Une femme chrétienne écrit à son mari-amant dont elle est séparée...
a écrit :Mais ces plaisirs des amants auxquels nous nous sommes livrés ensemble m'ont été à ce point doux qu'ils ne sauraient ni me déplaire ni disparaître avec peine de ma mémoire.
De quelque côté que je me tourne, ils s'imposent toujours à mes yeux avec les désirs qui les accompagnent, et ils n'épargnent même pas mon sommeil de leurs images trompeuses. Au milieu des solennités mêmes de la messe, lorsque la prière doit être plus pure, les représentations obscènes de ces voluptés s'emparent totalement de ma très pauvre âme, au point que je suis plus occupée de leurs turpitudes que de la prière ; alors que je devrais gémir des fautes que j'ai commises, je soupire plutôt après les plaisirs perdus.
Et non seulement les actes que nous avons faits mais aussi les lieux et les moments où nous les avons faits ensemble sont à ce point gravés dans notre cœur avec toi, que je les refais tous avec toi dans ces circonstances mêmes et que, même dans mon sommeil, je ne peux m'en reposer. Souvent aussi, les pensées de mon cœur se laissent trahir aux mouvements mêmes de mon corps, et elles ne se gardent pas des mots qui m'échappent.
[...]
Ils me proclament chaste, c'est qu'ils ne voient pas mon hypocrisie ; on rapporte à la vertu la pureté de la chair, alors que la vertu n'est pas le propre du corps, mais du cœur ; recevant quelque louange auprès des hommes, je n'en mérite aucune auprès de Dieu, lui qui est celui qui éprouve le cœur et les reins et qui voit dans ce qui est caché. On me juge pieuse à une époque où, par ailleurs, l'hypocrisie n'a pas peu de part dans la piété, où il est porté par les plus grandes louanges celui qui n'offense pas le jugement humain.