Preobrajensky / Anarchisme et communisme

Preobrajensky / Anarchisme et communisme

Message par Zorglub » 22 Nov 2025, 00:00

C'est la première fois qu'il est publié en français, traduit de l'espagnol. Je ne sais si c'est la cause de quelques tournures maladroites ou floues. C'est à l'initiative de la branche belge moréniste.
La préface présente quelques formulations typiques d'orgas de gauche, du FMI en cache-sexe de l'impérialisme,p.ex. Cette préface date de 2022, peu après le début de la guerre en Ukraine.
L'invasion sanglante de l'Ukraine par V. Poutine, montre la barbarie engendrée par le maintien de ce système capitaliste. Mais la résistance héroïque de la population ukrainienne qui se bat pour sa souveraineté montre, encore une fois, que les masses peuvent imposer des défaites, même à une des plus puissantes armées de la planète.

« Résistance » qui n'ira pas jusqu'à échapper au contrôle du gouvernement et des oligarques ukrainiens.
On aura quand même des citations d'Engels et Trotsky à propos de l'Etat.

S'en suit, un avant-propos d'Alan Woods sur la vie de Preobrajensky et sa fin tragique.

C'est en 1921, début de la NEP, apaisement de la guerre civile, que le co-auteur de L'ABC du communisme, écrit ce texte.
Preobrajensky montre de manière pédagogique, parfois simplifiée voire simpliste, ce qu'est le communisme par rapport à l'anarchisme. Leur tabou de l'Etat jusqu'au ridicule, leur essentialisation petit-bourgeoise, boutiquière, de la liberté, du « pouvoir », socle commun derrière les mots et la variété des courants libertaires. Il explique le succès de l'anarchisme dans les rangs artisans, le lumpen, les koulaks ou dans les moments de reflux avant et pendant la révolution.
La clarté des arguments de Preobrajensky et des exemples édifiants montrent l'aboutissement des positions des anars. L'auteur explique la révolte makhnoviste, évoque Cronstadt (mars 21) .

Le succès de la révolution et l'avènement du premier Etat ouvrier durable confirme l'efficacité de la politique bolchévique et la pusillanimité anar'. Anars qui verront dans le stalinisme la confirmation de leurs idées dont il ne fallut attendre que quinze ans pour les voir à l'œuvre en Espagne. Ironie de l'histoire, ou pas quand on est trotskyste, le gouvernement Frente popular, doté de quatre ministres anarchistes, et avec les staliniens, démantèlera les milices ouvrières.

Cela fait la transition avec un texte de Parras, militant de la branche espagnole moréniste (PST). L'article évoque la schizophrénie anar durant la révolution espagnole et la clairvoyance de Durruti.

Je reviendrais sur tout cela en citant des extraits.
Zorglub
 
Message(s) : 1336
Inscription : 27 Fév 2009, 01:26

Re: Preobrajensky / Anarchisme et communisme

Message par Gayraud de Mazars » 22 Nov 2025, 06:57

Salut camarade Zorglub,

Zorglub a écrit :L'article évoque la schizophrénie anar durant la révolution espagnole et la clairvoyance de Durruti.


Oui, schizophrénie anarchiste entre une certaine base assez révolutionnaire et ses sommets au pouvoir avec des ministres, les lien complices avec les staliniens, qui ont égorgé le POUM, ses milices, ses dirigeants comme Andréu Nin.

Durruti est tombé avec sa colonne au début de la révolution en Espagne le 20 novembre 1936 à Madrid ! Oui il était clairvoyant, il disait : "Nous ne sommes pas effrayés le moins du monde par les ruines. Nous allons hériter de la terre, cela ne fait pas le moindre doute. La bourgeoisie peut détruire et ruiner son propre monde, avant de quitter la scène de l’histoire. Nous transportons un monde nouveau, ici, dans nos cœurs. Ce monde grandit maintenant."

Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
Avatar de l’utilisateur
Gayraud de Mazars
 
Message(s) : 2894
Inscription : 23 Avr 2014, 12:18

Re: Preobrajensky / Anarchisme et communisme

Message par pouchtaxi » 22 Nov 2025, 23:40

Le supplément rédigé par Parras et placé en fin d'ouvrage contient des citations d'une interview de Durruti par un journaliste canadien dont le nom n'est pas donné. On la trouve aussi dans la biographie de Durruti par Abel Paz : Durruti en la revolución española.

Il s'agit de Pierre Van Paassen du Toronto star qui rencontra Durruti en juillet 1936, l'interview fut publiée en août de la même année.

Une version anglaise ici :https://share.google/4P1Ue139tUVGNoKSE

Extraits traduits du livre d'Abel Paz:

Durruti : Tous les travailleurs d'Espagne savent que si la fascisme triomphe, la faim et l'esclavage suivront. Mais les fascistes savent aussi ce qui les attend s'ils perdent.[...] Nous sommes déterminés à en finir une fois pour toutes [avec le fascisme], […] et ce malgré le gouvernement.

Van Paassen : Pourquoi dites-vous "malgré le gouvernement" ? Ce gouvernement ne combat-il pas la rébellion fasciste ?

Durruti : Aucun gouvernement au monde ne combat le fascisme jusqu'à le supprimer. Lorsque la bourgeoisie voit que le pouvoir lui échappe, elle recourt au fascisme pour maintenir le pouvoir de ses privilèges. Et c'est ce qui se passe en Espagne. Si le gouvernement avait souhaité arrêter les éléments fascistes, il aurait pu le faire depuis longtemps. Au lieu de cela, il a temporisé, fait des compromis et perdu son temps à chercher […] des accords avec eux.[....] Qui sait si le gouvernement n'espère encore utiliser les forces rebelles pour écraser le mouvement révolutionnaire déclenché par les travailleurs.

Van Paassen : Pouvez-vous gagner seuls ? […] Même quand vous gagneriez, vous hériterez quantité de ruines.

Durruti : Nous avons toujours vécu dans la misère, nous nous en accomoderons un certain temps. N'oubliez pas que les ouvriers sont les seuls producteurs de richesse (*). C'est nous, les ouvriers qui faisons marcher les machines, qui extrayons le charbon, les minerais, qui construisons les villes.......


Durruti meurt le 20 novembre 1936, le 4 novembre, 4 de ses camarades de la CNT entraient au gouvernement central de la République......

(*) Pardonnons à Durruti de ne pas avoir lu les Gloses marginales au programme du parti ouvrier. La version anglaise dont j'ai donné le lien ne reprend pas cette phrase. D'ailleurs Abel Paz indique que sa version en castillan est une traduction de la version anglaise du journaliste. Je ne sais pas si le lien plus haut renvoie à une copie fidèle de l'article original.
pouchtaxi
 
Message(s) : 303
Inscription : 08 Mai 2006, 18:19

Re: Preobrajensky / Anarchisme et communisme

Message par com_71 » 23 Nov 2025, 07:49

L'interview de Durruti est paraît-il un fake (cf. les liens).
La politique bourgeoise de la direction anarchiste en Espagne est, elle, bien avérée.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 6516
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: Preobrajensky / Anarchisme et communisme

Message par pouchtaxi » 23 Nov 2025, 09:24

L'authenticité de l'interview est aussi compliquée que les récits et causes de la mort de Durruti. En tous les cas elle est reprise intégralement par Abel Paz qui explique quelque part que certains éditeurs auraient refusé de publier son livre. Entre Abel Paz et des auteurs que je ne connais pas......

Et puis les extraits donnés sont assez caractéristiques de la situation politique.

Existent sans doute des archives de ce journal qu'on pourrait vérifier.....
pouchtaxi
 
Message(s) : 303
Inscription : 08 Mai 2006, 18:19

Re: Preobrajensky / Anarchisme et communisme

Message par Zorglub » 23 Nov 2025, 09:55

Tant qu'on y est, je continue sur le texte de Parras. Je reviendrais à Preobrajensky ensuite.

En 1935, Durruti, alors en prison, s'oppose à l'industrie du hold-up anar, disant : « le banditisme, non, l'expropriation collective, oui », cela lui vaudra d'être jugé par la CNT à sa sortie de prison...

Durruti est taxé d'anarcho-bolchévik par les autres anars.
Le 1er mai 36, au 4ème congrès de la CNT, les polémiques sont au fond :
... la question du pouvoir révolutionnaire, un tabou qui, n'étant pas attaqué directement, contribue à entretenir les malentendus, car bien que ces polémiques n'étaient pas néfastes pour le moment, elles le seront dès que les évènements mettront la CNT-FAI face à la réalité révolutionnaire.


Cité par Abel Paz, la CNT, maître de la situation, écoute le gouverneur de la Généralité catalane, Companys... qu'ils laisseront en place. Garcia Oliver, futur ministre, s'en félicite. Et Abad de Santillan :
Nous aurions pu faire cavalier seul, imposer notre volonté absolue, déclarer la Generalitat défunte et mettre à sa place un véritable pouvoir du peuple. Mais nous ne croyions pas à la dictature quand elle s'exerçait contre nous et nous n'en voulions pas quand nous pouvions l'exercer nous-mêmes aux dépens des autres. La Generalitat devait rester à sa place avec le président Companys à sa tête.


A la mort de Durrti, sur son cercueil péroreront un représentant bourgeois, Companys, toujours président catalan, un stalinien, le consul Antonov-Ovseenko et un bureaucrate de la CNT, Garcia Oliver.
Après sa mort et après le groupe Nosostros, le groupe Les Amis de Durruti tenta de perpétuer sa position. A plusieurs reprises la direction de la CNT demandera leur exclusion pour marxisme.
Zorglub
 
Message(s) : 1336
Inscription : 27 Fév 2009, 01:26

Re: Preobrajensky / Anarchisme et communisme

Message par Plestin » 23 Nov 2025, 14:44

Je viens de lire un bouquin acheté à la fête de Paris, "En finir avec les patrons - Les collectivisations de 1936 en Espagne" de Victor Alba, qui a été militant du POUM et est décédé en 2003.

Au-delà du point de vue de l'auteur sur différents sujets, parfois très discutable (il s'est éloigné de ses anciennes idées tout en continuant à se revendiquer d'une forme de marxisme), le principal intérêt de ce livre est de montrer le déroulement du phénomène des collectivisations dans toutes sortes d'entreprises en 1936. Apparu selon lui sur le terreau du travail effectué depuis de nombreuses années par les militants syndicalistes anarchistes pour en populariser l'idée, le vrai moteur en a surtout été la recherche d'une réponse concrète trouvée par les travailleurs à la question de comment se verser une paye quand les patrons ont pris la fuite !

C'est le début d'une "épidémie" de collectivisations, qui se produit essentiellement dans les entreprises dont les patrons ont fui (et pas dans les autres) suite à la réaction des travailleurs qui s'arment en réponse au soulèvement de Franco.

Les anarchistes ont soutenu ces collectivisations (sortes de coopératives mises en place avec la participation de tous les travailleurs qui le souhaitaient et qui étaient tous donc devenus "un peu" propriétaires de l'entreprise et se posaient le problème de comment la faire fonctionner, comment trouver des matières premières, un débouché, quelles relations établir entre les différentes entreprises...)

Le POUM, d'abord prudent face au risque de "capitalisme syndical" qui était en l'état une nouvelle forme de propriété plus collective mais pas vraiment une socialisation, s'est finalement rallié à ce modèle comme pouvant devenir une vraie voie de transition vers la socialisation des moyens de production.

Au contraire, la branche catalane du PC espagnol s'y est vivement opposée et n'a eu de cesse de tenter de torpiller le mouvement des collectivisations (et le PC mènera une propagande systématique auprès de la petite-bourgeoisie des commerçants et artisans contre les collectivisations, parées de tous les maux et à grand renfort de mensonges, insultes et calomnies, cherchant y compris à les mobiliser contre les entreprises collectivisées).

Aussi, quand il est question de désaccords entre Durutti et d'autres anarchistes sur un sujet comme "l'expropriation collective", je pose juste la question : de quelles positions parle-t-on en réalité pour les uns et les autres ?
Plestin
 
Message(s) : 2401
Inscription : 28 Sep 2015, 17:10

Re: Preobrajensky / Anarchisme et communisme

Message par Zorglub » 23 Nov 2025, 21:04

Il n'y a guère de précision dans le texte de Parras à ce propos.

On oubliera comme expropriation le banditisme qu'évoque Durruti. il rejoint en cela Trotsky dans Un paradis pour ce monde, une conférence évoquant, lors de questions réponses, le banditisme de certains anars.

Mais le texte de Preobrajensky montre bien la morale de boutiquiers de nombre d'anars avec des exemples parlants.

L'auteur résume les trois courants anar' en Russie : une minorité soutenant le gouvernement soviétique qui lutte contre les polices et le capital international. L'opposé, ceux contre tous les pouvoirs, y compris soviétiques. Et la majorité, oscillant entre ces deux positions au gré des circonstances et de leurs lubies.

Ceux contre tous les pouvoirs disent donc « A bas le gouvernement soviétique ! »... tout comme la bourgeoisie internationale. Si pour les premiers, c'est « gouvernement » le mot principal, pour les seconds c'est « soviétique ». Ainsi, ils se rejoignent pratiquement, parfois armes à la main.

Mais tous ont ce point commun, constitutif, d'une socialisation de clocher, d'un fédéralisme en circuit court, pour parler d'une marotte contemporaine.
Ainsi, comme le souligne Plestin, selon les anars, les entreprises doivent être des entreprises-communes, avec une propriété collective seulement... à l'échelle de la boîte. Les capitalistes ont depuis longtemps dépassé ce stade avec l'actionnariat et les coopératives, p.ex. Alors que les anars n'ont pas dépassé le proudhonisme mais l'ont seulement étendu, des artisans et manufactures aux usines concentrées. Ils se font alors les portes-paroles de la petite-bourgeoisie dans la classe ouvrière.

Mais ce qui permet la pérennité d'un système économique, c'est qu'il apporte un plus grand développement des forces productives et techniques. Ce n'est pas sa « justesse », son « égalitarisme ». Cela ne tient pas face à la puissance de l'impérialisme.

Egalitarisme tout relatif, car :
... l'anarchisme pense laisser la société sans direction, tout comme sous le capitalisme, et voit dans la régulation consciente de la production une atteinte à la liberté de la personnalité du producteur. Cette crainte est entièrement basée sur la perspective du patron petit-bourgeois.


L'anarchisme aboutira dans la pratique à un capitalisme sans capitalistes, et chaque entreprise possédera cent ou mille propriétaires au lieu d'un, mais elle n'appartiendra pas à toute la classe ouvrière du pays.


Les entreprises-communes sont pire que l'équilibrage capitaliste. Les capitaux peuvent se déplacer entre branches, avec les anars, les entreprises ayant une position stratégique pourront en user sans qu'il y ait de possibilité non centrale d'y remédier.

Preobrajensky parle de la mine de Tcheremkhov en 1918. Les anars y étaient majoritaires et la mine, de charbon, était indispensable au transport sibérien. Ces crétins en ont profité pour demander des tarifs très élevés. Des salaires cinq fois supérieurs au reste de la Sibérie et cela ne leur posait pas de problème !
Tout d'abord, ils ont immédiatement transformé les mines en une « commune » indépendante, menaçant de faire sauter la mine si le pouvoir ouvrier tentait de la socialiser.
[...] Et les anarchistes s'indignent de la détermination de leurs élèves qui, dans la pratique, ont appliqué leur programme ; ils accusent les ouvriers de ce qui est la faute de l'anarchisme !


En son temps, Kropotkine a beaucoup écrit sur le fait que, déjà à l'époque capitaliste, des liens scientifico-économiques sont établis entre des parties isolées qui n'ont rien à voir avec l'administration centralisée ; par exemple, le courrier international, le télégraphe, le transport des passagers [...] (à l'international), les centres scientifiques, etc. De cette façon, l'économie anarchiste se convertit ouvertement en relations capitalistes. L'histoire s'est violemment moqué de Kropotkine. La guerre mondiale a brisé tous ces ténus liens, et Kropotkine lui-même, John Grave et d'autres anarchistes de premier plan se rangent du côté d'une des bandes capitalistes en guerre.

La dernière phrase fait référence au ralliement de Kropotkine au camp allié. Goldman le taxera d' « anarchiste de gouvernement ». Puis il soutiendra le gouvernement Kerensky, qui lui proposa un poste de ministre qu'il refusa.

La suite arrive.
Zorglub
 
Message(s) : 1336
Inscription : 27 Fév 2009, 01:26

Re: Preobrajensky / Anarchisme et communisme

Message par satanas 1 » 23 Nov 2025, 23:16

Encore une page passionnante .....
satanas 1
 
Message(s) : 127
Inscription : 25 Oct 2013, 22:54


Retour vers Livres, films, musique, télévision, peinture, théâtre...

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 46 invité(s)