travaille pas pour de l'argent. Je prends l'argent, oui, c'est juste, nous faisons du bon travail", a-t-il déclaré. "Mais au final, nous n'avons pas besoin d'argent."

Lorsqu'il s'agit d'arrêter la propagation d'une pandémie, les tests sont essentiels. Si une personne est diagnostiquée, elle peut être isolée des autres et traitée de manière appropriée. Comme l'a déclaré plus tôt ce mois-ci le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus: "Nous avons un message simple pour tous les pays: test, test, test."
Mais près de trois mois après que Landt a remarqué pour la première fois des informations faisant état d'une mystérieuse maladie, des pays du monde entier ont encore du mal à tester le Covid-19, la maladie infectieuse causée par un nouveau roman coronavirus. Certains tests sont inexacts, d'autres ont pris beaucoup de temps à créer, et maintenant les sociétés de test avertissent qu'elles manquent dangereusement de matériaux.
Cela soulève une question importante: si un test peut être développé si rapidement, pourquoi certains pays éprouvent-ils encore des difficultés?

Les premiers modèles

À Hong Kong, le virologue Leo Poon suivait également l'évolution de la situation en janvier.
Comme Landt, il travaille depuis des années sur les maladies émergentes. En 2003, c'est son équipe de scientifiques de l'Université de Hong Kong (HKU) qui a identifié que le SRAS, qui était apparu l'année précédente en Chine continentale, était un coronavirus.
"Parce que nous avons vécu tous ces événements dans le passé, nous savons combien il est important d'avoir un test de diagnostic fonctionnel", a-t-il déclaré. "C'est pourquoi nous avons essentiellement essayé de faire le travail le plus rapidement possible."
Mais contrairement à Landt, Poon a attendu la séquence.

Toutes les formes de vie ont un type de molécule qui porte leurs instructions génétiques. Chez l'homme, et la plupart des formes de vie, c'est l'ADN - le matériel génétique qui nous dit de faire pousser deux jambes et de marcher droit. Au lieu de l'ADN, de nombreux virus - y compris l'hépatite, Ebola et la rage - ont de l'ARN, ou de l'acide ribonucléique, qui, comme l'ADN, est un acide nucléique qui transporte des informations génétiques.
De l'autre côté de la frontière de Hong Kong en Chine continentale, les scientifiques travaillaient pour identifier l'ARN du nouveau virus. Selon un article paru dans le magazine d'actualités chinois Caixin, le nouveau virus désormais connu sous le nom de SRAS-CoV-2 pourrait avoir été principalement séquencé dès le 27 décembre.
Mais ce n'est que le 11 janvier que le génome séquencé a été publié sur le site open source virological.org au nom de Zhang Yongzhen, professeur à l'Université Fudan de Shanghai. Les autorités chinoises ont partagé la séquence le 12 janvier.
Une fois que Zhang a partagé la séquence, l'équipe de Poon a commencé à travailler.
Tout d'abord, ils ont examiné l'ARN du nouveau coronavirus et ont décidé que leur test viserait des parties du code qui étaient similaires à l'ARN du coronavirus du SRAS - des parties qui seraient moins susceptibles de muter, car elles étaient essentielles au virus .
Ensuite, ils ont conçu le test.
La méthode standard pour détecter un virus utilise une technique appelée réaction en chaîne par polymérase (PCR). Inventée dans les années 80, la PCR est utilisée pour un large éventail de choses, allant de l'identification de l'ADN d'un suspect sur une scène de crime, à la vérification de l'infection d'une récolte de fruits par un virus.
Les tests PCR sont constitués d'ingrédients appelés réactifs, qui comprennent des amorces et des sondes.
Avant d'exécuter un test de PCR, l'ARN d'un virus doit être transformé en copie d'ADN. Ensuite, les amorces recherchent les régions cibles au sein d'un gène. S'ils trouvent les cibles génétiques, ces régions sont copiées encore et encore, a expliqué Maureen Ferran, professeure agrégée de biologie au Rochester Institute of Technology.
Chaque fois qu'une copie de l'ADN est faite, de la lumière sera émise. S'il y a beaucoup de lumière, cela indique la présence du matériel génétique qui identifie le virus - ce qui signifie qu'une personne a été testée positive pour le virus.
La plupart des kits ont au moins deux cibles génétiques, pour améliorer la fiabilité du résultat.

Tout cela se déroule à petite échelle - dans des tubes à essai, au sein d'une machine de diagnostic. La machine de diagnostic mesure le niveau de lumière et le compare avec le contrôle positif - généralement un échantillon du virus. Si le contrôle positif n'est pas positif, les scientifiques sauront que le test ne fonctionne pas.
Le développement d'un test n'est pas difficile, selon Nathan Grubaugh, professeur adjoint d'épidémiologie à la Yale School of Medicine. L'astuce consiste à s'assurer qu'il ne détecte pas d'autres virus également.
Dans les six jours suivant l'obtention de la séquence, Poon a passé un test de travail.
Comme le kit de Landt, le test de Poon peut détecter le SRAS et Covid-19. Poon dit que ce n'est pas un problème, car il n'y a pas actuellement d'épidémie de SRAS.
Au cours des mois qui ont suivi, Poon a envoyé des tests gratuitement dans plus de 40 pays à travers le monde, dont l'Égypte et le Cambodge. Chaque pays ne reçoit qu'un seul kit, qui coûte entre 4 000 et 5 000 dollars de Hong Kong (515 $ à 644 $) et peut être utilisé pour tester 100 échantillons. Certains pays, comme le Népal, ont envoyé leurs échantillons à l'Université de Hong Kong pour les tester. L'idée est de "gagner du temps" pour les pays, afin qu'ils aient un test tout en mobilisant des ressources pour créer les leurs.
Mais alors que des entreprises comme TIB Molbiol font de l'argent avec leurs kits, Poon et son équipe ont réaffecté des fonds d'autres projets à leurs kits de test Covid-19, et travaillent essentiellement gratuitement.
"Nous n'avons pas d'argent, nous n'avons aucune ressource", a déclaré Poon. "Nous le distribuons simplement de notre bonne volonté."
D'autres ont également donné gratuitement des informations vitales. L'OMS répertorie sept protocoles sur son site Web - ce sont essentiellement des guides pratiques pour les scientifiques qui souhaitent créer leur propre kit de test. Les tests de Landt et de Poon sont présentés en détail.
"La question (de la propriété intellectuelle) n'est pas ce dont nous nous soucions dans cette crise de santé publique", a déclaré Poon. "Ce qui nous pousse à faire ce travail, c'est d'essayer de réagir à ces infections émergentes afin de sauver plus de vies."
Faire un nouveau test - ou utiliser un test préexistant
À la mi-janvier, à Gisborne, une ville ensoleillée sur la côte de la Nouvelle-Zélande, John Mackay a reçu une demande du Laboratoire national de référence du gouvernement - il devait acheter du matériel pour détecter le coronavirus.
Mackay, le directeur technique du laboratoire de diagnostic Dnature, a envoyé un courriel à Landt. "Olfret, si cela se passe comme le SRAS, je suppose que vous avez les kits sur l'étagère prêts à être envoyés immédiatement", se souvient-il avoir écrit cet après-midi.
Au bout d'une demi-heure, Landt a répondu, bien qu'il soit tôt le matin, heure de Berlin. "Oui, tu en veux?"
"Le gars est un bourreau de travail complet", a déclaré Mackay de Landt. "C'est un gars phénoménal."
Les kits ont été envoyés en Nouvelle-Zélande et environ un mois avant que le pays n'ait son premier cas, les autorités étaient prêtes à tester.
C'était une situation similaire en Australie. Comme la Nouvelle-Zélande, ils n'avaient aucun échantillon du virus, ils ont donc fait référence à des tests développés à l'étranger, selon William Rawlinson, directeur de la sérologie, de la virologie et des laboratoires OTDS, qui dirige une grande partie des tests dans l'État australien de la Nouvelle-Galles du Sud. Avant même que l'Australie n'ait son premier cas, elle avait des kits.
D'autres pays ont décidé de faire cavalier seul.
L'un des premiers tests a été développé en Chine continentale par le Center for Disease Control du pays. Le 24 janvier, son protocole avait été affiché sur le site Web de l'OMS.
Des agents de santé vêtus d'un équipement de protection individuelle attendent de nouveaux patients dans une station de dépistage des coronavirus au volant de Stamford, Connecticut, le 23 mars 2020.
Des agents de santé vêtus d'un équipement de protection individuelle attendent de nouveaux patients dans une station de dépistage des coronavirus au volant de Stamford, Connecticut, le 23 mars 2020.
Mais alors que l'épidémie faisait rage en Chine continentale au début du mois de février, un certain nombre de personnes ont été testées négatives, pour ensuite être testées positives. Dans un rapport paru dans le journal d'État chinois China Daily, Gao Zhancheng, chef du département des soins respiratoires et des soins intensifs à l'hôpital populaire de l'Université de Pékin, a déclaré qu'un certain nombre de facteurs auraient pu influer sur les tests en plus du test lui-même, y compris la façon dont les médecins ont prélevé l'échantillon, et les circonstances dans les laboratoires.
Initialement, la Chine semblait également avoir du mal à faire face à une pénurie de kits de test PCR - à tel point que le ministère chinois des Sciences et de la Technologie a appelé à des recherches sur d'autres types de tests, selon les médias officiels Xinhua. Certaines personnes ont été obligées d'attendre pour subir un test car le système de santé chinois était tendu par l'épidémie.
Aux États-Unis, il y avait également des problèmes.
Le 17 janvier - le même jour que l'OMS a publié le protocole de Landt - un haut responsable de la santé a déclaré que les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis avaient fait leur propre test, sans utiliser les protocoles publiés par l'OMS.
L'agence a annoncé le 5 février qu'elle commencerait à expédier des kits. Peu de temps après, certains laboratoires ont signalé que les tests ne fonctionnaient pas, ce qui signifiait que certains devaient être reconstruits. Il n'est pas clair comment le défaut s'est produit.

Pourquoi le monde a besoin de plusieurs kits de test

Il est facile de voir comment les premiers travaux de Landt et Poon ont aidé d'autres pays à gagner du temps et à se préparer à une épidémie. Mais ni Landt ni Poon n'ont la capacité de faire suffisamment de tests pour le monde entier.
Et il existe également d'autres raisons pour lesquelles le monde a besoin de plusieurs kits de test.

D'une part, les scientifiques ne savent pas avec certitude au début que leur test fonctionnera. Aux États-Unis, par exemple, le défaut de fabrication a créé un retard dans les tests - si tout le monde dans le monde s'était appuyé sur ce seul test, cela aurait créé un problème encore plus grave.
Un autre problème est que le virus pourrait potentiellement muter de telle manière qu'un kit ne fonctionne plus. Si un test cible le gène "N" de Covid-19, par exemple, et que le virus mute de sorte que le gène n'existe plus, alors le kit ne détectera pas le virus.
Une autre considération est qu'un test qui fonctionne dans un pays peut ne pas fonctionner dans un autre, a déclaré Rawlinson. Si, par hypothèse, la présence de la dengue a provoqué un échec du test et qu'un pays avait un taux élevé de dengue, alors il pourrait y avoir un taux élevé de faux négatifs, a-t-il déclaré.
Avoir une gamme de tests met également moins de pression sur un fabricant ou une chaîne d'approvisionnement, car différents fournisseurs peuvent utiliser différents matériaux.
Aux États-Unis, par exemple, des responsables médicaux ont déclaré qu'ils manquaient de fournitures de test, y compris des swaps, des réactifs et des pipettes - les outils pour transporter des liquides. La pénurie a contraint le Minnesota et l'Ohio à limiter les tests aux patients les plus vulnérables. Le distributeur de tests japonais Kurabo, qui effectue un type de test différent qui recherche des anticorps, affirme que son test ne prend que 15 minutes pour donner un résultat - et utilise des échantillons de sang plutôt que des échantillons tamponnés.

Le fournisseur de tests Roche Diagnostics Corporation dit qu'il distribue 400 000 tests par semaine aux laboratoires des États-Unis, mais cela ne suffit pas pour suivre la demande. "Au plus fort d'une urgence sanitaire mondiale, la demande l'emportera sur l'offre", a déclaré le porte-parole de la société, Michael Weist.
Ferran a déclaré que les tests auraient pu modifier le taux d'infection aux États-Unis.
"Si nous avions eu de meilleurs tests au début, nous aurions pu vraiment changer le taux d'infection. Mais nous ne pouvons pas revenir en arrière", a-t-elle déclaré. "Nous devons simplement aller de l'avant et apprendre de cela et que cela ne se reproduise plus."
Au-delà des kits de test
Autrement dit, certains pays ont gaspillé l'occasion de préparer ce que les premiers travaux de Poon et Landt leur ont donné.
Les États-Unis et le Royaume-Uni ont été critiqués pour leur lenteur à tester et pour ne pas avoir testé suffisamment de personnes.
Les centres américains de contrôle des maladies et les laboratoires de santé publique ont testé plus de 71 000 échantillons, selon le site Web du CDC, bien que le vice-président Mike Pence ait déclaré dimanche que 254 000 Américains avaient été testés jusqu'à présent. Au 22 mars, le Royaume-Uni avait testé 72 818 personnes.

Cela contraste fortement avec l'approche d'autres pays.
Dans la minuscule nation insulaire d'Islande, les autorités sanitaires ont entrepris un dépistage complet. Au 21 mars, plus de 9 700 des 350 000 habitants du pays avaient été testés.

En Corée du Sud, le gouvernement a rendu les tests incroyablement accessibles, y compris dans les laboratoires de drive-in. Cela a permis au pays de tester plus de 300 000 personnes sur ses 52 millions d'habitants.
Et en Nouvelle-Zélande, où il y a 102 cas confirmés, environ 1% à 2% des tests reviennent positifs, contre 5% au Royaume-Uni et 13% aux États-Unis, selon le directeur général de la santé du ministère de la Santé , Ashley Bloomfield.
"Nous effectuons beaucoup de tests en comparaison", a-t-il déclaré. "Nous voulons trouver les cas, c'est pourquoi nous testons là où il y a des soupçons."
Poon dit qu'il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles certains pays ont été lents à tester - certains sont pratiques, d'autres administratifs.
Les tests nécessitent du personnel qualifié, le bon équipement et les bons matériaux - le manque de ceux-ci pourrait retarder les tests.
Aux États-Unis, il y a eu un cercle bureaucratique supplémentaire. Dans certains pays, les tests peuvent être utilisés presque immédiatement en raison de règles différentes concernant les maladies émergentes.

Au début, aux États-Unis, tous les tests nécessitaient l'autorisation de la Food and Drug Administration (FDA). Le 28 février, plus de 100 virologues et autres spécialistes ont écrit une lettre au Congrès indiquant que de nombreux laboratoires avaient validé les tests pour le coronavirus mais qu'ils ne pouvaient pas les utiliser en raison du protocole de la FDA pour autoriser les tests pendant les épidémies.
La FDA a désormais autorisé les entreprises à fabriquer et à expédier des tests avant d'en recevoir l'autorisation.
Grâce aux règles assouplies, les entreprises privées ont pu accélérer leur réponse. La société américaine Quest Diagnostics, par exemple, a lancé son nouveau test le 9 mars et prévoit pouvoir effectuer 280 000 tests par semaine début avril.
En revanche, en Corée du Sud, une entreprise a pu faire approuver son test en une semaine.
Pour des gens comme Landt, l'inaction des politiciens est frustrante.
Il se souvient d'avoir été à l'opéra début février, alors que très peu de personnes avaient été infectées à Munich, et d'avoir approché le ministre allemand de la Santé, qu'il y a vu par hasard. "Vous devriez dire au public que c'est une mauvaise maladie", se souvient-il. "Ne leur dites pas que c'est seulement quelque chose en Chine."
Mais le gouvernement allemand a été lent à prendre des mesures vitales, telles que la réduction des contacts sociaux. Il compte désormais plus de 29 000 cas confirmés.

"Le virus doit voyager", a déclaré Landt, expliquant si le virus tue l'hôte, ou si le système immunitaire de l'hôte tue le virus, de toute façon, le virus devra trouver une autre personne à infecter pour rester en vie. "Si vous réduisez votre contact avec d'autres personnes, le virus ne peut plus voyager ... Une personne infectée infectera une ou deux autres personnes, c'est donc comme une bombe atomique, c'est une courbe exponentielle", a-t-il déclaré.
"Ce n'est qu'avec des tests que nous pouvons identifier les personnes et les isoler pour empêcher leur propagation à d'autres personnes."

Yoko Wakatsuki et Rebecca Wright de CNN ont fourni des informations supplémentaires de Tokyo.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5984
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: Documentation épidémie

Message par com_71 » 02 Avr 2020, 18:54

btyu66 a écrit :Comment fonctionne le vaccin
Image
https://creazilla.com/nodes/20012-comme ... cin-vector
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5984
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Suivant

Retour vers Sciences

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 7 invité(s)