J'ai passé les journées de Juillet (Tome 2), il ne me reste plus "que" 500 pages... chacun jugera pour lui de l'intérêt ou pas de s'envoyer les 2000 pages.
Là où j'en suis, le Soukhanov qui refilait le pouvoir à la bourgeoisie en février s'est radicalisé et réagit contre la droitisation des dirigeants du Soviet. Il pense désormais que le Soviet peut se passer des ministres bourgeois. Il se réunit avec le groupe des "internationalistes" (Martov) et vote parfois avec les bolchéviks. Mais il continue à avoir une vision superficielle des événements. Par exemple, d'une conversation d'un soir avec Lounatcharski, il croit comprendre que dans les journées de Juillet, Lénine avait décidé de prendre le pouvoir, d'instaurer un triumvirat Lénine-Trotsky-Lounatcharsky, et que la chose ne s'est pas faite parce que le régiment sur lequel il comptait s'appuyait avait été retardé... Quand on sait avec quel soin Lénine traite du problème de l'insurrection dans ses articles de septembre-octobre, des éléments sur lesquels il s'appuie pour la décider, du temps qu'il prend pour en convaincre son état-major, du caractère quasi public de la discussion, le faire passer pour un conspirateur deux mois avant est peu crédible.
Comprenant mal les séquences politiques, il minimise la signification de juillet. Il s'étonne et se désole de voir la contre-révolution relever la tête après ces journées. C'est pourtant dans la logique des choses et on assiste à des choses semblables après juin 48 à Paris, janvier 19 à Berlin ou mai 37 à Barcelone : le balancier va vers la droite et ne sera arrêté que par la réaction au coup d'Etat de Kornilov.
Il reproche enfin aux bolchéviks d'avoir proclamé le pouvoir des soviets et instauré en réalité le pouvoir du parti. Il ne comprend pas les impératifs d'une guerre civile, une guerre totale, à mort, qu'il ne faut surtout pas perdre. Il ne voit pas qu'au-delà des votes et débats, la "dictature" des bolchéviks s'appuie sur une mobilisation extraordinaire de la population, bouleverse la vie de tous jusqu'au fin fond des villages. Il reste bloqué sur le côté formel, les partis, les négociations de coulisse, les discussions bref ce qui occupait toute sa vie...
C'est ce brave Soukhanov, quoi !