M.Eastman : Depuis la mort de Lénine

Re: M.Eastman : Depuis la mort de Lénine

Message par Cyrano » 07 Juin 2021, 14:28

Dans son Staline inachevé, Trotsky parle une première fois de Bajanov au sujet de la révélation du Testament de Lénine:
Après ce qui s'était passé durant les mois précédents, le «Testament» ne pouvait être une surprise pour Staline. Il le ressentit néanmoins comme un coup cruel. Quand il lut le texte pour la première fois ‑ Kroupskaïa le lui avait transmis pour le congrès du Parti qui allait se réunir – en présence de son secrétaire, Mekhlis, plus tard chef politique de l'Armée rouge, et du dirigeant soviétique Syrtsov, qui a depuis disparu de la scène, il éclata en exclamations grossières et vulgaires qui donnaient la mesure de ses vrais sentiments à l'égard de son «maître».
Bajanov, un autre ex‑secrétaire de Staline, a décrit la séance du Comité central à laquelle Kamenev lut le «Testament» :
« Une gêne terrible paralysa tous ceux qui étaient présents. Staline, assis sur les marches de la tribune, se sentait petit et misérable. Je l'examinai attentivement ; malgré son sang‑froid et son affectation de calme, il était évident qu'il sentait que son destin était en jeu... »
Radek, assis près de moi à cette séance mémorable, se pencha vers moi et dit : « Maintenant, ils n'oseront plus rien contre vous. » Il songeait à deux passages du Testament : l'un qui me caractérisait comme « l'homme le plus capable du présent Comité central », et l'autre qui demandait l'éloignement de Staline de son poste de secrétaire à cause de sa grossièreté, de sa déloyauté et de sa tendance à abuser du pouvoir. Je répondis à Radek : « Au contraire, ils voudront maintenant aller jusqu'au bout et aussi rapidement que possible. » En fait, non seulement le Testament ne réussit pas à mettre fin à la lutte intérieure – ce qu'avait voulu Lénine, ‑ mais il l'intensifia au suprême degré. Staline ne pouvait plus douter que le retour de Lénine à l'activité signifierait la mort politique du secrétaire général. Et inversement, seule la mort de Lénine pouvait laisser la voie libre pour Staline.


Trotsky reparle de Bajanov quelques pages plus loin. Frounzé, opposé à Staline, était mort à l'hôpital en 1925 dans des circonstances troubles. Trotsky avoue qu'en 1930, imaginer l'assassinat pur et simple d'un opposant lui semblait plutôt un exercice d'imagination gratuit, mais après les procès de Moscou… Trotsky écrit:
En avril 1925, je fus relevé du poste de commissaire à la Guerre. Mon successeur, Frounzé, était un vieux révolutionnaire qui avait passé de nombreuses années aux travaux forcés en Sibérie. Il n'était pas destiné à occuper longtemps ce poste, seulement sept mois. En novembre 1925, il mourut sous le bistouri d'un chirurgien. […] L'opposition du nouveau commissaire à la Guerre était pleine d'énormes risques pour le dictateur. Vorochilov, docile et d'esprit borné, lui semblait devoir être un instrument bien plus sûr. Des rumeurs se répandirent dans le Parti que la disparition de Frounzé était nécessaire à Staline : d'où sa mort soudaine. […]
Il est difficile de dire ce qui se passa exactement, mais le fait même de la suspicion est significatif. Il montre qu'à la fin de 1925 le pouvoir de Staline était déjà si grand qu'il pouvait compter sur un groupe de médecins dociles disposant de chloroforme et d'un bistouri de chirurgien. Pourtant, à cette époque, à peine un Russe sur cent connaissait son nom.
Au sujet de mon exil en Turquie, en février 1929, Bajanov écrivait :
« Ce n'est qu'une demi-mesure, je ne reconnais pas mon Staline... Nous avons fait un certain progrès depuis les jours de César Borgia. Alors on versait adroitement une poudre active dans une coupe de vin de Falerne, ou bien l'ennemi mourait après avoir mordu dans une pomme. Les méthodes présentes sont inspirées par les tout derniers achèvements de la science. Des bacilles de Koch mélangés à des aliments et systématiquement administrés provoqueront graduellement une phtisie galopante et une mort soudaine... Je ne vois pas clairement... pourquoi Staline n'a pas suivi cette méthode, qui est tellement dans ses habitudes et son caractère. »
En 1930, quand le livre de Bajanov parut, je le considérais comme un simple exercice littéraire. Après les procès de Moscou, je le pris plus sérieusement. Qui avait inspiré au jeune homme de pareilles spéculations ? Quelle était la source de tout cela ? Bajanov a été formée dans l'antichambre de Staline, où la question des bacilles de Koch et les méthodes d'empoisonnement des Borgia étaient évidemment discutées dès avant 1926, année où Bajanov quitta le secrétariat de Staline. Deux ans plus tard, il passait à l'étranger et devint par la suite un émigré réactionnaire.

Voici le passage entier d'où est extrait le texte de Bajanov cité par Trotsky:
Le «merveilleux Géorgien» ne s'embarrasse guère de morale. Sans doute, pour se débarrasser de Trotsky, il ne lui fera pas trancher publiquement la tête. Il sait que l'usage de la guillotine est contagieux comme la grippe. Il préfère agir en douceur, sans trop attirer l'attention.
Trotsky fut d'abord déporté dans une région perdue de l'Asie Centrale. C'était pour Staline une combinaison intéressante. Trotsky, en tête à tête avec sa plaie à l'estomac, était relégué dans un coin affreux. Les chances étaient grandes qu'il mourût. Mais il survécut. Il fallut l'exiler. Staline l'exila dans un pays où il peut facilement tomber sous les coups des ennemis du communisme ou des agents du Guépéou.
[le texte de la citation de Trotsky commence ici]
Toutefois, ce n'est qu'une demi-mesure. Je ne reconnais pas mon Staline.
S'il restait fidèle à ses méthodes, il agirait dans cette affaire avec plus de finesse. Par exemple, faisant un beau geste, il se réconcilierait avec Trotsky et lui offrirait un portefeuille... le ministère le plus insignifiant qu'il trouverait à Moscou. Au surplus, nous avons fait quelques progrès depuis César Borgia. Alors, on jetait une poudre expéditive dans une coupe de Falerne, ou bien l'ennemi périssait en mordant dans la chair dorée d'une pomme. Maintenant, les procédés s'inspirent des dernières conquêtes de la science. Une culture de bacilles de Koch mêlée systématiquement et petit à petit à la nourriture détermine une phtisie galopante et une mort rapide, sans que personne n'ait le moindre droit d'accuser un garçon de restaurant d'avoir envoyé ad patres un ennemi. […]
On ne voit pas, en somme, pourquoi Staline n'a pas suivi cette méthode, tellement dans ses habitudes et dans son caractère...
[fin de la citation choisie par Trotsky. Bajavo poursuivait:]
Mais il est, après tout, fort possible que Staline trouve un avantage à voir mourir Trotsky, non en U.R.S.S. mais à l'étranger.
Cyrano
 
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Re: M.Eastman : Depuis la mort de Lénine

Message par Cyrano » 07 Juin 2021, 14:33

The end. Y'a plus rien à scanner.
Post-scriptum pour Plestin: y'a un merle avec un plastron blanc qui zone dans mon quartier. Il est souvent sur le toit voisin. Donc, ça ne serait pas un merle, mais une grive? Un merle à collier blanc? Jamais vu ça dans mon coin.
Cyrano
 
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Re: M.Eastman : Depuis la mort de Lénine

Message par Plestin » 07 Juin 2021, 18:40

Cyrano a écrit :Post-scriptum pour Plestin: y'a un merle avec un plastron blanc qui zone dans mon quartier. Il est souvent sur le toit voisin. Donc, ça ne serait pas un merle, mais une grive? Un merle à collier blanc? Jamais vu ça dans mon coin.


Probablement un merle à plastron qui fait une petite pause dans le Berry, lors de sa remontée d'Afrique du Nord vers l'Europe du Nord. Tu peux vérifier avec le post du 20 juillet 2020 sur les Turdidés, s'il s'agit bien de cet oiseau. En France il n'y a que pendant les migrations qu'on le rencontre en plaine, sinon c'est plutôt un oiseau vivant en altitude.
Plestin
 
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