1525, le Soulèvement de l'homme ordinaire

1525, le Soulèvement de l'homme ordinaire

Message par Zorglub » 31 Jan 2024, 15:27

Un petit inventaire, pas du tout exhaustif, sur la Guerre des paysans.

On commencera bien évidemment par La guerre des paysans en Allemagne d'Engels qui été rééditée en 2021 par les Editions sociales, avec une préface d'Eric Vuillard.
Image
En couverture, il y a une gravure du projet de Dürer de monument aux paysans soulevés.

Eric Vuillard, l'auteur de L'ordre du jour (Goncourt 2017), a ensuite écrit ce bon La guerre des pauvres (éd° Actes sud), sur la bauernkrieg et Thomas Müntzer.


Plusieurs artistes de l'époque ont pu soutenir le mouvement. Outre Dürer qui fît ce projet de monument et de superbes gravures, notamment sur les paysans au quotidien, on retrouve également Urs Graf, Martin Schongauer, grand graveur alsacien, Hans Sebald Beham ou celui que l'on appelait le Maître de Pétrarque. On en aura le détail avec le magnifique livre de Maurice Pianzola, Peintres et vilains (merci à celui qui m'en a parlé), Les artistes de la Renaissance et la grande guerre des paysans de 1525 (éd° L'insomniaque).

Maurice Pianzola a également écrit un Thomas Munzer ou La guerre des paysans (éd° Ludd) agrémenté de gravures, réédité en poche et que l'on trouve parfois à la Fête.

On peut remonter à la source avec les écrits de Thomas Muntzer, Ecrits théologiques et politiques aux Presses universitaires de Lyon et qui ont également été réédités en 2021, avec un nouveau titre, Christianisme et révolution, et préfacés par Johan Chapoutot, historien spécialiste de l'Allemagne et de l'extrême-droite, et à nouveau par Eric Vuillard. On y retrouve le menaçant Sermon aux princes. Le livre est accessible par chapitre sur Open Edition.

Chapoutot et Vuillard feront des présentations de cette nouvelle édition :

Nous avons ensuite Thomas Muntzer, théologien de la révolution d'Ernst Bloch (éd° Les prairies ordinaires, merci Com) réédité par les éditions Amsterdam (préface de Thierry Labica). Toujours d'Ernst Bloch, il y a l'intéressant La philosophie de la Renaissance, dans laquelle Muntzer est évoqué aux côtés de Paracelse, More, Galilée mais aussi Jakob Böhme, dialecticien autodidacte, admiré par Hegel.

Il y a également le livre de Kautsky, Communism in Central Europe in the time of Reformation, disponible qu'en anglais, sur MIA. Il parle notamment de la révolte hussite et de ses éléments les plus radicaux, les Taborites et les Picards. J'ai trouvé un dossier sur ce livre, sur le site «Parti matérialiste dialectique» à l'exergue de Mao... (on attend la création du Parti hégélien à l'endroit). Je n'ai encore lu ni l'un ni l'autre.

Le petit livre de Nikos Foufas commentant le livre d'Engels présenté ici par pouchtaxi. Pouchtaxi signale les errements de traduction. L'auteur a fait ses études en France, mais en effet cela semble mal traduit, avec un certain nombre de coquilles, de non sens, qui, personnellement, ont gêné la lecture. Ce livre n'aurait pas dû sortir en l'état.

Il y a aussi une vidéo de Gilets jaunes sur Müntzer, qui, au-delà des limites politiques, montre peut-être un regain d'intérêt historique.

Il y a un film de 1956 est-allemand disponible sur YT : https://www.youtube.com/watch?v=ebBC6A8CsJU. Je ne sais pas ce que cela vaut.

Pas lus non plus :
    Georges Bischoff, La guerre des paysans en Alsace
    Gautier Heuman, La guerre des paysans d'Alsace et de Moselle

A noter que le Land de Thuringe organisera des expositions pour les 500 ans avec un site dédié avec des textes de présentation, traduits en français, que je n'ai pas encore lus non plus.

Pour finir, deux BD, La guerre des paysans de Eric Libergé et Gérard Mordillat. Je ne sais pas ce que cela donne, mais c'est Mordillat...

Et surtout, une magnifique BD, La passion des Anabaptistes, trois tomes regroupés en intégrale, retraçant le parcours de trois dirigeants des révoltes paysannes : Joss Fritz du Bundschuh, Thomas Muntzer et Jean de Leyde (sursaut avant déchéance à Munstzer). Une BD aux dessins superbes, sombres, dont certains portraits font gravure et qui met en parallèle la vie de Luther et celles de ces dirigeants plus ou moins révolutionnaires. Malgré la fin que l'on sait tragique, on regrette un côté trop sombre et où les paysans apparaissent surtout comme masse de manœuvre sans montrer ce que l'on pourrait imaginer de l'effet libérateur de la révolte.

Omnia sunt communia.
Zorglub
 
Message(s) : 1159
Inscription : 27 Fév 2009, 01:26

Re: 1525, le Soulèvement de l'homme ordinaire

Message par Zorglub » 16 Fév 2024, 22:28

Petite remontée de fil pour préciser que le livre de Pianzola, Thomas Muntzer ou la guerre des paysans est en poche chez Héros-Limite à 12€. Un tarif bien plus raisonnable que L'effondrement de Nossack chez le même éditeur et dont j'avais parlé sur le forum.
Zorglub
 
Message(s) : 1159
Inscription : 27 Fév 2009, 01:26

Re: 1525, le Soulèvement de l'homme ordinaire

Message par Zorglub » 05 Nov 2024, 21:53

Je suis tombé sur une chanson Wir sind des Geyers schwarzer Haufen à la gloire de Florian Geyer, l'un des rares nobles à être resté fidèle aux paysans insurgés.
Nous sommes les troupes noires de Geyer, heia hoho!
Et nous luttons contre la tyrannie, heia hoho!

Refrain : Pointez vos lances, Allez en avant!
Mettez le feu au toit de l'abbaye

Notre père qui êtes aux cieux, nous vous demandons, kyrieleis,
De pouvoir tuer les prêtres

Et nous sommes conduits par Florian Geyer, hors-la-loi et excommuniés,
Il se bat avec nous, et il a une armure et un casque,

Quand Adam bêchait et qu'Eve filait, kyrieleis
Où était alors le noble? kyrieleis

Les fils des nobles, heia hoho,
Nous les enverrons en enfer, heia hoho,

Les filles des nobles, heia hoho,
Devraient être aujourd'hui nos maîtresses, heia hoho,

Maintenant, plus de château d'abbaye ou de seigneur, heia hoho,
Nous n'appliquons plus que les Saintes Écritures, heia hoho.

L'empire et l'empereur ne nous écoutent pas, heia hoho,
Nous ne croyons que le Tribunal, heia hoho,

Une loi que nous voulons, heia hoho,
Est l'égalité des princes et des fermiers, heia hoho,

Nous voulons qu'il n'y ait plus un serviteur, heia hoho,
Esclave, serf sans droit, heia hohho

Dans le vignoble, il y a le feu et la puanteur, heia hoho,
Certains ont même été tués, heia hoho,

Ils nous ont donné la bastonnade, heia hoho,
Et nous ont affamés, heia hoho,

Battus, nous rentrons à la maison, heia hoho,
Nos petits-enfants se battront mieux, heia hoho.


On y retrouve le proverbe : « Quand Adam bêchait et qu'Eve filait, où était alors le noble? »
Ici dans une gravure de William Morris :
Image

Attribué à John Ball, disciple de Wyclif, lollards, mais une IA me chuchote que c'est plus ancien, XIIème, et allemand.

L'armée est-allemande fît de ce chant de lutte son hymne et Florian Geyer fût encensé par les nazis. Les salauds ont bien récupéré jusqu'au nom de socialisme pour mieux l'enterrer.
Image


Une version de la chanson, façon alterno-punk par le groupe Die Schnitter.
Zorglub
 
Message(s) : 1159
Inscription : 27 Fév 2009, 01:26

Re: 1525, le Soulèvement de l'homme ordinaire

Message par Zorglub » 04 Jan 2025, 14:12

Nouvelle remontée pour signaler la parution d'un texte de Ludwig Börne, La Guerre des paysans en Allemagne au temps de la Réforme chez Smolny.

La présentation :
Membre de la Jeune Allemagne, mouvement littéraire radical qui a exercé une profonde influence sur la jeunesse allemande cultivée dans les années 1830, rival de Heine et comme lui obligé de s’exiler en France, Ludwig Börne (1786-1837) a été un fin observateur de la vie politique française et un critique passionné de toutes les injustices.

Dans cet article écrit en français pour le Réformateur (1835), il montre comment pour un historien allemand à l’érudition pesante les cruautés commises sur les paysans par les princes du temps de la Réforme et de la grande Guerre des paysans (1525) sont dans l’ordre des choses, alors que le même s’enflamme quand il s’agit de décrire les méfaits des révoltés. Un historien, donc, qui sait discerner ce qui est bon à dire de ce qu’il est préférable de taire, et dont Börne fustige les partis pris.

Présentation de Louis Janover


C'est une brochure de 20 pages, disponible gratuitement mais un prix de 2€ est demandé.
Zorglub
 
Message(s) : 1159
Inscription : 27 Fév 2009, 01:26

Re: 1525, le Soulèvement de l'homme ordinaire

Message par Zorglub » 09 Jan 2025, 21:29

Ce pamphlet est écrit par un romantique allemand en 1835 contre un historien ayant publié un livre sur la Guerre des paysans de 1525 dégoulinant de conformisme et de haine de classe.
Si la forme pamphlet, comme l'auteur, n'en font bien sûr pas une analyse profonde, comme celles d'Engels ou de Ernst Bloch, et même si l'auteur est un romantique révolutionnaire, c'est cinglant mais aussi pertinent.
Ainsi il décrit les conditions politiques et économiques de l'Allemagne d'alors, les paysans pris entre les vautours Saint-Empire, Pape et multitudes de seigneurs.
Cela fait penser au pamphlet, contemporain, d'Eric Vuillard, La Guerre des pauvres.
Extrait :
Au nord de l’Allemagne, de simples paysans sans discipline et sans chefs militaires, mais soutenus par l’amour de la patrie et guidés par leurs bravoure avaient repoussé l’invasion du roi de Danemark et défait son armée bien disciplinée et formidable. Au midi, les pâtres de la Suisse continuaient avec le plus heureux succès d’étendre et d’affermir leur liberté, et ils vainquirent les plus puissants souverains de leur temps. Tout cela devait faire sortir les paysans allemands de leur léthargie séculaire, et les remplir de tristesse et d’envie. Mais l’espérance leur vint en même temps. Les savants et les fous qui vivaient alors aux cours des rois avaient démontré à leurs maîtres qu’un cheval était un animal récalcitrant, que l’homme était d’une espèce plus docile et plus propre à l’obéissance passive, cette âme de la guerre et de la domination : ils leur avaient donc conseillé de mettre une portion du peuple en uniforme, pour l’opposer d’un côté au peuple en haillons, de l’autre à l’aristocratie centaure. Cette doctrine sourit aux princes, et pour s’affranchir des services impérieux que leurs vassaux leur prêtaient dans leurs guerres, ils introduisirent de l’Infanterie dans leurs armées, sous le nom de lansquenets. Cette institution des lansquenets, qu’on recrutait parmi les paysans, éveilla dans cette malheureuse classe de nouvelles idées et de nouveaux sentiments ; ils commencèrent à se croire des hommes, à comprendre que la force était de leur côté, qu’ils n’étaient pas créés seulement pour être volés et assassinés, mais qu’ils avaient autant que les plus grands seigneurs tous les talents requis pour être voleurs et assassins à leur tour ; enfin ils sentirent qu’ils valaient quelque chose, et cela releva leur courage, abattu par de longs siècles d’esclavage et de misère.
Zorglub
 
Message(s) : 1159
Inscription : 27 Fév 2009, 01:26

Re: 1525, le Soulèvement de l'homme ordinaire

Message par Zorglub » 09 Jan 2025, 21:33

Et c'est l'année du demi-millénaire.

L’auteur, en parlant des prestations féodales sans nombre auxquelles les paysans étaient assujettis, fait la remarque qu’en ceci l’essentiel n’était pas dans la grande variété de ces prestations onéreuses, tant personnelles que réelles, ni dans la nature réputée avilissante et honteuse de certaines prestations personnelles, comme l’obligation de battre les étangs durant la nuit, pour empêcher les grenouilles de troubler le sommeil du seigneur du château, comme l’octroi que les seigneurs avaient établi à la porte de toute chambre nuptiale, mais que l’inconvenance était dans la tension trop forte des cordes… Voilà un échantillon du langage circonspect d’un professeur de Leipzig, qui, sans danger, ne pourrait oublier qu’en Saxe une grande partie de ces abus du Moyen Âge existent encore aujourd’hui dans toute leur vigueur ! Cependant on ne doit pas croire que M. Wachsmuth taise les injustices et les cruautés dont les princes allemands s’étaient rendus coupables envers leurs sujets ; nullement : mais quand il en fait mention, ce n’est que par vanité d’auteur. Il aurait honte de se rendre suspect d’ignorance ; il craint ces reproches d’une critique rigoureuse ou malveillante, de n’avoir pas connu tous les faits et documents de l’histoire du seizième siècle, et de n’être qu’un historien élégant et superficiel, qui n’a pas puisé dans les sources. Ainsi l’auteur parle encore des excès des princes commis envers les paysans, mais il en parle comme d’un événement qui est dans l’ordre des choses ; il ne les blâme pas ou ne les blâme que poliment. En un mot, il raconte les méfaits des grands avec le sang-froid et l’impartialité d’un historien postérieur de trois siècles aux événements ; tandis qu’il raconte les méfaits des paysans avec toute la chaleur et la partialité d’un adversaire contemporain.
Zorglub
 
Message(s) : 1159
Inscription : 27 Fév 2009, 01:26


Retour vers Livres, films, musique, télévision, peinture, théâtre...

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 1 invité