Afghanistan : un chaos dont l’impérialisme est responsable
La télévision a montré l’image bouleversante de l’aéroport de Kaboul où des milliers de personnes tentent désespérément de prendre place dans des avions pour fuir l’Afghanistan, alors que l’armée américaine plie bagage et que les talibans ont déjà pris la ville. Les médias parlent de dizaines de milliers d’autres qui, ayant travaillé pour les Occidentaux, vivent désormais sous la menace. Les femmes vont être soumises à la loi des talibans, ne plus pouvoir étudier ou travailler, ne plus pouvoir sortir dans la rue sans être accompagnées. Le pays est de nouveau sous le joug des talibans.
Contrairement à ce qu’ont continuellement affirmé les dirigeants des grandes puissances, les vingt ans de guerre et d’occupation militaire n’ont pas fait reculer le terrorisme et la barbarie. Au contraire, les talibans semblent plus forts que jamais. Quant au terrorisme, en vingt ans il s’est répandu sur la planète. Et on compte aujourd’hui des dizaines de régions frappées par le terrorisme, tant ce sont les grandes puissances, la misère qu’elles imposent à la population mondiale, les guerres qu’elles font partout, qui l’alimentent.
Du président américain Biden au président français Macron, des commentateurs aux représentants des organismes internationaux, tous, d’une façon ou d’une autre, font porter la responsabilité de la catastrophe sur le peuple afghan lui-même. Et pourtant, ces puissances impérialistes sont les véritables responsables de la situation. Ce sont elles qui ont fabriqué aussi bien les talibans que la situation qui leur permet aujourd’hui de ramasser le pouvoir sans combat.
Ces milices islamistes ont été financées et armées par les Américains et leurs alliés à la fin des années 1970, pour affaiblir le régime afghan alors soutenu par l’Union soviétique. Tenue en échec, l’armée de Moscou dut quitter le pays. Dix ans plus tard, les milices ont fini par prendre Kaboul. Leur pouvoir, qualifié de démocratique par les puissances occidentales, s’intitulait crûment « gouvernement islamiste ». Une guerre civile entre factions islamistes rivales vit la victoire des talibans, les mieux armés… par les Américains et leurs alliés ! Les femmes furent aussitôt chassées de leurs emplois et enfermées sous leur burqa. Le pays tout entier fut soumis aux lois rétrogrades des intégristes. Il y eut bien quelques commentaires désolés des journalistes occidentaux, mais aucun État ne leva le petit doigt.
Tout changea après l’attentat du 11 septembre 2001, ses plus de 3 000 victimes et sa revendication par Al Qaïda, l’organisation terroriste de Ben Laden. Le gouvernement américain chercha une riposte à la hauteur de l’émotion légitime de la population et surtout pour rappeler que les États-Unis sont le gendarme du monde. Les talibans et leur régime furent accusés d’abriter les terroristes et Ben Laden lui-même, l’Afghanistan fut envahi par les armées des États-Unis et de leurs alliés, dont la France. La propagande des États impérialistes coula à flot pour convaincre que cette guerre allait donner des droits aux femmes afghanes, allait apporter la civilisation dans ce pays, les hôpitaux et les routes à venir, la sécurité pour tous, etc.
En fait, le peuple afghan connut vingt années supplémentaires de guerre, les bombardements de terreur, les déplacements de population, les internements, la torture. La population n’a pas vu la couleur des centaines de milliards de dollars censés tirer le pays du sous-développement. Les puissances d’occupation ont dépensé bien plus pour leurs besoins militaires sur place que pour la santé ou l’éducation dans le pays. En guise de développement, ce fut surtout celui de la corruption. Et elle n’a pas profité qu’aux margoulins locaux, mais plus encore aux capitalistes américains. Le régime mis en place par les Américains, sur la base de la misère persistante et de la corruption, ne pouvait qu’être rejeté par la population. La rapidité avec laquelle les talibans sont revenus au pouvoir, avant même que l’armée américaine ait quitté le pays, le montre.
Si les talibans parviennent à établir un régime centralisé, il ne pourra s’agir que d’une dictature islamiste des plus rétrogrades. S’ils n’y parviennent pas, le pays sera livré à la guerre entre bandes armées. Dans tous les cas, les femmes, les enfants et les pauvres continueront à subir. Cela n’empêchera pas les grandes puissances, si elles y trouvent leur compte, de faire avec la dictature des talibans. Voilà dans toute sa nudité, le résultat de vingt années de guerre et deux siècles d’intervention de l’impérialisme dans la région.
Le sort que les États impérialistes font subir à l’Afghanistan donne l’image du monde qu’ils nous imposent. De telles tragédies ne pourront cesser qu’avec le renversement du capitalisme sur la planète entière, aussi lointaine que puisse paraître cette perspective.
La première condition pour que cet espoir devienne réalité est que nous, travailleurs des métropoles impérialistes, refusions toute forme de solidarité avec le capital, son armée, ses expéditions militaires et ses mensonges à prétention humanitaire.