Les médias de gauche et Lutte Ouvrière

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Barnabé » 10 Nov 2003, 00:18

CITATION (passer un concours comme le CAPES est difficile, mais quand on milite en même temps à LO c'est carrément héroïque), [/quote]
Quand on voit le nombre de copains profs, on se dit quà LO c'est plein de héros.
Barnabé
 
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Message par Stanislas » 11 Nov 2003, 13:28

Il est assez bizarre qu'ayant mis en ligne le texte qui ouvre ce sujet (voir ici le texteen question, sur le site mondialisation.org), on ait prudemment ( pudiquement ?) évité d'en livrer les suites, dont voici un extrait :

CITATION

De Malatesta à Arlette Laguiller, un gouffre révélateur

"Le gourou et la travailleuse"

Un marxisme momifié

LO entretient un véritable culte des intellectuels marxistes fondateurs (Marx, Engels, Lénine, Plekhanov, Luxembourg et Trotsky) qu'elle pare de toutes les vertus, afin de mieux les opposer aux intellectuels marxistes qui les ont suivis. De manière caricaturale, elle affirme ainsi que « l'intelligentsia a été le vecteur principal de la dégénérescence des organisations ouvrières » et que « dans les années trente la dégénérescence stalinienne des différents partis communistes n'a pas dû grand-chose à l'intégration d'une couche d'ouvriers (…) mais beaucoup à la trahison des intellectuels, voire à leur intégration dans la société » (2).

Pourquoi LO démonise-t-elle ainsi les intellectuels, en général, et les charge-t-elle d'une culpabilité historique démesurée ? Quel est son objectif lorsqu'elle tord le bâton dans un sens et caricature ainsi ses propres positions ? Évidemment pas de fournir une explication solide de ce qu'il est convenu d'appeler la contre-révolution stalinienne ou les périodes de reflux du mouvement ouvrier. Non, il s'agit seulement d'un raisonnement à usage interne.

En effet, ces accusations lui permettent d'ignorer ou de dévaloriser les contributions de tous les intellectuels marxistes critiques depuis les années 20, quitte à s'en inspirer, mais sans le dire, et à utiliser également les contributions d'intellectuels « bourgeois », mais sans jamais reconnaître sa dette à leur égard. L'opposition constante entre les bons intellectuels du passé (grosso modo jusque dans les années 20) et les méchants intellectuels du présent (depuis 80 ans !) contribue à figer tous les militants dans un respect rigide, à les infantiliser vis-à-vis d'un passé glorieux et mythique. En effet, qui sont-ils auprès des géants qu'étaient leurs ancêtres, ceux qui ont vécu et combattu durant la période ascendante du mouvement ouvrier ?

Ce procédé bloque toute réflexion politique nouvelle au sein du groupe, toute remise en cause possible des écrits des pères fondateurs, et rend impossible tout approfondissement de la théorie révolutionnaire. Et cette technique permet enfin d'assurer la domination intellectuelle d'une minorité de dirigeants sur la masse des militants.

Cette démonisation de l'intelligentsia a été utilisée aussi pendant un temps par les bolcheviks en Russie avec le résultat désastreux que l'on sait : on a humilié, persécuté, emprisonné dans des camps, fusillé des dizaines de milliers de personnes en fonction de leur seule origine sociale petite-bourgeoise, tout en donnant aussi à d'autres « intellectuels » ou aux mêmes des privilèges exorbitants pour qu'ils collaborent avec l'État. soviétique. L'anti-intellectualisme de LO peut donc se réclamer d'un sinistre précédent.

Précisons tout de même : la formation politique de LO est relativement variée, tant au niveau des romans que des livres théoriques qu'elle fait lire à ses sympathisants. Et personne n'interdit aux militants de lire d'autres livres que ceux de la liste « obligatoire ». Mais comme les discussions sont strictement cantonnées à un dialogue en tête à tête autour d'un livre, le hasard joue un rôle démesuré dans le processus de formation.

Le jeune sympathisant qui est pris en « liaison » (formé) par un militant à l'esprit curieux, un peu hétérodoxe, aura la chance de voir ses horizons s'ouvrir un peu. Mais s'il tombe sur quelqu'un qui ne sait que lui répéter ce qu'il vient de lire, son sens critique ne s'affinera guère. Sans compter que ce mode de formation repose sur un rapport de domination et de contrôle maître-élève assez éloigné des principes de la pédagogie moderne.

La discussion politique collective devrait jouer un rôle essentiel de formation. Or, les militants de LO n'osent pas critiquer la direction, ou proposer une orientation nouvelle, car ils vivent dans la peur constante d'être « contaminés » par les idées petites-bourgeoises, concept creux et à contenu variable, mais fort pratique pour intimider tout contestataire.

Ce devrait être, par exemple, le rôle d'une revue théorique révolutionnaire que de critiquer les théories « bourgeoises » qui modèlent la pensée des classes dominantes et dominées. Car après tout, pourquoi rassembler dans un même groupe des centaines d'hommes et de femmes, si ce n'est pour mettre leurs savoirs en commun et à partir de là progresser ensemble ? Mais LO a tellement peur que la discussion lui échappe, qu'elle néglige la polémique publique avec les grands idéologues bourgeois et préfère que ses militants gardent leurs connaissances pour eux, n'en fassent qu'un usage clandestin, privé. Un comble pour une organisation qui se réclame du collectivisme !

LO a publié un recueil de témoignages de sympathisants et militants intitulé Paroles de prolétaires. En soi, l'idée était bonne : montrer que la classe ouvrière existe toujours et qu'elle continue à subir des conditions de travail très dures, qui aboutissent à une usure physique et psychique intolérable, sans compter les maladies professionnelles, les accidents du travail, etc.

Mais il est sidérant qu'avec un capital aussi riche en militants, dans de nombreux secteurs d'activité, LO se soit refusé à développer une réflexion plus générale sur les changements apportés par l'informatique et l'automation dans l'organisation du travail, l'évolution de la hiérarchie, le travail intérimaire, le travail posté, etc. afin de mieux définir et comprendre le capitalisme français aujourd'hui. LO possède l'implantation nécessaire, l'expérience syndicale et politique, les moyens intellectuels et militants, et elle se contente d'aligner des témoignages. Pourquoi craint-elle tant de passer du particulier au général, de faire travailler ensemble militants ouvriers et « extérieurs » pour réfléchir collectivement, et dépasser la simple description du quotidien subi à l'usine, au bureau, à l'hôpital ou sur les chantiers ? Une telle peur ne s'explique que par une conception de l'organisation et de la théorie révolutionnaire extrêmement étriquée, doublée d'une méfiance totale vis-à-vis de ses propres militants.

Science petite-bourgeoise et science prolétarienne (Lyssenko ?  :hin: )

Pour mieux faire comprendre la position de LO, il faut la caricaturer. En fait, c'est un peu comme si LO reprenait à son compte la division, de triste mémoire, entre science bourgeoise (dans le cas de LO : petite-bourgeoise) et science prolétarienne. La science prolétarienne, ce serait, grosso modo, celle des marxistes jusqu'à la mort de Trotsky en 1940 (mais en excluant tous les marxistes non orthodoxes, comme Bordiga, Lukacs, Pannekoek, Otto Rühle, Otto Bauer, Wilhelm Reich, et bien d'autres). Et cette science serait un bloc compact, indiscutable, valable jusqu'à ce que, tel le Messie revenant sur terre, un ou des intellectuels modestes et sincères se mettent au service du prolétariat et fassent avancer la théorie révolutionnaire. La science petite-bourgeoise, d'un autre côté, ce serait tous les marxistes depuis 1940 (voire avant), et évidemment tous les intellectuels non marxistes, dans toutes les sciences humaines depuis presque un siècle. Même une discipline comme la psychanalyse, qui intéressait fort Trotsky, et aux services desquels il a eu recours pour l'une de ses filles, n'est pas prise en compte par LO. Ne parlons pas de la sociologie, de la science politique, de l'ethnologie, de l'anthropologie, etc.

La modestie : une arme à usage interne

Mais LO utilise aussi un autre argument que celui de la « trahison des intellectuels » : lorsqu'elle se refuse à développer son capital théorique, elle le fait au nom de la modestie. Cette modestie contraste d'ailleurs étrangement avec ses certitudes affichées publiquement dans presque tous les domaines et sur presque tous les sujets, et les leçons qu'elle donne à tous les autres groupes et partis. De plus, il est étonnant qu'un groupuscule qui prétend contribuer à sauver l'humanité de la barbarie, préparer une révolution mondiale, puisse se donner des airs modestes, vu les dimensions planétaires de son projet. Quoi qu'il en soit, ce thème de la modestie, de l'humilité, est essentiel pour comprendre le fonctionnement interne de LO.

Tout individu qui critique ne serait-ce qu'un point de détail est remis à sa place au nom de la modestie ou poussé à définir sur-le-champ un contre-programme complet. Et s'il s'entête à poser des questions, à ruer dans les brancards, on le présente comme un petit bourgeois prétentieux ou carriériste, ou tout simplement un emmerdeur. Il faut avoir une force de caractère peu commune, posséder déjà une personnalité affirmée avant d'intégrer l'organisation, pour rompre avec un tel endoctrinement. Et c'est en partie pourquoi il y a si peu de tendances, de fractions ou de scissions politiques à LO. Lorsqu'on lit les bulletins intérieurs publiés par la « Voix des Travailleurs », le niveau de la discussion entre le dernier groupe de militants exclus de LO en 1997 et la direction est consternant. Pendant des pages et des pages, les protagonistes se plaignent du peu de substance du débat, mais curieusement ils n'arrivent pas à en déterminer les causes. Alors, exaspérée, la direction se livre à des attaques personnelles et la minorité se plaint de la méchanceté de la direction.

Mais aucun des protagonistes ne se rend compte que la médiocrité de la discussion tient au piètre statut de la théorie et de la discussion politique au sein de l'organisation - statut dont ils sont tous les deux responsables. L'organisation coopte des militants qui ont intégré dans leur personnalité, dans leur subconscient, l'idée qu'ils sont insignifiants par rapport à des géants comme Marx, Trotsky ou Lénine, ce qui semble assez évident, mais aussi par rapport à ceux qui les dirigent, ce qui est déjà plus contestable.

Accordons à LO que cela part d'une nécessité élémentaire : une organisation ne peut rediscuter ses bases théoriques chaque fois qu'elle recrute un nouvel adhérent, aussi intelligent, dynamique ou cultivé soit-il. Une organisation révolutionnaire sert à agir, pas seulement à discuter. Mais une organisation vivante et efficace n'est elle pas aussi une organisation qui sait préparer la relève de ses cadres ? Et une telle relève est-elle possible sans laisser une chance aux plus jeunes et aux moins expérimentés ? De plus, la théorie et l'action sont censés s'enrichir mutuellement, et non être en perpétuelle opposition, comme c'est le cas à LO.

Son fonctionnement rigide fait de LO une organisation très conformiste sur le plan intellectuel et politique, dont la vie n'est jamais rythmée par des discussions politiques ou théoriques significatives. Et quand ces discussions éclatent, c'est toujours dans un climat d'exaspération et de suspicion qui vise à faire taire au plus vite les dissidents, et à retourner rapidement « au boulot ». Un dernier élément joue également un rôle : la direction se méfie de ses cadres, qui se méfient des militants, qui eux-mêmes se méfient des sympathisants. LO est engagé dans une spirale de méfiance, une dynamique du soupçon, qui la paralyse régulièrement et l'amène aussi à adopter une attitude conservatrice ou timorée vis-à-vis de tout mouvement qui ne rentre pas dans ses schémas préconçus. Mais peut-être cela est-il l'un des effets de sa compréhension particulière du léninisme. Emma Goldman faisait déjà remarquer, il y a fort longtemps, que les bolcheviks avaient fort peu confiance en les capacités des travailleurs et des masses exploitées de gérer eux-mêmes la société, de construire un nouveau mode de production. Raison pour laquelle ils pouvaient théoriser sans complexe leur substitutisme et la dictature du Parti.

Plan média et dogmatisme : une contradiction insoluble

Un tel conformisme ne fait pas bon ménage avec un « plan média » efficace pour diffuser une image positive de LO et d'Arlette Laguiller. Là encore, LO est prise dans une contradiction insoluble : elle veut à la fois se présenter comme une organisation vivante, ouverte, mais elle s'empêche elle-même toute innovation théorique d'envergure. Nuançons tout de même la critique. Cette affirmation n'est pas tout à fait exacte en ce qui concerne l'analyse des démocraties populaires, de la Chine, de Cuba, et des mouvements de libération nationale, où LO a « innové » en s'inspirant, mais sans le reconnaître officiellement, des analyses des courants dits « capitalistes l'État ». Il suffit de lire les textes de Socialisme ou Barbarie des années 50 et 60 sur ces questions et de les comparer avec ceux de LO. Cela explique en partie pourquoi cette question a déjà provoqué plusieurs fois des conflits au sein de l'organisation, car le socle théorique de LO repose sur des contradictions explosives et insolubles.

D'autre part, il faut reconnaître que, contrairement aux « lambertistes » du PT, LO ne répète pas constamment que les « forces productives » ont « cessé de croître » depuis 1938 ! Mais cette révision d'un point important du Programme de transition a été effectuée de manière clandestine par LO, sans la moindre explication politique publique, sans la moindre réflexion autonome, ouvrant ainsi la porte à toutes les affirmations fantaisistes (il suffit de lire ce qu'écrit encore LO sur la Russie d'hier et d'aujourd'hui). En effet, reconnaître une telle « révision » du programme trotskyste (qui n'est pas bénigne puisqu'elle touche aux capacités d'évolution du capitalisme) pourrait suggérer à certains militants que si Lev Davidovitch a pu se tromper sur un problème aussi important, il s'est peut-être fourvoyé sur d'autres questions... Dans le même ordre d'idées, les militants de LO lisent le Traité d'économie marxiste d'Ernest Mandel, mais jamais LO n'en a fait la critique, en soulignant ses points d'accord et de désaccord avec le théoricien le plus important de la Quatrième Internationale. Pourtant, il est difficile de nier que les idées avancées dans ce livre aient des conséquences politiques importantes.

Tant que LO vivait en vase clos, une telle frilosité, un tel conservatisme idéologique n'avaient aucune conséquence pour son image de marque. Dans le grand public, personne ne connaissait les textes des quelques individus qui quittaient LO ou en étaient exclus. Maintenant qu'elle a choisi de s'exposer régulièrement sur le terrain électoral, qu'elle a des conseillers généraux et des députés européens, LO doit rendre des comptes à des journalistes qui ne sont absolument pas impressionnés par le dévouement de ses militants, le nombre de ses bulletins d'entreprise ou l'efficacité de sa stratégie syndicale. Et qui font flèche de tout bois pour la discréditer par tous les moyens, quitte à puiser des anecdotes croustillantes dans les bulletins intérieurs, ou dans les interviews des ex-militants de LO pour disqualifier Arlette Laguiller. Face à ce tir de barrage, il ne suffit pas de jouer les victimes de la phallocratie(4), de la vénalité ou du manque d'éthique des journalistes en quête de sensationnel.

Un défi à relever ?

Depuis la création de l'Opposition de gauche, dans les années 20, et son expulsion des partis communistes, le courant trotskyste, n'a jamais pu, dans aucun pays, constituer un parti de masse. Pendant des décennies, les trotskystes ont invoqué des « conditions objectives » qui n'étaient pas mûres, la répression dont ils étaient victimes, l'emprise des sociaux-démocrates et des staliniens sur la classe ouvrière, etc. Même si l'explication qu'ils fournissent pour rendre compte de leurs échecs n'est guère satisfaisante, force est de reconnaître qu'ils militaient dans des situations extrêmement difficiles.

Depuis la disparition de l'URSS et des démocraties populaires, les partis communistes européens sont en pleine crise comme le montre, entre autres, le score de Robert Hue aux élections présidentielles. Quant aux partis sociaux-démocrates, il y a belle lurette qu'ils ont perdu leur base ouvrière militante. Une occasion s'ouvre donc peut-être aux groupes révolutionnaires, et notamment aux trotskystes, de démontrer la validité de leur projet dans des circonstances incomparablement plus favorables, au sein des pays capitalistes développés. Face à ce défi, on voit difficilement comment LO, tout comme les autres groupes d'extrême gauche, pourrait sortir de son état groupusculaire sans s'imposer des révisions déchirantes. Mais veulent-ils vraiment sortir de leur isolement et s'atteler à une remise en cause radicale ? Il est à craindre que le conservatisme et le dogmatisme l'emporteront, aussi suicidaires soient-ils. (Y.C.)

Notes

2. Citations extraites de la brochure Fausses raisons d'une exclusion, publiée en mars 1997 par le groupe VdT. 3. Idem. 4. Signalons que cette hostilité personnelle contre Arlette Laguiller en tant que femme, n'est pas seulement le fait de journalistes de la grande presse (masculins et féminins d'ailleurs), elle est aussi partagée par certains libertaires, comme en témoigne par exemple le site a contre courant.org qui, sous prétexte d'humour, se montre particulièrement répugnant et haineux à l'égard de la porte-parole de Lutte Ouvrière.

De Malatesta à Arlette Laguiller : un gouffre révélateur (28 mai 2002)

Cette semaine, Le Monde Libertaire ( note perso : organe de la FA et non d'OCL) et Lutte Ouvrière traitent de la question des élections, chacun bien sûr à sa façon, mais les problèmes qu'ils posent sont au fond les mêmes. La Fédération anarchiste republie un texte de Malatesta, écrit le 15 mai 1924, sur les « anarchistes électionnistes », qui choisissent de voter dans certains cas bien précis. Le révolutionnaire italien décrit notamment l'évolution du mouvement ouvrier français qui fut antiparlementaire à ses débuts et s'effondra dans l'Union sacrée en 1914. Il met en avant deux explications, un peu courtes mais toujours actuelles, pour cette « involution » :  « la fringale du pouvoir »,  et « le désir de concilier le renom de révolutionnaire avec la vie sereine et les petits avantages que s'attire celui qui rentre dans la vie politique officielle, même en tant qu'opposant ».

Voilà qui devrait faire réfléchir nos trotskystes hexagonaux qui se présentent à toutes les élections en jouant les coquets et les coquettes, c'est-à-dire en prétendant ne pas vouloir vraiment être élus. Cette semaine, Lutte ouvrière dénonce, dans un article intitulé « Les électeurs en démocratie surveillée », « tous les filtres mis en place pour empêcher que les électeurs soient représentés par des femmes et des hommes qui les représentent réellement et qui n'auraient pas peur de dénoncer ce qui se fait à l'Assemblée ou dans ses coulisses ». Mais la critique de l'État bourgeois se résume-t-elle à dénoncer des « filtres » et à proposer de « révoquer ceux qu'ils ont élus et ne tiennent pas parole » ? En clair, à réclamer des référendums systématiques ou de nouvelles élections dans le cadre du système actuel ?

J'avais cru comprendre que les révolutionnaires souhaitaient faire vivre et prospérer d'autres structures que le Parlement : conseils de quartiers et d'usine, commissions de travailleurs, associations de locataires, de paysans producteurs, et j'en passe. Pourquoi passer cet aspect essentiel sous la table ? Parce qu'il est utopique dans la situation actuelle ? Franchement pas plus utopique que de réclamer « l'interdiction des licenciements », « la levée du secret bancaire », l'« ouverture des livres de comptes » et autres mesures totalement impossibles à imposer sans une situation pré-révolutionnaire. Or LO ne pense pas que la France se trouve dans une telle situation.

Dans son texte de 1924, Malatesta montre aussi comment les anciens « antiparlementaires » utilisèrent ce qu'il appelle la « note sentimentale » : il fallait voter pour obtenir « l'amnistie pour les communards », « libérer le vieux Blanqui » qui se mourait en prison, etc. Et déjà on employait l'argument qu'il fallait « voter pour se compter » (cela ne vous rappelle rien ?). « Et puis, quand le fruit fut mûr, c'est-à-dire quand les gens furent persuadés d'aller voter, on voulut être candidat et député sérieusement ». Certes, Lutte Ouvrière n'en est sans doute pas encore là, mais qu'est-ce qui pourra la prémunir contre une telle involution ?

En tout cas, pas certains aspects de son programme comme en témoigne l'intervention d'Arlette Laguiller à la fête de LO, reproduite dans LO du 24 mai 2002 : « Parce que moins d'impôts, cela voudra dire moins de moyens pour une police humanisée, plus présente en permanence, au contact de la population, de jour comme de nuit, si c'est pour assurer la sécurité des personnes. » Cette déclaration coexiste et contraste avec un article, sur la page suivante, dont le titre est « La fumée des flash-balls et ceux qu'elle vise » et qui se termine par la phrase suivante : « Car si la bourgeoisie et son l'État ont besoin d'une police, c'est pour assurer leur propre sécurité, au besoin contre la population. » On se trouve bien là au nœud de la question. En l'absence de mouvement social, de luttes importantes de la classe ouvrière, de petits groupes révolutionnaires se présentent aux élections et, pour attirer le chaland, ils s'aventurent sur le terrain de ce qu'ils appellent « l'insécurité » en prônant une « police humanisée, plus présente ». Et en même temps, ils expliquent que la création d'une telle police est impossible... Allez comprendre...

Certes, pour revenir à Malatesta, il ne suffit pas de « toujours rester purs », en clair de proclamer des positions radicales et de ne rien faire pour les défendre. Mais il faut aussi prendre la question à la racine. Sans mobilisation dans les quartiers populaires et ouvriers, sans une renaissance de la solidarité et de l'organisation sur tous les plans entre les habitants de ces quartiers, on voit mal comment la présence (hypothétique) d'une « police humanisée » (qui aurait des matraques en sucre d'orge et des pistolets à eau ?) pourrait changer quoi que ce soit. Mais il faut reconnaître à Lutte ouvrière le mérite de poser le problème... sans le résoudre. Les révolutionnaires sont-ils pour une « police humanisée » ou pour des milices ouvrières ? Ou pour les deux ?

L'expérience de la révolution russe dont se réclament les trotskystes m'inclinerait plutôt à penser que LO et la LCR seraient pour les deux, dans un premier temps, puis (qu'ils le désirent ou non) on passerait aux choses sérieuses : la construction d'un État dirigé par des révolutionnaires professionnels et soutenu par une police professionnelle, et entretenant une nuée de mouchards et de provocateurs pour fliquer la population, comme c'était le cas sous les bolcheviks, et dans tous les régimes qui se sont réclamés de la révolution russe jusqu'à aujourd'hui.

En défendant un programme maximaliste (l'abolition de l'État, de toute police, de toute armée) les anarchistes (note perso : de la FA) sont loin de résoudre tous les problèmes, comme l'exemple de l'Espagne en 1936 l'a bien montré, mais au moins ils rappellent certains principes élémentaires aux révolutionnaires qui, sur le terrain électoral, mettent leur programme dans leur poche.(Y.C.)[/quote]

NB : Ce qui n'en fera pas moins dire a " tata rama " et autre (ou identique) " kintaOi " sur un autre forum que la " Révolution Sociale " (dont je ne saisis pas toute la dimension si ce n'est une référence mal comprise à Bakounine, soit-dit en passant) de Peste Brown (mon "quolibet" attribué) est un blabla.
Stanislas
 
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Message par emman » 11 Nov 2003, 15:32

CITATION (Stanislas @ mardi 11 novembre 2003, 14:28)Il est assez bizarre qu'ayant mis en ligne le texte qui ouvre ce sujet (voir ici le texteen question, sur le site mondialisation.org), on ait prudemment ( pudiquement ?) évité d'en livrer les suites, dont voici un extrait :[/quote]
Peut-etre bien parce qu'il n'a pas beaucoup d'interet. Enfin je dis ca, mais j'avoue je ne l'ai pas lu jusqu'au bout et je n'ai pas l'intention de le faire... le debut m'a suffit... :halalala:
emman
 
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Message par quijote » 12 Nov 2003, 01:00

Pour répondre à ce texte malveillant , encore qu 'il est obligé d' admettre un certain nombre de faits et que l' explication qu 'il donne de l' attitude desmédias à notre égard , soit pertinente , je dois dire pour parler des intellectuels de Lo qu 'ils ne positionnent pas en tant que tels ; nous sommes des miltants , des communistes , avant tout ' professionnels " dirait -t-on , mais pas au sens " business" D 'ailleurs pour parler des profs , nombreux parmi les copains , et c' est très bien ainsi , il y a proprtionnellement parmi eux ,tous les mêmes niveaux qu 'ailleurs . mais au fond quelle importance ça peut avoir ? est-ce que le fait d' avoir un diplôme élevé , préjuge de la qualité de l' engagement d'un camarade ? Quant à notre critique du milieu" petit bourgeois ",quoique certains pensent , nous n' avons pas pour habitude de classer les gens : au contraire , nous sommes positifs , et pensons que chacun peut toujours donner le meilleur de lui -même , selon ses posibilités , sa disponibilité .. jamais , nous ne méprisons , ni renonçons à débattre avec qui que ce soit ,
quijote
 
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Message par Stanislas » 13 Nov 2003, 12:20

CITATION (quijote @ mercredi 12 novembre 2003, 01:00)Pour répondre à ce texte malveillant[/quote]
Le choix du terme " malveillant " - qu'il soit effectué de façon anodine ou non - porterait fort à démontrer qu'il y a une " morale " LO. Tout un monde... :blink: Mais cette réponse est sans doute elle-même malveillante.

Connotation métaphorique possible : Journal d'un curé de campagne ? (Bernanos).
Stanislas
 
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Message par faupatronim » 13 Nov 2003, 12:49

CITATION (Stanislas @ jeudi 13 novembre 2003, 12:20)Le choix du terme " malveillant " - qu'il soit effectué de façon anodine ou non - porterait fort à démontrer qu'il y a une " morale " LO.[/quote]
:hinhin:
Stanislas tu es très rigolo. Je pense aussi que ce texte est malveillant, c'est à dire qu'il cherche à discréditer ou à nuire à LO en parlant (de manière fort caricaturale et souvent carrément fausse) du petit bout de la lorgnette.

Mais sur la politique, pas grand chose. Sur pourquoi ce groupe a (très) relativement réussi par rapport aux anars ou aux autres groupes gauchistes, rien. Ou alors les militants de LO sont tous des branques, ce qui est une explication aussi, qui a ses adeptes (pas les plus malins).

Bref ça sent l'ex-militant aigri. Et ses lamentations sur les pauvres intellectuels de LO qu'on bâillonne, raisonnent comme le souvenir de son orgueil autrefois blessé. Le pauvre aurait-il été mésestimé à LO ? :hinhin:

CITATION Ce procédé bloque toute réflexion politique nouvelle au sein du groupe, toute remise en cause possible des écrits des pères fondateurs, et rend impossible tout approfondissement de la théorie révolutionnaire.[/quote]
Pour des tas de gauchistes, si tu ne laisses pas ta trace, ton texte, tu n'es qu'un mouton qui accepte sans broncher le message des grands anciens. Mais à les lire on se dit 99 fois sur 100 qu'ils auraient mieux fait d'utiliser leur stylo à des fins plus agréables que de rédiger des concentrés de phrases toutes faites et d'idées neuves déjà rejetées depuis 1 siècle. C'est l'effet que me font la plupart du temps les contribution qui se veulent d'intellos dans rouge, ne parlons pas, par charité, du monde libertaire.
Si on est à LO c'est parce qu'on est d'accord avec les "écrits des pères fondateurs", pas parce qu'on les subit...
faupatronim
 
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Message par Stanislas » 13 Nov 2003, 14:50

CITATION (faupatronim @ jeudi 13 novembre 2003, 12:49)Si on est à LO c'est parce qu'on est d'accord avec les "écrits des pères fondateurs", pas parce qu'on les subit...[/quote]
Donc si je pige bien, hors les " pères fondateurs " - soit Marx, Lénine et Trotsky - point de salut (même lorsqu'il se sont plantés, comme Marx par exemple dans ses analyses sur le colonialisme et sur la " salutaire " montée en puissance du prolétariat dans les pays " pauvres ").

Mandel c'est du pipi de chat ? (réponse probable : oui car c'était un curé), Lefebvre, Wittgenstein ... pouah !! Par contre peut être que Lyssenko trouve grâce aux yeux de LO ? Quant à Castoriadis n'en parlons pas, non plus que d'autres bien que mineurs tel par exemple Husson (normal il est à la LCR).

Nous sommes donc deux rigolos :(
Stanislas
 
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Message par faupatronim » 13 Nov 2003, 14:58

CITATION (Stanislas @ jeudi 13 novembre 2003, 14:50)Donc si je pige bien, hors les " pères fondateurs " - soit Marx, Lénine et Trotsky - point de salut

[/quote]
Ben non, visiblement tu piges pas bien. :-P

CITATION Mandel c'est du pipi de chat ?[/quote]
On lit Mandel à LO, ainsi que des tas d'autres. Où est le problème ?
Parce que je te dis qu'il est puéril de penser tout réinventer, c'est que rien n'est bon à part Marx ? Tout cela est un peu léger pour un intellectuel de ta trempe.

CITATION Nous sommes donc deux rigolos  :([/quote]
Certainement, mon cher, certainement. Le problème est d'en être conscient, justement. :hinhin:
faupatronim
 
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