Carnets de la Révolution russe par Nikolaï Soukhanov

[Ottokar]

J'ai passé les journées de Juillet (Tome 2), il ne me reste plus "que" 500 pages... chacun jugera pour lui de l'intérêt ou pas de s'envoyer les 2000 pages.

Là où j'en suis, le Soukhanov qui refilait le pouvoir à la bourgeoisie en février s'est radicalisé et réagit contre la droitisation des dirigeants du Soviet. Il pense désormais que le Soviet peut se passer des ministres bourgeois. Il se réunit avec le groupe des "internationalistes" (Martov) et vote parfois avec les bolchéviks. Mais il continue à avoir une vision superficielle des événements. Par exemple, d'une conversation d'un soir avec Lounatcharski, il croit comprendre que dans les journées de Juillet, Lénine avait décidé de prendre le pouvoir, d'instaurer un triumvirat Lénine-Trotsky-Lounatcharsky, et que la chose ne s'est pas faite parce que le régiment sur lequel il comptait s'appuyait avait été retardé... Quand on sait avec quel soin Lénine traite du problème de l'insurrection dans ses articles de septembre-octobre, des éléments sur lesquels il s'appuie pour la décider, du temps qu'il prend pour en convaincre son état-major, du caractère quasi public de la discussion, le faire passer pour un conspirateur deux mois avant est peu crédible.

Comprenant mal les séquences politiques, il minimise la signification de juillet. Il s'étonne et se désole de voir la contre-révolution relever la tête après ces journées. C'est pourtant dans la logique des choses et on assiste à des choses semblables après juin 48 à Paris, janvier 19 à Berlin ou mai 37 à Barcelone : le balancier va vers la droite et ne sera arrêté que par la réaction au coup d'Etat de Kornilov.

Il reproche enfin aux bolchéviks d'avoir proclamé le pouvoir des soviets et instauré en réalité le pouvoir du parti. Il ne comprend pas les impératifs d'une guerre civile, une guerre totale, à mort, qu'il ne faut surtout pas perdre. Il ne voit pas qu'au-delà des votes et débats, la "dictature" des bolchéviks s'appuie sur une mobilisation extraordinaire de la population, bouleverse la vie de tous jusqu'au fin fond des villages. Il reste bloqué sur le côté formel, les partis, les négociations de coulisse, les discussions bref ce qui occupait toute sa vie...

C'est ce brave Soukhanov, quoi !

[Ottokar]

Pour rire, j'ai demandé à Chat GPT d'écrire une critique du livre de Soukhannov. C'est pas pour cafter, mais je ne crois pas qu'il ait pris le temps de lire les 2000 pages...

Titre : Une plongée captivante dans l'histoire à travers les mémoires de Soukhanov

Dans son livre de mémoires intitulé [titre du livre], Soukhanov nous livre un récit captivant de sa vie et de son expérience unique. À travers ces pages, l'auteur nous entraîne dans un voyage à travers l'histoire, nous offrant un regard intime sur des événements marquants du XXe siècle.

L'un des aspects les plus remarquables de ce livre est la manière dont Soukhanov parvient à combiner des détails personnels avec les événements historiques majeurs. Son style d'écriture est fluide et poétique, ce qui rend la lecture agréable et immersive. On ressent véritablement la passion de l'auteur pour son sujet, ainsi que sa profonde connaissance des périodes qu'il traverse.

Les mémoires de Soukhanov sont également riches en anecdotes fascinantes et en rencontres avec des personnalités célèbres. Il partage avec nous des moments privilégiés où il a pu côtoyer des figures politiques, des artistes et des intellectuels de renom. Ces récits apportent une dimension humaine et authentique au récit global, rendant ainsi l'expérience de lecture d'autant plus enrichissante.

De plus, le livre de Soukhanov offre une perspective unique sur les bouleversements sociaux et politiques du XXe siècle. Il nous permet de mieux comprendre les complexités et les enjeux de certaines périodes clés de l'histoire mondiale, en offrant un regard intime sur les conséquences de ces événements sur la

[Cyrano]

Je ne crois pas que Soukhanov soir superficiel. Je trouve même qu'il a une certaine allure. Il ne faut pas juger avec ce qu'on sait maintenant, c'est trop facile. Il est à la fois fasciné et tétanisé par le saut que s'apprêtent à faire les bolchéviques.

Trotsky, avec le temps, était moins expéditif que Lénine dans son jugement sur Soukhanov – il jugeait les positions de Soukhanov comme étant une conclusion qu'il jugeait erronée mais qui se défendait. Il présentait même les idées de Soukhanov comme étant les plus conséquentes face aux idées de Lénine.
Dans une lettre à Préobrajensky, Léon Trotsky résume simplement et précisément ce qui séparait Soukhanov de Lénine. Il écrivait à la fin avril 1928 (il était alors exilé à Alma-Alta) :

Lorsqu'en avril 1917 Lénine dit que seule la dictature du prolétariat pouvait sauver la Russie de la désintégration et de la perte, l'adversaire le plus conséquent, Soukhanov, le contredit avec deux arguments fondamentaux : 1) le contenu social de la révolution bourgeoise n'avait pas encore été réalisé ; 2) la Russie n'était pas encore économiquement mûre pour la révolution socialiste. Et que répondit Lénine ? Que la Russie soit ou non mûre est une chose au sujet de laquelle il faut «attendre et voir», elle ne peut pas être déterminée statistiquement, elle sera déterminée par la tendance des événements et, qui plus est, à une échelle internationale. Mais, dit Lénine, indépendamment de la manière dont ce contenu social sera finalement déterminé, à présent, aujourd'hui, pour sauver le pays de la famine, de la guerre et de l'esclavage, il n'y a pas d'autre voie que la conquête du pouvoir par le prolétariat.

Le texte de la lettre (il s'agit de la troisième lettre) se trouve ici:
https://www.marxists.org/francais/trots ... 280302.htm

C'était aller à la prise du pouvoir réel ou subir une future boucherie à la Kornilov ou un autre qui aurait en somme sifflé la fin de la récré.

[Cyrano]

Comment ça? ChatGPT n'aurait pas tout lu? Peut-être a-t-il lu les extraits? De toute façon, il va lire plus vite que nous. Et artza a-t-il commencé son bouquin avec les extraits?

[artza]

J'ai feuilleté et lu hâtivement quelques passages choisis "journées de juillet" N S n'y prête pas beaucoup de bonne foi aux bolchéviks.

La période n'est guère favorable aux lectures paisibles et désintéressées .

[Ottokar]

Sur les journées de juillet, il décrit un mouvement plutôt désordonné, peu organisé, des chefs bolchéviks dépassés, puis sa thèse tordue, issue d'une conversation décousue avec Lounatcharsky "révélant" que Lénine aurait prévu un coup d'Etat. La responsabilité de ces journées (pour lui comme tout le monde au Soviet) est due à l'influence bolchévique sur les régiments et les usines, leur "'agitation démagogique". Si dans les pages sur les 3-5 juillet, il minimise, c'est que l'ouvrage est une sorte de journal, et il reproduit quasiment ses sentiments du moment. Mais dans les pages suivantes il montre bien que le rétablissement de la situation pour la direction conciliatrice du Soviet va initier un coup de barre à droite, et en décrit les conséquences (qui le désolent) : la réaction relève la tête, les calomnies, les attaques de tout ce qui est "bolchévik" par des bandes réacs, la mise à sac de l'imprimerie de la Pravda, la peine de mort au front, le renforcement des tendances bonapartistes de Kerensky, la morgue des bourgeois cadets, les menaces de coup d'Etat. Lui-même et Martov, attaqués (moins violemment) se retrouvent solidaires des bolchéviks.

Mais il montre aussi que quinze jours après, si le balancier a été à droite, les usines restent bolchéviques et la troupe hésite. Mais lui vit toujours dans les palais gouvernementaux et ne nous épargne rien des négociations et marchandages autour de la constitution du gouvernement, les manœuvres politiciennes, les débats stériles à la direction du Soviet, etc.

C'est cela qui rend l'ouvrage long, bavard et au final, un peu pénible. Personnellement, je recommande plutôt de faire comme Artza et de picorer les passages qui semblent intéressants.

[com_71]

lectures paisibles et désintéressées

Deux concepts à creuser ?

[Ottokar]

Au passage, j'ai regardé la fiche Wikipédia de sa femme, qui n'existe curieusement qu'en russe et en basque (Google trad est mon ami !).

Elle était bolchévik depuis avant 14, a été arrêtée, condamnée et rencontre Soukhanov durant la guerre, à la rédaction de son journal (celui qui précède la Novaia Jizn). Après février, elle est appelé à travailler à la Pravda, devient collaboratrice du CC, d'où le choix de son appartement pour la réunion discrète avant l'insurrection (en fichant son mari à la porte pour la soirée). Elle travaille dans divers organismes étatiques après octobre et malgré les ennuis de son mari, n'a apparemment pas été inquiétée : la fiche ne mentionne ni arrestation ni procès. Elle est morte de vieillesse (ce qui n'est pas si fréquent dans sa génération militante) à la fin des années 50.

Galina Konstantinovna Flakserman (Jaroslavl, 1888 - Moscou, 1958) était une militante bolchevique juive russe[1].


En 1902, alors qu'elle avait 14 ans, son neveu a été arrêté et Galina Flakserman a décidé de suivre son chemin. Issue d'une famille révolutionnaire, elle se familiarise rapidement avec les idées marxistes. En 1905, à l'âge de 17 ans, devient membre du parti bolchevik, a été arrêtée en 1906, 1907 et 1908, et à la suite de la dernière arrestation, déportée dans la province de Vologda jusqu'en 1910.[1]

En 1913, elle a commencé à travailler dans le magazine littéraire Sovremennik ("Aujourd'hui"), et entre 1915 et 1917, il a travaillé dans le magazine Letopis ("Chronique"); les deux magazines ont été soutenus et inspirés par l'écrivain Maksim Gorky. En 1917, elle était assistante au Comité central du Parti bolchevique (proche collaboratrice d'Elena Stasova) et employée du journal soviétique Izvestia ("Nouvelles"). Bien qu'elle n'ait pas été membre du Comité central, elle a organisé chez elle la fameuse réunion du Comité central le 10 octobre, au cours de laquelle les bolcheviks ont décidé de lancer une révolution armée.[1]

Après la Révolution d'Octobre, travaille au Commissariat du peuple au travail de la République soviétique, en tant que chef de la propagande. Entre 1919 et 1921, occupe un nouveau poste : à la tête du département des affaires intérieures du Comité central du parti bolchevik. Entre 1921 et 1925, travailla à la Maison d'édition d'État soviétique (toujours avec Gorki) et, à partir de 1925, fut le représentant du Syndicat international rouge en Allemagne et en Italie.[1]

Entre 1928 et 1930, elle est secrétaire de l'Institut Marx-Lénine. Dès lors, elle travailla dans des publications ; travaux les plus notables dans ce domaine entre 1936 et 1938 pour l'Académie soviétique des sciences, et entre 1944 et 1951 les postes d'édition des travaux de Maiakovsky. Entre 1942 et 1944, pendant la Grande Guerre patriotique, elle travaille dans l'Oural au département de la technologie. De 1951 à 1952 à nouveau, pour l'Académie soviétique des sciences, dans le département de littérature. Elle pris sa retraite en 1952 et est décédé en 1958.[1]

[Ottokar]

J'ai trouvé une excellente critique de la politique de ce bon Soukhanov par un certain Vladimir quelque chose, le texte est ancien, du 1er septembre 17 et lien est ici https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170914.htm

[Cyrano]

hummm, Ottokar, humm, l'article de Lénine est déjà signalé - avec le commentaire de Soukhanov.
Voir mon message 6e page, 09 Mai 2023 08:43.

Dis donc, ch'ai pas si beaucoup lisent Soukhanov, mais... beaucoup lisent nos messages!