Le Mans un congrès national du SNES pour rien
Voilà ce que devrait titrer l’US : sur l’action rien, sur l’école rien d’autre que les positions très dangereuses du secrétariat par rapport à la politique libérale et à la loi Fillon, rien de nouveau sur la précarité ou l’unification statutaire, au moment où l’offensive sur ces points est centrale, rien sur les politiques de décentalisation, de réforme de la fonction publique et de l’Etat, rien sur la démocratie, notamment aucun des amendements positifs aux statuts, comme le vote d’orientation avant les congrès et la suppression des votes de catégories, rien sur l’Europe qui apparaissait pour beaucoup comme l’enjeu du congrès, cet “enjeu” qui a vallu un vérrouilage sans précédent des délégations, pour une triste fête Unité et action, dont les “Ecole Emancipée” cogestionnaires de la direction syndicale se sont bornés à être les spectateurs-trices bieveillantEs, au grand dam de certainEs déléguéEs au titre “Ecole Emancipée”...
En tant qu’Emancipation, nous sommes intervenuEs sur tous les thèmes, en opposition claire avec la direction et en proposant à chaque fois des alternatives. Nous avons aussi, ce qui est nouveau, informé, à plusieurs reprises, avec un certain écho, les médias, sur l’incapacité de la direction au niveau des luttes, et sur les entorses à la démocratie, qui reviennent à tenter d’éliminer les tendances d’opposition au profit du couple lénifiant U et A “EE”-LCR.
Voilà une raison supplémentaire -s’il en est besoin- de voter et faire voter Emancipation pour la prochaine consultation nationale qui va déterminer l’orientation du syndicats pour les deux ans à venir, ô combien à risques...
Dans le débat sur l’activité et l’orientation,
Pierre Stambul est intervenu au nom d’Emancipation :
Il y a deux ans, le congrès du SNES s’ouvrait en pleine période de luttes. Après avoir joué son rôle dans les mobilisations, le SNES a participé au reflux du mouvement. Après avoir parlé « d’avancées significatives », il a sifflé la fin de la récréation. On assiste à un remake : après avoir mobilisé, le SNES a abandonné les lycéens en lutte. Pas de grève le jour du vote de la loi Fillon mais une manifestation un samedi après-midi qui ressemble à un enterrement.
Les conséquences des défaites de 2003 sont graves : retraites, décentralisation, liquidation des MI-SE, licenciement des emplois-jeunes, santé à deux vitesses, 35 heures, lois Fillon. L’offensive libérale est générale, véhiculée par les instances internationales, les directives européennes et le gouvernement.
Le congrès aura à se prononcer sur des questions-clés :
- La précarité. Le bilan des protocoles signés par le SNES est affligeant. La moitié des précaires licenciés à la rentrée. Une seule solution s’impose : la titularisation de tous, immédiate et sans préalable.
- L’école. Le SNES ne s’adresse pas aux jeunes des classes populaires. Il a accepté les classes de découverte professionnelle en Troisième qui livrent les jeunes au patronat.
- La laïcité. On ne peut pas défendre le service public et ne plus rien revendiquer face à l’école privée (40 % des élèves dans cette académie). Il faut exiger la nationalisation laïque.
- L’Europe. Il ne suffit pas de parler de la nocivité de la constitution. 55 % des sondés se sont prononcés mais pas nous. La constitution véhicule le libéralisme, la déréglementation, le dumping social. Il faut la rejeter.
- Les libertés. Des lois sécuritaires criminalisent les jeunes, les femmes, les pauvres, les immigrés. Nos élèves sont arrêtés dans nos classes. Le congrès devra exiger de façon unanime la libération des jeunes arrêtés au Mans ou de Kamel, jugé pour l’incendie de l’usine Daewoo.
Le SNES doit être unitaire, combatif et pluraliste. Le droit de tendance, ce n’est pas la collusion avec la direction, le SNES n’a aucun intérêt à une dilution des oppositions dans la direction syndicale.
Il y a deux ans nous étions École Émancipée (Stambul). Nous avons perdu (douloureusement) le sigle. Nous continuerons à incarner une alternative, un syndicalisme de lutte, s’appuyant sur l’auto-organisation, un syndicalisme pour gagner.
Les débats du thème 1 n’ont pas permis ( parfois à peu de voix près )
de remettre en cause les positions du Secrétariat qui s’accommodent
d’une école de plus en plus ségrégative.
La position U et A de diversification des voies du collège est exploitée par le pouvoir pour parquer les élèves dans des filières dès la troisième, en attaquant la seconde indifférenciée. Au lieu de prendre acte de l’opposition massive du congrès à cette évolution, le Secrétariat national campe sur des positions très dangereuses sur la « découverte professionnelle », sur l’orientation précoce des élèves, sur l’apprentissage et sur le choix contestable de négocier les textes d’application de cette loi, plutôt que de continuer à se battre pour son abrogation. Refuser en bloc cette loi, ce n’est pas défendre l’immobilisme et le système actuel, comme la propagande gouvernementale voudrait le faire croire.
Une réelle démocratisation scolaire ne peut s’envisager que dans une rupture avec le système capitaliste et avec le développement de l’école du tri social qui contribue à perpétuer ce système : une scolarité sans rupture ni orientation jusqu’à la fin du lycée actuel, donnant à tous les jeunes, dans un même lieu de socialisation, accès à une culture émancipatrice à un rythme adapté à chacunE, une culture polyvalente et polytechnique intégrant en une seule voie de formation culture générale, professionnelle et technologique. Cela impose bien sûr de repenser un système de formation initiale et continue préparant tous les personnels à la mise en œuvre des pédagogies émancipatrices.
Dans le thème 2 les surenchères corporatistes de la direction ont empêché
de prendre la mesure des attaques, qui rendent encore plus vaine cette orientation catégorielle :
Le corporatisme poussé à l'extrême ! Alors que les coups pleuvent, que la casse des services publics et des statuts est largement entamée, les congressistes ont passé des heures à se demander s'il fallait porter le niveau de recrutement des enseignantEs du second degré au master ou quelle serait leur place dans la nouvelle échelle indiciaire de la Fonction Publique…
Au lieu d'organiser la lutte contre les réformes dévastatrices en cours ou à venir, le SNES s'y adapte ou anticipe leur mise en œuvre en essayant de sauver quelques miettes !
Le seul point ayant fait l'objet d'un débat serré est l'idée géniale du S3 d'Aix-Marseille - déjà avancée il y a 2 ans et qui faisait depuis l'objet d'un mandat d'étude - de faire appel à des listes complémentaires comme dans le premier degré pour résorber la précarité : idée finalement - et heureusement - abandonnée.
Nous avons déposé 2 motions, l'une sur la titularisation immédiate de touTEs les précaires sans condition de concours ni de nationalité, l'autre sur la nécessité de revendications unifiantes (augmentations uniformes, retour des TOS dans la Fonction Publique d'Etat, unification des corps des personnels des services publics…) pour faire pièce à la division.
Nouveauté : l' « EE »a également proposé une motion demandant la "titularisation immédiate sans condition des non titulaires, en poste et au chômage" et non plus un plan de titularisation, mais propose quand même "un plan d'action nationale [pour faire] voter dans les CA des avenants aux contrats de travail [des assistants d'Education pour] obtenir des conditions de service se rapprochant de celles des MI-SE". Enfin, pour l' « EE », le corps unique se limite désormais aux enseignants du second degré, agrégés et certifiés !
Pour le thème 3, outre notre motion laïque, nous avons présenté un texte d’actualité pour nous insurger contre la déification par la « république » d’un pape des plus malfaisants, motions votées plus largement que nos rangs. Pour le reste du thème, nous avons ciblé sur l’indépendance du syndicat par rapport aux réformes :
Ce thème concernait des questions brûlantes : le service public, son existence, son fonctionnement. On ne peut dire que les réponses formulées par la majorité du congrès soient d’une grande clarté.
LOLF, “ réforme de l’Etat ”, loi Fillon, décentralisation… vont mettre en place des instances de “ dialogue social ” destinées à “ occuper ” les organisations syndicales et en fin de compte à rechercher leur caution et leur participation à la mise en place des contre-réformes. Le congrès du SNES voit ces menaces libérales. Mais il tend aussi à penser que, pour les neutraliser, il suffirait que l’application des contre-réformes s’accompagne d’un bon “ dialogue social ” avec les organisations syndicales ! pour la direction du SNES le “ pilotage ” du système éducatif : c’est être un bon co-pilote… avec le ministère ?
L’Emancipation est intervenue pour rappeler le danger que cette dérive représente, et pour que l’activité syndicale reste fondée sur l’action de la base et des AG souveraines.
Sur la laïcité, la direction du SNES persiste à ne pas voir la nécessité d’en finir avec le dualisme scolaire public/privé, alors que l’Emancipation a montré les dégâts qu’il produisait sur l’école publique : la nationalisation laïque de l’enseignement privé est bien un nécessité.
Au niveau du thème 4 (syndicalisme), la seule timide avancée s’est faite
sur une dénonciation plus claire de la politique sécuritaire et de la répression antisyndicale,
mais pour le bilan de 2003, pour la stratégie des luttes pour gagner, pour une unification syndicale qui soit autre chose qu’une confédération de plus à la remorque de la CES
(avec si possible les syndicats de l’enseignement privé), il faudra attendre le prochain échec… dont nous avons expliqué qu’il risquait bien d’être le dernier.
Le secrétariat national s’est livré à une analyse a posteriori du mouvement du printemps 2003. Pour lui, tout baigne et le SNES n’a rien à se reprocher. Bien sûr, il y a eu pas mal de départs du syndicat, il va y avoir beaucoup de syndiqués qui vont partir à la retraite (et qui pourraient quitter le syndicat) et les jeunes rechignent à adhérer. Mais toutes ces questions sont examinées en terme de marketing syndical. Jamais les questions du sens du syndicalisme ou de son lien aux luttes ne sont posées. Le SNES continue de théoriser sur la non-représentation des AG et des coordinations. Il continue sa fuite en avant engagée à Perpignan sur l’élargissement sans fin de la FSU. Il est significatif que le seul amendement non proposé par le rapporteur qui ait été voté porte sur l’organisation en branche de la FSU, comme si elle était (déjà) la 6e confédération.
Sur les statuts du SNES, toutes les modifications de bon sens que nous soutenions (suppression du vote par catégorie, un seul vote sur les rapports d’activité et sur l’orientation tous les deux ans avant le congrès national) n’ont pas obtenu les 2/3 des mandats nécessaires.
Sur les droits et libertés et la situation internationale, nous avions travaillé en commission et fait intégrer diverses propositions (Roland Veuillet, réseau éducation sans frontière, soutien aux manifestants du Mans emprisonnés, Palestine). Nous avons donc voté la motion.
Sur l’entrée de la FSU dans la CES, nous avons fusionné notre motion avec celle du S3 de Lille qui affirmait le même refus de rejoindre cette officine libérale. 80 voix sur 450 avec l’EE-LCR se cassant en deux sur cette question ! Il y a encore du travail.
Sur l’Europe, qui faisait, avec l’action l’objet de commissions préparatoires spécifiques,
le secrétariat avait verrouillé, bien en amont du congrès. Nous sommes intervenuEs sur l’importance des luttes et sur la nécessité de se prononcer pour une école laïque au niveau européen, sur la base de la thèse de notre ami Benoît Mély, qui nous manque beaucoup,
dans cette période de commémoration de la loi de 1905, où les valeurs laïques sont oubliées
Le rapport de forces contre le traité constitutionnel se construit dans les initiatives européennes, voire plus larges, dans lesquelles le SNES se doit de prendre toute sa place (notamment celles qui refusent, contrairement à la FSU, de rester à la remorque des initiatives de la CES), comme les marches européennes contre le chômage, la marche mondiale des femmes, l’initiative contre la précarité du Réseau syndical européen… Mais ce rapport de force il se joue aussi dans les luttes des différents pays et notamment dans les mobilisations en cours en France.
La progression du NON au traité constitutionnel est à mettre en rapport avec le développement des luttes lycéennes et interprofessionnelles, ce qui doit conduire les partisans du NON à conforter ces luttes sur le terrain.
Réciproquement, il apparaît assez clair qu’un succès du NON au référendum ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur les luttes en cours, sur leur dynamisation, leur convergence, et sur la fragilité des interlocuteurs gouvernementaux.
Pour cette raison, une réponse authentiquement syndicale pour combattre le traité constitutionnel et la logique libérale qui l’inspire, se construit avant tout dans les luttes au niveau national comme européen, mais aussi avec tous les moyens de faire échec à l’adoption de ce traité, dont le référendum du 29 mai.
Le SNES doit militer pour l’abandon de ce projet de Constitution Européenne, dans les établissements et dans la rue, comme dans les urnes. Il doit proposer une campagne syndicale unitaire sur ces bases.
La question de l’action a été celle qui a été traitée dans ce congrès de la façon la plus affligeante, par le refus d’ouvrir le congrès sur cette urgence, par la portion congrue qui lui a été réservée vendredi, avant la clôture du congrès. La direction s’est bornée à proposer aux confédérations une initiative interprofessionnelle pour le lundi de pentecôte, le 16 mai ce qui signifie (quand on connaît l’influence de la FSU et a fortiori du SNES) rien de plus sur l’interpro, que ce que peuvent décider les confédérations et rien sur l’éducation, champ de responsabilité du SNES.
A part ça les lycéens peuvent continuer d’attendre, et les personnels aussi.
En conséquence, Emancipation continuera de contribuer au développement des luttes en cours,
en mobilisant ses militants présents aussi bien dans le SNES que dans les autres syndicats
(… mais pour l’instant, sans le SNES !).
D’où la présentation, ci dessous, de la motion Action d'Emancipation par Catherine Dumont
« La motion action proposée par le rapporteur n'est pas du tout à la hauteur des enjeux.
Une proposition forte sur l'action était attendue dès l'ouverture de notre congrès. Or, la direction de notre syndicat n'a pas accordé au débat sur l'action la place qui s'imposait. Elle a tout fait pour que soit adoptée une position a minima dont elle a le secret : "partout où c'est possible", sans même citer la grève…
Pourtant, la lecture médiatique de cette position a fait que ce message formel a été entendu comme un soutien sans ambiguïté aux lycéens et aux lycéennes et à leurs formes d'action. Si nous ne voulons pas que ce soutien soit un leurre, il est urgent de le concrétiser.
Nos avons dit à plusieurs reprises que l'enjeu de ce congrès était de reprendre la lutte : ce matin, nous sommes au pied du mur.
Le SNES doit rejoindre les lycéens et le lycéennes dans la lutte de toute urgence, et ce d'autant plus que la répression s'abat sur eux. Il doit le faire clairement, par un appel à la grève dès la semaine prochaine où encore deux tiers des académies sont en activité. Appel à proposer à la FSU et à une intersyndicale qui cesse d'exclure SUD et le CNT.
Du fait du succès du 20 janvier et du 10 mars, mais aussi du fait de la détermination lycéenne, les personnels sont en train de dépasser l'échec de 2003. Cet appel à la grève rapide de l'Education est donc essentiel.
Il est indispensable également pour le développement de la mobilisation interprofessionnelle qui ne peut être assurée par une succession de journées d'action. Une mobilisation forte et continue dans un secteur est en effet une élément déterminant, et cela, seule l'Education est en capacité de le faire actuellement.
Le SNES a la responsabilité dans son secteur comme dans le cadre interprofessionnel de préparer la grève générale, seule en capacité de mette un coup d'arrêt aux politiques de régression sociale menées en France et en Europe.
Lancer aujourd'hui un appel clair à reprendre la lutte dans l'Education, y contribuerait largement.
En conclusion de ce congrès d’un autre âge, complètement coupé de la réalité de l’agression du pouvoir et des luttes déterminées
et courageuses qui s’y opposent, nous ne pouvons qu’appeler
- à renforcer ces luttes malgré les directions syndicales réformistes, au premier rang desquelles celle du SNES, qui attendent toujours
de négocier l’attaque d’après, sans voir qu’ils n’ont déjà plus rien à négocier.
- à faire échec par tous les moyens au traité constitutionnel,
les luttes comme les urnes
- à rejoindre l’Emancipation intersyndicale
(contact [url=mailto:raymond.jousmet@wanadoo.fr]raymond.jousmet@wanadoo.fr[/url] )
et à s’abonner à L’Emancipation syndicale et pédagogique
contacter Colette Mallet, le Stang, 29710 Plogastel-Saint-Germain
- à participer massivement au vote d’orientation national du SNES
et à voter EMANCIPATION