Bobo bleu de "travail"

Re: Bobo bleu de "travail"

Message par Harpo » 05 Sep 2022, 18:45

"Cet endroit est dev'nu tellement chic que déjà l'tout Paris y rapplique".
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Re: Bobo bleu de "travail"

Message par Gayraud de Mazars » 05 Sep 2022, 19:12

Salut camarade Zorglub,

Zorglub a écrit :Un article (réservé aux abonnés) de l'Huma pour confirmer la tendance : https://www.humanite.fr/social-eco/lutte-des-classes/c-est-la-mode-quand-les-riches-se-deguisent-en-pauvres-761838
A ces prix, on peut dire mort aux cons riches. J'attends avec impatience le défilé à colonel Fabien...


Etant abonné voici l'article en entier... Cela vaut son pesant de cacahuète ! Mais à Colonel en matière de mode c'est possible on recycle tout au PCF... Et puis quitte à faire payer les richards et les ploutocrates !

C'est la mode... Quand les riches se déguisent en pauvres
Publié le Samedi 3 Septembre 2022 dans L'Humanité
Par Pierric Marissal

Une fois mis en scène sur les réseaux sociaux, des signes extérieurs de pauvreté sont devenus romantiques, transgressifs. Le luxe s’est rué sur le filon. Pour à peine quelques milliers d’euros, on peut se vêtir comme un pauvre n’oserait jamais le faire : pantalon couvert de fausse boue et chaussures déchirées. Le dernier chic.

On connaissait le concept d’appropriation culturelle. Cette pratique des classes dominantes qui consiste à dépouiller des cultures minoritaires ou dominées d’éléments de mode ou de rituels. « C’est lorsqu’un emprunt entre les cultures s’inscrit dans un contexte de domination », résumait le sociologue Éric Fassin. Aujourd’hui avec le « Poverty Cosplay », comme les États-Uniens le nomment, on assiste à une forme d’appropriation de classe, ou quand les riches croient s’habiller en pauvres et en ouvriers. Une tendance qui se monnaye à prix d’or.

L’origine du phénomène est floue. Certains évoquent Kim Kardashian, l’influenceuse millionnaire, lorsqu’elle s’est mise en scène sur Instagram dans une chambre de motel miteux. D’autres encore pointent l’acteur Timothée Chalamet, qui pose en train de manger un plat de nouilles chinoises instantanées sur un coin de table. Mais ce sont surtout des marques de luxe, comme Golden Goose ou Balenciaga, qui ont soulevé, à juste titre, l’indignation. Golden Goose a, par exemple, mis en vente 570 dollars une gamme de baskets en toile, neuves mais à l’aspect franchement usé et rapiécées au sparadrap, ou des jeans recouverts de fausse boue pour la modique somme de 475 dollars. La palme de l’indécence revient à la gamme Balenciaga Paris. Elle a osé créer des chaussures largement inspirées des Converse en toile bien connues, mais déchiquetées, et vendues jusque 1 500 euros pour les « full destroyed », à savoir complètement détruites ! La marque avait déjà fait fort en vendant plusieurs centaines d’euros des grands cabas, copies des grands sacs bleus Ikéa. Quel que soit le point de départ, certains riches se sont mis à « romanticiser » des signes extérieurs de pauvreté.

Une recherche de transgression

Le terme cosplay est intéressant. « En anglais, ce mot est très souvent utilisé pour dire s’habiller, ou se déguiser, à la mode, suggérant qu’il y a une forme de performance à porter des vêtements dans lesquels il convient d’être vu, explique l’historienne de l’art Charlene Lau. S’habiller dans un style identifiable et cohérent pourrait être considéré comme du cosplay, cependant, ce principe peut aussi résumer ce que fait la mode depuis toujours. La mode et le style s’inspirent du monde qui nous entoure. Malheureusement, la pauvreté n’est qu’une référence parmi d’autres », analyse l’enseignante-chercheuse au London College of Fashion et à l’université de Toronto. Les réactions indignées à ces produits ou à ces mises en scène ont été nombreuses : aucune personne dans le besoin ne choisirait de son plein gré de porter des vêtements sales ou abîmés. Alors, payer des fortunes pour cela a quelque chose de grossier, cynique.

Pour expliquer le phénomène, l’historien Nils Gilman évoque Marie-Antoinette, qui déjà se déguisait en pauvre pour se fondre dans la rue sans être reconnue. D’autres suggèrent que le Poverty Cosplay représente pour les riches une recherche d’authenticité ou de transgression. « Pour être honnête, je ne pense même pas que ce soit aussi complexe. Les riches et les nantis achètent des biens commercialisés par la haute couture qui leur sont destinés, sans conscience ni souci de leur contexte historique », nuance Charlene Lau.

Nostalgie ouvrière ou filon lucratif ?

Aux puces de Saint-Ouen, le bleu de travail, même complètement rapiécé, est en tête des ventes. Il est omniprésent rue Paul-Bert. « Même la dame spécialisée dans les casseroles en cuivre un peu plus loin s’est mise aussi aux bleus de travail », rigole un vendeur à l’entrée de la rue qui revendique d’être pionnier sur le créneau du renouveau des tenues d’ouvriers. « J’en vends depuis bien six ans ! » assure-t-il. Il finit cependant par reconnaître que depuis, le prix a décuplé, passant de 5 à 50 euros la veste. Car ce n’est plus le même public qui achète. Aujourd’hui, le bleu de travail est tendance aux terrasses branchées des cafés de Bastille. « Les touristes américains ou japonais qui viennent à Paris veulent absolument repartir avec un bleu, reprend le vendeur. Cela me rappelle quand, il y a quelques années, on visitait les États-Unis, il fallait absolument repartir avec un jean en souvenir. En France, c’est le bleu ! » Outre qu’il y trouve financièrement son compte, il ne voit pas malveillance à ce qu’un outil de travail devienne accessoire de mode. « C’est une forme de nostalgie, dans un monde où il n’y a plus d’ouvriers, ou en tout cas où on ne les voit plus. Cela rappelle peut-être aux jeunes les vestes que portait leur grand-père, suppose-t-il. Ça me fait penser aux années 1970, la mode des jeunes s’inspirait alors des codes de la paysannerie, un mode de vie qui disparaissait. »

L’agence de communication Weematch y a vu aussi un filon. Elle a donc convaincu la RATP de transformer les tenues de ses agents en vêtements de mode, en partenariat avec le BHV. Risible mais juteux. Pour pas moins de 90 euros, on peut désormais se vêtir d’une « authentique » combinaison d’agent RATP, ou d’une non moins vraie veste de conducteur de métro parisien. « On peut dire que les tenues de travail sont à la mode depuis que le denim a dépassé le monde professionnel et est entré dans le domaine de la mode grand public et des jeunes au milieu du XXe siècle, rappelle Charlene Lau. Au début des années 2000, Brooklyn, à New York, était l’épicentre de l’habillement dit “patrimonial” américain, basé sur des idées d’authenticité, de travail acharné et de courage. Au Japon, cette sous-culture et cette appréciation du style américain classique sont connues sous le nom d’“ametora”. » Pour la chercheuse, la mode a pour habitude de décontextualiser le vêtement de sa valeur d’usage. La tenue de travail est devenue une esthétique en soi, utilisée aussi pour ses vertus solides et pratiques, mais en tout cas détachée des valeurs de la classe ouvrière. « Bien que je ne considère pas cela comme malveillant, cela pose certainement des questions d’appropriation, ou de respect de ce qu’on peut considérer comme un outil de travail », précise-t-elle.

Effet d’entraînement des réseaux sociaux

Ce phénomène rejoint l’engouement plus généralisé pour la seconde main. Charlene Lau y voit une réaction contre la « fast fashion ». À mesure que l’industrie s’est tournée vers la mode rapide et jetable, la disponibilité de vêtements de qualité, bien faits et durables a diminué. Cela les a rendus rares, uniques et donc plus convoités, plus chers, détournant à nouveau la cible, populaire, initiale des friperies. Pour l’historienne, c’est simplement une question d’offre et de demande. « Nous sommes peut-être aussi en train de vivre un âge d’or de la friperie avec ces prix très gonflés, qui inaugure une nouvelle classe de chasseurs de vêtements vintage. L’offre de tenues usagées de haute qualité diminue, alors que le consommateur lambda considère désormais les friperies comme “cool”, augmentant ainsi le capital culturel de ceux qui achètent des biens d’occasion », explique-t-elle.

Ajoutons à cela le rôle des médias sociaux, qui exercent un énorme effet d’entraînement dans les modes actuelles. Pour Charlene Lau, « Instagram est la plateforme la plus publique pour voir et être vu, une sorte de forum, une promenade internationale. Les médias sociaux ont simultanément libéré et opprimé des corps, de toutes les générations, dans des mises en scène, des performances. » L’historienne conclut : « Lorsque les vêtements d’une culture y sont vus portés par des personnes d’une culture différente (typiquement des corps blancs et riches) uniquement pour des raisons esthétiques, cela peut devenir problématique. Il y a toujours une zone grise entre le cosplay et la vraie vie. »


« L’aristocratie singeait une classe sociale qu’elle redoutait »
Par Denis Bruna
(Historien du vêtement et conservateur au département mode du musée des Arts décoratifs)

Selon l’historien Denis Bruna, depuis le XVIIIe siècle - et l’apparition d’une certaine mixité sociale - jusqu’à aujourd’hui, les riches n’ont eu de cesse d’emprunter les attributs des classes les plus modestes en pensant ainsi transgresser les codes.

Entretien :

On parle aujourd’hui d’une appropriation de classe des pauvres par les riches. Cette tendance est-elle nouvelle ?

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, on s’aperçoit que dans deux grandes villes d’Europe, Madrid et Paris, l’aristocratie empreinte des habits populaires. Elle part en quête de nouveaux modèles et elle va se régénérer auprès de la paysannerie, mais aussi dans les faubourgs. À Madrid, on s’habille en majo, comme les gens des faubourgs populaires. Ils sont ouvriers plâtriers, tanneurs, cordonniers, etc. Les femmes, quant à elles, sont vendeuses de beignets, de fruits. À cette période, on assiste à un phénomène nouveau de mixité sociale dans les villes où les riches peuvent rencontrer les pauvres.

Qu’est-ce qui va pousser les aristocrates à emprunter les vêtements des pauvres ?
Le XVIIIe siècle connaît des émeutes populaires. À Paris et à Madrid, la farine fait défaut. Le pain est cher et les révoltes se multiplient. Dans le même temps, les intellectuels commencent à prendre beaucoup d’importance. Ceux du siècle des Lumières, en France, s’intéressent de plus en plus aux milieux populaires et aux révoltes. Ces lettrés vont conduire l’aristocratie à s’interroger sur sa légitimité à l’égard de ses propres privilèges. Les riches veulent alors marquer un écart par rapport à l’ordre établi. Le vêtement est un code. Soit on le suit, soit on le transgresse. Mais les aristocrates ne vont pas porter des vêtements de pauvres. Ils vont faire fabriquer des habits luxueux qui rappellent ceux des pauvres. C’est une mascarade vouée à conjurer cette terreur d’être un jour réellement confondu, apparenté, mêlé aux classes populaires. L’aristocratie porte les vêtements d’une classe sociale qu’elle redoute et pense la refouler en la singeant.

Quels types de vêtements pouvait-on voir à l’époque ?

Au plus haut sommet de la cour, la reine Marie-Antoinette va porter la robe chemise. Une évolution de la robe des femmes créoles des colonies que l’on trouvait sur les quais des ports, à Bordeaux. Les dames de la cour vont arborer des tabliers, à l’image de ceux utilisés par celles qui travaillent dans les échoppes, les ateliers. Autre élément très à la mode dans l’aristocratie : le chapeau de paille, comme celui porté par les femmes qui travaillent dans les champs. Un portrait de la sœur de Louis XVI la montre avec un chapeau de paille et un corsage lacé qui rappelle celui des femmes du peuple. À Madrid, la duchesse d’Albe, une des femmes les plus importantes de la cour de Charles III, manifestait au roi d’Espagne son mépris pour l’étiquette de la cour en faisant tailler des vêtements luxueux qui s’inspiraient de ce que portaient les femmes des faubourgs. Au théâtre – très important durant tout le XVIIIe siècle –, de Marivaux à Beaumarchais, le valet va prendre une place considérable. « Le Mariage de Figaro », joué pour la première fois à Paris en 1784, remporte un triomphe auprès du public aristocratique et bourgeois. Un an plus tard, dans la revue de mode la plus célèbre, on voit un aristocrate coiffé d’un bonnet « à la Figaro » qui rappelle celui porté par le valet dans la pièce de Beaumarchais.

Quel lien peut-on faire avec l’époque contemporaine ?

Les mêmes schémas se répètent. Aujourd’hui, on porte aussi des archétypes avec des idées de vêtements populaires. Des pantalons, des chaussures troués vont se vendre très cher. Mais les gens qui ont très peu de moyens portent rarement des chaussures avec des trous. Dans l’inconscient collectif, le vêtement déchiré, avec des trous renvoie à notre idée de la pauvreté. Lorsque, au défilé collection prêt-à-porter automne-hiver 2017, la maison Dior fait porter à ses mannequins des bleus de travail avec des bérets et des musettes des ouvriers d’autrefois, la directrice artistique n’est pas allée chercher des bleus de travail à l’usine. Elle s’est inspirée de l’archétype vestimentaire de l’ouvrier. Avec cette vision passéiste du béret et de la musette. Toujours dans la maison Dior, au printemps-été 2000, John Galliano présentait sa collection haute couture baptisée « Clochard ». Il avait dit très ouvertement qu’il s’était inspiré des SDF qu’il croisait sous les ponts quand il faisait son jogging le matin. D’où les manifestations de protestation qui ont suivi devant la boutique de l’avenue Montaigne.

Denis Bruna est l’auteur d’« Histoire des modes et du vêtement. Du Moyen Âge au XXIe siècle », Textuel, 506 pages, 59 euros.


Fraternellement,
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Re: Bobo bleu de "travail"

Message par Zorglub » 05 Sep 2022, 19:47

"Cet endroit est dev'nu tellement chic que déjà l'tout Paris y rapplique".

Harpo, c'est pas du Renaud au moins ?

Mais à Colonel en matière de mode c'est possible on recycle tout au PCF...

Surtout la bureaucratie.

Merci GdM.
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Re: Bobo bleu de "travail"

Message par Gayraud de Mazars » 05 Sep 2022, 21:01

Salut camarades,

Quand le bourgeois se veut galibot, y a qu'à mettre les sabots et la "blauda" comme on dit en occitan, pour une mode un casque et la lampe à acétylène en accessoire alors, défilé comme pour descendre "al cros", au puit, des houillères, s'il y en avait encore !

A Carmaux, chez moi, il reste sous le projet pharaonique de Quilès de l'ancienne Découverte [un désastre], tant de millions de tonnes de charbon jamais exploité... Pour leur apprendre à vivre à ces bobos en bleu de chauffe, en ouvriers mineurs, on va rouvrir les fosses abandonnées, et les faire descendre !

Fraternellement,
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Re: Bobo bleu de "travail"

Message par Harpo » 05 Sep 2022, 21:29

Bien sûr que non, c'est pas du Renaud.
Mais j'ai involontairement trahi Pierre Perret, les paroles exactes sont :
"Cet endroit est tellement sympathique, que déjà l'tout Paris y rapplique". (Le tord boyau).
Harpo
 
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