Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleurs

Re: Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleur

Message par Cyrano » 29 Juin 2021, 22:27

Bon, allez, redevenons sérieux...
Revenons aux aborigènes. N'oublions pas que dans le film australien "Eisntein Junior", on voit l'invention des bulles dans la bière.
Et revenons à la hutte des classes, les manifs, bref, ce qu'on aime.
Une manif en 1930, aux Etats-Unis - durant la prohibition - une marche des fiertés des gais buveurs. Faudrait demander à Spark : "Quelle attitude des révolutionnaires devant ce mouvement ?"
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Re: Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleur

Message par artza » 30 Juin 2021, 04:31

La bourgeoisie anglaise interdit l'ouverture des pubs et la vente d'alcool le dimanche.

Une gigantesque manifestation ouvrière se déroula à Londres aux cris de "free beer for the workers".

Marx y participa avec enthousiasme et parla de mouvement politique, "du réveil du prolétariat anglais".

La prohibition fit-elle reculer l'alcoolisme? J'en doute, pas plus qu'elle ne favorisa la diffusion des idées socialistes.
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Re: Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleur

Message par Ottokar » 30 Juin 2021, 15:07

Pour revenir au sujet, il se trouve que j'ai lu le livre et que je l'ai trouvé intéressant. Une version "populaire" est annoncée, elle sera bienvenue car dans cette version universitaire, le livre est un peu difficile à lire. Il discute en effet de façon érudite l'existence de la violence (qui va jusqu'à la guerre), dans les sociétés aborigènes australiennes et se base sur une ample recension de la littérature publiée (350 références) qui permettent à l'auteur d'être reconnu dans la communauté universitaire alors qu'il s'affirme marxiste dès les premières lignes, à rebours de l'opinion dominante.

Si j'ai bien compris sa thèse, la violence serait partout dans ces sociétés de chasseurs cueilleurs, sociétés sans classe et sans "sans accumulation de richesse" pour reprendre sa classification (qui se réfère à Testard). Cette violence prend des formes très organisées : sanctions judiciaires allant jusqu'à la mise à mort, vendetta, individuelles ou collectives, affrontements collectifs organisés et limités, qu'il s'agisse du nombre de combattants ou de la limitation des combats à un certain degré de blessures. Mais elle prend aussi la forme de combats sans limites, guerres véritables ou raids destructeurs. Les motivations ne sont jamais économiques, mais plutôt de l'ordre du symbolique, du judiciaire. Les conséquences de cette violence en termes de pertes humaines est parfois impressionnant, 330 pour 100 000 pour un auteur, un taux équivalent aux pertes françaises annuelles moyennes lors des 6 années de 39 à 45 (80 à 100 000 morts par an).

Les motivations sont de l'ordre du symbolique : avoir violé telle ou telle règle, être accusé d'être responsable de la mort de certains membres du groupe, de mauvaises chasses, de maladies, etc. Plus profondément, ce serait un mode de survie adapté pour des populations dispersées, loin de tout, pour lesquelles tout élément étranger est a priori un danger.

Dans cet univers où l’étroitesse des moyens économiques déterminait celle de l’horizon et des relations sociales, la croyance universelle en une sorcellerie susceptible d’expliquer tout accident de la vie représentait bien évidemment une conséquence de la peur des inconnus et de l’hostilité qu’ils inspiraient. Comment ces étrangers, ces ennemis, que l’on craignait autant qu’on les détestait, que l’on ne manquait jamais d’occire dès qu’on en avait la possibilité et qui faisaient de même, auraient-ils pu ne pas être les fauteurs de la maladie et de la mort qui nous frappaient ?(Conclusion)


La démonstration est un peu pesante, car l'auteur a visiblement besoin de combattre des opinions arrêtées sur ce point (il ne porte pas Patou-Mathis dans son cœur !). Il sait que l'ethnologie ne peut raisonner qu'à partir de sociétés rencontrées depuis deux siècles, inférant le passé à partir du présent, mais croise avec les sources archéologiques en les discutant.

Les sociétés de chasseurs-cueilleurs mobiles, en effet, sont à la fois celles qui ont pu être observées dans le présent ethnologique – en gros, durant les deux ou trois derniers siècles – et celles, beaucoup plus nombreuses, qui existaient dans un passé plus ou moins lointain et que nous ne pouvons connaître que par l’archéologie. Or, non seulement les informations dont on dispose sur les unes et les autres sont de nature et de qualité très différentes, mais il existe de bonnes raisons de soupçonner que les sociétés de chasseurs-cueilleurs du présent ethnologique renvoient une image passablement déformée de celles qui ont pu exister par le passé.


Pour l'auteur, la communauté universitaire se scinderait entre "colombes" tenants d'une humanité pacifiste avant la propriété privée et "faucons"' = humanité belliqueuse, par nature. Concernant le courant marxiste, il note

Le cas du marxisme mérite une mention spéciale, et pas uniquement parce que c’est de cette tradition de pensée que se réclame l’auteur de ces lignes. Ce courant dont les partisans, de nos jours, se situent résolument du côté du pacifisme primitif, illustre en effet une trajectoire paradoxale. Selon la version aujourd’hui la plus répandue du matérialisme historique, les structures économiquement égalitaires qui caractérisent les plus anciennes sociétés humaines les auraient privées de tout motif sérieux de conflits collectifs. C’est seulement la Révolution néolithique qui, en accroissant la production matérielle et en permettant aux producteurs de dégager un surplus, aurait fait naître la guerre en la rendant économiquement profitable. Or, une telle opinion s’écarte notablement de celle qu’exprimaient sur ce point les premières générations de marxistes.

Et il cite des remarques d'Engels à l'appui de sa thèse
Ce qui était en dehors de la tribu était en dehors du droit. Là où n’existait pas expressément un traité de paix, la guerre régnait de tribu à tribu, et la guerre était menée avec la cruauté qui distingue les hommes des autres animaux et qui fut seulement tempérée plus tard par l’intérêt.... La guerre, autrefois pratiquée seulement pour se venger d’usurpations ou pour étendre un territoire devenu insuffisant, est maintenant [depuis l'apparition des classes] pratiquée en vue du seul pillage et devient une branche permanente d’industrie


CD a donc apparemment besoin de prouver (lourdement) que les aborigènes sont belliqueux. Il s'appuie sur la recension critique des récits, les organise en une base de données, les classe et en fait une statistique. Il regarde aussi les armes et outils utilisés, et mène une brève discussion critique sur les sources archéologiques ou l'explication de l'absence de sources, et ajoute quelques notes brèves sur les formes artistiques. Est-ce un écho des débats universitaires ou celui de ses propres centres d'intérêt, il passe un temps infini à définir ce qu'est et ce que n'est pas la guerre, les formes juridiques des mises à mort ou des blessures, etc.

Si le livre a visiblement suscité l'intérêt de la communauté universitaire (et le mien, malgré tout le mal que j'en dis), il me semble préférable d'attendre la version grand public avant de se jeter dessus.
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Re: Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleur

Message par com_71 » 01 Juil 2021, 22:48

artza a écrit :La bourgeoisie anglaise interdit l'ouverture des pubs et la vente d'alcool le dimanche.
(Pour faire plaisir à l'église, naturellement !)

Une source dûment automatiquement traduite :
https://translate.google.com/translate? ... s-and-beer
Et un article de Marx de 1855 (en anglais) :
https://www.marxists.org/archive/marx/w ... /06/25.htm
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleur

Message par Jacquemart » 06 Mai 2023, 21:45

La nouvelle vient de tomber sur les téléscripteurs et a stupéfié les rédactions du monde entier : sur ce thème, le programme de la fête de LO 2023 annonce une conférence de C.Darmangeat le lundi 29 mai à 10h à l'espace Engels.
https://fete.lutte-ouvriere.org/meetings
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Re: Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleur

Message par Zorglub » 06 Mai 2023, 22:35

J'en serai.
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Re: Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleur

Message par Ottokar » 07 Mai 2023, 08:07

J'ai un peu découragé le lecteur dans ma petite note plus haut, mais c'était davantage une mise en garde sur le côté universitaire et par là, sérieux voire parfois austère de l'ouvrage, malgré les pointes d'humour habituelles de l'auteur. À l'oral, il n'y a pas ces problèmes, on connaît les qualités pédagogiques de Christophe et l'exposé (ainsi que le débat) promet d'être intéressant.
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Re: Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleur

Message par Kéox2 » 07 Mai 2023, 09:39

Je ne vais pas le manquer aussi.
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Re: Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleur

Message par Zorglub » 07 Mai 2023, 10:46

L'auteur nous annonce un prochain livre, le titre, provisoire, est La vengeance et le fétiche, cette fois chez La Découverte.
Ce n'est pas hors sujet. Et que les fans de casquette en cuir et de cravache ne se méprennent pas, ce n'est pas un livre sur le SM. J'ignore totalement et, que cela reste ainsi, les connaissances de l'auteur en cette matière.
Là il s'agit d'un livre sur les affrontements et les guerres.

S'il continue, il va avoir le même rythme que Jean-Jacques Marie. :D
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Re: Sur la justice et la guerre chez des chasseurs-cueilleur

Message par Gayraud de Mazars » 07 Mai 2023, 17:46

Salut camarades,

La guerre et la justice ne sont pas nées des sociétés néolithiques, esclavagistes, féodales ou capitalistes... Les archéologues ont fait de grandes découvertes.

Sur la question des actes de violence attestés depuis le temps des chasseurs - cueilleurs et la guerre, jusqu'à celui des paysans du Néolithique : sujets blessés, exécutions, supplices et massacres, un très bon livre - "Le sentier de la guerre visages de la violence préhistorique", au éditions du Seuil, de Jean Guilaine et Jean Zammit, qui s'appuient sur les dernières découvertes archéologiques.

Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
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