par Ottokar » 16 Août 2023, 08:58
Sans souscrire à cette réédition (Soukhanov m'a suffi), j'ai récupéré et lu les deux premiers tomes, qui avaient été publiés en 1967 je crois (demander à Artza quand il sera remonté de sa cave). Disons que ce n'est pas très facile à lire, car ce sont des textes publiés au moment même en 1922), et il manque beaucoup de références au lecteur d'aujourd'hui. Nous, si on parle de l'insurrection de Varsovie, du massacre d'Oradour ou des pendus de Tulle, on sait situer à peu près la date et le lieu, mais là, on se perd dans les noms de lieux et les acteurs. Par exemple, qui savait qu'un certain Vasietis avait été le premier chef de l'armée rouge dans toute l'année 18 ? Même sur Wikipédia il n'y a pas grand chose, à part qu'il est mort dans les purges de 38, bien entendu. On ne sait pas quand il a été nommé, jusqu'à quand, qui lui a succédé, ou même quand Trotsky est passé des affaires étrangères à l'armée, etc. Même avec Wikipédia, j'ai eu du mal à situer les fronts, les évènements, alors qu'on a une série de lettres, d'articles, de discours de Trotsky qui font référence à ces derniers. Plus les inévitables répétitions... Bon, on va supposer que pour 156 euros, cette édition pallie ces défauts.
Sur le fond, on voit quand même comment se traitent les différents problèmes. D'abord la débandade de l'armée tsariste, et la faiblesse des premiers ennemis de la révolution, que les gardes rouges arrivent à repousser. Puis la nécessité, à partir de mars 18 et Brest-Litovsk, de reconstruire totalement l'armée, sur des bases différentes. Et les difficultés pour passer de "l'esprit partisan" à l'esprit militaire, ne serait-ce que l'obéissance aux ordres sans discussion, la fin de l'élection des officiers et commandants. Plus le recours aux cadres professionnels de l'ancienne armée, avec la surveillance des commissaires. Et les discussions qu'on sent difficiles dans le parti et les soviets, encore vivants en cette année 18.
Puis le premier assaut repoussé et la situation rétablie à l'été et l'automne 18, il y a un répit et ce sont les problèmes de la formation de nouveaux cadres militaires, à partir des soldats et surtout des sous-officiers révolutionnaires, car issus de milieux populaires alors que la plupart des officiers, nobles ou bourgeois, sont restés blancs. Et sans prévenir, on sent qu'en 19, on est passés à autre chose, à l'urgence de résister alors que le front est enfoncé, et se rapproche de Moscou, que tout le monde pense que Pétrograd peut tomber. On sent la tension extrême, les réquisitions, la conscription, la menace de la peine de mort sans arrêt, appliquée parfois (mais s'ils avaient été battus, cela aurait été la peine de mort et les massacres et pogroms à l'échelle de toute la Russie), mais aussi la politique vis-à-vis des populations ou des soldats des armées ennemies, et le retournement, encore une fois.
Ces deux premiers tomes s'arrêtent au début de l'année 20, qui voit la situation s'améliorer, avec le recul de Koltchack en Sibérie, de Ioudenich devant Petrograd, la reprise d'une grande partie du sud (l'Oural) même si les combats continuent encore en Ukraine, à la lisère de la Pologne, voire des états baltes (les frontières sont mouvantes).
Cela fait déjà 700 pages... mais j'en ai sauté un peu (pas beaucoup en fait) ou lu en diagonale certaines pages (pas tant que cela non plus). Je ne regrette pas, faut bien occuper ses vacances, c'est intéressant mais je déconseille aux néophytes. Quand ceux qui ont souscrit auront lu la nouvelle édition, ils pourront nous faire part de leurs impressions.